République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 20 mars 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 4e session - 11e séance
PL 7554
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur la Banque cantonale de Genève, du 24 juin 1993, est modifiée comme suit:
Art. 26 (nouveau)
Disposition
transitoire :
Commission
1 En complément à l'article 5, une commission d'enquête de 6 membres est nommée par le Grand Conseil, comportant un membre par groupe de députés désigné par ce dernier, ayant pour mandat d'examiner :
a)
les conditions des prêts consentis ces 10 dernières années par la banque ainsi que par l'ancienne Caisse d'épargne et l'ancienne Banque hypothécaire du canton de Genève, notamment les taux d'intérêts et de remboursement consentis aux débiteurs et la nature des garanties fournies par ces derniers ;
b)
l'état des sociétés dans lesquelles ces banques ont pris des participations financières et l'état des sociétés de portages travaillant en relation avec la banque ;
c)
les cas où ces banques auraient procédé à des abandons de créances, notamment au profit de sociétés financières, immobilières ou commerciales, plus particulièrement lorsque ces sociétés étaient en état de surendettement ;
d)
les rapports des organes de contrôle de ces sociétés et de celles où la banque détient des participations financières ;
e)
les conditions de faveur consenties à certains clients de la banque ;
f)
les règles définies par la banque en matière d'attribution et de gestion de crédits.
2 La commission d'enquête dispose des pleins pouvoirs d'investigation à l'intérieur de la banque et le secret bancaire ne lui est pas opposable ; elle a notamment accès aux rapports de la Commission fédérale des banques et de l'organe de révision de la banque.
3 La commission d'enquête présente toutes suggestions qu'elle estime utiles au Conseil d'administration de la banque et présente ses conclusions dans un rapport adressé au Grand Conseil. Ses membres sont tenus au respect du secret bancaire.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La fusion de l'ancienne Caisse d'épargne et de la Banque hypothécaire du canton de Genève dans le but de créer la Banque cantonale de Genève (BCG) répondait à une demande de longue date de la gauche genevoise, raison pour laquelle celle-ci s'est réjouie de la concrétisation, il y a bientôt quatre ans, de cet objectif finalement poursuivi par toutes les forces politiques de notre canton.
La création de la BCG a constitué un succès indéniable avec la dotation au profit de notre canton d'un important établissement bancaire public, s'ouvrant à toutes les activités bancaires (et non uniquement à l'épargne et au crédit hypothécaires) avec pour but, non seulement de favoriser l'épargne, mais de soutenir l'économie cantonale, notamment les petites et moyennes entreprises qui éprouvent souvent des difficultés pour obtenir des crédits de la part des grandes banques.
La BCG a connu un rapide succès et a renforcé sa position sur le marché bancaire local, ce dont on peut se féliciter.
Ce succès est, toutefois, assombri par un certain nombre d'affaires relatées par la presse.
Tout d'abord, des crédits hypothécaires accordés beaucoup trop généreusement à certains promoteurs immobiliers, ne disposant pas de fonds propres, dans le cadre d'opérations aléatoires ou carrément spéculatives (terrains de Sécheron, par exemple) ou en fonction de valeurs théoriques de biens immobiliers sans aucun rapport avec leur valeur de rendement.
Ensuite, des prises de participation dans des sociétés à risques, telles que la société J. S. Holding, du spéculateur Jörg Stäubli, ou Sécheron SA, reprise de Nessim Gaon avec des apports de fonds propres ou des abandons de créances et le maintien à flot, artificiellement, de sociétés en situation de surendettement avec comme conséquences particulièrement néfastes l'aggravation de la situation financière de ces sociétés et l'augmentation des pertes subies par les créanciers, avec les répercussions économiques qui en résultent, surtout en période de crise.
Enfin et surtout, des conditions de prêts invraisemblables, nettement en dessous du taux «libor» (soit le taux de refinancement entre banques), à certains clients privilégiés (la presse évoque un taux de 0,5% pour un prêt de 80 millions de francs consenti à Jörg Stäubli, dont l'état de fortune personnelle ne permettait manifestement pas de rembourser une telle dette !) ou dans le cadre de la reprise de certaines affaires immobilières.
