République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 mai 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 5e session - 20e séance
M 1017-A
Le Grand Conseil a renvoyé, le 15 octobre 1995, à sa commission de l'environnement et de l'agriculture une proposition de motion des auteurs cités ci-dessus, déposée le 14 septembre 1995. Cette motion a été abordée en commission les 23 novembre, 7 et 21 décembre 1995, sous la présidence de Mme Yvonne Humbert, députée, puis le 7 décembre 1995 sous celle de M. David Revaclier, député et vice-président.
La commission a obtenu, au fil de ses travaux, l'aide et le concours de M. Claude Haegi, conseiller d'Etat, président du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (DIEAR), Mme Claude-Janik Sollberger, secrétaire adjointe du DIEAR, MM. Jean-Claude Landry, écotoxicologue cantonal, et Jean-Michel Mascherpa, directeur du centre horticole de Lullier, codirecteurs de la division environnement du DIEAR, M. Christian Zumkeller, chef de service du service de traitement des eaux, M. Gad Amberger, géologue cantonal, Mme Catherine Rosset, secrétaire adjointe au département de l'économie publique (DEP), Mme Anne-Catherine Desprez, chef du service de la protection de la nature et des paysages (SPNP), et M. Jean-Pierre Viani, directeur adjoint au service de l'agriculture.
La commission, face à une pressante invite de l'un de ses membres à se transporter sur place, en France voisine, après avoir hésité quant au caractère approprié, opportun ou éventuellement discourtois, voire vexatoire, de cette démarche s'est décidée à entreprendre une telle visite, de façon informelle, à la saison la plus favorable (lumière du jour, état de la végétation). C'est donc le 30 mai 1996, sous la conduite de Mme Yvonne Humbert, présidente, que la visite des carrières du Salève a été effectuée et c'est lors de sa séance du 6 juin 1996 que la commission, de retour sur sol genevois, a procédé à ses dernières délibérations et à un vote final.
Telle que déposée par ses auteurs, la proposition de motion avait la teneur suivante:
PROPOSITION DE MOTION
concernant la dégradation actuelle du Salèvepar l'exploitation des carrières et les importations genevoises
LE GRAND CONSEIL
considérant:
- que la dégradation actuelle du Salève par l'exploitation des carrières a atteint des limites inacceptables;
- que des voix s'élèvent pour dénoncer la responsabilité des «Genevois» étant donné leur demande importante en matériaux;
- qu'une grande partie de l'exploitation est livrée sur Genève avec des nuisances considérables;
- que, de part et d'autre de la frontière, la population est profondément marquée par la dégradation de ce paysage magnifique,
invite le Conseil d'Etat
- à entamer, avant la fin de l'année 1995, des négociations avec les partenaires concernés (instances transfrontalières, préfecture d'Annecy, communes, associations locales, exploitants et autres) pour mettre en place l'arrêt des exploitations et la réhabilitation du site;
- à ne plus importer des matériaux du Salève pour toutes les constructions ou couvertures de chemins administrés par les pouvoirs publics, à partir du 1er janvier 1996;
- à intervenir, dès maintenant, auprès des constructeurs privés et notamment auprès des Services industriels de Genève et de l'ensemble des collectivités du bassin genevois pour qu'ils remplacent les matériaux du Salève par des matériaux recyclés ou de substitution.
Travaux de la commission
Selon les motionnaires, il est aujourd'hui grand temps de mettre fin au désolant spectacle que nous offre le Salève depuis quelques années, avec le triste décor proposé aux touristes qui utilisent le téléphérique pour accéder à l'un des «plus beaux panoramas du monde».
Les motionnaires se défendent de vouloir faire de l'ingérence chez nos voisins français avec cette proposition de motion; ils affirment vouloir voir la réalité en face et nous somment d'assumer notre part de responsabilité. Une grande partie de cette «destruction paysagère» serait liée à l'exploitation à outrance de carrières et à la forte demande de notre canton pour les matériaux que ces gravière fournissent.
Existe-t-il des matériaux de substitution, pour nos chemins forestiers, nos travaux routiers, nos voies de tram, pour le recouvrement des conduites de fluides divers, électricité, gaz eau ? Selon les motionnaires le matériel dénommé, dans le jargon des professionnels, «Ecograve ou ecocalc», d'origine genevoise, provenant de «recyclage» du béton et d'autres matériaux concassés pourrait être utilisé pour bon nombre des usages ci-dessus cités. Cette technique semble actuellement au point. Elle est disponible auprès de certaines entreprises de notre canton.
La réalité économique montre malheureusement que les matières premières tirées du Salève et de ses carrières sont meilleur marché que les matériaux recyclés genevois. Malgré cette juste appréciation économique qu'ils font, les motionnaires affirment «qu'il s'agirait de bien réutiliser ce que nous avons dans notre canton, en favorisant la création d'emplois dans le domaine du recyclage de matériaux...» Les motionnaires pensent pouvoir affirmer que les emplois actuels pourraient être reconvertis dans la réhabilitation du site, voire dans l'entretien d'un éventuel parc. On remarquera donc que si l'on suit le raisonnement des motionnaires, on pourrait créer des emplois dans le recyclage du béton à Genève en laissant les collectivités publiques françaises réhabiliter le site et entretenir un «éventuel parc...».
Reprenant dans leurs invites au Conseil d'Etat certains des élément de la pétition lancée par l'Association pour la défense du Salève, qui a obtenu 1 100 signatures, et de la plaquette «Plaidoyer pour le Salève» qui a été publiée par la Jeune Chambre économique et le Syndicat d'initiative d'Annemasse, les motionnaires pensent qu'il faudrait informer le public plus largement lors de demandes d'ouvertures de carrière et qu'il conviendrait d'assurer un contrôle plus efficace des exploitations. Ils considèrent qu'il faudrait que les communes concernées établissent toutes un document d'urbanisme (?), si possible dans un contexte intercommunal, et qu'elle créent une réserve naturelle avec la collaboration scientifique de la Haute-Savoie et de Genève.
Audition de MM. Jean-Charles et Pierre Chavaz, exploitantsd'une des trois carrières du Salève
MM. Jean-Charles et Pierre Chavaz sont respectivement gérants d'une entreprise de graviers en Suisse, à Veyrier, et exploitants d'une carrière en France, au Pas-de-l'Echelle. Ils font remarquer que les attaques contre l'exploitation des carrières du Salève reviennent périodiquement et qu'elles n'ont pas de conséquences favorables, spécialement pas sur la stabilité des douze personnes actuellement engagées à Veyrier. Les personnes auditionnées rappellent que leurs carrières du Salève sont en exploitation depuis 1830 au bénéfice d'autorisation parfaitement régulières à ce jour. Elles soulignent que l'exploitation actuelle des gravières du Salève qui s'effectue avec la collaboration d'administrations compétentes sera suivie d'une réhabilitation du site qui ne peut être financée que si l'exploitation est menée à son terme. Interrompre l'exploitation reviendrait à rendre permanentes les laides cicatrices qui affligent la face occidentale du Salève actuellement. La judicieuse réhabilitation du site est fonction de la vente des graviers qui la finance.
Audition de MM. Jean-Michel Mascherpa et Gad Amberger
M. M. J.-M. Mascherpa, directeur du Centre horticole de Lullier, reprenant les invites de la motion, indique que des négociations sont en cours à propos des carrières du Salève depuis quatre ans, avec des instances transfrontalières comme le Conseil du Léman et le Conseil régional franco-genevois. Dès septembre 1992, des contacts ont été établis avec les exploitants qui sont aujourd'hui au bénéfice de concessions valables jusqu'en 2004, mais qui précisent que l'exploitation se fait désormais de haut en bas des carrières, soit d'une manière ménageant beaucoup plus le site.
Le Conseil du Léman et sa sous-commission responsable des matériaux graveleux ont produit trois documents qui précisent l'utilisation qui doit être faite des matériaux, plus particulièrement des graviers qui, dans certains cas, peuvent être substitués par des agglomérés de déchets. Ces documents devraient pouvoir être approuvés par toutes les parties (cantons de Vaud, de Genève et du Valais et deux départements de France voisine). Seul le canton du Valais n'a pas encore signé ce protocole d'accord à l'heure actuelle.
