République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 21 mars 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 4e session - 14e séance
PL 7512-A
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
La commission des finances, sous la présidence de M. Claude Blanc, a étudié ce projet de loi lors de ses séances des 23 octobre, 4, 11 et 18 décembre 1996 ainsi que les 8 et 15 janvier 1997, en présence de M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat, chef du département des finances.
Ont assisté à l'une ou l'autre des séances:
- M. Guy Olivier Segond, conseiller d'Etat chargé du département de l'action sociale et de la santé;
- M. Gérard L. Gobet, directeur des hôpitaux universitaires de Genève (HUG);
- M. Bernard Gruson, directeur de Belle-Idée;
- M. Jean-Raoul Scherrer, médecin, directeur du centre informatique hospitalier.
Préambule
Le projet de loi 7512 est une ouverture de crédit et d'investissement sur un plan quadriennal pour le développement de l'informatique hospitalière (annexe 1: Plan directeur des développements informatiques «Les grands axes de développement»).
Ce projet touche l'hôpital cantonal et les autres établissements hospitaliers. Un effort important a consisté à ramener les cinq systèmes à deux (voir en annexe 2: «Comment Diogène a évolué en 25 ans»), Diogène pour la zone hôpital cantonal et Philos pour Belle-Idée. L'étape suivante qui nous concerne est consacrée à faire converger les deux systèmes pour arriver au système informatique romand, Diofilos.
Etude interne
Ce projet a fait l'objet d'un long processus d'études internes. Le Conseil d'administration des HUG a adopté le document tel que présenté dans ce projet de loi, comprenant les 4 tranches de 10 millions de francs. Il s'agit d'un travail de grande ampleur et très bien préparé. A l'origine de cette deuxième évolution majeure, des responsables informatiques des différentes chapelles ont présenté des projets pour un montant avoisinant 70 millions de francs en fonction des besoins et desiderata de chaque utilisateur. Une sélection très ciblée définissant des priorités et correspondant à l'évolution de nouveaux instruments a été réalisée. L'ensemble de ce projet a reçu l'agrément des commissions internes ad hoc, du conseil d'administration et du Conseil d'Etat.
Commissaires
Compte tenu de l'aspect très technique et particulièrement complexe du projet, votre commission des finances a mandaté MM. Dominique Hausser et Jean-Claude Vaudroz (tous deux commissaires rapporteurs de l'informatique), pour prendre en charge un travail plus détaillé sur ce projet à rapporter à la commission des finances.
Une rencontre a eu lieu aux HUG en présence de M. Gobet, directeur général, et de M. Scherrer, département de l'informatique, ainsi que M. Dao, responsable informatique. Lors de cette visite aux HUG, les commissaires ont pu constater qu'ils étaient en présence de personnes très compétentes, que la solution choisie était logique, correspondait aux besoins, à l'évolution des nouvelles technologies instrumentales en matière hospitalière. Le seul point de divergence des commissaires résidait dans la réalisation du PACS sur le plan technologique (considérant que la technologie était encore aventureuse) et de la répartition du financement (considérant que l'on pouvait réaliser un étalement supplémentaire).
Toutefois, nous avons eu la démonstration que, dans le cas du PACS, il s'agissait bien d'une technologie éprouvée qui pouvait être déployée sans aucune difficulté. Il ne s'agissait donc pas d'une aventure à fonds perdus; des offres ont été discutées avec des constructeurs et de nombreuses réalisations existent déjà en Suisse comme à l'étranger.
Technologie du PACS(Picture Archiving and Communication System)
L'archivage se fait sur disque optique, le stockage intermédiaire dans des mémoires rapides.
Audition
- M. Gobet, directeur général des HUG;
- M. Scherrer, directeur de l'informatique.
Le but
Le but principal de ce projet de loi est d'intensifier les relations entre les différents établissements que constituent les HUG. Il s'agit de soutenir, grâce à l'informatique, la mise en place d'un réseau de soins performants, et donc d'échanger les données concernant l'état des patients, les processus de soins, les procédures de laboratoire et de radiologie, la gestion administrative des dossiers.
Premier objectif
C'est ce que traduit le premier objectif du projet de loi qui veut permettre une fusion complète entre le système d'information Diogène de l'hôpital cantonal et le système d'information Philos déployé à Belle-Idée et à Loëx. Un réseau de communication informatique fiable et convivial est donc la condition préalable à des échanges quotidiens et en temps réel.
Cette fusion des HUG qui seront bientôt vus comme une seule entité n'est pas la création d'un aigle à partir de l'accouplement de deux canards. C'est au contraire un projet qui s'inscrit dans une logique d'ouverture sur la médecine de ville et sur une ouverture plus large encore sur l'arc lémanique. A terme, les Hospices vaudois et les HUG unifieront leur manière de travailler. Les soignants des deux cantons échangeront de plus en plus souvent des informations, aussi bien dans le domaine hospitalier que dans le domaine ambulatoire. Avant de songer au transfert des soignants, voire même de certains patients, il s'agit de préparer l'infrastructure matérielle pour transférer la chose qui se déplace le plus facilement: l'information.
Deuxième objectif
Le deuxième objectif est donc de mettre à disposition de la communauté hospitalière et ambulatoire un dossier patient ouvert et disponible en tout temps notamment dans les cas d'urgence. Ce dossier électronique qui remplacera à terme tous les documents manuscrits, iconographiques ou même oraux sera utilisé par les soignants aussi bien pour les consultations «bagatelle», que les urgences ou les consultations spécialisées.
L'ensemble des renseignements disponibles pour soigner un patient formera un dossier médical intégré et généralisé. Il comprendra tous les documents établis par des ordinateurs personnels qui seront autant de machines à écrire (et à lire) raccordées au grand réseau sanitaire. Les informations seront stockées sur des machines ad hoc pourvues d'importantes extensions de mémoires sur disques.
Cette infrastructure permettra de stocker aussi bien des textes infirmiers, médicaux ou administratifs que des images provenant de la radiologie ou des investigations microscopiques. Un soin particulier sera apporté à la sécurité des données et à la protection de la sphère privée, conformément à la législation en vigueur et probablement au-delà.
La radiologie, même classique, produit désormais des images dites numériques, c'est-à-dire qui peuvent être stockées sous forme digitale. Lors du vote d'autres crédits quadriennaux pour des équipements de radiologie, ce point a déjà été souligné. On se trouve donc en face d'une politique cohérente en matière d'imagerie médicale.
