République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1109-A
18. a) Rapport de la commission des affaires communales et régionales chargée d'étudier la pétition contre le déficit démocratique au niveau régional. ( -) P1109
Rapport de Mme Janine Hagmann (L), commission des affaires communales et régionales
M 1129
b) Proposition de motion de Mmes et MM. Max Schneider, Claude Basset, Matthias Butikofer, Nicole Castioni-Jaquet, Jean-Claude Dessuet, Laurette Dupuis, Janine Hagmann, Elisabeth Häusermann, Olivier Lorenzini, Pierre Meyll, Geneviève Mottet-Durand, Laurent Moutinot, Vérène Nicollier, David Revaclier et Jean-Claude Vaudroz visant à combler le déficit démocratique au niveau régional. ( )M1129

En date du 29 mars 1996, Mme Françoise Chappaz, présidente du Conseil lémanique pour l'environnement, adressait à M. Jean-Luc Ducret, président du Grand Conseil, une pétition/requête contre le déficit démocratique au niveau régional. Après l'avoir enregistrée, le Grand Conseil la renvoya à l'examen de la commission des affaires communales et régionales. Cette dernière, sous la présidence de M. Olivier Lorenzini, la traita lors de ses séances des 16 et 30 avril, 7 et 21 mai 1996, puis, sous la présidence de M. Max Schneider, les 18 juin, 3 décembre 1996, 18 février et 4 mars 1997. M. Michel Baettig, directeur des affaires régionales et européennes, a fait bénéficier les commissaires de ses connaissances en la matière. Qu'il soit ici remercié de sa précieuse collaboration.

La teneur de la pétition est la suivante:

PÉTITION/REQUÊTE

contre le déficit démocratique au niveau régional

Considérant:

- les discussions sur l'aménagement en cours dans la région franco-valdo-genevoise:

- révision du plan directeur genevois;

- adoption du schéma directeur du Pays de Gex;

- discussion des Contrats globaux de développement du Genevois haut-savoyard et du Pays de Gex;

- suivi du plan régional du district de Nyon;

- préparation de la révision du plan directeur vaudois;

- les propositions du CRFG (Comité régional franco-genevois) présentées aux 2es assises régionales au CERN le 8 décembre 1995.

Vu:

- le déficit démocratique dans les organes régionaux actuels, occasionné par la sous-représentation ou l'absence:

- de représentants de la société civile (associations environnementales, sociales et d'usagers);

- d'élu-e-s du pouvoir législatif;

- des communes;

- des femmes;

- la crainte d'une dérive technocratique:

- projet d'une agglomération genevoise de 800 000 à 1 000 000 d'habitants prévue par les technocrates sans concertation aucune, ni possibilité de discussion;

- la transformation des zones du Genevois français et de la Terre Sainte vaudoise en banlieues-dortoirs de Genève (+250 000 habitants !);

- le risque de dérapage en matière d'environnement au niveau régional.

Le CLE demande

- la mise en place d'un organe transfrontalier regroupant élu-e-s du législatif et représentants des associations environnementales, sociales et d'usagers;

- de mettre en pratique une concertation régionale réelle, au sens de l'agenda 21 (suivi de Rio) qui demande aux gouvernements d'associer les Organisations non gouvernementales à l'élaboration des plans de développement et de tirer avantage de leurs compétences et connaissances;

- de mettre en discussion publique les projets de développement régionaux.

WWF - Genève FRAPNA

5, rue Liotard 58, avenue de Genève

CH-1202 Genève F-74000 Annecy

1. Auditions

16 avril 1996. M. Michel Baettig, directeur des affaires régionales et européennes

M. .

- L'Accord entre les gouvernements français, allemand, luxembourgeois et suisse sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux.

- La Convention-cadre européenne de 1980 sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales, dite Convention de Madrid.

- Le Protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales.

Pour la région genevoise, de grands pas ont été faits, par le biais du Comité régional franco-genevois et du Conseil du Léman. La coopération transfrontalière est en bonne voie. Il ne peut y avoir de politique transfrontalière sans prise de responsabilités. Les parlements devraient donc s'engager davantage dans la coopération transfrontalière. Le Conseil du Léman invite depuis 1995, à son Assemblée plénière annuelle, des membres des parlements cantonaux (VD, VS, GE) et des Conseils généraux des départements de l'Ain et de la Haute-Savoie.