A ce sujet, il est profondément choquant qu'une banque publique consente des conditions de faveur pareilles à certaines personnes. Cette inégalité de traitement par rapport aux conditions applicables à la très grande majorité des bénéficiaires de prêts de la banque est intolérable. De plus, l'acceptation de tels taux de faveur, allant jusqu'en dessous du taux «libor», a pour conséquence de renchérir le coût des prêts consentis à d'autres clients, au détriment de l'indispensable politique de relance économique, alors que l'actuelle période de crise exige des taux d'intérêts aussi bas que possible. A ce sujet, les importantes pertes de la BCG, la nécessité de créer des grosses provisions et les taux d'intérêts de faveur ont empêché la banque de réduire ses taux d'intérêts à un niveau plus favorable, cela au préjudice des besoins de l'économie.
De même, on ne peut pas se satisfaire des déclarations des responsables de la BCG consistant à banaliser les très grosses pertes subies sur certaines affaires, notamment immobilières, traitées avec une légèreté inacceptable, en se bornant à déclarer que les provisions nécessaires ont été constituées par la banque pour couvrir les pertes subies en raison des erreurs de gestion de certaines personnes.
Il est également inacceptable que la direction de la BCG refuse de s'expliquer sur certaines affaires largement évoquées par les médias, au sujet desquelles les citoyennes et citoyens ont le droit d'être informés. L'attitude des dirigeants de la banque, élus par des organes représentatifs du peuple, et donc responsables de leurs actes devant ce dernier, ne répond pas à la transparence à laquelle on est en droit de s'attendre de la part de dirigeants d'un établissement public.
C'est la raison pour laquelle le présent projet de loi demande la création d'une commission d'enquête représentative pour déterminer comment certaines erreurs ont pu être commises par la banque, quelle est la nature de ces erreurs et quelles sont les mesures à prendre pour éviter que de telles erreurs ne se reproduisent à l'avenir.
Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs, de l'attention portée au présent projet de loi.
Préconsultation
M. Christian Grobet (AdG). Depuis un certain temps, notre groupement, ainsi que de nombreux citoyens et citoyennes de notre canton, sommes préoccupés par un certain nombre d'opérations relevant de notre Banque cantonale, pour laquelle, depuis de nombreuses années, nous avions lutté afin qu'elle voie le jour.
Dans les années 50, puis 60, des projets de lois avaient déjà été déposés, notamment le projet de loi du regretté Burtin qui demandait la fusion de la Caisse d'épargne et de la Banque hypothécaire en vue de créer une véritable Banque cantonale. A l'époque, cette demande avait suscité un rejet de la part de la majorité.
Aujourd'hui, nous sommes préoccupés par un certain nombre d'opérations d'avant la fusion, mais dont certaines ont continué après cette dernière. Pour s'en convaincre, il suffit de lire la «Feuille d'avis officielle». En effet, à constater le nombre d'affaires immobilières dans lesquelles la Banque cantonale doit intervenir en réalisation de gages, on a la démonstration qu'elle a procédé, comme d'autres, à des prêts totalement excessifs pour un certain nombre d'opérations immobilières.
D'autres cas, traités par cette banque, ont suscité des interrogations légitimes de la part de la population, notamment les taux d'intérêt préférentiels accordés à certaines personnes, souvent bien placées, dans le cadre de reprises de biens immobiliers, d'opérations de portage, dont on peut, au demeurant, comprendre la légitimité, car nous ne souhaitons pas l'effondrement du marché immobilier.
En cela, nous partageons l'analyse faite par M. Ducret, président de la Banque cantonale, bien que le manque de transparence soit flagrant dans ces opérations. Il faut noter surtout les pertes incroyables, les prêts personnels consentis à M. Stäubli de sinistre réputation, connu comme l'homme des congés-ventes à Genève et des opérations spéculatives les plus décriées. La Banque cantonale semble lui avoir fait une confiance aveugle, allant jusqu'à lui consentir un prêt personnel pour «désendetter» une société qui aurait dû déposer son bilan.