De nouvelles techniques pour le vieillissement des roches ont été évoquées lors de la séance du 19 octobre 1993 du Comité franco-genevois à propos des carrières du Salève. Sur le plan juridique, la Suisse ayant signé une convention de la Communauté européenne et de l'ONU relative aux impacts sur l'environnement dans un contexte transfrontalier, il serait envisageable d'appliquer l'article 14 de cet accord qui fait allusion aux minerais et au charbon par analogie à la situation des carrières du Salève. Des démarches dans ce sens sont en cours.
M. M. G. Amberger, géologue cantonal genevois, rappelle que l'exploitation de carrières du pied du Salève est très ancienne et qu'elle remonte aux XVe et XVIe siècles. C'est avec ces roches que les fortifications de Genève ont été construites. Au XIXe siècle, on produit non seulement de la pierre de taille mais de la «groise» avec les éboulements de moindre qualité. Actuellement on utilise les restes des éboulements, par exemple pour la réalisation de l'«autoroute Blanche». A Genève, on pratique de plus en plus de recyclage des matériaux de démolition. Le produit qui en résulte est utilisé pour faire la base des routes. C'est une bonne méthode, cependant elle est assez coûteuse. Les fondations de la ligne TPG du tram 13 ont été faites avec ces matériaux recyclés. Autrefois, on utilisait, pour des travaux analogues, des matériaux concassés provenant du Salève. Il existe maintenant certaines associations entre entreprises françaises et suisses pour l'utilisation des matériaux recyclés. Cela porte cependant sur d'assez petites quantités. La Suisse, d'une façon générale, a diminué ses importations de matériaux du Salève et la France en utilise également moins; le marasme économique actuel n'est pas étranger à cette situation.
Visite des carrières du Salève
Le réaménagement paysager du Salève se pratique à l'aide de semis hydrauliques que l'on projette à grande puissance sur les parois et les failles rocheuses. Cette méthode est bien connue. Elle a fait ses preuves. Les écoles d'ingénieurs s'appliquent encore à en perfectionner certains aspects, mais elle a d'ores et déjà permis de réhabiliter des pentes assez importantes au flanc du Salève. On obtient ainsi une assez belle végétation dont le volume s'harmonise bien avec les parois rocheuses.
Les commissaires qui se sont rendus sur place ont pu profiter d'une démonstration des techniques originales de réhabilitation de parois rocheuses par la maison Millet. Il s'agit, pour une intégration naturelle des parois rocheuses, de l'utilisation de plantes sauvages saxicoles. En plus de la coloration du support, des plantes sauvages saxicoles sont semées. Ces plantes sont récoltées dans le milieu naturel et mises spécialement en production pour la végétalisation. Il y a, dans toutes les parois rocheuses, celles du Salève aussi, un microrelief et des fissures plus riches en éléments fins qui permettent l'installation de quelques plantes (dites saxicole ou des milieux rocheux) donnant un aspect naturel. Ces plantes particulières font l'objet de recherches, en collaboration avec plusieurs universités dont celles de Grenoble et de Genève.
La projection hydraulique (par canon, pulvérisateur, mulcheur) est un procédé qui permet une application simple et rapide et un traitement de toutes les parois, quelles que soient les difficultés d'accès et de hauteur. Les produits utilisés et spécialement mis au point comprennent des activateurs biologiques de la microflore. Ils assurent également le développement racinaire des plantes semées. Ils sont inoffensifs pour la flore et la faune locales.
Des résultats spectaculaires, efficaces et durables, sont ainsi rendus possibles. Ces traitements ont débuté sur les anciennes carrières du Salève. Ils ne sauraient avoir moins de succès que ceux portant sur plus de 1 500 ha réalisés par exemple pour la Compagnie Nationale du Rhône, EDF, ainsi que sur diverses houillères, terrils, talus d'autoroute, carrières, etc., dans la France entière.
Conclusions
A ce stade de son examen de la motion 1017 qui lui est soumise, la majorité de la commission de l'environnement et de l'agriculture s'est convaincue que l'interruption de l'exploitation actuelle des gravières du Salève, en plus des conséquences désastreuses qu'elle pourrait avoir sur l'emploi aussi bien en France voisine qu'en Suisse, ne pourrait que compromettre une heureuse réhabilitation du site tel qu'elle est souhaitée par les motionnaires, prescrite par les conventions d'exploitation et imposée par la loi.
Au terme de ses travaux, la commission de l'environnement et de l'agriculture a suggéré aux motionnaires de remanier leur texte de façon qu'une majorité parlementaire consensuelle favorable tant à l'aspect général du Salève, montagne si chère au Genevois, qu'à la santé économique bien comprise de la région franco-genevoise en Haute-Savoie puisse se dégager. Les motionnaires présents ayant refusé cette possibilité de sauvetage, la commission de l'environnement et de l'agriculture, qui persiste dans sa majorité à considérer que seule la menée à bonne fin de l'exploitation présente des carrières du Salève nous évitera la permanence indéfinie de scarifications hideuses sur le flanc du Salève, s'est prononcée, par 7 voix contre 6, pour le maintien du texte de la motion tel que présenté au Grand Conseil.
La prolongation des travaux de la commission avec, notamment, l'audition de «spécialistes genevois de la grave recyclée» proposée par le commissaire Vert (M. Max Schneider) a été refusée par 7 voix contre 4 et 2 abstentions.
Finalement, la commission de l'environnement et de l'agriculture a choisi de proposer au Grand Conseil de refuser cette proposition de motion par 7 voix contre 6.
RAPPORT DE LA MINORITÉ
L'état actuel
Depuis le 14 septembre 1995, date à laquelle les motionnaires ont déposé leur proposition de motion, des centaines de mètres cubes de roche ont été extraites des carrières du Salève.
A l'explosif sur certains secteurs, ou avec plusieurs pelles mécaniques sur d'autres, on emploie les grands moyens pour exploiter ces carrières. Il semblerait même que l'exploitation ait pris une ampleur jamais égalée auparavant et une intensité sans précédent. Surtout depuis que l'une des trois gravières (Sasso S.à r.l.) a été rachetée par les exploitants actuels (voir en annexe «Profil de la carrière Sasso» - vendue - et la méthode d'exploitation actuelle en coupe).
Nous ne sommes pas en France, nous ne sommes pas une autorité politique française et donc nous n'avons pas à nous ingérer dans les affaires environnementales de notre voisin. Si cela est vrai, il n'en reste pas moins que l'influence des décisions politiques prises à Genève pour les matériaux de construction n'est pas à négliger. L'esprit de la motion va dans ce sens.
Les motionnaires, ainsi qu'une partie de la commission, restent convaincus que l'on ne peut rester indifférents à l'origine des matières premières que nous utilisons pour la construction et pour l'aménagement de notre canton, ainsi qu'aux conséquences de leur exploitation pour l'environnement. Dans ce sens, les motionnaires représentent aussi une partie de la population qui ne reste pas insensible au navrant spectacle du saccage de cette montagne qui se voit de très loin. Ces opinions se confirment de près, notamment par les riverains et les touristes qui utilisent le téléphérique.
L'importation sur Genève
Selon M. Chavaz, 20 à 30% de l'extraction est exportée sur Genève pour des collectivités publiques et des privés. Mais les chiffres exacts ne sont pas divulgués, ni les prix pratiqués, ni les sommes soi-disant investies dans la remise en état du site. Ces proportions permettent de relativiser les attaques des milieux environnementaux français qui soulignent que la construction genevoise est en train de saccager le Salève avec ces gravières. Les 20% restants peuvent être facilement remplacés par des matériaux genevois et cela nous éviterait ainsi d'être coresponsables de la déprédation de ce site. Cette décision peut être prise par le Conseil d'Etat, les exécutifs des différentes communes et par les dirigeant des Transports publics genevois et des Services industriels de Genève.