Au cours de ces dernières années, les techniques d'investigations sont de plus en plus fondées sur des documents iconographiques. Qu'il s'agisse du thorax, de l'abdomen, du cerveau ou des différentes parties du squelette, la masse des images produites fait que leur édition sur film devient discutable.
La visualisation sur écran permet de faire un tri critique entre ce qui va être gardé, ce qui doit être archivé et ce qui doit être rejeté. On considère que les médecins passent jusqu'à 25% de leur temps à rechercher des documents qui (pour des raisons qui tiennent à la complexité des organisations) restent en partie introuvables. Au niveau mondial, une statistique montre que 5% des images radiologiques prises pour un patient sont définitivement perdues.
Dans ces cas-là et dans d'autres où les temps de recherche sont jugés prohibitifs, les images sont refaites, ce qui est incontestablement une perte financière qui pèse lourdement sur les coûts de la santé, sans parler de l'inconfort du patient. Les examens à double sont en général les plus coûteux et allongent inutilement le séjour du patient, voire son exposition à des sources de rayonnement.
Le principe de conserver sous forme électronique les images et de ne les éditer que dans les cas déterminants pour le diagnostic augmente considérablement l'efficacité globale des soins. L'ensemble de ce dispositif s'appelle PACS (Picture Archival and Communication System), c'est-à-dire système de saisie, de transmission et de stockage d'images. Il est d'autant plus indispensable à un hôpital universitaire que le nombre d'images produites ayant été multiplié par dix, il serait de toute façon hors de prix de vouloir garder les images digitales sur bandes magnétiques. Sans parler des locaux à construire pour la manipulation des bandes, il faut rappeler que celles-ci s'effacent rapidement, doivent être recopiées et manipulées tous les six mois et ont besoin d'une hygrométrie constante et autres mesures de sécurité. La solution qui consisterait à vouloir stocker sur bande a été étudiée mais rapidement abandonnée comme étant impraticable tant du point de vue organisationnel que financier.
Le PACS est la solution la plus élégante, parce que relativement bon marché, stable et prometteuse. Elle ne nécessite pas de ressources supplémentaires en personnel pour la manipulation ou le traitement, contrairement à ce qui a pu être évoqué à tort, ici ou là, par les fossoyeurs de la modernité.
La LAMAL, nouvelle loi sur l'assurance-maladie, a beaucoup fait parler d'elle du côté des assurés qui ont vu leurs primes augmenter. Cela fait oublier que cette loi a aussi un volet qui oblige les institutions de soins et les médecins praticiens à documenter les coûts cas par cas en terme de diagnostics et de procédures. Des statistiques doivent être produites qui seront ensuite consolidées au niveau cantonal puis fédéral par l'office fédéral de la statistique. Ces statistiques ont pour objectifs le contrôle, puis la maîtrise des coûts. Il devient inconcevable de produire ces statistiques après coup, car le niveau de détail exigé rend obligatoire de saisir les prestations, les actes chirurgicaux et les traitements au fur et à mesure qu'ils surviennent. Il ne s'agit pas seulement de faire une estimation après coup pour savoir ce que peut coûter plus ou moins un séjour, mais de documenter chaque épisode de soins depuis le début de la maladie jusqu'à sa cure finale.
Troisième objectif
La documentation des coûts par pathologie est le troisième objectif. Il implique la prise en compte des données médicales non seulement lors d'épisodes hospitaliers mais aussi lors de consultations en ville et l'échange de ces données. Chaque épisode doit pouvoir faire l'objet d'une documentation efficace qui n'entrave pas le processus de soins mais le rende plus fluide depuis l'entrée des urgences en passant par les soins spécialisés, les salles d'opération, les soins intensifs, jusqu'à la convalescence dans un établissement spécialisé, le retour chez un praticien en ville sans oublier, bien sûr, les soins à domicile.
Quatrième objectif
Les coûts par pathologie doivent devenir une référence pour la comptabilité de gestion de l'entreprise hospitalière. C'est par une comptabilité analytique orientée coûts par pathologie que le réseau de soins pourra être amélioré et développé en documentant à chaque étape l'évolution de la charge financière, quelle que soit sa répartition entre les partenaires de la santé. Cette approche conditionne la décentralisation et la distribution des activités aussi bien médicales qu'administratives. Les opérations administratives seront aussi proches que possible des lieux de consultation et de soins. La décentralisation de la gestion prend donc en compte cette tendance à l'intégration des soins ambulatoires et hospitaliers, elle constitue le quatrième objectif.
Cinquième objectif
Le cinquième objectif, le PACS, est étroitement associé à la décentralisation. Mais il est tout aussi dépendant de la mise en place d'un dossier médical intégré et ouvert qui, à son tour, permettra l'approche des coûts par pathologie et la comptabilité analytique.
Répartition financière
Les 4 tranches de 10 millions de francs permettent de répartir les efforts dans le temps. Un planning par tranches annuelles et par objectifs a été établi (annexe 2). Le déplacement dans le temps de certaines tranches du projet mettrait en péril sa cohérence et son adéquation aux plans du conseil d'administration des HUG. L'ensemble des dépenses comprend:
- le matériel (hardware) et les logiciels (software);
- les coûts d'exploitation,
couverts par le crédit de 40 millions de francs (annexe 4, évaluation résumée des charges financières moyennes; annexe 5, évaluation résumée de la dépense nouvelle et de la couverture financière).
Coût du poste de travail
L'informatique hospitalière est souvent contestée en raison de ses coûts. En réalité, sur une période de 10 ans, de 1985 à 1995, nous pouvons constater que les dépenses d'investissements se sont élevées à 4,67%, alors que les dépenses de fonctionnement se sont élevées à 1,99% (annexes 6 et 7). A titre comparatif, le pourcentage des dépenses informatiques dans le secteur bancaire varie de 6 à 21% du produit net bancaire, alors que ce pourcentage est de 2 à 6% dans les différents secteurs de l'industrie.
En ce qui concerne chaque poste de travail, nous pouvons considérer que cela comprend un PC, sa connexion au réseau, sa carte réseau, ses logiciels, son coût de maintenance ainsi que la formation nécessaire à son utilisation.
Le montant est évalué à plus ou moins 10 000 F, ce qui apparaît aux yeux de chacun comme une référence tout à fait comparable aux postes de travail informatiques dans d'autres secteurs d'activités.