Il ne nous a plus été possible de taire les questions, de plus en plus nombreuses, de citoyennes et de citoyens de ce canton. Loin de nous l'idée de polémiquer ! Toutefois, nous n'acceptons pas que l'on nous accuse de nous en prendre à la Banque cantonale, alors que nous demandons des explications sur cette dernière d'une manière autrement plus modérée que celle utilisée en Valais ou, à lire la presse aujourd'hui, dans le canton du Jura. (Rires.) Oh, vous pouvez toujours ricaner !
Nous demandons des explications au sujet de fautes de gestion commises par les personnes responsables de la gestion de cette banque. Mes anciens collègues au Conseil d'Etat savent très bien qu'au moment de la fusion j'avais demandé à connaître l'état des dettes de la banque, ce qui nous avait valu de rencontrer une délégation de la Caisse d'épargne et de la Banque hypothécaire. Elle n'avait pas voulu nous donner l'état des dettes de ces deux banques, mais nous avait indiqué que celles-ci avaient provisionné en prévision d'éventuelles difficultés.
Aujourd'hui, il est temps que des explications soient données sur le fonctionnement de la Banque cantonale et des moyens mis en oeuvre pour que les erreurs du passé ne se renouvellent plus. Je serais intéressé de savoir qui fait les expertises immobilières pour le compte de la Banque cantonale, car il est certain que les experts précédents étaient «à côté de la plaque»; c'est le moins que l'on puisse dire !
A-t-on changé d'experts et de méthodes d'expertise ? Aujourd'hui, la seule véritable valeur à prendre en considération, dans la plupart des cas, est la valeur de rendement d'un immeuble. Or, il convient de savoir qu'il y a quelques années la valeur de rendement était méprisée par les milieux immobiliers. Le gain en capital présumé était à la base des valeurs données à des objets immobiliers. Aujourd'hui, on en subit les conséquences dramatiques.
En tant que représentants du peuple, nous avons le devoir de nous assurer si cette banque est correctement gérée. Cet établissement public, créé dans l'intérêt du canton, est aujourd'hui condamné à pratiquer des taux d'intérêt plus élevés, parce qu'il a dû provisionner, semble-t-il, pour plus d'un milliard de francs - ce qui est une somme considérable - en raison d'erreurs d'appréciation dans la gestion de ses fonds.
On nous répond qu'un de nos membres est au conseil d'administration. C'est ridicule, car on sait que les décisions se prennent au conseil de direction, entre quelques membres seulement, et que l'on avertit les membres du conseil d'administration qu'ils risquent une procédure pénale s'ils ont le malheur de faire la moindre révélation sur ce qu'on leur dit, lors des réunions de ce conseil !
La présidente. Vous me permettrez de vous rappeler, Monsieur le député, que nous sommes en débat de préconsultation et que vous parlez depuis six minutes !
M. Christian Grobet. Je termine, Madame la présidente ! C'est ainsi qu'une représentation du parti des Verts au sein du conseil d'administration de l'ancienne Banque hypothécaire, qui avait eu l'outrecuidance de vouloir dénoncer un ou deux abus, s'est vue menacée.
Pour en terminer, il serait plus sage de renvoyer ce projet en commission. La Banque cantonale pourrait nous y donner des explications concrètes - loin du débat public qui n'est peut-être pas le meilleur «terrain» pour recevoir ce genre de renseignements - et ne pas nous imposer son refus de répondre en prétendant qu'elle n'a rien à nous dire.
M. Nicolas Brunschwig (L). Nous ne pensons pas que la création d'une commission d'enquête au travers de ce projet de loi soit une solution, car une telle banque est déjà surveillée par quatre organes différents :
Tout d'abord, l'inspectorat interne. Ensuite un organe de révision externe, puis un conseil d'administration où figurent des représentants des différents partis. Enfin, par la Commission fédérale des banques - souhait du Conseil d'Etat largement approuvé par notre Grand Conseil lors de la modification nécessaire des lois applicables à cette banque cantonale. C'était une première, car les banques cantonales n'avaient jamais encore été soumises à ce type de surveillance.
Que pourrait faire de plus une commission d'enquête composée de députés ? Possédons-nous, Mesdames et Messieurs les députés, les qualifications professionnelles que requiert ce genre d'exercice ? De plus, ce projet de loi indique que les membres sont soumis au secret bancaire, mais qu'ils doivent présenter un rapport au Grand Conseil.
Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas la bonne solution ! Certes la Banque cantonale, comme d'ailleurs toute banque ayant octroyé des financements hypothécaires ou commerciaux, doit gérer des situations difficiles. Nous le savions au moment où nous avons travaillé sur le projet de la Banque cantonale. Bien entendu, nous avions obtenu des informations globales, car le secret bancaire existait pour révéler les cas particuliers.
Lors de l'audition des organes de contrôle, M. Pennone - guide de l'opération - nous disait qu'un certain nombre de provisions avaient été constituées et que, dans un exercice croisé, elles avaient été jugées par les organes de contrôle de chacune des deux banques.
Les situations et les marchés évoluent. Ce qui, à l'époque, pouvait être justifié ne peut plus l'être aujourd'hui. A cet égard, les différents organes que j'ai mentionnés doivent réévaluer et constituer les provisions nécessaires pour couvrir ces risques.
Alors, qu'il y ait eu des erreurs, qu'il y ait eu des fautes et même peut-être des délits, c'est certainement vrai ! Toutefois, il convient d'être convaincu que la nouvelle direction, grâce à sa gestion, ne laissera pas ce genre de situations se reproduire.
A la commission des finances, dans le cadre de l'analyse d'une pétition, nous avons eu un exemple révélateur à ce sujet. En l'occurrence, le secret bancaire n'existait plus vu que l'auteur de la pétition aurait pu se garantir de ce type de secret. Nous avons pu auditionner les responsables de la Banque cantonale et poser toutes les questions nécessaires pour en comprendre le fonctionnement actuel. Nous nous sommes rendu compte que le nouveau système de gestion ne permettait plus que de telles situations se reproduisent à l'avenir.
Dès lors, il s'agit de ne pas se tromper sur les objectifs que nous visons ni sur les moyens que nous mettons en place pour y parvenir. Le but est d'avoir une Banque cantonale capable de soutenir les entreprises genevoises. A cet égard, nous pouvons remercier la BCG qui effectue ce rôle fort difficile dans le contexte économique actuel. Il convient de réparer les erreurs des situations passées et, pour ce faire, il faut du temps et espérer que les marchés soient plus favorables qu'ils ne l'ont été pendant ces six dernières années. En aucun cas, ce projet de loi n'amène des solutions intéressantes, créatives ou innovatrices. Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de le rejeter.
Mme Claire Torracinta-Pache (S). Décidément, la BCG nous occupe beaucoup ces temps-ci ! On n'en serait pas là si les dirigeants de la banque, et dans une moindre mesure le Conseil d'Etat, avaient accepté de jouer d'emblée le jeu de la transparence et de répondre en toute franchise et d'une manière détaillée aux questions tout à fait légitimes que l'on peut se poser suite à des affaires relevées dans les médias.
Force est de constater que les réponses sont venues au compte-gouttes et toujours avec réticence. La première réaction aux questions fut la défensive, voire une fin de non-recevoir. C'est dommage, car le résultat d'une telle attitude fait qu'aujourd'hui un groupe parlementaire nous propose de créer une commission d'enquête. Cela n'est certainement pas de nature à rassurer l'opinion publique !
Le groupe socialiste estime, d'une part, que la Banque cantonale n'est pas une banque comme les autres, puisqu'elle obtient une certaine garantie de l'Etat et que, à ce titre, les autorités politiques doivent s'inquiéter de sa gestion, même si elles n'en sont pas l'organe de surveillance, comme l'a rappelé M. Brunschwig. D'autre part, nous ne pouvons pas continuer à l'attaquer sur tous les fronts au risque de lui faire perdre toute crédibilité dans l'opinion publique avec le danger que cela représente et, en même temps, lui demander des efforts supplémentaires dans le soutien qu'elle peut apporter à notre économie. C'est un peu gênant, voire contradictoire.
