République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1050-B
17. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition d'un groupe de conseillers municipaux de la commune d'Avusy concernant l'exploitation des gravières, le recyclage des matériaux de construction ainsi que le fonctionnement des décharges «contrôlées». ( -) P1050
 Mémorial 1995 : Rapport, 1790. Renvoi au Conseil d'Etat, 1817.
 Mémorial 1996 : Lettre, 6781.

La pétition 1050 a été traitée par la commission des pétitions au cours de sept séances, puis renvoyée au Conseil d'Etat.

Cette pétition, comportant des invites quasi similaires à celles de la motion 989, intitulée «Pour une actualisation de la politique d'appro-visionnement en gravier dans le canton de Genève», le Conseil d'Etat s'inspirera très largement des éléments fournis dans sa réponse à ladite motion, en date du 29 mai 1996.

I. S'agissant de la première invite, le Conseil d'Etat tient tout d'abord à rappeler que le plan directeur des gravières, approuvé le 7 juin 1982, fut élaboré de la façon suivante:

 Un plan général du canton a défini les secteurs géologiques recelant des sables ou des graviers sur la base des connaissances scientifiques de l'époque. Sur ce premier document ont été superposés les plans des contraintes relatives à la protection des eaux superficielles, des eaux souterraines, de la zone agricole, de la zone viticole, de la zone des bois et forêts, des futurs secteurs d'habitations et d'urbanisation.

 En 1984, le département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales (ci-après: le département), compétent en la matière, a précisé l'ensemble de ces données dans un document intitulé: «Les ressources en gravier du canton de Genève», où l'on peut relever notamment les chiffres suivants:

- réserves totales : 4,86 milliards de m3 de gravier,

- réserves exploitables : 0,5% des réserves totales = 20 millions de m3.

Sont considérés comme gisements exploitables de sable et gravier ceux qui répondent aux contraintes suivantes:

a) Gisements situés à une distance suffisante des zones d'habitation.

b) Gisements qui ne sont pas le siège de nappes d'eau souterraine du domaine public, utilisée pour la distribution d'eau potable.

c) Gisements qui ne sont pas situés dans les falaises, ni en bordure de cours d'eau (pour éviter les éboulements et glissements de terrain).

d) Gisements qui ne sont pas situés en zone forestière où le paysage doit être protégé.

 Ces contraintes réduisent énormément les réserves existantes, et pourraient les rendre nulles.

e) Gisements de sable et gravier recouverts de masses importantes de limon ou d'argile non utilisables dans le bâtiment. Economique-ment, les frais de décapage peuvent rendre l'opération non rentable.

Les prévisions faites en 1984 se sont avérées assez précises puisque, actuellement, les réserves du plan directeur sont estimées à 12 millions de m3.

Le département a commencé la procédure de révision du plan directeur des gravières qui implique une amélioration des données géologiques et nécessitera de nouvelles prospections à l'aide des méthodes géophysiques modernes afin d'obtenir des valeurs plus précises. On constate qu'en règle générale, les propriétaires et exploitants de gravières qui le souhaitent s'adressent aux bureaux spécialisés genevois en géophysique. Ceux-ci utilisent le plus souvent des méthodes de prospection géoélectriques. Mais la sismique de réflexion à haute définition se développe également. Dans ces deux cas, il est cependant toujours nécessaire de procéder à des forages mécaniques pour définir les paramètres permettant de rendre les méthodes géophysiques plus précises.

La réactualisation du plan des gravières, estimée à l'époque à environ 750 000 F, a fait l'objet d'une procédure de préqualification publique parue dans la Feuille d'avis officielle des 5, 10 et 12 juillet 1996.

Dans le courant de l'été 1996, des groupements pluridisciplinaires de mandataires, constitués par des bureaux de géologie, géophysique et géotechnique ayant une connaissance approfondie du bassin genevois, ont fait acte de candidature et ont rendu des offres, variant entre420 000 F et 540 000 F.

C'est finalement un crédit d'étude de 500 000 F qui sera demandé, un projet de loi à ce sujet ayant été préparé.