Vote du projet de loi 7512
Entrée en matière: vote, oui à l'unanimité
Débat complémentaire
- Dans la discussion, il a été évoqué l'intérêt d'un débat en rapport avec une plus large autonomie des établissements hospitaliers. Notamment pour ses propres investissements, et le fait que les HUG puissent emprunter de manière directe. Chacun est d'accord pour relever que, si l'on veut changer de système, il est impensable de le faire à l'occasion de ce projet de loi 7512, mais qu'il serait judicieux que la commission des finances ait une discussion de fond à ce propos.
- L'ensemble des commissaires présents sont d'accord avec la création d'un nouvel article qui prévoirait un bilan intermédiaire sur les projets informatiques des HUG. Il est fait mention que cette pratique est déjà très utilisée, voire systématique dans le cas des grands travaux et pour les bâtiments.
Vote des articles
A l'article 1, un amendement proposant de ramener le crédit de 40 millions de francs à 35 millions de francs est refusé par 10 voix contre une (Ve) et 2 abstentions.
Les articles 2, 3 et 4 sont acceptés à l'unanimité.
Article 5 nouveau
Le Conseil d'Etat soumet au Grand Conseil un rapport sur l'avancement du projet au 31 décembre 1998 ainsi qu'une réévaluation de la suite du programme.
Vote: 12 oui
1 non (R)
1 abstention (R)
Article 6 (anciennement 5)
Vote: oui à l'unanimité
Vote final: 13 oui
1 non (Ve)
Conclusions
Votre Grand Conseil a voté, fin 1994, la réforme hospitalière qui a transformé les établissements hospitaliers auparavant distincts tant dans leurs procédures, budgets et systèmes informatiques, en un seul établissement hospitalier. Les 5 établissements sont donc devenus une seule institution, avec une seule direction, un seul conseil d'administration, et surtout une politique stratégique commune. Cela se traduit également par une politique informatique avec une seule vision stratégique commune.
La proposition des 5 objectifs et de leur dimensionnement a été discutée par la commission informatique des HUG et a reçu l'agrément du conseil d'administration des HUG et du Conseil d'Etat.
Ce projet a des objectifs bien définis, tenant compte des évolutions technologiques des nouveaux équipements hospitaliers et il s'inscrit dans un développement planifié pour les 4 prochaines années.
La compétence des intervenants nous a démontré que ce projet de loi est en concordance avec les réformes déjà en cours pour le regroupement des services logistiques des HUG et pour la construction d'une toile d'araignée, véritable réseau sanitaire lémanique.
Au vu de ce qui précède, ainsi que des nombreuses questions et discussions intéressantes que nous avons eues à la commission des finances, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre le vote de la commission des finances et d'accepter ce projet de loi.
ANNEXE 1
13
ANNEXE 2
15
16
17
18
19
20
21
22
ANNEXE 3
24
25
26
27
28
ANNEXE 4
ANNEXE 5
ANNEXE 6
ANNEXE 7
RAPPORT DE LA MINORITÉ
1re introduction: Logique des «besoins» ou logique des moyens?
M. Vodoz a bien essayé de nous le dire, en commission, lors de notre 4e séance: «Un jour, nous disait-il, il nous faudra bien changer complètement de logique. Nous étions jusqu'ici dans ce que j'appellerai la logique des ‘besoins', nous avons épuisé nos budgets à essayer de répondre aux ‘besoins' des utilisateurs - ici, en l'occurrence, des informaticiens. Il nous faudra bien un jour passer à la logique des moyens, nous poser la question de base: ‘Etant donné notre budget de base, 5 milliards, combien pouvons-nous consacrer ces 4 prochaines années à l'informatique hospitalière, aux salaires des fonctionnaires, à l'aide sociale, etc., étant admis que le recours à l'emprunt n'est admissible que pour des investissements?»
Commentaire du rapporteur
Jusqu'ici, des informaticiens et des médecins se réunissaient, d'abord service par service, chapelle par chapelle, pour définir leurs «besoins», et préciser ceux-ci dans un plan directeur de l'informatique hospitalière. Leurs «besoins» sont créés par la pression technologique, la publicité, l'envie d'être à la pointe du progrès, par l'envie de posséder un parc informatique puissant et performant... et aussi par l'envie de servir la population au mieux des possibilités actuelles. Naturellement, les «besoins» définis par les différentes chapelles dépassent, et de loin, nos moyens (une première évaluation s'élevait à 70 millions de francs). Diverses commissions se réunissent ensuite - dont la commission informatique des HUG - pour tailler dans ce crédit, essayant de dégager l'essentiel. Ce faisant, ces commission légitiment encore la logique des «besoins». Si bien que, lorsque ces commissions définissent enfin un niveau de dépenses «absolument nécessaire» de 40 millions de francs sur 4 ans, les députés n'ont ensuite qu'à avaliser ce choix les yeux fermés, tout autre choix de coupures supplémentaires apparaissant comme ne pouvant avoir que des «effets pervers», naturellement.
Le jour où nous commencerons à discuter de nos budgets en termes de moyens et non plus de «besoins», nous commencerons à faire de la vraie politique, nous ne serons plus obligés d'entériner des choix soi-disant techniques dont les enjeux dépassent, et de loin, la compétence de nos parlementaires de milice.
Bravo à M. Vodoz pour avoir osé poser cette question ! A nos yeux, bien sûr, il ne suffit pas de la poser, il faut essayer d'y apporter quelques éléments de réponse, et c'est là le but du présent rapport.
La logique des «besoins» qui prévalait jusqu'ici nous a entraînés dans un déficit de 391 millions de francs, dans une dette cumulée dont les intérêts nous coûtent 1 million de francs par jour. Une définition du budget en termes de moyens devrait nécessairement nous amener à dépenser moins, au moins dans les domaines non sinistrés par la crise (et là le rapporteur peut témoigner que l'informatique médicale se porte plutôt bien !), au moins dans les domaines où des contrats ne nous lient pas les mains. (qu'on songe, par exemple, aux diverses lois sur l'indexation, le renchérissement, etc.).
2e introduction: En avoir ou pas?