30 avril 1996. Mme Marie-Hélène Dubouloz, attachée aux questions européennes

Mme Mme M.-H. Dubouloz estime qu'il serait plus judicieux de renforcer les institutions existantes plutôt que de vouloir créer un nouvel organe. Elle fait remarquer que la concertation entre les différents milieux concernés existe déjà. Elle rappelle que la Convention de Madrid ne donnant pas entière satisfaction sur la problématique transfrontalière, le Conseil de l'Europe a élaboré un Protocole additionnel. La Suisse a participé activement à cette élaboration. Ce protocole reconnaît, en son article 1, le droit aux collectivités et autorités territoriales de conclure des accords de coopération trans-frontalière. La valeur juridique en droit interne de ces accords est définie par l'article 2. Ce protocole permet aux autorités d'octroyer la personnalité juridique aux organismes créés, soit en faisant en sorte que l'organisme de coopération transfrontalière soit régi par le droit de l'Etat sur lequel il est implanté, soit en considérant cet organisme comme une institution de droit public. Quant à l'Accord quadripartite signé par les gouvernements allemand, français, luxembourgeois et suisse, son but est de coordonner les décisions entre les collectivités territoriales et de gérer des équipements ou des services communs. C'est la Confédération qui a signé cet Accord quadripartite, agissant au nom des cantons intéressés.

17 mai 1996. M. Nicolas Levrat, professeur au centre de droit public, Université libre de Bruxelles

Sont présents: M. M. Baettig, directeur du service des affaires régionales, Mme C. Ricci, secrétaire adjointe au service des affaires régionales, Mme M.-H. Dubouloz, attachée aux questions européennes, département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (DIEAR).

Le professeur N. Levrat, qui a passé son doctorat sur le thème de la coopération transfrontalière, est optimiste. Les blocages rencontrés dans ce domaine se lèvent peu à peu. C'est un domaine particulier des relations internationales qui restent l'apanage des gouvernements. De nouveaux instruments juridiques ont été mis sur pied. Le Conseil de l'Europe a joué un rôle de premier plan dans cette évolution. La région genevoise se trouve à la pointe dans ce domaine-là.

M. Levrat précise que le protocole additionnel a été ouvert à la signature le 5 octobre 1995. Les Etats doivent encore le signer et le ratifier. Ce sera une acceptation du principe de coopération transfrontalière. M. Levrat indique que l'accord quadripartite va plus loin que le protocole additionnel. L'accord permet aux collectivités territoriales et aux organismes publics locaux de conclure des conventions de coopération. Il autorise en outre la création d'organismes de coopération transfrontalière. Ces deux instruments permettent de développer la portée opérationnelle de la coopération transfrontalière.

Il faut distinguer les relations transfrontalières des relations interrégionales. Le Canton de Genève dialogue avec des régions n'offrant aucune frontière commune, notamment le Val d'Aoste, le Piémont, Rhône-Alpes, ou les villes de Lyon et de Turin. La sphère de négociation était jadis très mince. La Confédération, petit à petit, permet aux cantons d'élargir leur sphère de négociations.

Les organismes de coopération transfrontalière ne disposent d'aucune capacité fiscale propre. Ils peuvent toutefois élaborer leur propre budget. M. Levrat reconnaît que la vraie question à résoudre est d'ordre politique. Il souligne la logique de la pétition. Il rappelle que les organismes créés disposent de structures précises. C'est l'exercice de la compétence qui est transféré et non la compétence elle-même. Il pense que les assemblées démocratiques qui vont apparaître auront un rôle plutôt symbolique à jouer.

21 mai 1996. Me Bernard Ziegler

Sont présents: M. M. Baettig, directeur du service des affaires régionales, Mme C. Ricci, secrétaire adjointe, service des affaires régionales, DIEAR.

Me B. Ziegler, pour illustrer le protocole additionnel, prend l'exemple du métro léger franco-genevois. Il estime que, dans l'idéal, seule une convention transfrontalière devrait être signée entre les collectivités territoriales concernées. Mais un projet de cette importance a des implications douanières, policières, fiscales, etc., qui obligent de passer par un traité international. Il y aura donc un traité international entre la République française et la Confédération suisse et une Convention de coopération transfrontalière entre Genève et l'Autorité organisatrice française qui reste à constituer. Au niveau technique, ce traité est prêt. Il devra être signé et ratifié par la Confédération.