Le flou sur l'avenir de ces carrières, sur leur affectation future, l'absence de projet planifié avec un calendrier clair ne facilitent pas la tâche des décideurs locaux (les exploitants sont eux-mêmes présents dans les organes décideurs). La menace de poursuivre les exploitations après 2004 pour financer une hypothétique remise en état n'est donc plus à exclure...
Avantages et inconvénients des matériaux du Salève
Avantages: - Bonne cohésion lors de la mise en place, apparence agréable, très utilisés pour des cheminements piétonniers.
Inconvénients: - Matériaux souvent gélifs (gonflent au gel), danger de déformation, sur le moyen terme, des routes dont la fondation est faite de matériaux du Salève.
Les solutions de substitution
Il n'y a pas d'impossibilité technique d'utiliser des matériaux de recyclage genevois (voir en annexe la lettre adressée au Grand Conseil par une maison effectuant du recyclage à Genève - d'autres témoignages sérieux sont disponibles). Avant de préparer cette motion, ses auteurs avaient été invités par un collègue député pour comprendre les mécanismes relativement complexes de la fourniture des matériaux de construction à Genève. Plusieurs d'entre nous avaient retenu que le potentiel de production des industries de recyclage genevois permettait de couvrir largement la demande. La commission n'a, hélas, pas accepté d'auditionner ces professionnels genevois.
Les réalisations de qualité ne manquent pas. L'aménagement piétonnier et de jeu, près du site Uni-Mail, n'est-il pas un bon exemple? Les architectes avaient demandé en soumission des matériaux du Salève, ceux-ci ont été remplacés par une grave d'origine recyclée mélangée à du sable limoneux.
D'autre part, «dans le cadre des fondations de route les matériaux recyclés et lavés sont non gélifs et donc de meilleure qualité que les matériaux du Salève», déclare un industriel genevois spécialisé dans ce domaine. Citons certaines réalisations genevoises en matériaux recyclés: fondations de la ligne no 13, plusieurs lots de l'autoroute de contournement, route de Chancy (T104 à Onex), parking P49 de l'aéroport et bien d'autres exemples...
Rien n'oblige donc les dirigeants politiques genevois à être complices du saccage du Salève. La Ville de Genève a déjà fait des efforts dans ce sens en utilisant prioritairement des matériaux de substitution et qui sont du recyclage de matériaux de construction d'origine genevoise. C'est aussi dans cet esprit d'incitation que cette proposition de motion avait été déposée.
La remise en état du site d'exploitation des gravières
C'est du vent, ou plutôt une projection par canon pulvérisateur d'un colorant sur la roche accompagné de semis de plantes. C'est tout... La remise en état du site n'est pas sérieuse. Une fois l'exploitation terminée, il paraît bien illusoire qu'il reste des fonds pour remettre le site en état, c'est-à-dire pour remblayer totalement le site exploité. C'est donc bien maintenant que des mesures pourraient être prises. Les propositions de groupements pour la protection de l'environnement français ne manquent pas. Une exploitation en andains, avec reboisement par escaliers, et respectueuse de l'environnement aurait certainement pu être une solution acceptable. Le volume non exploité aurait pu être compensé par l'exonération de la taxe de remise en état. Malheureusement, aucune proposition consensuelle n'a pu être retenue et la déprédation va continuer jusqu'en 2004, voire plus loin encore, vu les entrelacements entre les pouvoirs politiques locaux de part et d'autre de la frontière, et les exploitants.
Une décision devra pourtant être prise. Le Conseil du Léman ou le Comité régional franco-genevois auront certainement un rôle à jouer dans ce domaine. A titre de parlementaires, dans le cadre de nos fonction limitées, nous pouvons influencer la politique d'achat de matériaux respectueux de l'environnement pour nos constructions.
Le travail en commission
Ce travail a été fortement influencé par l'audition uniquement des exploitants des gravières du Salève, sans entendre une contrepartie de professionnels genevois travaillant dans ce domaine. Ces même exploitants ont à nouveau été entendus par la commission qui a été invitée à visiter - de manière amicale et informelle... - l'exploitation des gravières, avec collation à l'appui. La visite sur site a retardé de plusieurs mois le travail sur cette motion puisqu'il fallait attendre de bonnes conditions pour qu'elle ait lieu... Lors de cette visite, la commission a entendu le vendeur et représentant de la maison Millet qui nous a vanté la qualité de ses produits (voir en annexela publicité de la maison Millet); étaient aussi présents M. Bernard Clary, de la DIRE, ainsi qu'un journaliste du «Messager» (France) qui a pu faire état des travaux et de la visite de notre commission dans les lignes de son journal. (Sans entrer en matière sur le principe de la présence de journalistes dans nos commissions - même informelle -, ne serait-il pas souhaitable que la presse en générale puisse être informée? Certains journalistes genevois ont été surpris de cette démarche. A souligner pour la petite histoire: au Parlement européen les journalistes peuvent suivre toutes les séances de commissions.)
Les motionnaires n'ont pas été insensibles à certains arguments des exploitants, notamment à la nécessité de poursuivre l'exploitation actuelle de manière réduite afin de financer la remise en état du site et du maintien des emplois éventuellement dans d'autres activités. Une modification des invites aurait été acceptable pour la minorité, mais le retrait pur et simple était irresponsable
Proposition de la minorité
Lors du débat en plénière nous présenterons plusieurs amendements et espérons un large consensus sur ce sujet délicat. Nous avons une part de responsabilité politique sur les conséquences environnementales de ces importations de matériaux du Salève. D'autre part, suivant les décisions qui seront prises, la défense de l'environnement pourrait aller de pair avec la création d'emplois, soutien de l'économie locale et régionale.
Annexes:
1. Lettre de la maison GRADEG SA.
2. Lettre de la commune de Veyrier.
3. Publicité de la maison Millet.
4. Profil des anciennes carrières et nouvelle méthode d'exploitation proposée.
ANNEXE 1
ANNEXE 2
14
ANNEXE 3
16
ANNEXE 4
18Débat
M. Hervé Burdet (L), rapporteur de majorité. Je n'aurai pas l'insolence de répéter ce qui figure dans le rapport, mais j'aimerais néanmoins rappeler que le Salève, cette montagne chère aux Genevois, se trouve en France où nous ne faisons pas la loi !
Personne, dans ce Grand Conseil, à Genève ou ailleurs, n'apprécie la qualité esthétique des balafres enlaidissant le flanc du Salève. Tout le monde serait d'accord de les faire disparaître en quelques jours, si cela était possible.
Il est nécessaire de garantir la stabilité économique des entreprises exploitant ces carrières. Sans cela, impossible de financer la revitalisation. La théorie des motionnaires qui préconisent l'interruption de l'exploitation et le boycottage de l'exportation en Suisse de la matière du Salève, sous prétexte qu'il existe des matériaux de substitution recyclés, est totalement fausse et dangereuse. M. Schneider déploie une énergie incroyable pour la défendre en prônant l'emploi de grave recyclée. N'étant pas aussi bon technicien que lui, j'ai examiné les normes européennes et ce qu'en dit l'OCDE pour vous en faire une petite synthèse.
L'utilisation des déchets recyclés est souvent présentée comme solution pour économiser les ressources naturelles. La grave recyclée et les autres matières premières secondaires participent à la préservation de l'environnement, mais sous réserve de ne pas générer d'autres inconvénients environnementaux.
C'est en particulier le cas lorsque les déchets, même recyclés, sont susceptibles de subir une importante modification physique, chimique ou biologique, c'est-à-dire lorsqu'ils ne sont pas rendus inertes et se décomposent au contact d'autres matières, notamment organiques, sans être biodégradables. Ils empêchent ainsi toute assimilation et absorption naturelle dans le milieu récepteur. Leur utilisation à des fins de remblai produit des lixiviats dont l'écoulement entraîne souvent - pour ne pas dire systématiquement lorsque aucune protection du sol du type membrane géotechnique n'est présente - une pollution du sol et de l'aquifère immédiatement sous-jacent. Ces lixiviats, selon la nature des déchets recyclés utilisés, peuvent se révéler extrêmement écotoxiques. Tel est le cas des plaques d'enrobé qui, par inadvertance ou volontairement, recyclées par simple concassage, se composent de ciment asphaltique contenant des bitumineux à base d'hydrocarbures.