Avez-vous remarqué à quel point cette logique des «besoins» dans laquelle nous étions jusqu'ici englués est une logique masculine? Une logique centrée sur l'avoir? Avoir un parc d'ordinateurs puissants, avec une superbe résolution, pour voir le plus rapidement possible des images numérisées de radiologie, et cela à tous les étages, dans tous les bureaux? Avoir un budget informatique de 10 millions de francs/an pendant 4 ans, voilà qui vous pose son homme ! (Il n'est pas indifférent de constater que la plupart des informaticiens sont des hommes, que les ingénieurs qui conçoivent ces appareils sont aussi des hommes, que les membres des commissions administratives sont des hommes également. Les femmes, elles, voient les choses autrement, je serais tenté de dire qu'elles ont tendance à voir la vie davantage en termes d'être (être libre, être aimée...) qu'en termes d'avoir. Je pense sincèrement que si les femmes avaient plus de pouvoir en politique la logique des «besoins» serait vite supplantée par celle des moyens et que notre organisation sociale et notre échelle des valeurs seraient plus organiques et moins mécaniques.)
3. Pourquoi nous cache-t-on la vérité?
Lors d'une conversation avec un des administrateurs de l'hôpital, j'ai appris 5 faits intéressants:
1. M. Segond se trompait lorsqu'il nous a dit que Philos et Diogène étaient désormais bien intégrés, en fait les softs manquent encore.
2. Après avoir posé sur la table tous les «besoins» en informatique hospitalière (70 millions de francs !), la commission informatique est parvenue à un «premier choix» de 37 millions de francs. Quelqu'un (qui? M. Gos lui-même?) aurait alors suggéré «d'arrondir à40 millions», pour faire bonne mesure, et peut-être aussi pour anticiper d'éventuelles coupes qui pourraient être faites par les députés.
3. Le responsable pressenti pour le projet PACS (14 millions de francs) aurait démissionné suite à des dissensions internes.
4. Une grande confusion règne à l'hôpital entre les différentes «chapelles» informatiques, les responsabilités et les projets sont mal définis, plusieurs projets ont été définis «dans le bleu», dans l'espoir d'obtenir des crédits. N. B.: La même méthode avait déjà conduit à la catastrophe de Diogène 1, dont l'hôpital a mis 8 ans à se remettre ! Et qui a coûté très cher au contribuable.
5. Le dossier médical sur carte à puce de l'hôpital de Saint-Julien, qui nous a été donné en exemple par M. Segond, n'a rien à voir avec le dossier médical informatisé dans lequel l'hôpital de Genève veut se lancer (7,6 millions de francs). Il s'agit, à Saint-Julien, d'un projet bien meilleur marché et bien plus simple. (Ce qui démontre, si besoin est, qu'une informatique plus simple et moins chère est possible dans des pays voisins).
J'ai voulu vérifier en commission les 5 informations ci-dessus, lors de notre 3e séance. Je me suis attiré les foudres de M. Lescaze, selon lequel il serait honteux pour un député de chercher à vérifier les dires d'un conseiller d'Etat auprès d'un haut fonctionnaire. Mais pour le rapporteur de la minorité, soutenu par d'autres commissaires au moins sur cet objet-là, il s'agit au contraire d'une attitude parfaitement saine, nous sommes élus pour poser des questions, y compris à des hauts fonctionnaires !
Lors de notre 4e séance, M. Scherrer s'est expliqué sur ces omissions, qu'il a, du reste, reconnues: selon lui, le budget de 37 millions de francs aurait été poussé à 40 millions de francs pour permettre aux hôpitaux périphériques d'avoir une même densité de postes de travail qu'à l'hôpital cantonal. De même, le responsable du projet PACS n'aurait pas démissionné complètement mais garde un quart-temps à l'hôpital.
Au total je dirai, en conclusion de ce chapitre 3, que ce manque de transparence n'est pas de nature à remettre en question l'ensemble du projet. Simplement, on nous l'a un peu peint en rose, on a caché les dissensions internes et les problèmes; il n'y a rien là de très choquant a priori. Il faut retenir des informations ci-dessous que, si l'ensemble du projet avait été calculé à 37 millions de francs à un moment donné, il peut être réduit à 35 millions en mettant l'hôpital lui-même à la même densité de postes que les hôpitaux périphériques, au lieu de faire le contraire !
4. Last but not least: How much can we afford?
Combien de millions pouvons-nous raisonnablement dépenser pour l'informatique hospitalière, pour les 4 ans à venir? Là encore, c'est M. Vodoz qui, par sa «question iconoclaste» lors de la première séance, a ouvert les feux, et là encore je lui dois une fière chandelle.
M. Vodoz a en effet demandé à M. Scherrer ce qui se passerait si le Grand Conseil décidait de n'attribuer que 25 millions de francs à ce budget? Je suis ensuite revenu à la charge plusieurs fois avec la même question, ne pouvant admettre qu'à une époque de restrictions budgétaires, où tous les services doivent se serrer la ceinture, les technocrates de l'hôpital ne puissent eux aussi faire un effort de solidarité. Mais les réponses obtenues, aussi bien celle de M. Scherrer que celle de M. Longchamp, furent d'excellents exemples de langue de bois. M. Longchamp: «Je ne peux évaluer les effets pervers éventuels d'un programme qui ne serait appliqué que partiellement. Imaginez par exemple que seule la moitié des services soit informatisée, il faudrait tout faire à double, continuer sur support papier pour les services qui, eux, ne seraient pas informatisés !»
Magnifique sophisme, joyeuse pirouette sémantique, ah ! Que j'aimerais être capable de telles phrases, qui ont le pouvoir de convaincre 14 députés sur 15, le pouvoir d'anesthésier la réflexion de 92 députés sur 100, le pouvoir de faire oublier que tout près d'ici (à Saint-Julien !) on peut parfois faire mieux avec beaucoup moins ! Le pouvoir de nous faire oublier qu'on peut parfois investir plus dans l'intelligence et moins dans les appareils, qu'on peut parfois se contenter d'avoir un seul poste à haute résolution par service, les autres postes ayant des résolutions moindres coûtant moitié prix ! Qu'on peut parfois se contenter de matériels un peu plus lents et faire tout de même du bon travail ! On peut parfois retarder certains achats dans l'attente d'une baisse des prix ! On peut parfois.... que ne peut-on pas, lorsqu'on le veut? Mais en menaçant les députés d'«effets pervers incalculables» M. Longchamp les a fait taire, laissant, de surcroît, planer le doute sur le sérieux du seul qui osait poser des questions !
Les Verts vous proposeront un amendement en plénière qui consistera à réduire le budget global de 5 millions de francs. Les Verts sont persuadés qu'on peut le faire avec un effort, sans prétériter, bien au contraire, la qualité des services qu'on peut rendre aux patients.
L'autre modification proposée par la majorité remportera aussi notre adhésion, elle consiste à demander un rapport intermédiaire au bout de 2 ans.
