République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 mai 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 5e session - 20e séance
PL 7558-A
La commission d'aménagement du canton, sous la présidence deMme Sylvie Châtelain, a procédé à l'étude du projet de loi susmentionné, lors de sa séance du 5 mars 1997.
Etaient présents à cette séance, M. G. Gainon, chef de la division de l'information du territoire et des procédures, M. J.-Ch. Pauli, juriste au département des travaux publics et de l'énergie, et M. C. Auer, directeur du registre foncier.
I. Introduction
En préambule, il faut rappeler que le territoire du canton est divisé en domaine privé appartenant soit à des collectivités publiques (Etat, communes), soit à des particuliers, et en domaine public, lequel est constitué par les voies publiques cantonales et communales, le lac et les cours d'eau et les biens déclarés du domaine public en vertu d'autres lois (art. 1 de la loi sur le domaine public, du 24 juin 1961).
L'article 11 de la loi sur le domaine public (LDP) stipule qu'un bien-fonds ne peut être distrait du domaine public que par le Grand Conseil.
II. Problèmes d'application de l'article 11 LDP
Depuis son entrée en vigueur, en 1961, cette disposition n'a cessé de poser des problèmes d'application, en particulier dans les cas suivants :
1. La nécessité de désaffecter le domaine public est souvent liée à des projets touchant l'aménagement du territoire, que ce soit pour le développement de quartiers, pour assurer une meilleure habitabilité de bâtiments à construire, pour de nouveaux tracés de routes ou des alignements d'immeubles, par exemple.
De telles opérations impliquent l'adoption, par les autorités, de plans d'affectation du sol, au sens des articles 12 et suivants de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 22 juin 1979.
Ceux-ci comprennent, en particulier, les plans de zone, adoptés selon la procédure prévue aux articles 15 et suivants de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, les plans localisés de quartier (art. 5 et suivants de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités, du9 mars 1929, et 5A et suivants de la loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957) ou les plans de site (art. 39A et suivants de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites, du 4 juin 1976).
Ces procédures sont fort complètes et contraignantes, elles nécessitent une double enquête publique, qui permet de prendre en considération et de sauvegarder les intérêts de l'Etat, des communes concernées et des particuliers.
Lorsque, enfin, des décisions sont prises en vue de la réalisation concrète de projets, il faut encore élaborer des projets de lois portant désaffectation du domaine public, ce qui ne fait qu'alourdir et allonger encore les procédures, engendrant des coûts supplémentaires, de nature à mettre en péril l'aboutissement de certains dossiers.
2. Il arrive également que des collectivités publiques (cantons, communes, établissements ou fondations de droit public cantonales ou communales) procèdent entre elles à des échanges de terrains impliquant une désaffectation du domaine public. Ces échanges peuvent aussi concerner les domaines publics et privés d'une même collectivité.
Dans ces affaires, il s'agit souvent de formaliser ce qui existe déjà sur le terrain, et qui résulte de l'accord entre les divers partenaires concernés pour permettre au registre foncier d'enregistrer les actes notariés.
Il paraît dès lors excessif de saisir encore votre Grand Conseil de projets de lois relatifs à la désaffectation du domaine public.
3. Enfin, certains dossiers portent sur des surfaces de peu d'importance, soit en tant que telles, soit proportionnellement au périmètre touché. De tels cas devraient donc également se régler sans intervention de votre Grand Conseil.
Il importe aussi d'énoncer expressément dans l'article 11 LDP que les changements d'assiette de chemins ou de routes, qui ne constituent nullement des désaffectations du domaine public à proprement parler, ne doivent pas être soumis à la procédure actuellement prévue par cette disposition, contrairement à ce qui s'est pratiqué souvent jusqu'à ce jour.
Afin de ne pas compromettre la réalisation de projets importants, depuis 1961, le registre foncier, d'entente avec les communes intéressées, a tenté de remédier au problème en interprétant l'article 11 LDP de façon souple.
Cependant, une telle pratique va à l'encontre de la sécurité du droit et ne saurait être poursuivie. Il paraît ainsi beaucoup plus judicieux de modifier la teneur de l'article 11 LDP.
III. Solutions
Pour ce faire, un groupe de travail réunissant des représentants de l'Etat de Genève, de la Ville de Genève et de l'Association des communes genevoises, a été chargé de réviser l'article 11 LDP.
Il s'est inspiré largement des solutions existant dans d'autres cantons et propose ainsi, tout en maintenant le principe même de la compétence devotre Grand Conseil pour les désaffectations du domaine public, de prévoir3 exceptions, pour lesquelles le Conseil d'Etat serait compétent, à savoir :
a) lorsque la désaffectation résulte d'un plan d'affectation du sol entré en force, ou
b) provient d'échanges de terrains entre collectivités publiques ou entre les domaines publics et privés desdites collectivités, ou
c) porte sur des surfaces de peu d'importance, mais au maximum de1 000 m2.
