République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7620
26. Projet de loi du Conseil d'Etat sur les transports sanitaires d'urgence (K 1 21). ( )PL7620

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 La présente loi a pour but d'assurer la qualité des transports sanitaires d'urgence effectués dans le canton par les services publics et les entreprises privées d'ambulances.

2 A cet effet, la loi :

a) crée une centrale téléphonique centralisant les appels sanitaires d'urgence dans le canton;

b) établit les principes qui doivent permettre à la centrale téléphonique de coordonner et de répartir l'intervention des divers moyens de transport sanitaire d'urgence;

c) définit les obligations incombant aux services publics et aux entreprises privées d'ambulances.

Art. 2

1 Est considéré comme transport sanitaire d'urgence toute course devant être effectuée le plus rapidement possible par un moyen de transport équipé spécialement pour transporter les malades ou les blessés afin d'éviter ou de diminuer un risque pour la vie ou l'intégrité corporelle.

2 Est assimilé à un transport sanitaire d'urgence tout transport devant être opéré dans le cadre de secours aux victimes d'un sinistre ou d'une catastrophe.

Art. 3

 Les transports sanitaires d'urgence sont effectués par les services publics et les entreprises privées d'ambulances autorisés.

Art. 4

1 Pour effectuer des transports sanitaires d'urgence, les entreprises privées d'ambulances doivent être au bénéfice d'une autorisation délivrée par le Conseil d'Etat.

2 Ladite autorisation est délivrée aux entreprises qui:

a) répondent aux exigences de la loi sur la formation des ambulanciers et l'équipement des ambulances, du 18 septembre 1986, pour ce qui a trait à leur personnel et à leurs moyens de transport;

b) assurent une disponibilité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 y compris les jours fériés;

c) justifient de l'expérience professionnelle nécessaire afin d'assurer la sécurité des patients et la qualité des soins prodigués;

d) sont raccordées à la centrale téléphonique créée par la présente loi;

e) s'engagent à respecter les obligations prévues par la présente loi et son règlement d'exécution, notamment en matière de coordination et de répartition des interventions, de même qu'en matière de tarifs.

3 Les conditions énoncées à l'alinéa 2 doivent être respectées par les services publics qui effectuent des transports sanitaires d'urgence.

Art. 5

1 Les divers moyens de transports sanitaires d'urgence des services publics et des entreprises privées d'ambulances sont munis d'avertisseurs spéciaux, acoustiques et lumineux, dont l'utilisation est autorisée par le département compétent.

2 Le numéro 144 d'appel des urgences sanitaires figure de manière distincte et visible sur la carrosserie des véhicules effectuant les transports sanitaires d'urgence.

Art. 6

1 Il est institué une centrale téléphonique centralisant pour le canton les appels sanitaires urgents (ci-après: la centrale).

2 Seule la centrale est compétente pour:

a) réguler, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 y compris les jours fériés, les appels sanitaires relatifs aux transports sanitaires d'urgence;

b) coordonner et répartir l'intervention des divers moyens de transports publics ou privés.

3 Tous les appels sanitaires urgents qui aboutissent aux centrales téléphoniques de la police et des pompiers doivent obligatoirement et immédiatement être déviés sur la centrale. Cette dernière est dotée des équipements téléphoniques permettant la collaboration entre les trois centrales, notamment le basculement et l'exploitation simultanée de l'appel.

4 Les entreprises privées d'ambulances ne sont pas autorisées à demander à leur propre centrale téléphonique privée des appels concernant des transports sanitaires d'urgence. Les éventuels appels qu'elles reçoivent doivent être obligatoirement et immédiatement transmis à la centrale.

Art. 7

Organisation de la centrale

1 La centrale est rattachée au service du médecin cantonal.

2 Sa direction est confiée à un médecin spécialiste des urgences, qui en assume les responsabilités médicales et administratives.

3 Les services publics et les entreprises privées d'ambulances autorisés sont obligatoirement raccordés à la centrale.

Art. 8

1 La centrale coordonne et répartit les interventions des divers moyens de transports sanitaires d'urgence :

 a) en veillant à ce que le moyen de transport mobilisé réponde par son équipement à la gravité du cas;

 b) en donnant la priorité au véhicule se trouvant le plus proche du lieu où se trouve le malade ou le blessé afin d'en assurer une prise en charge la plus rapide possible.