P. S.: Encore un mot avant de vous quitter: un député, Michel Balestra, me disait sur le trottoir, après le vote: «Tu es fou, Nissim, tu refuses un projet d'investissement qui vise enfin à rationaliser le lourd processus médical de l'hôpital, à intégrer le travail, et qui va nous faire économiser des millions de francs jusqu'ici gaspillés en pertes de temps!» Je lui ferai simplement la réponse suivante: «Regarde la courbe ci-dessous, Balestra.»
Moi, je l'appelle la courbe d'Illich, du nom d'un philosophe jésuite que j'aime beaucoup. Il a commencé par démontrer qu'au début chaque nouvelle voiture mise sur le marché tend à accélérer la mobilité globale, grâce au fait qu'elle va plus vite que le cheval qu'elle remplace. Nous sommes dans la partie montante de la courbe, tout va bien. Mais à partir d'un certain nombre de voitures en ville (le sommet de la courbe), toute nouvelle voiture mise sur le marché tend, au contraire, à ralentir le trafic global, parce que les rues sont trop encombrées.
Ensuite, Illich s'est attaqué au domaine de l'enseignement, démontrant, dans son 2e livre, «Une société sans école», que plus nous investissons dans l'enseignement moins les résultats sont bons, parce que nous aurions, selon lui, dépassé là aussi et depuis longtemps le sommet de la courbe. Ses théories ne plurent pas à la gauche intellectuelle, et ce philosophe tomba dans l'oubli. Mais moi je m'en souviens encore, et je voudrais proposer à Michel Balestra de réfléchir: «Où en sommes-nous, en matière d'informatique médicale, dans la courbe d'Illich?»
Premier débat
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC), rapporteur de majorité. Je ne reviendrai pas sur les différents objectifs de ce projet de loi que vous avez probablement lu avec beaucoup d'attention. La commission des finances a voté par treize oui et une abstention - avec une modification majeure - le crédit de 40 millions répartis sur quatre ans.
Selon l'article 5 : «Le Conseil d'Etat soumet au Grand Conseil un rapport sur l'avancement du projet au 31 décembre 1998 ainsi qu'une réévaluation de la suite du programme.» Cette modification s'explique essentiellement par l'importance du projet de loi et des montants investis ainsi que par la difficulté de maîtriser tous les paramètres d'un tel projet.
Permettez-moi toutefois de m'attarder quelques minutes sur votre rapport de minorité, Monsieur Nissim, car vous possédez un art tout particulier - dû peut-être aux quelques joints fumés avant la commission des finances ! - pour désinformer ! En effet, dans votre rapport de minorité, vous faites la différence entre une politique des besoins et des moyens. De même, vous établissez une différence entre les qualités propres aux hommes pour trouver un certain pouvoir dans les montants destinés à l'informatique, alors que les femmes auraient la particularité de plutôt vouloir être que paraître. Mais je ne suis pas sûr d'avoir bien compris vos propos !
Enfin, la confusion règne, Monsieur Nissim ! Pour tout produit d'investissement, il faut définir des objectifs, des besoins, faire des choix de matériaux, afin de déterminer ensuite les moyens possibles pour atteindre ces objectifs. Dans ce cadre-là, le projet 7512 est tout à fait exemplaire par sa définition des objectifs à moyen terme, ainsi que par la méthode utilisée pour définir un certain nombre de besoins de manière interne. Cela explique pourquoi ce projet de loi est passé de 70 à 40 millions.
Les auteurs de l'ensemble de ce projet ont prouvé qu'ils avaient le sens des responsabilités en étalant cette charge sur quatre ans, en fonction des moyens financiers, soit 10 millions par an. Nous avons reçu une documentation extrêmement détaillée et transparente. J'ai sous les yeux le plan directeur qui donne beaucoup d'informations sur ce projet d'informatisation des HUG.
L'ensemble des instances, la commission informatique interne, le comité directeur des HUG, le conseil d'administration et le Conseil d'Etat ont donné leur aval. Ainsi, la proposition de M. Nissim de réduire la somme à 35 millions de manière tout à fait aléatoire me paraît irresponsable. Pourquoi pas 30 ou 20 millions finalement ? Mais ce projet de loi ne serait pas le même. D'autant plus qu'il a été démontré que 60% des 40 millions sont consacrés au matériel (hardware) et 40% aux logiciels, à l'information et à l'installation. Il ne s'agit donc pas d'un projet aventureux de pur développement de logiciels pour les HUG.
Je souhaite revenir sur les cinq questions posées par M. Nissim à la page 35. Le professeur Scherrer y a répondu avec beaucoup de précision, mais, malheureusement, les réponses du rapport de minorité ne semblent pas y correspondre.
La première question concerne l'objectif numéro 1 de ce projet qui consiste à intégrer le système Philos au système Diogène; c'est avec les moyens votés dans ce projet de loi que nous y arriverons.
En ce qui concerne les questions 2 et 4 au sujet des 70 millions, il est normal qu'un tel projet passe par une multitude d'étapes et de sélections internes pour atteindre l'objectif que représentent ces 40 millions et le projet hardware. De même, chaque chapelle d'un organisme tel que les HUG doit défendre ses intérêts, l'important étant de trouver un consensus, une faisabilité technique et des solutions financières.
La troisième question concerne la démission d'un responsable pressenti pour le projet PACS. Dans l'avant-dernier paragraphe, votre réponse est plutôt floue. La raison en est simple : le professeur Scherrer nous a dit que le responsable du PACS a été nommé professeur associé à fin 1996. Evidemment, ses occupations ont changé : il consacre 75% de son temps à sa nouvelle activité à la clinique de Genolier et 25% au projet des HUG, pendant une année encore. Il n'y a donc aucun problème interne, et il continue d'exercer une influence sur le développement de ce projet.
A la question 5, on trouve une comparaison quelque peu discutable entre l'hôpital de Saint-Julien et les HUG. La France a lancé le carnet de santé sous la forme d'une carte à puce, en rien comparable à un dossier médical, comme imaginé et prévu dans le cadre des HUG et des relations entre les cantons de Genève et de Vaud. Cette carte, que chacun porte sur soi, donne un ensemble d'informations simples, alors que le dossier médical indique de façon exhaustive l'ensemble des données de nature médicale, ainsi que les soins prodigués au patient. Peut-on comparer l'hôpital de Saint-Julien aux HUG, alors qu'il s'agit de conduire une véritable politique pour créer un réseau sanitaire lémanique entre Genève et Vaud ?
