République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 24 avril 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 5e session - 15e séance
PL 7593
LE GRAND CONSEIL,
vu la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981,
Décrète ce qui suit:
Article unique
le code de procédure pénale, du 29 septembre 1977, est modifié comme suit:
Art. 195, al. 4 (nouveau)
4 Toutefois, le présent article n'est pas applicable aux recours déposés dans le cadre de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La grande criminalité internationale augmente. Notre canton doit en découdre avec quelques-unes de ses formes les plus dangereuses telles que blanchiment d'argent sale, organisation maffieuse, corruption, voire commerce de matériel pornographique dur et trafic d'objets d'art. Or, ces crimes se moquent des frontières. Si ces infractions sont punissables dans de nombreux pays, la poursuite pénale internationale est entravée notamment par nombre de recours abusifs qui paralysent le bon fonctionnement de la justice en lui faisant perdre beaucoup de temps. La loi fédérale sur l'entraide pénale, récemment modifiée, «avoir pour défaut d'offrir d'excessives possibilités de recours, ralentissant parfois de plus de 5 ans l'aide que la Suisse pouvait apporter à des justices pénales étrangères» (Jean-Noël Cuénod, «Tribune de Genève», 8-9 février 1997). Selon la Déclaration de Berne («Vers un développement solidaire», no 137), les recours abusifs, sur le plan fédéral, sont la règle: par exemple, 95% des recours contre les demandes de renseignements financiers sont rejetés, leur seul but: retarder le cours de la justice (les recourants ont ainsi, par exemple, le temps de s'organiser quant aux fonds délictueux).
Sur le plan cantonal, il y a également possibilité de relayer l'intention des Chambres fédérales et d'accélérer l'instruction d'affaires criminelles internationales. Car il y a là quelque chose de très choquant, et même de terrifiant, à constater que le crime organisé semble s'infiltrer relativement aisément dans n'importe quel pays, qu'il se rit des frontières et que l'action pénale est pareillement entravée. Du reste, M. le conseiller d'Etat Ramseyer, dans la réponse donnée à l'interpellation urgente «Maffia russe à Genève (IU 205)», n'a pas nié que c'est un sujet qui le préoccupe beaucoup. Et notamment les possibilités de cacher l'argent du crime au travers de banques, surtout des sociétés fiduciaires, est l'un des chaînons qui permettent la criminalité internationale et, malheureusement, la Suisse apparaît comme l'une des plaques tournantes du blanchiment d'argent sale.
Les citoyens que nous sommes ont besoin de justice et d'une justice qui soit égale pour tous. Peut-elle encore nous être garantie? Pour reprendre une image rapportée par un quotidien genevois: «Les autorités répressives continuent de poursuivre à bicyclette des criminels se déplaçant en Concorde» («Journal de Genève» des 5 et 6 octobre 1996, Sylvie Arsever).
La loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, comme dit plus haut, a été modifiée pour accélérer la poursuite pénale, puisqu'elle ne prévoit plus qu'un seul recours en fin de procédure d'instruction et qu'ainsi sera réduite «la montagne de recours dilatoires qui entrave le bon fonctionnement de l'entraide» (ATS, «La Liberté 2», octobre 1996).
Une efficacité supplémentaire pourrait dont être atteinte sur le plan cantonal dans l'exécution de l'entraide internationale, sans que les droits des parties en soient affaiblis, si la procédure de recours (art. 190 et suivants du code de procédure pénale) (E 4 20) devant la Chambre d'accusation était exclusivement écrite, dans le domaine de l'entraide internationale. Nous précisons bien en matière internationale, car nous savons que d'aucuns craignent le précédent que pourrait créer la modification proposée.
Les articles 190 et suivants du code de procédure pénale traite des recours émanant des parties contre, notamment, certaines décisions du juge d'instruction, qui sont autant d'actes destinés à la «découverte de la vérité». Le recours se fait au moyen d'écritures. Cependant, suivant l'article 195 du code de procédure pénale, les parties ont également la faculté de plaider après l'échange d'écritures. Cet article 195 s'applique aussi, selon la loi d'application du code pénal (E 4 20), voir notamment l'article 33, aux décisions du juge d'instruction dans le cadre de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP). Or, cette faculté de plaider, après l'échange d'écritures, est utilisée dans presque tous les cas par des recourants qui n'ont pourtant rien à ajouter à celles-ci. Il s'ensuit un retard de plusieurs semaines dans le traitement des dossiers, sans compter les heures innombrables que les 3 juges de la Chambre d'accusation doivent consacrer à entendre répéter ce qu'ils sont capables de lire. Nous vous proposons d'examiner la possibilité de supprimer les plaidoiries de l'article 195, de sorte que la cause soit gardée à juger, aussitôt après l'échange d'écritures prévu à l'article 194, cela dans le cadre de l'application de la loi fédérale d'entraide internationale uniquement.
Conclusions
Cette contribution législative de notre parlement, certes modeste, à la lutte contre le crime organisé semble être bienvenue parmi un certain nombre de juges, et le sera, à coup sûr, dans l'esprit de nos concitoyens perplexes et même effrayés devant le rôle de plus en plus important que semble jouer notre canton dans des affaires criminelles internationales et devant la difficulté qu'il y a à les faire aboutir devant un tribunal.
Par ailleurs, les modifications intervenues au niveau fédéral, dans la loi fédérale sur l'entraide pénale internationale, entraîneront des modifications au niveau de la loi cantonale d'application du code pénal. Notre projet pourrait ainsi être étudié en même temps que ces modifications.
Nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de lui réserver un accueil favorable.
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire sans débat de préconsultation.
La séance publique est levée à 19 h 25.
Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.
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