2 Toutefois, dans les cas de suspicion de crimes ou délits, et dans les cas d'accident de la circulation, la centrale fait systématiquement appel aux ambulances de la police, la situation visée aux alinéas 3, 4 et 5 du présent article étant réservée.

3 En cas de désincarcération, intoxication, feu ou noyade, la centrale fait systématiquement appel aux ambu-lances du service d'incendie et de secours de la Ville de Genève.

4 En cas d'intervention dans le périmètre de l'aéroport de Genève, la centrale fait appel aux ambulances du service de sécurité de l'aéroport. Ces ambulances peuvent, le cas échéant, être mobilisées par la centrale en dehors du périmètre de l'aéroport en application des articles 3 et 8, alinéa 1, de la présente loi.

5 Dans les cas très graves, la centrale met en oeuvre un cardiomobile, une ambulance médicalisée ou un hélicoptère.

Art. 9

1 Un tarif unique pour tout transport sanitaire d'urgence, régulé par la centrale, indépendamment du temps consacré, de la distance parcourue et du moment de l'intervention, est fixé par le Conseil d'Etat.

2 Sont notamment inclus dans ce tarif:

a) les médicaments ou fournitures précisés dans l'arrêté du Conseil d'Etat;

b) une participation forfaitaire aux frais de formation;

c) un forfait par course.

3 Ces montants sont revus chaque année.

4 Le tarif unique visé à l'alinéa 1 ne s'applique pas aux transports sanitaires d'urgence effectués par l'hélicoptère. En cas d'intervention du cardiomobile ou d'une ambulance médicalisée, l'intervention du médecin est facturée en sus.

5 Chaque intervenant facture directement son intervention accompagnée du bon délivré par la centrale justifiant du caractère d'urgence de la course sanitaire effectuée.

Art. 10

1 Il est institué une commission consultative des transports sanitaires d'urgence.

2 La commission donne son avis sur les orientations générales de l'Etat en matière de transports sanitaires d'urgence. Elle fait toute proposition à l'attention du département de l'action sociale et de la santé (ci-après: le département) en matière:

a) d'information du public;

b) des mesures à prendre pour assurer la meilleure efficacité du dispositif de régulation des transports d'urgence.

3 Présidée par le médecin cantonal, la commission se compose de 9 autres membres désignés par le Conseil d'Etat et comprenant notamment des représentants des services publics, des entreprises privées d'ambulances et des assureurs maladie.

4 La loi concernant les membres des commissions officielles, du 24 septembre 1965, est applicable.

5 Le Conseil d'Etat fixe par règlement les modalités d'application concernant la composition et le fonctionnement de la commission consultative.

Art. 11

En cas d'infraction aux dispositions de la présente loi et de son règlement d'exécution, les agents publics sont soumis aux sanctions disciplinaires découlant des statuts et règlements de la fonction publique qui leur sont applicables. Le médecin cantonal saisit le responsable hiérarchique compétent.

Art. 12

1 En cas d'infraction aux dispositions de la présente loi et de son règlement d'exécution, notamment aux règles applicables en matière de répartition des interventions au sens de l'article 8 de la présente loi et à celles concernant les tarifs stipulées par l'article 9 de la présente loi, les sanctions suivantes sont infligées par le département aux entreprises privées d'ambulances ainsi qu'à leur personnel :

a) l'avertissement;

b) le blâme;

c) l'amende jusqu'à 50 000 F.

2 L'amende peut être cumulée avec l'avertissement et le blâme.

3 Dans les cas graves, le Conseil d'Etat peut prononcer à l'égard des entreprises privées d'ambulances la suspension temporaire, respectivement la révocation de l'autorisation d'exploiter des transports sanitaires d'urgence délivrée conformément à l'article 4 de la présente loi.

Art. 13

1 La loi sur la procédure administrative, du 12 sep-tembre 1985, est applicable.

2 Le Tribunal administratif est compétent pour connaître des recours dirigés contre les décisions prises en application de la présente loi et son règlement d'exécution.