Ce projet de loi, qui a des objectifs bien définis et tient compte de l'évolution technologique des nouveaux équipements hospitaliers, s'inscrit dans un développement planifié pour les quatre prochaines années. La compétence des intervenants a démontré qu'il est en concordance avec les réformes déjà en cours pour le regroupement des services logistiques des HUG et pour la mise en place du réseau sanitaire lémanique, véritable toile d'araignée.
A l'instar de la commission des finances, je vous propose de voter ce projet de loi sans y faire le moindre amendement - surtout pas un amendement financier qui pourrait rendre le projet aléatoire et le remettre en question.
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Je voudrais également commencer par quelques critiques sur votre rapport, Monsieur Vaudroz. Il est tellement optimiste et rose, que vous avez encore quelques éclaboussures de peinture sur les mains et sur le front ! Il me fait penser à ces récits de voyage d'écrivains français revenant du paradis des travailleurs dans les années 50, où tout était beau et parfait... Leurs collègues les auraient considérés comme «social-traîtres» s'ils avaient émis la moindre critique.
Mais j'ai des critiques concrètes à vous adresser, car vous avez commis deux erreurs manifestes dans votre rapport. Vous mentionnez un texte assez humoristique sur Diogène qui n'est assurément pas de vous. Une espèce d'historique...
M. Jean-Claude Vaudroz, rapporteur de majorité. C'est en annexe, d'ailleurs !
M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Oui, je ne prétends pas que vous l'ayez écrit. Mais ce texte contient des erreurs manifestes. Tout le monde sait que s'agissant de la moitié administrative Diogène I ne marchait pas. Le député Guidini ne se trompait pas en faisant un rapport assez alarmiste devant ce Grand Conseil voici quelques années. Ce n'était pas un député grincheux du parti libéral, mais le porte-parole des gens de sa profession. Il avait raison, mais vous n'en dites rien.
La deuxième erreur du rapport se situe au premier paragraphe. Vous écrivez : «Un effort important a consisté à ramener les cinq systèmes à deux [...] Diogène pour la zone hôpital cantonal et Philos pour Belle-Idée. L'étape suivante qui nous concerne est consacrée à faire converger les deux systèmes pour arriver au système informatique romand, Diofilos.» Comme M. Segond, vous dites que Philos et Diogène sont intégrés. Mais, d'après des administrateurs de l'hôpital avec lesquels je me suis entretenu, ils ne le sont pas, car il manque toujours les soft. Je tenais à souligner cette contrevérité. Il est bien sûr souhaitable d'uniformiser à terme les protocoles avec le CHUV, mais il faut commencer par le faire à l'intérieur du canton de Genève.
En dehors des considérations sur les hommes, les femmes, Ivan Illich etc., j'essayais de démontrer qu'à l'heure des déficits budgétaires même les informaticiens de l'hôpital doivent être solidaires et se serrer la ceinture. Le crédit de 40 millions qui vous est demandé ce soir a été arrondi. Au départ, il s'élevait à 37 millions, mais personne ne nous l'a dit en commission. Je l'ai appris grâce à un administrateur de l'hôpital. Ce crédit aurait pu tout autant être arrondi à la baisse compte tenu des difficultés budgétaires.
Le but de mon rapport est de vous empêcher de vous laisser abuser par le discours «totalisant» des utilisateurs répercuté par M. Vaudroz. D'après eux, si l'on touche au moindre des millions de ce crédit, il y aura des surprises catastrophiques. Or ce n'est pas vrai ! Vous êtes libres, Mesdames et Messieurs les députés, de choisir autre chose et, notamment, de réduire ce budget !
Mme Torracinta avait parfaitement raison. J'observe depuis des années que chaque fois qu'un gros budget est voté, les députés sont dépassés. Ne comprenant pas bien l'informatique, ils se sentent largués et font confiance aux gens qui les informent. En revanche, lorsqu'il s'agit de petits budgets, de petites subventions ou d'un petit atelier, ils se réveillent, parce qu'ils maîtrisent mieux. C'est regrettable !
Si ce parlement veut manifester sa liberté - il s'agit du débat que nous venons d'interrompre, Monsieur Vaudroz - s'il veut manifester son existence, il peut intervenir au sujet de gros crédits, même s'il ne les comprend pas. Il peut, pour des raisons politiques, voter un amendement et réduire le budget. On peut faire une très bonne médecine et avoir une très bonne informatique médicale avec moins d'argent. Nos voisins le font depuis plusieurs années, et je vous propose d'en faire autant.
Votre objectif numéro 1, Monsieur Vaudroz, ne correspond pas ma question numéro 1. A la page 35, je réponds que Philos et Diogène ne sont pas intégrés, car les soft manquent encore. L'objectif principal est l'application orientée vers les soins. Il ne s'agit pas simplement de Philos, mais également de Diogène, car il faut essayer de coordonner différentes applications. Bref, c'est un détail.
M. Bernard Clerc (AdG). Notre groupe soutiendra ce projet de loi, même si lors de la discussion en commission des finances nous avons été impressionnés par le montant global de 40 millions. Nous avons également constaté un certain scepticisme au sein de la commission. En effet, plusieurs séances et auditions des responsables de l'hôpital cantonal ont été nécessaires pour nous amener à voter ce crédit.
Notre scepticisme provient de la multiplication des projets de lois en matière informatique. N'étant pas des spécialistes, nous ne sommes pas sûrs de choisir les voies nouvelles avec pertinence. Nous espérons ne pas nous retrouver dans quelques années avec un certain nombre de problèmes informatiques, tels que nous en avons connu dans divers services de l'Etat à la suite d'erreurs d'option et de stratégie.
Nous voterons donc ce projet de loi, mais nous soutiendrons également l'amendement proposé par les Verts. Lors du débat en commission, nous nous sommes abstenus sur cet amendement. Aujourd'hui, nous le jugeons judicieux. Il ne s'agit pas de remettre en question le programme adopté, le PACS, mais nous pensons qu'il est possible de réaliser des économies.
De 1991 à l'an 2000, 81 millions seront investis dans l'informatique des hôpitaux universitaires genevois, sans compter les 55 millions de dépenses générales concernant le matériel informatique de moindre coût. Cela représente un total 136 millions pour dix ans, ce n'est pas rien ! Nous estimons qu'une baisse de 5 millions sur le crédit demandé, soit 3,7% de l'ensemble des dépenses informatiques, est d'autant plus acceptable qu'il y a une baisse sur les prix d'une série de matériels informatiques.