Je n'entrerai pas dans le détail des normes de l'OCDE qui maintiennent les déchets recyclés sur la liste orange des substances dont même le transport est dangereux. Cependant, je préciserai qu'il existe un produit qui n'est pas au stade de déchet et comporte des propriétés minérales naturelles. Il n'est soumis à aucun contrôle spécifique d'un point de vue environnemental et des normes européennes. Etant inerte, il n'est aucunement susceptible de générer une quelconque contamination. Il s'agit des éboulis calcaires du Salève qui ne constituent pas une ressource rare à conserver pour la préservation de tel écosystème ou habitat naturel. Leur exploitation ne comporte pas un impact négatif sur le plan environnemental dès lors qu'elle ne nécessite pas l'utilisation d'autres ressources naturelles, et qu'une remise en état du site d'extraction est imposée pas la législation et la réglementation lors de la cessation d'activité.
Le bilan environnemental de ce type de matériaux du Salève est totalement positif. On conclura donc à l'obligation - et ce point de vue environnemental doit intéresser M. Schneider - d'utiliser des matières premières inertes, plutôt que de recourir à des déchets recyclés dont le comportement menace la santé publique et porte atteinte à l'environnement.
M. Max Schneider (Ve), rapporteur de minorité. M. Burdet fait un procès d'intention personnel, mais, comme nous l'avons vu pour les rivières et la motion précédente, je crois qu'il y a heureusement des sensibilités dans tous les partis face à l'écologie !
M. Burdet a écrit dans son rapport de majorité, à la page 7 : «...la commission de l'environnement et de l'agriculture a suggéré aux motionnaires de remanier leur texte...», alors que ce sont les motionnaires qui ont proposé de modifier quelque peu leurs invites suite à l'audition des frères Chavaz et des personnes visitées sur le site. Ils ont précisé que la réhabilitation pouvait se faire par une exploitation légère plus respectueuse de l'environnement. Malheureusement on leur a demandé de tout retirer, mais cela n'était pas possible.
Par chance, le groupe libéral du Conseil municipal s'est détaché de la position de mon cher collègue Hervé. M. Pierre Reichenbach souhaite que le Conseil administratif diminue notablement l'utilisation de la pierre noble quand les plaies béantes faites à la nature enlaidissent les sites. L'arrêt de l'importation des matières du Salève est donc fortement souhaité par la Ville de Genève.
La philosophie de cette motion est de ne pas être complice du massacre de cette montagne. Il n'est plus possible de continuer ainsi. Le plan des gravières actuellement à l'étude à Genève propose des alternatives. Je n'entrerai plus dans le détail au sujet de la grave recyclée, il en a été suffisamment question en plénière et en commission. Les industriels genevois exploitant cette matière ont démontré les possibilités de rentabilité de ce recyclage, mais on a refusé de les entendre en commission.
En effet, lorsqu'on extrait du gravier dans les plaines de l'Ain ou au Salève, on obtient des coûts relativement bas se situant entre 10 et 20 F, mais lorsqu'on récupère des blocs de béton après la démolition d'un immeuble, le transport dans une décharge contrôlée coûte 30 à 35 F le m3. C'est là que se situe le non-sens : l'élimination de certains matériaux coûte 30 à 50% plus cher que leur extraction. C'est un non-sens à la fois économique et écologique. Il existe même des cartes de Nouvel An évoquant le problème du Salève !
Il est donc possible d'exploiter les gravières du Salève de façon plus écologique, et la revitalisation doit se faire dans les plus brefs délais. Pour ces raisons, nous avons préparé deux amendements qu'un des motionnaires va peut-être présenter ce soir.
M. David Revaclier (R). Le groupe radical soutient le rapport de majorité qui conclut au rejet du texte de la motion tel qu'il est proposé.
En effet, cette motion nous paraît excessive et ses invites peu réalistes. Elles vont à fin contraire du but recherché, et plus particulièrement la première qui demande de façon unilatérale que le Conseil d'Etat entame des négociations avec les autorités françaises concernées ainsi qu'avec les instances transfrontalières, pour arrêter l'exploitation des carrières du Salève et procéder à la réhabilitation du site.
Cette montagne si chère aux Genevois se trouve malheureusement sur territoire français, et l'exploitation des gravières est un problème franco-français ! Le groupe radical ne peut accepter cette ingérence dans un Etat souverain et ami et la façon autoritaire et déplaisante dont les motionnaires s'adressent à nos voisins.
Cette manière peu courtoise d'interpeller les représentants des différents Conseils du département de la Haute-Savoie ne nous semble pas le meilleur moyen de créer un climat propice pour entamer d'éventuelles négociations. (Brouhaha.)
Une voix. Meuh ! (La présidente agite la cloche.)
M. David Revaclier. Lors de la visite informelle des carrières du Salève par la commission, la plupart des commissaires, après avoir entendu les exploitants au bénéfice d'une autorisation régulière d'exploiter jusqu'en 2004, ont pu se rendre à l'évidence : la réhabilitation du site est conditionnée par la poursuite de l'exploitation des carrières dans le périmètre autorisé jusqu'à l'échéance.
Les exploitants ont expliqué qu'ils travaillaient à la réhabilitation visuelle du site en investissant régulièrement dans cette opération. Si les carrières devaient être prématurément fermées, plus personne ne s'occuperait de la remise en état des lieux. Dépendant de la vente des graviers, le financement de l'ensemble des travaux serait remis en question. Le réaménagement paysager du Salève, selon les procédés techniques de l'entreprise Millet, est en cours et semble donner de bons résultats. L'effet obtenu sur les parois propres se rapproche beaucoup de l'aspect original. Mais ce travail ne peut être entrepris qu'à l'achèvement de l'exploitation d'une certaine surface. Cela explique la progression relativement lente de la renaturation.
En ce qui concerne la deuxième invite de la motion demandant le boycottage des matériaux du Salève destinés aux travaux entrepris par les pouvoirs publics du canton, il s'agit d'une proposition exagérément contraignante et peu sérieuse. Les motionnaires savent que ce boycott n'interromprait pas l'exploitation, puisque environ 70% des matériaux d'extraction sont utilisés en France.
La troisième invite demandant aux différents utilisateurs de matériaux du Salève de renoncer à les importer pour les remplacer par des matériaux recyclés ou de substitution nous semble beaucoup trop drastique. S'il est vrai que dans certains cas une partie des matériaux recyclés genevois peut se substituer aux matériaux du Salève, les entreprises de la construction et du génie-civil ne peuvent se passer complètement des matériaux du Salève permettant, par leur qualité intrinsèque sans égale, un large éventail d'utilisation.
Du point de vue économique, cette interdiction d'importer des graviers pénaliserait injustement les entreprises genevoises de la construction qui connaissent déjà assez de difficultés. De plus, s'il devenait effectif, l'arrêt de l'exploitation des carrières poserait de graves problèmes de pertes d'emplois de part et d'autre de la frontière.
En conclusion, les radicaux, à l'instar de leurs collègues, déplorent les atteintes portées depuis des décennies au flanc de cette montagne, de ce Salève adulé des Genevois qui fait partie de leur environnement paysager immédiat. Personne ne peut rester insensible aux déprédations qu'il a subies. Cependant, contrairement à l'avis des motionnaires, le groupe radical est convaincu que l'interruption de l'exploitation actuelle des carrières compromettrait la réhabilitation de ce site.
Pour l'ensemble des raisons évoquées, cette proposition de motion ne nous paraît pas pertinente. Par conséquent, le groupe radical vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de rejeter cette proposition de motion.
M. Jean-François Courvoisier (S). Bien que nous soyons séparés du Salève par une frontière n'existant que pour des raisons administratives, la vue sur cette montagne fait incontestablement partie du patrimoine genevois. Comme nous sommes sensibles à la qualité de l'eau que nous apportent les rivières de France voisine, nous le sommes également à la beauté des paysages qui nous entourent, même s'ils sont généralement situés en dehors de nos frontières.