Art. 14

Les contrevenants à la présente loi et à son règlement d'exécution sont passibles des amendes ou des arrêts au sens de la loi pénale genevoise, du 20 décembre 1941, sous réserve des dispositions du code pénal suisse, du 21 décembre 1937.

Art. 15

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Art. 16

1 La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970, est modifiée comme suit:

Art. 8, al. 1, chiffre 75° bis (nouveau)

75° bis décisions du Conseil d'Etat et du département de l'action sociale et de la santé rendues en vertu de la loi sur les transports sanitaires d'urgence (K 1 21, art. 13);

*

* *

2 La loi sur la formation des ambulanciers et l'équipement des ambulances, du 18 septembre 1986, est modifiée comme suit:

Art. 4A (nouveau)

L'organisation des soins sanitaires d'urgence dans le canton et notamment les modalités de fonctionnement d'une centrale d'appels sanitaires urgents est réglée par la loi sur les transports sanitaires d'urgence, du ...

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Généralités

1.1. Les transports sanitaires d'urgence, c'est-à-dire le transport de personnes malades ou accidentées, constituent une préoccupation majeure de la population: chacun d'entre nous peut un jour y avoir recours, pour lui-même ou ses proches. En ces circonstances, on désire donc une intervention rapide, adéquate, afin de sauver des vies humaines, à un coût abordable.

1.2. Aujourd'hui, à Genève, l'inventaire se présente de la manière suivante :

- 22 ambulances appartiennent à des entreprises privées;

- 13 ambulances relèvent du service public;

- 5 entreprises de transports sanitaires d'urgence sont privées;

- 4 entreprises de transports sanitaires d'urgence relèvent du service public, soit le corps de police, le service d'incendie et de secours de la Ville de Genève, le service de secours de l'aéroport, ainsi que le service de sécurité du CERN.

 Enfin, le canton dispose du cardiomobile et de l'hélicoptère du service de la sécurité civile. Dans ces deux derniers appareils, en dehors du personnel ambulancier formé, se trouve toujours un médecin à bord.

1.3. Il y a eu, en 1995, un nombre total d'environ 9 000 transports sanitaires urgents dans le canton.

2. Les progrès réalisés

2.1. Au cours de ces 20 dernières années, les autorités politiques du canton de Genève se sont souvent préoccupées de l'organisation et du coût des transports sanitaires d'urgence.

2.2. A la suite d'interventions parlementaires, cantonales et communales, reflétant les préoccupations de la population, des progrès importants ont été réalisés, notamment:

a) acquisition d'une ambulance cardiomobile (1973; don du Kiwanis Club);

b) équipement des ambulances de la police pour le transport des blessés et malades assistés d'un agent secouriste (1975);

c) législation sur la formation des ambulanciers et l'équipement des ambulances (loi K 1 10; 1986);

d) création d'une école d'ambulanciers, intégrée au Centre d'enseignement des professions de la santé et de la petite enfance (1988);

e) création d'une centrale d'appels sanitaires urgents «144» (1988);

f) création d'une commission consultative de la centrale d'appels sanitaires urgents «144» (1988).

3. Vers une nouvelle législation

3.1. Malgré ces améliorations, l'organisation des transports sanitaires d'urgence a continué à être l'objet de critiques et d'insatisfactions à la fois des partenaires concernés et des citoyens. Les motifs évoqués le plus fréquemment sont les tarifs appliqués, le moyen d'intervention (ambulance ou cardiomobile) en raison d'une mauvaise régulation, et la rapidité de l'intervention.

3.2. Devant cette situation, le Conseil d'Etat a décidé de procéder à une réorganisation de tout le secteur des transports sanitaires d'urgence et de la centrale des appels sanitaires urgents (144). Celle-ci est, en effet, le point névralgique de tous les secours sanitaires d'urgence. En situation d'urgence, un simple appel à la centrale 144 devrait permettre d'obtenir rapidement la prestation adéquate. Ainsi, la centrale 144 deviendra une réelle centrale sanitaire d'urgence permettant de coordonner l'ensemble des interventions, favorisant une meilleure utilisation des ressources au lieu de l'éparpillement des actions auquel on assiste actuellement.