Ainsi, tout en entrant en matière sur ce projet de loi, nous soutiendrons l'amendement déposé par les Verts.
M. Bernard Lescaze (R). Le groupe radical soutiendra évidemment ce projet qui lui paraît important dans la mesure où ce parlement a accepté la fusion des divers hôpitaux en une seule institution. Il importe d'avoir une vision stratégique commune en matière informatique.
On peut relativiser ces chiffres qui nous paraissent élevés en les comparant au budget annuel des banques consacré à l'informatique. De plus, c'est un crédit quadriennal, ce qui représente 10 millions par an. Toutefois, il s'agit d'une pièce dans le dispositif informatique de l'Etat qui paraît parfois manquer un peu de transparence pour les députés de milice que nous sommes.
En revanche, les objectifs de ce projet onéreux - notamment l'établissement du dossier électronique - nous semblent très importants. Nous espérons qu'il débouchera sur d'autres applications que celles prévues dans ce projet.
Le groupe radical accepte donc le projet de loi tel qu'il est présenté. Il réserve sa position quant à l'amendement des Verts. Nous verrons si les motifs invoqués peuvent être défendus d'une façon plus persuasive. Si tel n'est pas le cas, nous ne voterons pas cet amendement.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. J'aimerais attirer votre attention sur quelques éléments essentiels qui, j'en suis désolé pour le rapporteur de minorité, rétablissent les faits.
Sur la forme, le projet initial n'a pas été arrondi de 37 à 40 millions comme vous avez cru l'entendre : le projet initial soumis au bureau du conseil d'administration s'élevait à 70 millions. Cela a provoqué des réactions fermes de la part du bureau du conseil d'administration qui l'a ramené à 40 millions. Ce projet a été examiné au cours de trois séances par le conseil d'administration où siègent tous les partis politiques représentés dans ce Grand Conseil. L'examen a été fait de manière approfondie : la décision n'a pas été prise «à la hussarde».
Sur le fond, ce programme quadriennal a quatre objectifs principaux. Je ne vous ai jamais dit, Monsieur le rapporteur de minorité, que Diogène et Philos étaient unifiés. (Exclamations.) Je viens de relire l'exposé des motifs : il y six ans, lorsque je suis arrivé à la tête des hôpitaux universitaires de Genève, il y avait quatre établissements publics médicaux, quatre personnalités juridiques différentes et quatre systèmes informatiques différents. Genève est probablement la seule communauté du monde occidental qui, pour quatre hôpitaux, avait réussi, sur une si petite portion de territoire, à avoir quatre systèmes informatiques !
Tout en laissant le système Diogène faire sa migration de Diogène I à Diogène II, je me suis efforcé de regrouper, dans le complexe de Belle-Idée, le projet Philos. Je l'ai dit, oralement, par écrit dans l'exposé des motif, nous devons arriver à intégrer Philos et Diogène II : c'est le premier objectif de ce projet de loi. Il apparaît très clairement dans l'exposé des motifs que le Conseil d'Etat et le conseil d'administration des HUG ont déposé devant vous.
Le premier objectif est la constitution d'un seul réseau informatique des HUG avec une intégration de toutes les applications, comme cela a déjà été fait dans le domaine juridique et organisationnel : un seul établissement, une seule personnalité juridique, un seul conseil d'administration et, bientôt, un seul système informatique. (Exclamations.) Selon M. Nissim, nous aurions dit que cette fusion était déjà réalisée, mais je tiens le texte à votre disposition.
Le deuxième objectif est la mise en place d'un seul dossier du patient pour l'ensemble des HUG avec toutes les données, y compris les images numérisées. Cet élément est important, non pas seulement pour améliorer la qualité et l'efficacité des soins mais également pour distinguer clairement l'informatique médicale de l'informatique administrative, tout en améliorant et la statistique et la facturation.
Le troisième objectif de ce projet de loi c'est de refléter, dans le domaine informatique, le phénomène qui se développe dans le domaine des prestations, qui, vous le savez bien, passe de prestations, médicales et soignantes, hospitalières à des prestations, médicales et soignantes, ambulatoires. Il est nécessaire que l'informatique médicale, qui a d'abord été conçue pour une informatique hospitalière stationnaire, évolue dans le sens d'une informatique hospitalière ambulatoire.
Le dernier point est peut-être le plus important : dans la perspective du carnet de santé, sur support papier, mais surtout sur support informatique, ce réseau informatique intégré est un réseau ouvert sur la communauté, sur d'autres communautés hospitalières, le CHUV et la communauté médicale de la ville.
Le chiffre de 40 millions peut sembler important. Il faut le mettre en relation avec les budgets des hôpitaux universitaires : le budget de fonctionnement des hôpitaux universitaires de Genève s'élève à 1 milliard. Si l'on établit les proportions, en moyenne annuelle, sur la période 1997-2000, la dépense proposée représente 3% des dépenses de fonctionnement des HUG, et 7% des dépenses d'investissement. C'est inférieur à la place que l'informatique occupe dans les budgets d'investissement des banques, des compagnies aéronautiques ou des entreprises industrielles.
C'est la raison pour laquelle je vous invite à accepter le projet de loi tel qu'il est sorti des délibérations du conseil d'administration des HUG et du Conseil d'Etat, tel qu'il est sorti des travaux de la commission des finances qui, comme M. Vaudroz l'a rappelé tout à l'heure, a consacré plusieurs séances et de nombreuses auditions à l'examen de cette importante dépense : elle est justifiée si l'on veut améliorer la qualité et l'efficacité des soins et ouvrir l'hôpital en le délivrant de sa mentalité de forteresse hospitalière pour l'introduire dans une mentalité de réseau.
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Je ne veux pas ergoter, Monsieur Segond, sur ce que vous avez dit ou non en commission. L'essentiel est ce que vous dites maintenant : effectivement Philos et Diogène ne sont pas encore intégrés au niveau des soft. C'est l'essentiel. Ne disposant même pas des p.-v. de la commission, je ne veux pas me battre à ce sujet.
L'essentiel de mon discours concernait notre liberté, Mesdames et Messieurs les députés, face à ce projet compliqué. Avec un peu d'intelligence, on peut arriver à faire des économies et repousser certains investissements en attendant que les prix baissent. Dans un service, on peut renoncer à une station ou garder le même nombre de stations, mais avec des écrans de moindre résolution. On peut aussi opter pour des stations plus lentes qui coûtent beaucoup moins cher.