Le travail comprendra les prestations suivantes :

a) Données géologiques actuelles

 Collecte et reprise des données géologiques figurant dans les archives du service cantonal de géologie (relevés de sondages et données géophysiques).

b) Géophysique

 Localisation des profils, exécution et interprétation de mensurations géophysiques complémentaires, électriques et/ou sismiques.

c) Campagnes de forages

 Localisation des campagnes de forages, établissement des appels d'offres aux entreprises de forage, suivi des chantiers de forage, contrôles granulométriques et saisie des nouvelles données acquises.

d) Plan réactualisé des ressources en gravier

 Corrélation des résultats des prospections complémentaires avec les mensurations de 1983 et établissement d'un plan des ressources en gravier.

e) Identification et définition des contraintes

 Définition des conditions nécessaires en matière de protection des eaux superficielles et souterraines, de distances aux zones d'habitation, de zones instables, de protection des bois et forêts, de protection des paysages. Etablissement d'un plan des contraintes en collaboration avec les services de l'Etat impliqués.

f) Etablissement du nouveau plan directeur des gravières

 Report du plan des contraintes sur le plan des ressources. Fourniture des données nécessaires en vue de l'établissement de rapport d'impact pour les sites retenus, préparation de l'enquête préliminaire et du cahier des charges. Etablissement final du plan directeur des gravières.

Le nouveau plan devrait être achevé d'ici un an et demi. Dans cet intervalle, le département refusera en principe toute nouvelle demande d'ouverture de gravières, étant précisé qu'actuellement les gravières en exploitation ou autorisées couvrent largement les besoins immédiats en matière de construction à Genève. Il va de soi que des aménagements locaux en vue de la création de sites protégés ne sont pas à considérer comme des exploitations de gravier.

Bien entendu, il sera toujours loisible aux requérants d'interjeter des recours à l'encontre des décisions du département, comme c'est actuellement le cas pour une autorisation concernant la commune de Chancy, que le département avait refusé de délivrer.

En ce qui concerne le problème des exploitations qui pourraient être situées à proximité des lieux d'habitation, le Conseil d'Etat admet que, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance fédérale relative à l'étude de l'impact sur l'environnement, du 19 octobre 1988, (ci-après: OEIE), l'impact d'une gravière sur l'habitat n'était pas une préoccupation première.

Force est donc de constater que, dans certaines circonstances, des constructions ont été autorisées en bordure d'exploitations, ou de lieux réservés à celles-ci, notamment en raison de la moins-value apportée de la sorte au prix du terrain.

Depuis l'entrée en vigueur de l'OEIE, en 1989, tous les impacts sur l'environnement sont pris en compte, en particulier ceux qui sont liés à l'aménagement du territoire. Le Conseil d'Etat veillera donc scrupuleusement à ce que de nouvelles constructions ne soient pas édifiées dans des secteurs déjà compris dans le plan directeur des gravières.

II.  La deuxième invite vise à n'autoriser sur les places d'extraction que l'exploitation normale du matériau qui s'y trouve. Rappelons tout d'abord que l'article 16 du règlement concernant les gravières et exploitations assimilées, du 7 septembre 1977, stipule que l'utilisation de gravières en extraction ou en cours de remblayage comme dépôts de matériaux et d'engins qui ne sont pas nécessaires à une exploitation rationnelle est interdite.

 S'il est certain que les autorités veillent au respect de cette disposition, il n'en demeure pas moins que le traitement granulométrique des matériaux dans les gravières est nécessaire, selon l'utilisation qui en est faite (gravier à béton, gravier de drainage, gravillons, sable pour chapes, mortier, etc.).

 Ainsi, s'il fallait suivre à la lettre le souhait des auteurs de la pétition, cela nécessiterait la construction de centres de criblage, alimentés par camions depuis les gravières, ce qui risquerait d'engendrer une augmentation du trafic des poids lourds à partir de celles-ci et donc, de nouvelles nuisances.

III. S'agissant de la troisième invite, le Conseil d'Etat relève que des installations fixes servant aux opérations de recyclage existent et fonctionnent déjà, en particulier, dans la zone industrielle de Meyrin-Satigny, au Bois-de-Bay, à Avusy et à Cartigny.

 Par ailleurs, le concassage sur les chantiers de démolition se pratique également avec des moyens mobiles.

IV. Pour ce qui est des quatrième et cinquième invites, le Conseil d'Etat tient à relever que, dans la phase d'extraction du matériau, les exploitants sont d'ores et déjà tenus de traiter sur place ou en zone industrielle autorisée le gravier extrait pour en faire un matériau fini, comme le sable, les graviers, etc. Ces produits finis doivent alors être acheminés par camion sur les chantiers.

 Les principales nuisances causées dans cette phase sont, d'une part, visuelles pour le stockage des terres arables et des matériaux finis et, d'autre part, générées par le trafic routier, lequel provoque une pollution atmosphérique et sonore ainsi que la salissure des routes. La surveillance plus soutenue exercée par les autorités dans cette phase montre qu'on peut obtenir une meilleure application de la réglementation concernée.

 En revanche, dans la phase de remise en état des gravières, il a été constaté que les trois décharges contrôlées du canton étaient toutes hors normes et devaient faire l'objet d'un assainissement et que quelques gravières stockaient des matériaux non autorisés.