Puisque les carrières du Salève fournissent des matériaux en grande partie destinés à notre canton, nous sommes coresponsables de la dégradation de ce site cher aux Genevois. Si nos entreprises publiques ou privées utilisaient davantage de matériaux recyclés, elles pourraient contribuer dans une large mesure à enrayer la dégradation de cette montagne.
S'il est vrai que le coût des matériaux recyclés est un peu plus élevé que celui des matériaux extraits du Salève et que nous vivons une période de vaches maigres, il n'est pas raisonnable de tout décider en fonction du prix de revient. Pour ma part, je préfère laisser à mes descendants un Etat un peu plus endetté qu'une nature définitivement saccagée pour réaliser des économies dérisoires.
On peut raisonnablement espérer qu'une période de meilleure conjoncture permettra de réduire un jour les dettes de l'Etat, mais on ne pourra pas redonner à la nature exceptionnelle qui nous entoure sa beauté à jamais détruite.
Nous ne souhaitons pas nous ingérer dans les règlements d'un pays voisin en faisant cesser l'exploitation des carrières du Salève, mais il doit être possible d'aborder avec les autorités de France voisine le problème de l'enlaidissement de cette montagne et de voir dans un esprit de compréhension comment défendre au mieux nos intérêts communs, comme nous le faisons pour la salubrité de l'eau.
Lors de notre visite de l'entreprise Chavaz, nous avons appris qu'une première tentative de renaturation des carrières avait échoué, les procédés utilisés n'ayant pas tenu leurs promesses. M. Chavaz nous a très aimablement accueillis et nous a démontré, bien sûr, tous les avantages liés à la poursuite de l'exploitation des carrières par son entreprise. Il nous a assuré que grâce à la maison Millet le Salève serait bientôt reconstruit plus beau qu'avant, comme le chalet de l'abbé Bovet. Mettre un frein à cette exploitation signifierait la mise au chômage d'une grande partie du personnel et compromettrait la renaturation du Salève.
Vu l'amabilité de son accueil, il aurait été malvenu de contredire M. Chavaz ou de mettre en doute ses promesses. Mais, comme l'a fait remarquer M. Schneider dans son rapport de minorité, n'ayant pas reçu l'avis de professionnels genevois dans ce domaine, nous n'avons entendu qu'un son de cloche.
De ce fait, nous n'avons pas pu nous renseigner sur la différence de coût entre les matériaux recyclés et ceux provenant du Salève, ni sur les avantages et les dangers que représente l'utilisation de matériaux recyclés.
C'est pourquoi, par respect pour notre patrie et la belle nature qui l'entoure, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir la motion 1017.
M. Florian Barro (L). La fin de l'intervention de M. Courvoisier est pour le moins ambiguë. Il dit ne pas avoir eu l'occasion d'entendre les spécialistes de la grave recyclée, mais cela ne l'empêchera pas de soutenir cette motion. Il faut être logique ! Soit on entend ces personnes et on refait un tour en commission soit on ne soutient pas cette motion. (Brouhaha.) Ou vous en écrivez une nouvelle, Monsieur Courvoisier, en demandant spécifiquement l'audition de ces personnes ! En commission, vous êtes libres, démocratiquement, de choisir les personnes que vous souhaitez auditionner.
Tout le monde est d'accord sur ce constat : personne n'est satisfait des carrières du Salève. Mais les objectifs de cette motion sont particulièrement déraisonnables, voire dangereux. Ils partent d'un a priori strictement négatif. Genève utilise 30% des matériaux provenant de ces carrières depuis 1830. Cette date est suffisamment ancienne pour justifier une certaine responsabilité. Décréter un boycott serait particulièrement égoïste, Monsieur Schneider. Cela signifierait : «Messieurs les Français, débrouillez-vous avec vos carrières, nous n'en avons plus rien à faire, car nous nous occupons de grave recyclée !».
Les carriers ont la responsabilité de la réhabilitation de ce site; il en va de leur crédibilité vis-à-vis des lois et règlements en vigueur en France. Je trouverais particulièrement malvenu de décréter simplement un boycott et de se désintéresser du problème.
Je vous signale que dans l'autre sens, Monsieur Schneider, une entreprise genevoise d'exploitation de gravières a eu l'occasion de livrer du gravier en France. Je serais assez surpris de voir des Français prendre des mesures de rétorsion semblables à celles que vous nous suggérez. Dans ce parlement, vous seriez les premiers à vous plaindre d'une telle discrimination. Soyons raisonnables dans nos propos !
Sans faire un chantage à l'emploi, il faut souligner qu'un boycott strict des carrières du Salève entraînerait la fermeture d'une entreprise genevoise employant une douzaine de personnes. Cela ne changerait rien à l'exploitation, puisque 70% des matériaux sont destinés à la France. Les exploitants auraient tout au plus l'obligation de retrouver une capacité de production à la hauteur de leurs ambitions sur territoire français.
Ce soir, en arrivant à l'Hôtel de Ville, vous avez pu remarquer parmi les trois drapeaux celui de l'Europe. Les accords du GATT, qui ne nous lient pas seulement à l'Europe mais au reste du monde, interdisent toute discrimination déguisée d'importation de matériaux, et le vote de ce boycott en est une. Je vous prie donc... (L'orateur est interrompu.) Mais, Monsieur Schneider, on verra qui a raison ! En l'état, cette motion est irrecevable.
M. Jean-Luc Ducret (PDC). Un parlementaire doit savoir faire preuve d'un peu de courage.
Une voix. Ce serait bien la première fois !
M. Jean-Luc Ducret. Aussi je vous demande d'avoir le courage politique de soutenir cette motion. Certes, elle peut paraître excessive à d'aucuns. M. Schneider, rapporteur de minorité, vous a annoncé quelques amendements. Il m'appartiendra de vous en présenter un.
Néanmoins, j'aimerais vous dire qu'au même titre que le Jura voisin, le Vuache, la rade, le jet d'eau ou le Petit Lac, le Salève fait partie de notre environnement naturel. La balafre que nous pouvons constater tous les jours est une agression permanente pour le repos du citoyen genevois. (Exclamations.)
Nous avons été émus lorsque, dans notre cité, des ouvrages hors dimension furent construits. Le bel hôtel de Russie a été remplacé par un ouvrage hors gabarit.
J'en suis convaincu, tout le monde est conscient qu'il dénature la rade à tout jamais.
Il faut parfois intervenir avec force, d'où l'excès de cette motion. Depuis longtemps, l'entreprise qui exploite ces carrières essaie de nous convaincre qu'un effort sérieux est fait pour tenter la renaturation de ce site. Aurions-nous le courage de refuser cette motion si l'entrepreneur était de nationalité française et domicilié en France ? Il ne s'agit pas de personnaliser cette motion et d'attaquer une entreprise, mais de faire prendre conscience à l'ensemble de la population genevoise que la classe politique se soucie de choses importantes mais aussi de celles qui peuvent paraître dérisoires concernant notamment notre environnement immédiat.
La première invite ayant pour objet l'arrêt de l'exploitation sera remplacée par une invite un peu plus douce. Elle se lit ainsi :
«- à intervenir auprès des instances transfrontalières (Comité régional franco-genevois et autres), afin d'obtenir des exploitants une réhabilitation réelle du site en favorisant le respect rigoureux de l'environnement naturel;»
Je dépose cette proposition d'amendement qui devrait emporter l'adhésion de tout le parlement. (Applaudissements.)
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Je suis stupéfaite d'entendre dans ces rangs un certain nombre de déclarations concernant ce que vous admettez tous comme étant une horreur visuelle au flanc du Salève. L'impact est ressenti désagréablement par tous, mais - comme vient de le faire M. Barro - vous dites que cette carrière est exploitée depuis la première moitié du XIXe siècle et qu'on lui doit le respect.
