République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7596
15. Projet de loi de MM. René Koechlin et Olivier Lorenzini modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987. ( )PL7596

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, est modifiée comme suit:

Art. 19, al. 4 (nouvelle teneur)

4 Les zones industrielles et artisanales sont destinées aux constructions industrielles, artisanales et ferroviaires. L'affectation à des activités industrielles comportant, notamment dans les domaines chimique et nucléaire, un risque d'atteinte grave à l'environnement fait l'objet d'unemention spéciale approuvée par le Grand Conseil. Aprèsconsultation de la commune, le Conseil d'Etat peut, s'il le juge opportun et dans l'intérêt général, affecter tout ou partie d'une zone industrielle à d'autres activités, notamment administratives ou commerciales. Dans ce cas, la zone est soumise aux règles de la zone de développement.

Art. 19, al. 7, note marginale (nouvelle)

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'avenir de la zone industrielle de notre canton est actuellement au centre d'une large réflexion.

Cette réflexion est liée à la situation de l'industrie, secteur de notre économie en constante régression depuis plusieurs années, ainsi qu'à la nécessité d'améliorer la compétitivité de l'économie genevoise en général, soumise à la forte concurrence de nos voisins, voire de pays plus lointains.

Selon les besoins et au gré des opportunités propres au développement et à la prospérité de Genève, il faut pouvoir affecter des parcelles sises en zone industrielle et artisanale à des activités commerciales et administratives qui s'écartent de la stricte conformité au régime de la zone. Une telle mesure pourrait, par exemple, permettre l'implantation d'un centre commercial en zone industrielle; ce type d'installation n'est conforme qu'aux trois premières zones, ce qui, en raison du prix du terrain, ne permet pas de l'y développer dans de bonnes conditions financières.

Par ailleurs, de nombreuses parcelles sises aux abords des échangeurs autoroutiers sont en zone industrielle. Ces secteurs bien situés conviennent particulièrement aux activités administratives et commerciales. Il faut donc pouvoir, au besoin, les affecter à ces dernières plutôt qu'à l'industrie qui s'inscrit parfaitement dans des lieux moins en vue ou moins publicitairement privilégiés.

Pour des raisons évidentes, l'assouplissement proposé doit pouvoir être décidé rapidement, en fonction des opportunités, sans passer par la procédure de modification du régime des zones. C'est pourquoi cette mesure doit être de la compétence du Conseil d'Etat, après consultation de la commune.

L'assujettissement de ces parcelles à la loi générale sur les zones de développement sera le garant d'une exploitation raisonnable de cet assouplissement.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous réserverez un accueil favorable au présent projet de loi.

Préconsultation

M. Christian Ferrazino (AdG). Avec ce projet de loi, MM. Koechlin et Lorenzini proposent, ni plus ni moins, que les déclassements de la zone industrielle interviennent, désormais, sur décision du Conseil d'Etat, et non plus sur décision du Grand Conseil.

Ce projet de loi ouvre la porte au grignotage de la zone industrielle, car il est illusoire de croire à l'introduction d'une mixité équilibrée des activités industrielles, artisanales et commerciales. Nous avons déjà quelques exemples, certes rares, de mixité dans la zone industrielle. Le plus connu est celui de la zone industrielle des Acacias qui ne comporte que les activités administratives du secteur tertiaire. Et c'est bien normal ! Dès qu'une mixité s'instaure dans une zone industrielle, la pression des prix est telle que le coût des terrains explose. Dès lors, le propriétaire de la zone sera tenté de l'affecter à des activités commerciales et administratives plutôt qu'à des activités industrielles et artisanales.

Ce projet est d'autant moins acceptable qu'il existe, aujourd'hui, plus de 300 000 m2 de locaux commerciaux vacants dans ce canton. D'autre part, de nombreux terrains disponibles se prêtent à l'exercice d'activités administratives. Par conséquent, il n'y a pas lieu de procéder à de nouveaux déclassements en zone industrielle.

Si ce projet de loi avait existé, voici deux ans, nous aurions un centre commercial sur le territoire de la commune de Thônex, puisque M. Joye voulait en autoriser la construction. Ce Grand Conseil, rappelez-vous, s'y était opposé. Si la compétence avait été donnée au gouvernement, ce centre commercial existerait aujourd'hui.

Obirama aurait reconstruit son centre commercial dans la ZODIM, à Meyrin. Après avoir débattu assez âprement, nous avions convenu, à la majorité, de refuser le projet contesté dans cette zone industrielle.

Un autre exemple est celui du bunker prévu par Pfister au chemin de l'Etang, à Vernier. Ce projet a été retiré par le département des travaux publics, puis réexaminé par lui; nous serons donc saisis d'un deuxième projet.

Si le projet de loi de MM. Koechlin et Lorenzini avait été en vigueur à l'époque, nous aurions eu ce bunker dont nous ne voulions pas.

Je relève que toute proposition de mixité dans une zone industrielle - visant au déclassement de ladite zone - l'est au profit de grandes entreprises, voire de multinationales. Rappelez-vous Fiat ! En revanche, nous n'avons jamais été saisis d'une proposition qui permettrait aux petites entreprises de concrétiser les projets qu'elles souhaiteraient réaliser dans ces zones.