18 juin 1996. Mme Françoise Chappaz, présidente du Conseil lémanique pour l'environnement, MM. Alain Rouiller, association Transports et environnement, Bernard Magisson, FRAPNA, Yves Filipozzi, ATE et député au Grand Conseil vaudois, ainsi que M. Loridon, Fédération nationale des usagers des transports

Sont présents: MM Jean-Claude Landry et Jean-Michel Mascherpa, du DIEAR.

La pétition 1109 a été déposée par 13 associations. Elle a été rédigée à la suite des deuxièmes assises régionales organisées au CERN par le CRFG en décembre 1995, et qui avaient pour thème l'aménagement concerté de la région. Plusieurs participants ont été étonnés de l'absence de dialogue, de consultation et de concertation pour l'élaboration des projets. Des décisions sont actuellement en discussion au niveau régional. Seuls y prennent part des représentants de l'exécutif et des hauts fonctionnaires. Le pouvoir législatif n'est pas représenté ni les élus communaux. La consultation et la participation d'associations seraient souhaitables.

Les pétitionnaires craignent un déficit démocratique et une dérive technocratique. Ils souhaitent qu'un organe transfrontalier voie le jour et que les projets régionaux soient mis en discussion publique.

4 mars 1997. M. Sigurd Maxwell, président de ALP-Rail, M. Alain Clerc, Observatoire du Mont-Blanc/Léman pour un développement durable, M. Bernard Savary, architecte à Thonon

Assiste: M. Michel Baettig.

Après avoir présenté l'association ALP-Rail, M. Maxwell expose l'opinion de cette association sur le déficit démocratique en prenant comme exemple le problème du métro léger:

«Nous pensons que le rail est un important élément structurant socio-économique et que ceci n'est pas suffisamment pris en compte, que ce soit à Genève ou en France voisine. Aussi la nécessité de disposer à terme de transports publics régionaux (TPR) performants est largement sous-estimée, ce qui rend problématique une véritable complémentarité entre les transports publics et individuels.

Il est regrettable que les promoteurs du métro léger, projet d'une certaine envergure, n'aient ni misé sur la transparence, ni instauré un large débat démocratique et public. Ce sont au contraire des méthodes technocratiques qui ont été utilisées pour promouvoir un projet dont les conséquences sur la mobilité restent la principale inconnue. Aussi l'histoire du métro léger constitue un cas d'espèce en matière de déficit démocratique.

Le projet de métro léger représentait un immense espoir pour tous les défenseurs des transports publics, mais l'insuffisance du débat démocratique et le manque de transparence lors de l'élaboration du projet ont abouti à un résultat d'une rare médiocrité.»

M. Clerc et M. Savary abondent dans ce sens. Tous deux estiment que le déficit d'information est réel. Ils estiment que le développement durable implique un partenariat et un consensus exigeant une circulation de l'information. Dès lors, la mise en place de structures adaptées est indispensable.

2. Discussion de la commission

La commission a examiné avec le plus grand intérêt cette pétition. Elle a tout d'abord estimé que la première invite du Conseil lémanique pour l'environnement (CLE), c'est-à-dire la mise en place d'un organe transfrontalier regroupant élu-e-s du législatif et représentants des associations environnementales, sociales et d'usagers, ne pouvait être retenue. En effet, la création d'un nouvel organe compliquerait une situation déjà assez complexe, car souvent la superposition d'organismes transfrontaliers pose problème.

3. Conclusion

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, la commission propose à l'unanimité des membres présents le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, à titre de renseignement.

Cependant, soucieux de l'évolution des institutions transfrontalières, la commission estime que, dès aujourd'hui, il est important de renforcer la représentativité des organismes transfrontaliers. Si la coopération interrégionale est de la compétence des exécutifs, il paraît judicieux d'associer toujours davantage des élus qui proviennent d'exécutifs communaux et de législatifs à ces institutions. Cette tendance est d'ailleurs très marquée au niveau de l'Europe où plusieurs organes transfrontaliers sont constitués uniquement d'élus municipaux, cantonaux ou nationaux.