Des questions importantes, dont certaines évoquées par M. Grobet, n'ont toujours pas obtenu de réponses satisfaisantes. C'est pour cette raison que nous accepterons de renvoyer ce projet de loi en commission. Toutefois, la solution de mettre sur pied une commission d'enquête composée de députés détectives, habilités à fouiller partout selon les modalités de l'alinéa 2, n'est peut-être pas la meilleure solution et, en tout cas, pas la plus réaliste, que ce soit pour des raisons juridiques ou des raisons pratiques liées à la compétence d'un grand nombre d'entre nous en la matière. Pour des questions de confidentialité, il ne me semble pas possible d'avoir accès aux rapports, par exemple, de la Commission fédérale des banques, mais, à mon avis, ce n'est pas là le point le plus important.
Néanmoins, il est utile de renvoyer ce projet de loi en commission, afin de susciter une discussion approfondie sur toutes les questions importantes et de procéder à des auditions. C'est la meilleure manière de crever l'abcès, comme le disait un autre de nos collègues dans une séance précédente, et de faire cesser toutes les attaques à l'encontre de notre Banque cantonale. Il est très important qu'elle puisse rétablir un sentiment de confiance, non seulement dans la classe politique mais dans l'ensemble de la population d'autant que nous lui demandons de jouer un rôle très important actuellement dans la contribution à la relance de l'économie de notre canton.
M. Hervé Dessimoz (R). «La Suisse, l'or et les morts» ! Si Jean Ziegler peut proclamer que son ouvrage doit être jugé sur le fond et non sur la forme, puisque les faits qu'il relate datent de la dernière guerre, ou encore que le propos est plus sociologique qu'historique, peut-on donner au projet de loi de l'Alliance de gauche modifiant la loi sur la Banque cantonale la même portée ou encore l'intituler : «Genève, la Banque cantonale de Genève et les petits copains» ?
Je remercie les auteurs du projet de loi d'avoir eu la modestie de ne pas utiliser une titre grandiloquent. Au passage, je corrige une petite erreur de l'exposé des motifs en rappelant que M. Grobet, premier cosignataire du projet de loi, était farouchement opposé à la création de la Banque cantonale de Genève a contrario de ce qui est indiqué dans l'alinéa 1 de l'exposé des motifs.
A vous écouter, Monsieur Grobet, on pourrait penser que la commission de fusion des banques, dont je suis le président, n'a pas fait son travail. Si vous aviez suivi ses travaux, vous sauriez que l'évaluation des engagements et des risques a été faite de manière très attentive par les commissaires, et je vais vous expliquer comment :
Dans le cadre du respect du secret bancaire, on fait appel à une grille d'appréciation donnant les engagements à risques et les provisions concordantes avec le nombre de comptes à risques en partant des risques de zéro à un million; puis de 1 à 5 millions; de cinq à dix millions et ainsi de suite jusqu'aux risques de 100, 200 ou 300 millions, Monsieur Grobet.
Il est vrai que les deux directions des banques ont «traîné les pieds» avant de répondre favorablement aux membres de la commission. Mais les réponses ont été claires, puisque le vote de la commission a été unanime au terme de ses travaux. Il est certain que la qualité des travaux de la commission a été déterminante. Ensuite eurent lieu le vote de ce parlement et celui du peuple de Genève sur ce projet. J'en veux pour preuve que M. Lachat, dont personne ici ne saurait mettre en doute l'honnêteté et la loyauté, a accepté sans réticence d'établir le rapport de la commission de fusion des banques.
Monsieur Grobet, en tant que membre du collège d'experts, je réponds à vos questions sur ce dernier. Oui, il a été remanié. Il est mieux encadré, plus restreint et mieux informé. Et, enfin, c'est effectivement la valeur de rendement qui prime désormais sur toute autre considération. Avant d'être membre de ce collège, j'étais membre de la BCG. On m'en a écarté à un moment où la valeur de rendement ne primait plus. Dès que la valeur de rendement a dominé à nouveau, on a trouvé que les qualités de certains experts qui primaient la valeur de rendement étaient appréciables et on les a repris dans le collège des experts. C'est l'histoire, ces faits sont avérés et vous...
M. Christian Grobet. Vous avez de la chance !
Des voix. Laisse-le parler ! (M. Hervé Dessimoz répond à M. Grobet qui l'a interrompu.)
La présidente. En principe - et M. Vanek nous l'a précisé - il est prévu que les députés s'adressent à la présidence, à l'assemblée ou aux conseillers d'Etat. Monsieur Dessimoz, je vous remercie d'appliquer le règlement !