Une fois encore, nous considérons que la zone industrielle doit être préservée. Si nous nous avisions de faire ce que suggère ce projet de loi, c'est-à-dire autoriser une mixité, donc le déclassement de cette zone industrielle en faveur d'activités commerciales, nous devrions, dans un second temps, débattre de propositions de déclassement de la zone agricole, car nous n'aurions plus assez de terrains, en zone industrielle, pour y installer des activités de type industriel.

Ce sont là des raisons suffisantes pour refuser ce projet de loi. Si vous souhaitez le renvoyer en commission, nous nous exprimerons pour tenter de vous convaincre de la nécessité de permettre à ce Grand Conseil de continuer à légiférer en matière de déclassements de zone et de renoncer à l'instauration d'une mixité qui aboutira, dans un premier temps, au déclassement des zones industrielles existantes et, dans un deuxième temps, à celui de la zone agricole.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Le présent débat m'étonne quelque peu. En effet, j'avais compris que M. Lorenzini vous demanderait, Madame la présidente, le regroupement de ces trois projets en un seul débat. J'attendais, pour intervenir, qu'ils aient été présentés par leurs auteurs, selon le processus habituel. Dès lors, permettez-vous, Madame la présidente, que l'on intervienne sur chaque projet ?

La présidente. Oui, à moins que tout le monde accepte que les projets soient traités ensemble. Le Bureau ne me paraît pas unanime. Etes-vous tous d'accord ? Oui ! Nous procédons au traitement des points 51, 52 et 53. Madame Bugnon, poursuivez !

Mme Fabienne Bugnon. J'interviens sur les trois points, Madame la présidente. Les projets de MM. Koechlin et Lorenzini remettent en cause la vision de l'aménagement du territoire et les principes admis à ce jour. Ils ont, néanmoins, le mérite de poser le débat et un certain nombre de questions. Le problème réside, évidemment, dans les réponses données. Nous estimons que ce ne sont pas les bonnes, en tout cas pas celles que nous pourrions attendre.

C'est le cas, en particulier, du projet de loi 7596 qui pourrait s'intituler «projet Obirama» ou «projet Coop». Les Verts le combattront vigoureusement. Son acceptation permettrait, ni plus ni moins, de faire n'importe quoi dans les zones industrielles et artisanales, aux seules fins de les rentabiliser.

Ce projet émane de parlementaires sans doute déçus d'avoir constaté que ce Grand Conseil n'était pas disposé à faire n'importe quoi de la zone industrielle, n'était pas prêt à la brader, puisqu'il a refusé, voici peu, l'implantation d'un centre commercial dans la zone industrielle de Meyrin.

Il est judicieux de parler de la zone industrielle et de son avenir. Nous avons ébauché cette discussion en commission d'aménagement et, je crois, en commission de l'économie. Cette discussion s'impose. Ce projet de loi ne nous permettra pas de poursuivre sereinement nos débats, et je le regrette.

Le projet 7597...

La présidente. Vous reprendrez la parole ensuite.

Mme Fabienne Bugnon. Très bien !

Mme Alexandra Gobet (S). Le parti socialiste a eu l'occasion, à de nombreuses reprises, de témoigner de son extrême réticence à voir les zones industrielles, telles qu'elles existent actuellement, vouées à une mixité non contrôlée.

Il n'est qu'à constater l'usage fait, par le Conseil d'Etat, de certaines de ses autres prérogatives. Je pense notamment aux plans localisés de quartier et, plus récemment, aux compensations offertes en cas de déclassement de la zone agricole.

Cela explique que nous réaffirmions, aujourd'hui, notre réticence. Néanmoins, nous ne nous opposerons pas au renvoi de ces projets en commission.

En tant que tels, ils ne sont pas acceptables. Ils représentent une politique à la petite semaine qui ouvrirait la voie à une nouvelle forme de spéculation.

C'est pour cette raison que nous nous opposons sur le fond des principes proposés par ce premier projet de loi. En revanche, nous ne nous opposerons pas au renvoi en commission, afin d'avoir l'occasion d'y débattre et de faire valoir nos arguments quant aux conditions-cadres d'une éventuelle mixité dans certains lieux.

M. Michel Ducret (R). La nécessité d'une révision de la conception ancienne de la zone industrielle découle de celle d'une adaptation aux réalités de l'évolution de l'industrie et des besoins des travailleurs exerçant leur profession dans ce secteur.

Cela étant, il n'est pas évident qu'une telle proposition doive porter sur toutes les zones industrielles du canton, comme cela a été dit. Des nuances seront apportées en fonction de la situation, de par la distinction entre les industries lourdes, à hautes nuisances, et les industries à forte valeur ajoutée et de haute technologie.

Pour le groupe radical, il est inconcevable que Genève continue à se plaindre de la concurrence économique et commerciale extérieure, sans que nous usions des moyens techniques, qui sont dans nos mains, pour lutter, à armes égales, contre nos voisins.

Déjà à ce stade, il est nécessaire de revoir certains concepts, trop étriqués, de nos zones d'activités. Nous n'irons pas loin en nous attachant à des concepts datant de l'industrie lourde du siècle passé. Nous devons changer notre vision des choses, et c'est le sens même de la proposition faite ici.

C'est pourquoi nous accepterons d'aller en commission pour y entendre les arguments relatifs aux conditions-cadres évoquées par ma préopinante.

Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.