3.3. Dans ce but, diverses démarches ont été entreprises pour réorganiser les secours sanitaires d'urgence dans le canton, soit :

a) une analyse critique des dysfonctionnements du secteur et des propositions d'amélioration, par le bureau de consultants «Team Consult»;

b) des études spécifiques sur des problèmes particuliers, par des experts. Le bureau de consultants Ecodiagnostic a été chargé d'une estimation du prix d'un transport ambulancier. La société Intelcom a été chargée de définir le concept de la centrale 144, sa mise en réseau avec les centrales 117 et 118 et les moyens techniques à mettre en place;

c) une élaboration participative de solutions par tous les partenaires concernés.

3.4. Le rapport de Team Consult a été présenté à la presse et à l'ensemble des partenaires en septembre 1992. Des entretiens ont eu lieu ensuite avec chaque partenaire. Dans l'ensemble, les propositions ont été bien accueillies, à l'exception de la suppression des transports sanitaires par le service d'incendie et de secours. Celui-ci s'y est vigoureusement opposé, appuyé par les milieux médicaux et l'école de formation des ambulanciers. En outre, la police s'est élevée contre la limitation de ses interventions aux accidents de la circulation, estimant que la maîtrise de l'ensemble du domaine public relève de sa mission.

3.5. Ces prises de position ont relancé la discussion sur la répartition des interventions entre les partenaires publics et privés. Cette question s'est révélée la plus difficile à régler: elle est incontournable pour définir le fonctionnement de la centrale 144 et sa relation avec les centrales 117 et 118.

3.6. Par ailleurs, l'Association des médecins du canton de Genève (AMG) a souhaité intégrer la centrale de son service d'urgence à la centrale 144, alors que SOS-Médecins a souhaité garder une autonomie.

3.7. Suite à ces entretiens, les propositions de Team Consult ont été adaptées afin de trouver un accord avec tous les partenaires, y compris le service d'incendie et de secours. Chaque proposition a ensuite été présentée et discutée à la commission 144 élargie, regroupant des représentants de l'ensemble des partenaires, soit les entreprises privées d'ambulances, les services publics d'ambulances (police, SIS, SSA), l'Association des médecins du canton de Genève, l'Hôpital cantonal, le service du médecin cantonal et la direction générale de la santé publique.

3.8. Un rapport a été établi à l'intention du Conseil d'Etat, approuvé par tous les membres de la commission dans un premier temps. Par la suite, les entreprises privées d'ambulances se sont désolidarisées du projet.

3.9. Souhaitant mettre un terme à cette impasse, le Conseil d'Etat a décidé de soumettre le présent projet de loi au Grand Conseil.

4. La nouvelle législation

4.1. Article 1

Comme l'indique l'alinéa 1, la loi sur les transports sanitaires d'urgence a pour but d'assurer la qualité des transports sanitaires d'urgence effectués dans le canton par les services publics et les entreprises privées d'ambulances.

En l'état, la loi sur la formation des ambulanciers et l'équipement des ambulances, du 18 septembre 1986 (K 1 10), ne traite pas des questions de coordination et de répartition des courses entre les divers intervenants publics et privés. Elle ne gère pas davantage la question de la tarification des prestations dans le cadre du transport sanitaire d'urgence. Ce n'est d'ailleurs pas l'objet de cette loi de base qui traite de la formation des ambulanciers et de l'équipement des ambulances indistinctement dans la perspective des transports urgents et non urgents. Le texte de loi proposé n'entend donc pas se substituer à la loi précitée.

Techniquement, la réglementation du transport sanitaire d'urgence se légitime constitutionnellement comme une mesure cantonale de santé publique, respectivement de politique sociale. Il y a donc un intérêt public qui justifie que le parlement adopte une législation imposant un certain nombre de contraintes, tant aux services publics qu'aux entreprises privées d'ambulances, pour coordonner et organiser les transports sanitaires d'urgence. L'absence d'une telle coordination est en effet de nature à mettre en cause la qualité de ces transports avec les risques pour la vie ou l'intégrité corporelle que cela comporte pour les malades ou les blessés.

L'alinéa 2 de l'article 1 résume le contenu de la législation qui est proposée.