M. Hervé Dessimoz. Je le ferai avec plaisir, Madame la présidente !
Il m'a paru utile de m'attarder sur ledit exposé avant de parler du fond. La constitution de la Banque cantonale de Genève avait pour but d'assurer la pérennité des instituts bancaires cantonaux, tels que la Banque des communes genevoises et l'ex-Caisse d'épargne de Genève, et de doter le canton de Genève d'un organe bancaire cantonal fort pour pallier certains oublis des grandes banques suisses que nous pouvons constater aujourd'hui, pour donner aux industriels et commerçants genevois un institut au fait des conditions conjoncturelles du canton de Genève.
Certes, les crédits hypothécaires sont généreux. Les cas de MM. Stäubli et Gaon nous ont préoccupés dans le cadre des travaux de la commission de fusion des banques, mais ils ont été évoqués et pas dissimulés. Peut-être a-t-on omis de nous dire les conditions de financement, mais les risques des provisions ont été clairement annoncés et font partie des comptes-rendus des séances de commission.
Dès lors, doit-on faire le procès du passé ou améliorer les conditions-cadres de l'avenir ? Le projet de l'Alliance de gauche constitue un véritable réquisitoire contre le passé. Il règle des comptes. Les radicaux ne sont pas dupes de la situation. Pour mémoire, la SBS, le Crédit Suisse ou encore l'UBS ont provisionné chacune près de 3 milliards en 1996. Alors nous ne pouvons pas prétendre que la Banque cantonale de Genève aurait commis plus de «péchés» que les autres.
Si ce passé nous a intéressés et nous intéresse toujours, il ne nous paraît pas judicieux de constituer une commission d'enquête au moment où nous avons besoin de forces pour sortir de la crise. Nous ne voulons pas dépenser d'énergie dans une véritable action rogatoire, une action d'inquisition.
Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, ne suivez pas cette voie qui nous conduira tout droit à l'inefficacité, à la confrontation, voire à la haine dans certains cas, alors que nous devrions consacrer, tous partis confondus, nos forces à l'imagination et à l'avènement d'une Genève confiante, ambitieuse et conquérante.
Pour ce faire, il faut redonner confiance à chacun, inculquer le sens du devoir civique, de la contribution à l'oeuvre collective. J'attendais des propositions de la part de l'Alliance de gauche visant à casser l'institutionnalisation des inégalités de traitement, que ce soit dans la négociation sur la fiscalité; dans le fait que des charges ne soient pas payées par des entreprises; par le dumping, comme stratégie de groupe, ou le non-respect des conventions paritaires.
Puisque les forces de gauche se laissent aller trop facilement à la proclamation de l'amertume, les radicaux se proposent d'attaquer le problème à la base et de vous soumettre prochainement des propositions visant à mieux fixer les devoirs de la Banque cantonale de Genève. Ils proposeront une ligne d'exigences minimales à respecter impérativement par les opérateurs économiques, qu'ils proviennent des pouvoirs publics ou des milieux privés, ainsi qu'un programme de sensibilisation sur la responsabilité civique de chacun de manière à permettre à Genève de se redresser malgré la crise.
Dans l'intervalle, le groupe radical vous demande de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi et de le rejeter.
M. David Hiler (Ve). Dans cette enceinte, chacun s'accorde à penser que des erreurs ont été commises et, si j'ai bien entendu M. Brunschwig, des «délits» aussi. Mais, à un certain moment, il faut admettre que le passé est le passé, et tirer un trait !
Le problème - et c'est peut-être l'intérêt du projet qui nous est soumis - réside dans l'exposé des motifs. Il comporte un certain nombre de faits qui laissent à penser qu'il ne s'agirait pas que du passé ! De ce point de vue, le reproche «d'acharnement thérapeutique» de l'Alliance de gauche contre la Banque cantonale est peu fondé.
Dans bien des cas, j'avoue que certaines propositions de l'Alliance de gauche, surtout sur des sujets de ce type-là, me laissent penser qu'ils ont un goût particulier pour chasser le papillon au bazooka avec toutes les conséquences qui en résultent pour classer le papillon ! Mais le refus d'entrer en matière signifie qu'on ne veut pas trouver de moyens plus adéquats pour y voir plus clair.