La preuve en est que dans le processus d'élaboration du crédit que nous votons ce soir, M. Segond a juste oublié de vous dire que la somme initiale était de 70 millions, mais qu'on était arrivé à 37 millions. Puis on a décidé d'acheter plus de stations pour les hôpitaux périphériques et d'arrondir la somme à 40 millions. Ce choix n'était pas inéluctable. On aurait pu également acheter moins de stations tout en équipant tous les services avec des stations un peu moins performantes ou en attendant quelque temps. C'est un choix politique que je vous demande de faire.
Manifestez votre liberté face à ce projet, et ne votez pas la tête dans le sac ! Montrez que vous savez prendre vos responsabilités, même lorsqu'il s'agit de gros projets ! Divers députés - dont MM. Vodoz et Annen qui sont mes références principales - ont dit à plusieurs reprises que l'on pouvait faire tout aussi bien avec moins d'argent. Les Verts vous proposent un amendement qui consiste à réduire le budget global de 5 millions.
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC), rapporteur de majorité. Une fois de plus, M. Nissim est imprécis. Effectivement, on a probablement transité par 37 millions après être parti de 70 millions, mais il ne s'agissait pas «d'arrondir» ! Il s'agissait, au contraire, d'intégrer les hôpitaux périphériques. Cela a été dit et redit !
M. Clerc envisage de suivre l'amendement de M. Nissim qui est totalement aléatoire. M. Nissim a une seule particularité, celle d'être informaticien. Mais il y aura autant de projets qu'il y a d'informaticiens sur cette terre ! La commission de l'informatique des hôpitaux et toutes les personnes ayant donné leur aval démontrent que ce projet a été parfaitement structuré.
Par ailleurs, il ne s'agit pas de 3% mais de 12% de diminution si l'on passe de 40 à 35 millions. De toute façon, ce ne sera pas le même projet, d'autant plus que ce projet de 40 millions comporte essentiellement du matériel : 60% de hardware et 40% de logiciels, de formation et d'installation.
Avec raison, malgré les questions et les inquiétudes suscitées par le coût considérable de ce projet, la commission des finances a voté cet article 5 (nouveau) qui prévoit un garde-fou en demandant le bilan intermédiaire sur l'ensemble des projets informatiques des HUG. Au printemps 1999, nous aurons tout loisir de remettre en question la suite du programme.
En attendant, je vous propose de voter ce projet tel qu'il est présenté et la totalité de la somme. Autrement, il n'y a aucune raison de le faire démarrer avec les objectifs fixés pour les quatre prochaines années.
M. Bernard Clerc (AdG). Je souhaite faire quelques rectifications. Il s'agit bien d'un montant de 12% sur le crédit qui nous est demandé maintenant. Le chiffre que je vous ai donné tout à l'heure est relatif à l'ensemble des dépenses d'investissement et des dépenses générales en informatique sur dix ans. A ma connaissance, il n'y a eu aucun «rabotage» sur les crédits antérieurs.
Accepter cet amendement, c'est faire un signe et donner les moyens à la direction des services informatiques des HUG de négocier les contrats les plus favorables. Que vous le vouliez ou non, une fois le crédit de 40 millions voté, c'est, de toute évidence, en fonction de cette somme que les entreprises soumissionneront ! Quelle entreprise accepterait de renoncer à ce marché sous prétexte d'une diminution de 5 millions ? (L'orateur est interpellé par un député.) Mais vous le dites vous-mêmes !
L'essentiel étant constitué par l'achat de hardware, je prétends que nous pouvons obtenir des baisses de prix par le simple fait de voter un crédit de 35 millions, et non de 40 millions. (Brouhaha.) En refusant cet amendement, vous acceptez une dépense supplémentaire, c'est évident !
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Monsieur Vaudroz, les 5 millions d'économie que les Verts vous proposent dans leur amendement sont évidemment arbitraires, mais ils ne le sont pas moins que les 40 millions du projet officiel que vous proposez.
Vous sauriez comment cela se passe si vous aviez été dans les commissions qui décident des investissements, comme je le fais depuis quinze ans. A la suite de calculs approximatifs, on parvient à un chiffre que l'on arrondit parfois en fonction du fait, par exemple, que 40 millions répartis sur quatre ans : cela fait joli, et que 10 millions par an : cela simplifie la vie ! Je pourrais énumérer de nombreux autres facteurs psychologiques du même ordre : dans les vitrines, on expose des costumes à 399 ou 499 $ !
En résumé, Monsieur Vaudroz, vous pouvez faire la même médecine avec des écrans de moindre résolution ou attendre quelque temps ou acheter des machines moins rapides. Vous pourrez même acquérir des machines plus rapides et des écrans de meilleure résolution dans six mois !
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Dans vos explications, Monsieur Segond, vous ne donnez aucun argument pour justifier ces 40 millions. Comme d'autres, je propose également la somme de 35 millions. Si cela est vraiment nécessaire, vous pourrez toujours revenir avec un crédit supplémentaire.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Article 1
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement tendant à réduire le crédit de 40 à 35 millions.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté.
Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que les articles 3 à 6.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7512)
LOI
ouvrant un crédit d'investissement de 40 000 000 F pour subventionner l'informatique des hôpitaux universitaires de Genève(1997-2000)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
Un crédit de 40 000 000 F (y compris renchérissement et TVA) est ouvert au Conseil d'Etat au titre de subvention pour financer le plan informatique des hôpitaux universitaires de Genève. Une subvention fédérale, estimée à 3 000 000 F, est à déduire de ce montant.
Art. 2
Ce crédit sera réparti en quatre tranches annuelles, à savoir 10 000 000 F en 1997, 10 000 000 F en 1998, 10 000 000 F en 1999 et 10 000 000 F en 2000, sous la rubrique 86.21.00.563.09.
Art. 3
Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt, dans les limites du cadre directeur du plan financier quadriennal adopté le 2 septembre 1992 par le Conseil d'Etat fixant à environ 250 millions de F le maximum des investissements annuels, dont les charges en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Art. 4
L'investissement est amorti chaque année d'un montant calculé sur sa valeur résiduelle et qui est porté au compte de fonctionnement.
Art. 5
Le Conseil d'Etat soumet au Grand Conseil un rapport sur l'avancement du projet au 31 décembre 1998 ainsi qu'une réévaluation de la suite du programme.
Art. 6
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993.