 Il en résulte que, si le remblayage des gravières est dans l'ensemble satisfaisant, le remblayage par des déchets de chantier inertes dans les décharges est, en revanche, plus complexe dès lors qu'il implique non seulement les exploitants de ces décharges, mais également les fournisseurs de ces résidus, qui sont eux-mêmes parfois exposés à des difficultés particulières telles que dépôts par des tiers de déchets de toutes sortes, parfois même toxiques, dans des bennes de chantiers.

 Avant d'intervenir de manière sévère, le département a entrepris de nombreuses actions d'information aux fins de responsabiliser les exploitants et tous les protagonistes utilisant des déchets de chantier.

 C'est ainsi que, depuis l'année 1995, des publications relatives à la gestion des déchets paraissent régulièrement dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève, des réunions ont lieu entre le département et des représentants du Groupement des entreprises genevoises d'extraction de gravier (GEG), des visites de l'ensemble des gravières et des décharges du canton ont été effectuées, suivies d'une rencontre avec les communes de la Champagne. Enfin, un séminaire d'information a été organisé le 13 mars 1996 pour exposer les nouvelles prescriptions du département pour la mise en décharge des déchets de chantier, résumées comme suit :

a) un premier tri si possible efficace selon la disposition du site devra être fait sur le chantier;

b) les matériaux destinés à être mis en décharge devront être acheminés sur des véhicules munis de filets pour éviter la salissure des routes. A cet effet, les véhicules dont les roues sont boueuses devront être lavés soit par jets d'eau, soit par un laveur de roues approprié, en quittant le chantier ou la décharge.

c) sur le site des décharges, les exploitants devront trier les déchets de sorte que seuls les matériaux inertes soient stockés, les autres résidus devant être acheminés chez des récupérateurs pour valorisation ou à l'Usine des Cheneviers pour traitement;

d) les décharges feront désormais l'objet d'inspections régulières de la part du département et, en cas de non-respect de la législation applicable, celui-ci prononcera des amendes ou d'autres mesures justifiées par les circonstances.

 Il faut par ailleurs signaler que le département s'est vu contraint d'infliger des amendes à certains exploitants ne respectant pas leurs obligations.

 Il est bien évident que l'ouverture prochaine du centre cantonal de tri des déchets de chantier dans la zone industrielle de La Praille-Acacias permettra non seulement de traiter ces résidus d'une manière totalement conforme à l'OTD, mais permettra également d'éviter de longs transports puisque l'installation sera située en zone urbaine, et non pas, comme cela avait été convenu en 1991, dans la région du Bois-de-Bay, à Satigny.

 Signalons encore qu'à proximité de ce centre, le département a demandé la création d'un deuxième espace de récupération de déchets, en plus de celui situé au Nant-de-Châtillon; il permettra de desservir cette fois notamment le centre-ville, Carouge et Lancy.

 Enfin, il faut également rappeler que, le 28 février 1996, le Conseil d'Etat a modifié certaines dispositions du règlement concernant les gravières et exploitations assimilées, du 7 septembre 1977, en particulier en ce qui concerne les matériaux autorisés pour le remblayage, l'interdiction de feux dans les gravières et l'obligation d'acheminer les déchets incinérables vers l'Usine des Cheneviers.

En conclusion, il apparaît que le Conseil d'Etat a la ferme volonté de conduire une politique d'information et de responsabilisation des milieux concernés, afin que les gravières, décharges et exploitations assimilées soient exploitées dans le respect de l'environnement.

Débat

M. Max Schneider (Ve). Que cela vous plaise ou non, après avoir accepté la motion sur le Salève, il est évident que ce rapport doit être complété. Il doit notamment l'être non pas pour réactualiser les ressources en gravier, pour les campagnes de forage, pour les études géophysiques, mais aussi pour donner aux industriels genevois qui recyclent les matériaux de déconstruction une audience toute particulière. Il est maintenant temps de les entendre, de les écouter, de les prendre au sérieux, car si vous n'écoutez pas les exploitants genevois, notamment ceux qui font du recyclage à sec ou ceux qui font du recyclage humide - ce sont deux formes de traitement tout à fait différentes - cette motion sur le Salève n'a évidemment aucun sens.

Voilà pourquoi, Monsieur le président, je vous invite vraiment à compléter les études définies ici à la page 3 et le plan que vous avez proposé, lors de cette journée d'informations, à la page 6 : la priorité absolue étant de ne plus mettre de matériaux de déconstruction dans des décharges contrôlées. Mais il faut, en plus, favoriser le recyclage de ces matériaux de déconstruction.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat est rejetée.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.