République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 mai 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 5e session - 20e séance
M 1042-A
Une tempête dans un verre d'eau, telle pourrait être en résumé cette affaire de surtaxe.
La commission a traité, à trois reprises, la motion 1042 sous la présidence de M. Thomas Büchi et en présence de M. Claude Haegi, conseiller d'Etat chargé du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (DIEAR), Mme Karin Salibian, secrétaire adjointe,M. Claude Page, directeur adjoint de l'office financier du logement,M. Louis Cornut, chef de la division des études d'aménagement au département des travaux publics et de l'énergie. Trois mille lettres ont été envoyées à des allocataires d'appartement, leur demandant de justifier des démarches de recherches de logements moins onéreux à l'occasion du renouvellement de cette prestation. Cette démarche de l'office du logement social est légalement fondée (art. 22 RLGL) et le contenu de la lettre est conforme et sans excès de style contraignant; elle a choqué cependant la plupart des destinataires.
Deux raisons à cet état de fait. La lettre est parvenue vers le20 décembre, ce qui n'a pas été ressenti comme un cadeau de Noël. Un paragraphe supplémentaire précisant que la situation de chaque allocataire serait prise en considération avec la meilleure attention eut un effet apaisant pour les intéressés. Par ailleurs, on peut regretter que certains groupes sociaux, familles monoparentales et personnes à l'AVS, n'aient pas été écartés de cette enquête.
Pardonnez-moi pourtant cette réflexion: je ne puis m'empêcher de penser qu'au vu de certaines réactions, nos allocataires ont perdu cette pugnacité qui permet d'affronter l'adversité avec sérénité. A noter que cette nouvelle pratique de l'office a conduit à supprimer l'allocation pour 114 dossiers; de plus, 48 dossiers ont été reconduits à titre exceptionnel pour une année et seront réexaminés en 1997.
Suite aux explications et aux documents reçus, les commissaires ont été rassurés mais souhaitent, pour l'information de tous les députés, obtenir un rapport circonstancié du DIEAR. De plus, il serait opportun de connaître la pratique en la matière que l'office du logement social veut mener à l'avenir. Par souci d'économie, le rapporteur s'abstient de transcrire graphiques et informations diverses puisque cela fera l'objet d'un rapport du DIEAR.
Mesdames et Messieurs les députés, la commission, à l'unanimité des présents, vous prie de renvoyer la motion 1042 au Conseil d'Etat avec les invites suivantes modifiées:
1. à lui présenter un rapport indiquant:
a) le nombre de locataires concernés par les nouvelles directives de l'office du logement social (exigence, pour le renouvellement de l'allocation, de fournir la preuve de recherches actives d'un logement moins cher, faute de quoi l'allocation serait supprimée);
b) le montant du loyer à la pièce des logements actuellement occupés par les locataires concernés;
c) le type de logements concernés (libres ou subventionnés, le cas échéant HLM ou HCM);
2. au Grand Conseil les raisons qui l'ont amené à modifier sa pratique et à préciser quelle sera sa politique à l'avenir.
Débat
Mme Nicole Castioni-Jaquet (S). Je voulais m'adresser à M. Genecand, mais comme il n'est pas là, vous lui passerez le message !
Monsieur le rapporteur, je dois malheureusement vous faire part de notre étonnement, voire notre déception à la lecture de votre rapport. (Commentaires. La présidente agite la cloche.) En effet, ce dernier ne reflète absolument pas notre travail en commission et il manque de substance.
Vous écrivez que cette affaire de surtaxe pourrait être résumée par la phrase : «C'est une tempête dans un verre d'eau !». Pour nous il ne s'agit pas de tempête, mais d'une tornade; tornade dans la vie des allocataires qui se retrouvent du jour au lendemain privés d'un apport important pour eux. L'Etat, il est vrai, économise 3 millions, ce qui est globalement une bonne chose. Malheureusement, dans le cas présent, cela se fait sur le dos de personnes déjà bien éprouvées par une situation économique précaire, je veux parler des familles monoparentales, des rentiers AVS et, bien entendu, de toutes les familles qui jonglent au quotidien avec leur budget.
Bien sûr, il fallait faire le ménage, afin que ce soit uniquement les personnes nécessiteuses qui profitent de cette aide. Il est effectivement scandaleux que certains allocataires soient, par exemple, propriétaires d'une résidence secondaire.
Alors, comment faire ? Eh bien, il suffit de contrôler l'état de la fortune des locataires. Lors de nos travaux en commission, nous avons pu constater le manque d'objectivité, lors de l'envoi de la lettre du 20 décembre qui menaçait sans distinction les allocataires.
Le fait de hausser le taux d'effort pénalise non pas les personnes vivant grâce à une fortune personnelle mais, justement, Mesdames et Messieurs les députés, les familles qui ont besoin d'aide. Et de plus, ces mêmes personnes fortunées pourront continuer à avoir accès aux appartements subventionnés...
La politique d'abaissement des allocations de logement, voire de suppression, nous incite à une grande prudence, et ce, malgré notre vote positif en commission de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Nous souhaitons donc qu'en plus d'un rapport, fourni par le Conseil d'Etat et qui devrait traiter des points a, b et c comme annoncé dans le rapport, une étude sérieuse soit entreprise afin que l'office du logement social prenne en compte la fortune des allocataires.