Je vous rappelle que vers 1830 les abattoirs de L'Ile rejetaient au Rhône le sang et les abats. De même, les produits de teinturerie se déversaient dans l'eau, le tout-à-l'égout n'existait pas et l'état de pollution des eaux était extrêmement grave. Mais, depuis un siècle, on a entrepris, sur la base des connaissances scientifiques acquises et des moyens technologiques, de réaliser des progrès. Même M. Haegi nous a proposé récemment un projet de loi quasiment révolutionnaire pour renaturaliser nos rivières canalisées.
J'ai visité récemment les carrières de Carrare, déjà exploitées au temps des Etrusques. Beaucoup plus vieilles que celles du Salève, elles ont été exploitées pour la réalisation d'oeuvres d'art destinées à l'ensemble de la Méditerranée. Cependant, depuis dix ans, les technologies de débitage de la pierre et de la roche sont devenues si redoutablement efficaces et hautement productives qu'une partie des montagnes de Carrare, exploitées pendant plus de deux millénaires, vont disparaître dans les trente prochaines années.
Nous sommes donc actuellement dans une échelle tout à fait différente qu'à l'époque ancienne où l'on extrayait le gravier et le calcaire au pied du Salève. Il existe encore 5 à 7 millions de m3 à exploiter, la concession court jusqu'en 2004. Essayez d'imaginer l'aspect de cette montagne à cette époque !
Dans leur étude d'impact, les exploitants Chavaz et Descombes - excellente étude au demeurant et très sympathique - nous disent eux-mêmes que l'impact visuel est grave, mais qu'il ne faut pas l'exagérer, car il est beaucoup moins dangereux pour la collectivité que ne le sont les pollutions chimiques ou radioactives pourtant invisibles ! Ils admettent que le vieillissement accéléré de la roche tenté au moyen d'un produit a été dommageable à cause de la teneur en métaux lourds du produit employé, mais ils sont assez cyniques pour prétendre néanmoins que la cessation d'exploitation signifierait également l'arrêt de la réhabilitation !
L'ensemble des méthodes actuelles de réhabilitation est totalement pris en charge dans le prix de revient des produits. En conséquence - c'est une phrase admirable - augmenter les ventes c'est accélérer la diminution de l'impact visuel du site ! C'est invraisemblable qu'on puisse vous balancer de tels arguments dans un rapport ayant fait l'objet d'études sérieuses en commission - je n'en faisais pas partie. (Brouhaha.)
Si les invites de cette motion peuvent être «adoucies» pour reprendre les termes de notre excellent collègue Ducret, et la réhabilitation, échelonnée, j'y souscrirai. Mais, de grâce, qu'on s'attelle sérieusement au travail ! Entre l'arrêt immédiat et le boycott des importations de ces produits et la réhabilitation obligée de ce site, existe la possibilité d'intervenir avec un plan qui doit être élaboré, établi et négocié avec les propriétaires du site, les autorités françaises qui délivrent l'autorisation d'exploitation et les collectivités publiques intéressées de ce canton, depuis les collectivités riveraines des communes jusqu'à la collectivité cantonale.
Si cette motion était refusée avec les amendements que l'on voudra bien accepter, nous reviendrons avec l'exigence d'un plan d'échelonnement de travaux qui puisse associer la fin de l'exploitation programmée et la réhabilitation, sans durer vingt ou cinquante ans, Monsieur Haegi ! Sinon le paysage du sud de ce canton sera définitivement défiguré. Ce n'est pas en évoquant les anciennes plaies de ce Salève exploité comme carrière depuis le Moyen Age que l'on pourra trouver des références de nature à nous tranquilliser, car les moyens actuels ont des gains de productivité élevés et poussent leur avancée dans la roche infiniment plus rapidement, durablement et visiblement qu'autrefois.
M. Roger Beer (R). Un parlementaire doit se permettre des coups de coeur. Le Salève est en France, nous le savons tous. Par ailleurs, il n'a jamais été question de s'ingérer dans les affaires d'une exploitation privée et économiquement rentable, comme cela a été rappelé dans le rapport de minorité. En commission, nous avons voulu proposer des amendements, mais ils ont été balayés.
Je suis content que M. Ducret, motionnaire et ancien président du Grand Conseil, ait proposé un amendement. Il s'agit d'un signe de ce Grand Conseil à l'attention du Conseil d'Etat, car nous sommes effectivement préoccupés par l'aspect général du Salève.
Un député se doit de tirer la sonnette d'alarme pour avertir le Conseil d'Etat des préoccupations du public. Un sondage de la «Tribune de Genève», paru il y a six mois environ, révélait que 80% des Genevois étaient préoccupés par ce problème, sans même avoir de connaissances précises sur le matériau extrait.
Sans vouloir nous ingérer dans les affaires de France voisine, nous pouvons demander à l'un de nos conseillers d'Etat qui a une notion très généreuse et très large de la région de faire part de cette sensibilité lors de tractations et discussions.
Très impressionné lors du déplacement sur le site, j'ai constaté que la fin de l'exploitation signifierait la fin de la réhabilitation. Nous ne devons pas nous moquer de cette réalité : pour réhabiliter à un rythme humain il faut continuer d'exploiter. Il est vrai également que les matériaux du Salève sont moins chers que les matières recyclées.
Sur les chantiers de la Ville de Genève, on constate une certaine psychose au sujet de ces matériaux. On parle de matières argilo-calcaires qui - c'est le sommet - proviennent du Jura ! Quelque chose ne tourne pas rond, c'est évident ! Il ne s'agit pas de protéger le Salève en privilégiant les transports de camions parcourant plus de 200 km.
Il faut avoir une approche plus réaliste et une utilisation plus économe de cette matière du Salève. Nous n'avons pas eu l'occasion, en commission, d'en discuter jusqu'au bout, car un certain agacement régnait : il s'agissait de défendre l'entreprise et de refuser cette motion. Mais les motionnaires ne voulaient pas cela.
Je compte sur vous pour accepter la motion avec son amendement et ensuite la renvoyer au Conseil d'Etat, afin qu'il rende attentifs les entrepreneurs de ce canton aux préoccupations des Genevois suscitées par le maintien de l'image du Salève.
M. Yves Zehfus (AdG). Le rapport de majorité que nous examinons n'est que de la poudre aux yeux. Il fait plaisir aux exploitants des carrières, méprise les Genevois et leur attachement au Salève et se moque des habitants de Veyrier, commune où j'habite également.
La face du Salève où les carrières sont exploitées n'était pas une paroi rocheuse. Elle était couverte de bois où on allait se promener et constituait un environnement remarquable.
Je n'arrive pas à comprendre qu'un botaniste, M. le député Burdet, puisse approuver la poursuite du massacre et cautionner des exploitants qui se préoccupent peu de la nature et font de l'argent à n'importe quel prix.
Avant qu'il ne soit trop tard et que l'on ne puisse plus recréer l'état naturel, originel, de ce site, il faut arrêter le massacre. Toutes les invites de la motion vont dans le bon sens. La soi-disant réhabilitation des parois rocheuses ne présente qu'un vernis noir où ne pousse aucune plante.
Les habitants du village de Veyrier, du Pas-de-l'Echelle et de Bossey sont consternés, et voudraient que ce saccage cesse le plus vite possible. Ils doivent non seulement supporter le bruit des éclats de mines, de temps à autre, des bulldozers, des pelleteuses et autres engins, mais encore le passage des camions et respirer la poussière. En continuant de creuser, on crée une véritable caisse de résonance qui amplifie le bruit de l'autoroute au pied des carrières. Pour notre groupe, les matériaux recyclés doivent remplacer totalement la matière du Salève.
Je vous invite donc à voter la motion et vous remercie de m'avoir écouté.
M. John Dupraz (R). Cette motion a un côté sympathique et séduisant. Il est vrai que le Salève se voit de loin et que son exploitation choque certains députés et habitants.
Mais je vous rappelle quand même que l'activité de notre parlement s'arrête à nos frontières...
Une voix. Creys-Malville !
M. John Dupraz. Je regrette infiniment que cette commission et les motionnaires ne soient pas plus préoccupés par l'exploitation des gravières sur notre territoire. Pourtant, dans certains points, proches du lieu d'habitation d'un des motionnaires, M. Ducret, leur exploitation pose des problèmes. Dommage que vous n'ayez pas une vision plus globale !