Un troisième alinéa est prévu, qui stipule expressément que les changements d'assiette de chemins ou de routes ne sont pas considérés comme des désaffectations.
IV. Quelques exemples concrets
L'examen de quelques dossiers traités au cours des 10 dernières années illustre parfaitement le genre de problème auquel sont confrontées les autorités lorsqu'elles doivent appliquer l'article 11 LDP.
a) Parmi les cas les plus significatifs, citons le vote par votre Grand Conseil, le 21 janvier 1983, d'un crédit d'environ 52 000 000 F destinés à la réalisation de l'extension du collège Calvin.
La construction de l'aile du bâtiment sis en bordure de la rue Ferdinand-Hodler nécessitait la suppression de l'escalier reliant celle-ci à la rue Théodore-de-Bèze et dont l'assiette cadastrale faisait partie du domaine public de la Ville de Genève.
Dans le courant de l'année 1983, le Conseil d'Etat avait donc négocié avec le Conseil administratif de la Ville de Genève les conditions de cession de ce passage et proposé, en contrepartie de la désaffectation de cette portion du domaine public communal, l'aménagement de deux nouveaux cheminements piétons entre les rues concernées, avec constitution de servitudes, au profit de la Ville de Genève.
Le Conseil administratif de la Ville de Genève s'était rallié à cette solution qu'il avait soumise à l'approbation du Conseil municipal, ce dernier l'acceptant au terme d'une délibération, le 4 décembre 1984. Entre-temps, la réalisation des travaux en question se poursuivait, pour s'achever en septembre 1987.
Cependant, pour permettre de procéder à la cadastration définitive de l'ensemble des bâtiments, il fallut encore procéder à la désaffectation de la partie du domaine public de la Ville de Genève constituée par le passage et incorporée dans le domaine privé de l'Etat de Genève. Cette opération se concrétisa le 19 août 1992 seulement ; elle portait sur216 m2 et 9 ans s'étaient écoulés...
b) Le 13 novembre 1992, votre Grand Conseil a adopté un projet de loi modifiant le régime des zones de constructions sur le territoire de la Ville de Genève, section Plainpalais, par la création d'une zone destinée à des équipement publics, sur un périmètre de 4 700 m2 située au centre de l'îlot délimité par les rues Dancet, Dizerens, des Battoirs et Charles-Page.
Ce déclassement avait pour objet la construction d'un demi-groupe scolaire de huit classes, réalisation que la loi déclarait d'utilité publique, au sens de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, du10 juin 1933.
Cependant, la réalisation de cette école nécessitait préalablement la désaffectation de la rue des Moulins-Raichlen, qui se trouvait justement dans le périmètre du plan de zone.
Il s'agissait d'une désaffectation du domaine public au domaine privé de la Ville de Genève, qui outre l'arrêté du Conseil municipal, daté du14 mars 1995, devait encore suivre la procédure de l'article 11 LDP.
La surface totale de la désaffectation s'élevait à 578 m2, le projet fut déposé le 5 juillet 1995 et la loi promulguée le 10 janvier 1996.
V. Conclusion
Ce nouveau texte n'enlève aucune compétence importante à votre Grand Conseil, qui reste le lieu où les perspectives politiques peuvent et doivent s'exprimer. Il permettra de simplifier et d'accélérer des procédures dans lesquelles l'autorité politique a déjà eu l'occasion de se prononcer, de même que les communes concernées ou les particuliers.
De surcroît, il engendrera une nette diminution des coûts administratifs, souvent considérables, voire même disproportionnés par rapport à la nature de certains dossiers, en particulier pour les communes.
Une discussion s'est faite en commission sur l'alinéa c dudit article 11 LDP, au sujet de la notion «de surface de peu d'importance». Il s'en est suivi la proposition d'un amendement délimitant la surface maximale à 1 000 m2, étant expliqué que dans tous les exemples ou cas analysés par les services du DTPE, aucun n'a présenté une surface supérieure à 1 000 m2.
Ainsi amendé, ce projet de loi a rallié l'unanimité de la commission qui vous recommande donc de voter celui-ci, tel qu'amendé et dans son intégralité.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7558)
LOI
modifiant la loi sur le domaine public
(L 1 05)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur le domaine public, du 24 juin 1961, est modifiée comme suit:
Art. 11 (nouvelle teneur)
1 Un bien-fonds ne peut, en principe, être distrait du domaine public que par le Grand Conseil.
2 Le Conseil d'Etat est cependant compétent lorsque la désaffectation :
a) résulte d'un plan d'affectation du sol entré en force, ou
b) provient d'échange de terrain entre collectivités publiques ou entre les domaines public et privé desdites collectivités, ou
c) porte sur des surfaces de peu d'importance, mais au maximum de 1 000 m2.
3 Les changements d'assiette de chemins ou de routes ne sont pas considérés comme des désaffectations.