A cet effet, je propose l'amendement suivant :
«d) un nouveau système d'allocation prenant en compte la fortune des allocataires potentiels;»
Les socialistes vous remercient d'accepter cet amendement.
M. René Ecuyer (AdG). C'est dommage que M. Genecand ne soit pas là ! En effet, il a minimisé toute cette affaire dans son rapport en disant que c'était «une tempête dans un verre d'eau» ! Nous ne pouvons pas être d'accord avec une telle affirmation, car ce n'était pas le cas : de nombreuses protestations ont afflué.
Cette lettre, envoyée au mois de décembre 1995, à la veille de Noël, a été ressentie comme une véritable agression par la population. Alors, parler de tempête dans un verre d'eau me paraît léger, alors qu'on menace de supprimer des allocations... la veille de Noël. On a effrayé des centaines de personnes : des retraités, des familles monoparentales, etc., sachant que cela obligerait ces personnes à entreprendre rapidement des démarches pour retrouver un logement moins cher, alors que tout le monde sait pertinemment qu'ils sont rares sur le marché. Ce n'est quand même pas rien !
M. Genecand dit : «...nos allocataires ont perdu cette pugnacité qui permet d'affronter l'adversité avec sérénité.» J'aimerais bien savoir ce qu'il veut dire par là. Fallait-il descendre dans la rue ? (L'orateur est interpellé.) C'est bien dommage qu'il ne soit pas là, j'aurais trouvé intéressant d'avoir son commentaire. (La présidente agite la cloche.)
Comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, l'allocation de logement est souvent le sujet de négociations. Lors d'augmentations de loyer, lorsque les locataires s'adressent au Tribunal des baux, en commission de conciliation, ce sont les juges ou les représentants des propriétaires - c'est dommage que M. Opériol ne soit pas là parce qu'il en sait quelque chose - qui disent que si le loyer est trop cher, il suffit de demander une allocation de logement. Une fois que celle-ci est obtenue, eh bien on augmente les taux d'effort et, ensuite, c'est l'Etat qui menace le locataire de ce que le propriétaire n'a pas osé faire... En effet, le propriétaire augmente le loyer, mais il n'ose pas dire à son locataire d'aller voir s'il trouve un loyer moins cher ailleurs. Non, c'est l'Etat de Genève qui le dit ! C'est un objet de négociation en commission de conciliation, et il serait bon que certains ici sachent comment cela se passe.
L'affaire qui s'est déroulée au mois de décembre n'est pas une mince affaire. Je le répète, je regrette cette manière d'agir, que ce soit au sujet de cette allocation, du relèvement des taux d'effort, etc. J'imagine que nous aurons encore l'occasion d'y revenir.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. On reprocherait à l'office du logement social d'avoir fait ce que vous lui avez imposé en légiférant dans le sens que vous vouliez ! L'office a fait son travail, et un certain nombre d'allocataires n'ont plus droit à cette allocation, tout simplement parce que la loi ne le prévoit pas. Nous ne l'avons su qu'après avoir effectué des contrôles.
Je comprends que ces lettres ne sont pas forcément agréables à recevoir, mais vous auriez pu nous reprocher de ne pas les avoir envoyées, si tel avait été le cas.
Je précise que j'accepte volontiers l'amendement suggéré par Mme Castioni-Jaquet. Il introduit une notion intéressante concernant la fortune. Les invites donneraient donc ceci :
1. à lui présenter un rapport indiquant :
a) le nombre de locataires...
b) le montant du loyer...
c) le type de logements concernés...
d) un nouveau système d'allocations prenant en compte la fortune des allocataires potentiels;
Vous ne nous suggérez pas un système en particulier, mais vous nous invitez à y penser. J'accepte donc volontiers cette proposition, Madame, partant toujours de l'idée que nous devons surtout aider ceux qui en ont le plus besoin et pas les autres. Cette proposition est très intéressante.
La présidente. Je mets aux voix l'amendement proposé par Mme Castioni-Jaquet consistant à ajouter une lettre d) à la première invite de la motion :
«d) un nouveau système d'allocation prenant en compte la fortune des allocataires potentiels;»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
concernant la nouvelle pratique adoptée par l'office du logement socialen matière de renouvellement des allocations de logement
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- la nouvelle pratique de l'office du logement social visant à contraindre les locataires au bénéfice de l'allocation de logement à rechercher un logement meilleur marché, faute de quoi l'allocaction serait supprimée;
- la pratique adoptée jusqu'à ce jour par l'office du logement social, en matière de renouvellement des demandes d'allocation de logement;
- les inconvénients que peut représenter un déménagement, tant sur le plan économique que social,
invite le Conseil d'Etat
1. à lui présenter un rapport indiquant:
a) le nombre de locataires concernés par les nouvelles directives de l'office du logement social (exigence, pour le renouvellement de l'allocation, de fournir la preuve de recherches actives d'un logement moins cher, faute de quoi l'allocation serait supprimée);
b) le montant du loyer à la pièce des logements actuellement occupés par les locataires concernés;
c) le type de logements concernés (libres ou subventionnés, le cas échéant HLM ou HCM);
d) un nouveau système d'allocation prenant en compte la fortune des allocataires potentiels;
2. au Grand Conseil les raisons qui l'ont amené à modifier sa pratique et à préciser quelle sera sa politique à l'avenir.