Les responsables de la Banque cantonale ont tenté d'expliquer la situation à un certain nombre de partis politiques. Le nôtre, par exemple, les a reçus avec plaisir. Ils ont raison de donner des réponses à certaines questions au sujet desquelles la presse laisse planer des doutes.
Il nous paraît judicieux de renvoyer ce projet de loi en commission et d'y écouter attentivement les explications qui y seront données, afin d'utiliser la méthode adéquate pour traiter ce sujet. Nous vous appelons donc, tout en marquant une distance à l'égard de la solution proposée, à renvoyer ce projet de loi en commission, comme il se doit.
M. Olivier Lorenzini (PDC). Le parti démocrate-chrétien ne soutiendra pas ce projet de loi.
En effet, comment imaginer que six députés - dont la plupart, si ce n'est la totalité, n'ont aucune connaissance des activités bancaires - puissent examiner l'ensemble des conditions de prêts consentis depuis dix ans ? Ce serait un travail de titan que des amateurs ne pourraient accomplir sérieusement. D'autre part, comment est-il possible de libérer du secret bancaire une telle commission d'enquête qui devra rapporter au Grand Conseil ?
Mais revenons sur l'objectif d'un tel projet de loi. Par leurs actes, ces initiants provoquent la méfiance des clients et des épargnants et même des institutions chez qui la banque emprunte et augmente les taux, comme nous avons pu le lire dans la presse, suite à la méfiance ainsi provoquée. Une banque, plus que toute autre entreprise, forge sa réputation sur le critère de la confiance. C'est l'un des éléments fondamentaux pour le client et le futur client. Par vos actions, c'est précisément la confiance de ces clients que vous entamez !
Il est vrai - et nous avons pu le lire à plusieurs reprises dans la presse - que la Banque cantonale doit encore régler des problèmes liés à des prêts perpétrés durant les années folles. Elle devra gérer les dossiers complexes et délicats de certains débiteurs pendant de nombreuses années. Cependant, il n'appartient pas aux députés de s'occuper des erreurs du passé qu'aucune commission d'enquête ne pourra, par ailleurs, effacer. En outre, nous pourrions mettre sur pied tous les mois et sur d'autres sujets des commissions d'enquête sur les erreurs commises pendant les années folles.
Si l'on prend l'exemple de l'aménagement du site des anciens ateliers des Charmilles - que je connais particulièrement bien pour être leur voisin - pourrions-nous prétendre que, dix ans après, nous aurions proposé la même urbanisation ? Je ne le crois pas, mais là encore aucune commission d'enquête ne permettra de corriger ces erreurs.
C'est pour toutes ces raisons que le groupe démocrate-chrétien n'entrera pas en matière sur ce projet de loi. Il vous demande la discussion immédiate.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Permettez-moi de dire au nom du Conseil d'Etat que ce dernier est soucieux, comme vous, de la bonne marche de la Banque cantonale. Cette dernière doit être forte, car il est essentiel qu'une banque de proximité - dont le siège se trouve sur le territoire de notre canton - puisse apprécier la situation particulière de sa région et garantisse une confiance et une crédibilité optimale.
Il était bien difficile de composer, d'une part, avec la volonté de mettre sur pied les mesures de restructuration adéquates que les banques, tant publiques que privées, ont connues après les années de prospérité et, d'autre part, la volonté d'éviter de prétériter la Banque cantonale au nom d'une transparence accrue.
Au nom du Conseil d'Etat, j'exprime notre confiance au conseil d'administration de la Banque cantonale, élu pour une large part par les collectivités publiques. Le conseil d'administration est formé, entre autres, par des membres des partis représentés dans ce parlement et par ceux représentés au Conseil municipal. Leur responsabilité est grande et les tâches qu'ils ont à accomplir difficiles à exécuter.
Au moment de la fusion des deux établissements, je vous avais fait part, avec l'accord du Conseil d'Etat, de ma volonté de ne jamais siéger dans un établissement public. Ainsi, je mettais en garde - trop tardivement malheureusement - ceux qui auraient été tentés de prendre des engagements au niveau du conseil d'administration d'une banque, car cela demande du temps, de la disponibilité, de l'indépendance et des connaissances, surtout si l'on considère le nouveau droit de la SA.