Le Protocole additionnel à la Convention de Madrid qui prévoit d'attribuer la personnalité juridique aux organismes transfrontaliers permettra aussi aux décisions prises par ceux-ci d'être directement applicables de part et d'autre de la frontière. C'est dire que l'on va confier à ces institutions des compétences appartenant aujourd'hui aux parlements communaux, cantonaux et nationaux. La logique veut donc que les membres de ces organismes transfrontaliers soient élus démocratiquement. Selon les experts les plus optimistes, cette évolution devrait prendre pour le moins une dizaine d'années. En attendant, le Gouvernement genevois d'une part, et les autorités transfrontalières d'autre part, s'efforcent d'inviter régulièrement les représentants des Conseils généraux ou des parlements cantonaux à leurs assemblées plénières. Mais ceux-ci ne peuvent que prendre note des décisions prises et ne peuvent pas véritablement participer à leur élaboration.

La commission estime donc qu'il est temps de faire un pas de plus et de prévoir au sein des organes pléniers et des commissions une place accrue pour les représentants des autorités cantonales et communales et partant de notre Grand Conseil. Ainsi, les élus pourront participer activement à la prise de décisions des organismes transfrontaliers.

Quant aux deux autres invites de la motion de notre commission, elles sont reprises de la pétition du Conseil lémanique pour l'environnement.

Les organismes transfrontaliers ont déjà amorcé une politique de concertation régionale et de discussion publique, notamment lors de la mise en place de la Charte d'aménagement concertée du territoire franco-valdo-genevois par le CFFG. Néanmoins, cette pratique est trop embryonnaire et surtout insuffisamment généralisée. Il est nécessaire que les acteurs régionaux puissent participer activement à l'élaboration d'une politique régionale, car c'est le seul moyen de faire naître une réelle conscience régionale.

Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui conduisent les membres de la commission des affaires communales et régionales à soumettre à votre bienveillante attention la présente proposition de motion.

Débat

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse.

Pour le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil, je n'ai rien à rajouter.

Je dirai simplement deux mots au sujet de la motion par la suite.

P 1109-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission des affaires communales et régionales (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

M 1129

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Je rappelle simplement qu'une bonne coopération transfrontalière est un enjeu important pour Genève. Il est évident que toute décision importante prise d'un côté de la frontière peut avoir des répercussions de l'autre côté.

Un sondage sur la conscience lémanique, réalisé sur le territoire du Conseil du Léman auprès de deux mille habitants et effectué récemment, a montré que la population était très favorable au renforcement du pouvoir transfrontalier. C'est un encouragement pour accepter cette motion. Une proposition de créer une assemblée élue par les populations des cinq entités de la région du Conseil lémanique a même reçu un accueil positif. Cette recherche fait ressortir des attentes communes à tous les habitants de la région. Il semble donc envisageable de prévoir l'avenir sous un angle transfrontalier.

C'est pourquoi les invites de cette motion paraissent tout à fait raisonnables. Je vous propose donc de la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Max Schneider (Ve). Un grand merci à Mme Hagmann pour son rapport. J'espère que M. Haegi - et le Conseil d'Etat - donnera bientôt la possibilité aux députés de participer à ces institutions dans les plus brefs délais.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

(M 1129)

MOTION

visant à combler le déficit démocratique au niveau régional

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- que la coopération transfrontalière se développe partout en Europe;

- que la récente décision du Conseil fédéral de signer le Protocole additionnel de 1995, suite à l'avis favorable de la grande majorité des cantons, préfigure un accroissement de l'importance des organismes transfrontaliers;

- que ce protocole prévoit notamment de doter les organismes transfrontaliers de la personnalité juridique et de donner force de droit interne aux décisions prises par ledit organisme transfrontalier;

- que ces organismes transfrontaliers, revêtus alors de tels pouvoirs, devront être formés de représentants élus par le peuple,

invite le Conseil d'Etat

à renforcer d'ores et déjà la présence d'élus au sein des organismes transfrontaliers que sont le Comité régional franco-genevois (CRFG), le Conseil du Léman et la Communauté de travail des Alpes occidentales (COTRAO);

à mettre en pratique une concertation régionale réelle, au sens de l'agenda 21 (suivi de Rio) qui demande aux gouvernements d'associer les organisations non gouvernementales (ONG) à l'élaboration des plans de développement et de tirer avantage de leurs compétences et connaissances;

à mettre en discussion publique les projets de développement régionaux.