Je souhaiterais que l'on examine l'ensemble du problème en tenant compte des nuisances sur notre territoire et des besoins du canton. Vu la dureté de la motion et ma demande, je vous propose le renvoi en commission pour que cette motion soit plus acceptable.
M. Max Schneider (Ve), rapporteur de minorité. La dernière invite de M. Dupraz à renvoyer cette motion en commission a pour objet d'enterrer les carrières du Salève. (Le député est interrompu.) Avec de tels propos, Monsieur Dupraz, il n'aurait pas été possible d'intervenir au sujet de Creys-Malville. Sur de nombreux autres sujets, nous devons également travailler avec nos collègues français. Personnellement, je vis en Europe, je travaille en Europe, je fais des projets en Europe. Je ne boycotte pas les produits français ou autres, mais je ne veux pas investir à Creys-Malville, et je proposerai une motion pour que le Conseil d'Etat ne le fasse pas.
Au sujet des carrières, il ne s'agit pas de lancer un boycott bébête, mais, comme M. Reichenbach l'a clairement dit, d'arrêter l'importation de ce matériel pour cesser d'enlaidir la nature. Nous avons été interpellés par les écologistes français; eux aussi souhaitent que les Genevois cessent d'importer. Certes, nous ne pouvons pas intervenir en France, et j'ai un grand respect pour les autorités locales parmi lesquelles siègent M. Chavaz, en tant que conseiller municipal de la commune d'Etrembières et M. Descombes, tous deux propriétaires. A Veyrier, c'est également M. Chavaz, du parti radical, qui siège au Conseil municipal, et vous le défendez très bien ! (Brouhaha.) Comme par hasard, des appuis émanent du Conseil municipal de ces communes en faveur de la poursuite de l'exploitation des carrières !
Ces exploitants, très sympathiques au demeurant, ont bien su faire passer leur message. Monsieur Barro, comme vous l'avez demandé en plénière, nous souhaitions auditionner également les exploitants genevois, les maisons Gradeg ou Maury, et examiner l'étude sur la grave recyclée de Vallauris SA, à Yverdon. Malheureusement, ce sont les représentants de votre propre parti qui ont refusé : ils avaient auditionné suffisamment de personnes !
Il ne s'agit pas non plus de pénaliser la construction genevoise. Bien au contraire, nous avons une étude démontrant que si l'on arrive à recycler les matériaux de déconstruction, on diminue le coût du stockage en décharges contrôlées dont l'exploitation fait gagner plus d'argent que celle du gravier, comme vous le savez.
Quant au chantage à l'emploi, c'est un faux débat. Les graves recyclées qui remplaceraient totalement les matériaux du Salève pourraient être transportées par la même entreprise, mais... pas celle du cousin ! Les responsables de Gradeg, de Maury ou de Vallauris sont prêts à vous le confirmer, et je tiens leurs études à votre disposition.
Il est vrai, comme l'a souligné M. Barro, que l'exploitation de ces gravières a commencé au siècle dernier, mais c'était à la pelle et à la pioche ! Et, surtout, cela ne se voyait pas : c'était au pied du Salève. Les structures et les modes d'exploitation actuels sont totalement différents : on commence par le haut, puis on redescend.
Après discussion en commission, nous avons proposé aux carriers une exploitation en escalier permettant le reboisement. Tout espoir n'est pas perdu ! M. le conseiller d'Etat Haegi a affirmé à plusieurs reprises à la télévision et par voie de presse qu'il allait se battre pour la réhabilitation du site; mais il n'y est pas arrivé. Voilà pourquoi cette motion qui est un peu dure se veut aussi conciliante. Si, par cette méthode, les exploitants arrivent à reboiser, il ne s'agira plus de boycott ou de pressions trop dures. Tous ensemble, nous arriverons certainement à trouver une solution.
Les amendements proposés ce soir permettent d'adoucir la motion, d'être en accord avec le Conseil municipal de la Ville de Genève et de nous faire gagner de l'argent, c'est l'objet de la troisième invite. Actuellement, dix départements des Services industriels importent le gravier pour reboucher les fouilles. Chacun selon sa propre politique et sans cohérence. A l'Etat, c'est à peu près la même chose. Il faut donc établir une véritable politique de gestion de ces matières de remblai. Ni l'économie ni l'emploi ne seront pénalisés. Nous trouverons une solution écologique qui plaira à tous les partis, car il ne s'agit pas d'une motion du parti écolo uniquement. Tous les partis l'ont signée, sauf le parti libéral, si je ne me trompe.
M. Hervé Burdet (L), rapporteur de majorité. Puisqu'il m'a personnellement mis en cause, j'aimerais dire à M. Zehfus que je ne vois pas dans quels bois il allait se promener, lorsqu'il était jeune. Dès 1832, dans le premier ouvrage consacré à la flore de Genève qui s'étend jusqu'au Salève, Reuter décrit une série de gros éboulements à cet endroit où seuls de petites plantes et quelques buissons poussent. (Le député est interpellé.) Votre intervention est à peu près aussi drôle que l'évocation de M. Schneider au sujet du reboisement de parois présentant une déclivité de 50% !
M. Schneider a soulevé un point qui confirme mes propos au sujet de la présence sur la liste orange dressée par l'OCDE des matériaux recyclés et qui, vu leur toxicité, doivent être entreposés dans une décharge contrôlée s'ils ne sont pas utilisés.
Quant aux «montagnes» de Carrare, Madame, il s'agit des Alpes Apuanes qui culminent à près de 2 000 m et s'étendent sur plus de 200 km2. Aussi, les quelques morceaux de sucre qu'on en a extraits... (Exclamations.) J'ai été là-bas, moi aussi ! Il s'agit de quantités négligeables comparées aux étendues de bois et au nombre de plantes; les carrières se trouvent pratiquement à l'intérieur d'une réserve naturelle.
M. John Dupraz (R), rapporteur de minorité. A en croire le rapporteur de minorité, il ne s'agirait pas d'interdire l'exploitation des gravières ou de boycott. On ne saurait laisser passer de tels propos, car la deuxième invite parle précisément de boycott.
Par ailleurs, vous êtes de mauvaise foi en nous accusant de défendre les radicaux. En effet, M. Beer et moi-même défendons une étude pour améliorer la situation. J'ai demandé d'élargir le débat au niveau genevois pour l'ensemble de l'approvisionnement en gravier et d'étudier les problèmes d'impact sur l'environnement créés par l'exploitation des gravières non seulement au Salève mais notamment dans la région de la Champagne que je connais bien.
Il est regrettable que vous ayez un regard obtus et que vous butiez sur une motion qui, dans les termes actuels, est totalement inacceptable. (Brouhaha.)
La présidente. Nous allons voter le premier amendement, proposé par M. Jean-Luc Ducret, consistant à remplacer la première invite par un nouveau texte.
M. Hervé Burdet (L), rapporteur de majorité. Cet amendement est totalement acceptable. Il décrit en effet la situation présente. Lors de son audition, M. Mascherpa a précisé que depuis septembre 92 des contacts ont été établis en particulier grâce au Conseil du Léman et au Conseil régional franco-genevois. Quant à la réhabilitation, je suis navré que M. Jean-Luc Ducret ne la voie pas, mais elle existe et est démontrable sur le terrain.
L'amendement, anodin, déjà réalisé, est donc parfaitement acceptable.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Comme l'a relevé M. Beer, si l'on prend conscience du fait qu'une démarche de renaturation n'est possible que s'il y a poursuite de l'exploitation, il faut accepter cette invite et supprimer les deux autres. C'est logique !
La présidente. Le second amendement est proposé par M. Dupraz.
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). M. Haegi a raison de penser que si, comme le proposent les carriers - admirable proposition ! - on poursuit l'exploitation, puisque le financement de la réhabilitation dépend de l'augmentation des ventes, on se mord la queue, et les Genevois laisseront le Salève se dégrader.