4.2. Article 2

L'article 2, alinéa 1, distingue très clairement le transport sanitaire d'urgence assujetti à la loi du transport non urgent. Celui-ci reste entièrement libre et ne fait pas l'objet d'une coordination par le biais de la centrale 144, les intervenants privés étant, pour le surplus, assujettis à la loi sur la formation d'ambulanciers et l'équipement des ambulances déjà citée. Nous relèverons par ailleurs que le transport sanitaire d'urgence se définit par rapport aux risques encourus par le malade et le blessé pour sa vie ou son intégrité corporelle. Le caractère aigu du risque légitime le fait que la collectivité veille à mettre en place les procédures et les infrastructures nécessaires à une prise en charge rapide et de qualité des personnes concernées.

L'alinéa 2 de l'article 2 assimile aux transports sanitaires d'urgence les transports qui doivent être opérés en cas de catastrophe. Cette assimilation vise à permettre, le cas échéant, au Conseil d'Etat d'attribuer, par voie réglementaire, à la centrale 144 des compétences dans le cadre de la cellule médicale Isis et du service sanitaire coordonné.

4.3. Article 3

Comme par le passé, les transports sanitaires d'urgence continueront à être effectués par les véhicules du service public et par les ambulances des entreprises privées.

S'il existe un motif d'intérêt public à coordonner l'activité de ces divers intervenants, il est, en revanche, hors de question d'envisager d'étatiser le transport sanitaire d'urgence ou, à l'inverse, de supprimer les véhicules rattachés au service public dont la spécificité permet une complémentarité avec les ambulances privées.

L'article 3, alinéa 2, rappelle l'existence des divers moyens que le service public, qu'il soit cantonal ou de la Ville, met à disposition pour le transport sanitaire d'urgence.

4.4. Article 4

Le transport sanitaire d'urgence, par opposition aux autres formes de transports sanitaires, requiert à la fois des compétences professionnelles spéciales en raison du risque encouru par le patient, et une disponibilité constante. Il présuppose également l'acceptation de règles de coordination imposées dans l'intérêt collectif.

Le service d'urgence a en effet des spécificités qui postulent des exigences accrues. Le respect et le contrôle de ces exigences nécessitent l'institution d'une autorisation administrative particulière délivrée par le Conseil d'Etat aux entreprises privées.

La lettre c de l'article 4, alinéa 2, délègue au Conseil d'Etat la compétence de définir, par voie de règlement, les modalités de définition et d'évaluation de l'expérience professionnelle requise des entreprises privées et de leur personnel pour gérer le transport sanitaire d'urgence. Le caractère technique de la réglementation et la nécessité de l'adapter régulièrement aux besoins justifient qu'en la matière le parlement vote une délégation législative au gouvernement. Le but de cette délégation étant clairement défini (assurer la sécurité des patients et la qualité des soins prodigués), celle-ci est parfaitement constitutionnelle.

Dans le cadre de cette délégation, le Conseil d'Etat édictera les principes de qualité globale, en donnant une importance particulière à la compétence des intervenants et à leur diligence selon le principe de la proximité. Cette réglementation pourrait par exemple impliquer tant le développement d'une procédure d'assurance de qualité traitant et analysant systématiquement l'ensemble de tous les aspects des interventions que la mise sur pied de stages de formation continue en milieu hospitalier pour le personnel concerné, et en particulier pour celui n'ayant pas eu assez d'activités professionnelles pour maintenir sa compétence au meilleur niveau.

4.5. Article 5

Cette disposition vise à assurer une signalisation adéquate des moyens de transport agréés en matière d'urgence.

4.6. Article 6

Cet article contient l'un des éléments essentiels de la législation qui est proposée. Il y a lieu en effet de consacrer le rôle de coordination et de régulation incombant à la centrale 144 en matière de mobilisation des divers moyens de transports d'urgence. Le simple jeu de la concurrence, l'intervention spontanée comme la multiplicité des centrales d'appel, sont de nature à générer des conflits et empêchent de répondre de manière adéquate aux cas d'urgence. Il est donc indispensable que l'ensemble des appels sanitaires urgents dans le canton transitent par une centrale unique qui se charge de réguler l'intervention.