Je n'ai pas préparé d'amendement dans ce sens, mais je propose d'engager des négociations pour la mise en place du dispositif de réhabilitation d'urgence tout en poursuivant l'exploitation, car certains éboulements existent. Ce travail ne peut être programmé unilatéralement; les propriétaires et les instances compétentes doivent être consultés.
Si la notion de transfrontalier a réellement un sens, il s'agit de l'utiliser pour résoudre ce problème touchant des exploitants et des habitants franco-genevois. Que M. Haegi nous dise s'il entend participer à cette négociation ou continuer à laisser faire !
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Madame la députée, vous posez une question dont vous connaissez déjà la réponse ! Vous le savez, depuis des années, nous interpellons les autorités françaises, rendons visite aux exploitants de ces carrières et tentons de trouver des solutions. Il faut un minimum de réalisme : si vous persévérez dans la même direction en sachant d'ores et déjà que vous n'obtiendrez rien, vous aurez la satisfaction de l'exercice intellectuel qui consiste à interpeller les Genevois restés passifs pendant des décennies face à la dégradation de la montagne.
Qui est intervenu, il y a dix, quinze ou vingt ans au sujet de cette transformation ? Absolument personne ! (Exclamations.) Trouvez-moi des traces de vos interventions dans le Mémorial ! Je suis intervenu plus vite que vous, Monsieur Ferrazino !
Soyons réalistes, quels que soient nos sentiments ! J'ai dit clairement, voilà plusieurs années, que je regrettais l'aspect de cette montagne. Les méthodes utilisées pour tenter une renaturation sont difficiles, mais pas exclues. Il s'agit de voir ce que nous pouvons réellement modifier et quelle influence nous pouvons exercer; le reste n'est que bavardage !
Vous pouvez toujours vous procurer quelques satisfactions en tenant un tel discours, mais si vous voulez concrétiser vos propos, allez dans le sens de la suggestion qui vous est faite d'amender la première invite ! La logique veut que les deux autres soient supprimées.
M. John Dupraz (R). Le groupe radical votera l'amendement. L'amendement que j'avais déposé est confirmé par M. Haegi... (Confusion.)
La présidente. Il s'agit de biffer les deuxième et troisième invites; vous complétez et je signe, si j'ai bien compris ?
M. John Dupraz. C'est cela !
M. Christian Grobet (AdG). L'évolution de ce débat est hallucinante. La première invite demande uniquement de négocier, tâche dans laquelle se complaît M. Haegi pour tous les domaines, sauf celui-là !
Après nous avoir fait amender la première invite de la motion, on nous demande, la main sur le coeur, d'éliminer les deux autres invites. (Brouhaha.) On a compris la manoeuvre ! Il s'agit d'une potion dite «bouillon pour les morts», car on nous dit de ne surtout rien toucher. Mais nous ne serons pas dupes !
M. Max Schneider (Ve), rapporteur de minorité. Je suis consterné d'entendre le responsable du département de l'intérieur faire une telle proposition.
Les deuxième et troisième invites touchent directement à notre économie et à la gestion de la construction à Genève. En effet, le Conseil d'Etat peut intervenir dans le choix des matériaux. Ça fonctionne très bien en Ville de Genève : les coûts diminuent.
Comme M. Burdet a lu un fax envoyé par M. Chavaz en début de séance, j'ai là également un mot d'entrepreneurs genevois spécialisés dans le recyclage m'assurant qu'ils sont tout à fait compétitifs. En effet, le prix moyen du recyclage pour une installation est de 10 à 15 F le m3. On peut donc parfaitement remplacer la matière du Salève, comme en a décidé, près d'Uni-Mail, l'Etat de Genève.
C'est pour cette raison que je ne vous comprends pas, Monsieur Haegi ! J'ai cité le point de vue de M. Joye exposé dans une lettre à l'adresse d'un spécialiste du recyclage. En outre, d'un point de vue global, comme cela a été relevé dans un préavis du 21 juillet 93, le recyclage des déblais concernant l'installation projetée permet, d'une part, de valoriser ces matériaux au lieu de les déverser simplement en décharge et, d'autre part, de préserver les ressources en gravier.
Voilà une chose qui va vous intéresser, Monsieur Haegi ! Dans son principe, cette installation répond aux objectifs de la législation fédérale, notamment à l'ordonnance sur le traitement des déchets du 10 décembre 1990. Elle correspond également aux préoccupations cantonales qui figurent dans le Concept cantonal de gestion des déchets d'octobre 92.
Pour toutes ces raisons, il est clair que les deuxième et troisième invites représentent des invites clés pour cette motion. L'amendement proposé par M. Ducret - je l'en remercie - est destiné à adoucir les termes, lors de négociations avec nos collègues politiques français. Ces invites concernent notre République et doivent être absolument respectées.
La présidente. Nous allons voter la première invite, soit l'amendement de M. Ducret, dont la teneur est la suivante :
«- à intervenir auprès des instances transfrontalières (Comité régional franco-genevois et autres), afin d'obtenir des exploitants une réhabilitation réelle du site en favorisant le respect rigoureux de l'environnement naturel;»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
La présidente. Nous allons voter la suppression de la deuxième invite.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
La présidente. Nous votons maintenant la suppression de la troisième invite.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
La proposition de motion est mise aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée par 41 oui.
Elle est ainsi conçue :
(M 1017)
MOTION
concernant la dégradation actuelle du Salèvepar l'exploitation des carrières et les importations genevoises
LE GRAND CONSEIL
considérant:
- que la dégradation actuelle du Salève par l'exploitation des carrières a atteint des limites inacceptables;
- que des voix s'élèvent pour dénoncer la responsabilité des «Genevois» étant donné leur demande importante en matériaux;
- qu'une grande partie de l'exploitation est livrée sur Genève avec des nuisances considérables;
- que, de part et d'autre de la frontière, la population est profondément marquée par la dégradation de ce paysage magnifique,
invite le Conseil d'Etat
- à intervenir auprès des instances transfrontalières (Comité régional franco-genevois et autres), afin d'obtenir des exploitants une réhabilitation réelle du site en favorisant le respect rigoureux de l'environnement naturel;
- à ne plus importer des matériaux du Salève pour toutes les constructions ou couvertures de chemins administrés par les pouvoirs publics, à partir du 1er janvier 1996;
- à intervenir, dès maintenant, auprès des constructeurs privés et notamment auprès des Services industriels de Genève et de l'ensemble des collectivités du bassin genevois pour qu'ils remplacent les matériaux du Salève par des matériaux recyclés ou de substitution.
7. Ordre du jour.
Mme Janine Berberat (L). Madame la présidente, lorsque nous sommes arrivés ce soir, nous avions un ordre du jour sur notre place. Il tenait compte de ce que nous avions prévu lors d'une séance précédente, à savoir traiter cinq points en urgence ce soir. Or il est plus de 23 h et nous n'avons pas traité un seul de ces points. Je vous demande de bien vouloir commencer à les traiter.
La présidente. La deuxième séance n'est pas terminée. J'ai annoncé en début de deuxième séance que nous finissions le département actuel pour ensuite traiter les points en urgence qui, paraît-il, devraient passer rapidement. Je propose que l'on continue le département jusqu'à 23 h 30 et, entre ce temps et minuit, nous traiterons les points urgents. (Brouhaha.)
Mme Janine Berberat (L). Je suis désolée, Madame la présidente, mais «un tiens vaut mieux que deux, tu l'auras !». La dernière fois, vous vouliez aussi terminer à minuit et demi, et vous vous êtes retrouvée toute seule dans la salle. Je vous demande de commencer tout de suite par les points urgents. Merci.
Une voix. Bravo !
La présidente. Bon alors la proposition que plusieurs d'entre vous m'ont faite, soit une séance supplémentaire par semaine, je crois que je vais l'appliquer !
Des voix. Bravo !
M. Olivier Lorenzini(PDC). Je soutiens la proposition de Mme Berberat. (Brouhaha.)
La présidente. Il est inutile que je suspende la séance, mais je vais mettre aux voix la proposition de Mme Berberat.
Mise aux voix, la proposition de traiter les points en urgence est adoptée.