Cette régulation présuppose des connaissances spécialisées, ce qui explique que la centrale soit dirigée par un médecin spécialiste des urgences. La fonction de coordination de la centrale n'est possible que si simultanément l'on impose aux autres centrales d'urgence du service public (117 et 118) un transfert obligatoire pour les appels sanitaires à la centrale 144. De même, il convient d'interdire aux entreprises privées d'ambulances de demander par leur propre centrale téléphonique privée des appels concernant les transports sanitaires d'urgence. La qualité des transports, leur rapidité, la vie et l'intégrité physique des patients se concilient mal avec un système dans lequel chaque intervenant est autonome et procède à une sorte de «chasse aux patients».

4.7. Article 7

Cette disposition confirme le statut de service public de la centrale qui est rattaché hiérarchiquement au service du médecin cantonal.

Ce statut juridique apparaît adéquat, compte tenu du rôle envisagé pour la centrale dans le cadre des interventions en matière de catastrophe. Une privatisation de la centrale serait incompatible avec l'attribution de compétences d'autorité dans ce domaine. Par ailleurs, il y a lieu de souligner que la fonction principale de la centrale est d'assurer une coordination et une répartition des courses en particulier entre les entreprises du secteur privé. Cela présuppose une indépendance et une impartialité suffisante par rapport aux intérêts que peuvent avoir les divers intervenants pris individuellement.

Une telle indépendance est mieux assurée par une structure de service public que par une organisation de droit privé.

4.8. Article 8

Alinéa 1: cette disposition fixe les critères fondamentaux de répartition et de coordination des diverses courses d'urgence. L'élément déterminant dans cette perspective est évidemment l'intérêt des patients. A cet effet, l'alinéa 1 postule comme critère cumulatif, d'une part, l'adéquation du moyen de transport (son équipement) à la gravité du cas, et, d'autre part, la priorité donnée au moyen de transport se trouvant le plus proche du lieu où se trouve le malade ou le blessé. La proximité assure une prise en charge la plus rapide possible des intéressés.

Par ailleurs, les principes formulés à l'article 8, alinéa 1, trouvent leur prolongement à l'alinéa 5: celui-ci exprime la règle selon laquelle, dans les cas très graves, la centrale mobilise un cardiomobile, une ambulance médicalisée ou un hélicoptère. Il s'agit encore d'assurer la priorité à la qualité et à la rapidité de l'intervention d'urgence qui sont les seuls critères de santé publique qui peuvent juridiquement être considérés comme admissibles.

Les alinéas 2, 3 et 4 contiennent une dérogation à la règle de la proximité postulée à l'article 8, alinéa 1, en raison de la spécificité des cas évoqués. En cas de suspicion de crimes et de délits ou d'accident de la circulation, il y a une connexion évidente entre l'intervention des ambulances de la police et le rôle assigné à la police en pareilles circonstances. Il existe un intérêt public à ce que la police, qui doit, en tout état de cause, se trouver sur les lieux, assure simultanément la prise en charge des blessés.

Diverses autres bases légales existantes, tant fédérales que cantonales (loi fédérale sur la circulation routière, loi cantonale sur la police, code de procédure pénale), imposent également la présence de la police, qui est chargée d'assurer non seulement la sécurité publique, mais d'exercer les actes de police judiciaire. Dans pareils cas, si une infraction est commise (lésions corporelles, infraction à la LCR, etc.), la police devra non seulement assurer le secours du blessé, mais aussi veiller à préserver les éléments nécessaires à la découverte de la vérité et à la conservation des preuves.

Dans les cas de désincarcération, d'intoxication, de feu ou de noyade, il est également logique que la centrale 144 mobilise en priorité les ambulances du service d'incendie et de secours de la Ville de Genève. Celui-ci dispose en effet d'un savoir-faire, d'une expérience et d'un équipement technique qui lui sont propres et que ne possèdent pas nécessairement les autres services ou entreprises privées d'ambulances.

Il en va de même pour des interventions dans le périmètre de l'aéroport s'agissant du service de sécurité de l'aéroport.

4.9. Article 9

La tarification des prestations sanitaires d'urgence répond à la fois à des préoccupations de politique sociale et de bonne foi en affaires. Il est en effet peu satisfaisant que, pour des prestations analogues, les patients se voient chargés des frais dont la quotité est extrêmement variable.

Par ailleurs, seul un tarif unique contrôlé par l'Etat permet d'envisager la prise en charge du coût dans le cadre de la mise en oeuvre de la nouvelle législation fédérale sur l'assurance-maladie.

Enfin, une tarification uniforme contribue à une saine coopération entre les divers intervenants et évite encore une fois une situation dangereuse pour la santé publique qui serait caractérisée par la «chasse aux patients», incompatible avec le traitement des urgences médicales.

L'alinéa 5 de l'article 9 constitue une norme de procédure; le bon délivré par la centrale 144 devant jouer un rôle dans la prise en charge des frais par les assurances.

4.10. Article 10

Cette disposition confirme l'existence de la commission consultative de la centrale d'appels sanitaires urgents 144 instituée par règlement du Conseil d'Etat du 4 mai 1988. Cet organisme, dans lequel les divers milieux intéressés sont représentés, est destiné à seconder le département de l'action sociale et de la santé en formulant toutes les propositions utiles sur l'orientation de l'activité, l'information au public et l'efficacité des procédures mises en place pour le transport d'urgence. Sa composition a été repensée.

4.11. Article 11

Une partie des transports sanitaires d'urgence, comme l'indique l'arti-cle 3, est opérée par les services publics. C'est dire que l'exécution des tâches en la matière entre juridiquement dans le cahier des charges des agents publics rattachés audit service. Le non-respect éventuel des obligations postulées par la présente loi par les intéressés constitue simultanément une violation de leur devoir de fonction et engage leur responsabilité disciplinaire.

Dans le cadre de la réglementation des sanctions, il n'est donc pas nécessaire de prévoir un régime particulier qui se superpose au régime général des sanctions disciplinaires prévues par le statut de la fonction publique.

En cas grave, ces statuts vont jusqu'à la révocation des fonctionnaires. L'article 10 contient ainsi la même règle que celle postulée par l'article 16, alinéa 2, de la loi sur la formation des ambulanciers et l'équipement des ambulances.

4.12. Article 12

Cette disposition institue un régime disciplinaire correspondant pour les entreprises privées d'ambulance et leur personnel.

S'agissant du contenu de cet article, on relèvera que celui-ci s'inspire de la gamme des sanctions postulées par les articles 18 et 19 de la loi sur la formation des ambulanciers et l'équipement des ambulances du 18 septembre 1986. Techniquement, il n'était en effet pas possible de procéder à un simple renvoi à la loi sur la formation des ambulanciers et l'équipement des ambulances. Le champ d'application en est différent. Le régime des sanctions postulées par l'article 11 se limite aux entreprises gérant le transport sanitaire d'urgence étant au bénéfice d'une autorisation ad hoc délivrée en application de l'article 4 de la présente loi. La gestion du régime des sanctions administratives se fera en application du principe de la proportionnalité qui postule l'adéquation entre la sanction et la gravité de l'infraction à la réglementation administrative.

4.13. Article 13

Cette disposition rappelle l'applicabilité de la loi sur la procédure administrative qui consacre les droits du citoyen dans ses rapports avec l'administration.

L'alinéa 2 attribue, pour le surplus, la compétence de connaître les litiges relatifs aux décisions prises, au Tribunal administratif.

L'article 13 assujettit les contrevenants, parallèlement aux sanctions disciplinaires, aux peines des arrêts et de l'amende stipulées au titre des contraventions de police par la loi pénale genevoise (article 37, chiffre 49 de ladite loi).

4.14. Les derniers articles n'appellent pas de commentaires.

5. Conclusions

Une organisation rationnelle des transports sanitaires d'urgence constitue une priorité. Le Conseil d'Etat présente un projet de loi simple qui, tout en préservant les compétences d'ordre public de la police, permet d'appliquer le principe de proximité qui est le seul rationnel et qui seul permet de porter efficacement secours.

Le Conseil d'Etat soumet donc un projet qui concilie les exigences de la santé et celles de l'ordre public, définies de façon adéquates, c'est-à-dire ni restrictives ni extensives. Il saisit cette occasion pour préciser que l'Etat ne souhaite pas un monopole dans ce domaine pour les services publics mais que, inversement, il ne peut pas être l'instrument qui permet de perpétuer des situations de monopole privé.

Au bénéfice de ces explications, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accueillir favorablement ce projet de loi.

Ce projet est renvoyé à la commission de la santé sans débat de préconsultation.