Si l'on veut - en regard des dispositions de la loi fédérale sur les banques - des conseils d'administration qui puissent suivre l'activité d'une direction générale opérationnelle, il faut du temps. C'est pourquoi j'admire les hommes et les femmes qui peuvent, à côté de leur profession, trouver la disponibilité nécessaire pour gérer de tels établissements, qu'ils soient privés ou publics.
Je remercie aussi la direction générale et les collaborateurs de cette banque, car leur travail est, pour partie, difficile. Vous avez tous souligné, en effet, les problèmes délicats auxquels la BCG est confrontée depuis qu'elle est devenue Banque cantonale, pour des affaires antérieures à la fusion des deux établissements. Comme toutes les autres banques, à l'exception de celles qui ne font que de la gestion de fortune, la Banque cantonale doit régler des difficultés liées à des dossiers hérités du passé.
Il s'agit essentiellement de dossiers immobiliers, dont l'inventaire a été dressé au moment de la fusion en croisant les réviseurs bancaires de chacune des deux banques, en les faisant contrôler par un troisième organisme de révision bancaire et en les soumettant à la Commission fédérale des banques.
Les autres dossiers sont ceux de débiteurs commerciaux défaillants en raison de la crise économique. Par conséquent, la gestion complexe de ces dossiers délicats oblige les banques - la Banque cantonale plus que toute autre - à rechercher des solutions qui préservent les intérêts de la banque, mais permettent aussi, lorsque cela est possible, d'éviter des faillites et de contribuer au maintien de l'emploi.
Les exemples de reprise, comme ceux tout récents de la SIP et de l'usine de Sécheron, plusieurs fois évoqués dans ce parlement, illustrent parfaitement mes propos. Les autres banques, en concours avec la BCG, ont eu un comportement totalement différent de celui de la Banque cantonale. Elles ont absolument refusé, en effet, de prendre des responsabilités pour sauver une partie de l'emploi.
Dans certaines opérations d'assainissement, les banques préfèrent parfois consentir à des accommodements qui nous choquent, plutôt que d'imposer la prise de gages et la mise en faillite des entreprises concernées, notamment dans le domaine immobilier - comme certains l'ont rappelé - pour ne pas faire chuter drastiquement le marché immobilier; d'où certaines opérations de portage permettant d'attendre pour mieux stabiliser le marché.
Par chance, l'autre partie de l'activité de la Banque cantonale est heureusement plus motivante. Il convient d'en tenir compte dans l'analyse générale. Bien entendu, elle doit s'efforcer de devenir l'interlocutrice privilégiée des Genevois et de nos collectivités publiques. Cette tâche n'est pas simple dans le contexte actuel. C'est pour y parvenir qu'elle a décidé de renforcer son réseau d'agences, alors même que tous les établissements bancaires de ce pays sont en train de les réduire, y compris à Genève.
Il est précisé dans la loi portant fondation de la Banque cantonale que vous avez voulu une banque de proximité, intéressée, avant tout, aux activités de Genève et de sa région. Voilà pourquoi je considère qu'il est important de maintenir une garantie limitée, comme celle qu'offre la Banque cantonale de Genève garantissant les dépôts d'épargne, car c'est précisément ce petit «plus» qui permet à la Banque cantonale de demeurer une banque de proximité face à la concurrence extrêmement vive qui lui est faite.
A ce titre, ce projet de loi est arrivé à la connaissance des organisateurs de la Banque cantonale, comme à ceux de la révision bancaire et de la Commission fédérale des banques. Les responsables de la banque et de ses organes de contrôle se sont posé les questions qui figurent dans ce projet de loi. En 1996, plus de 4 000 dossiers ont été ouverts au sujet de l'aide aux PME et aux PMI, artisans indépendants et commerçants. C'est bien là ce que nous voulons !
En outre, l'engagement de la Banque cantonale dans GENILEM, la FONGIT et l'OGCM montre son intérêt et sa disponibilité. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez rappelé les erreurs du passé. Elles ont été identifiées, analysées au moment de la fusion. En plus - et c'est une obligation - elles sont périodiquement analysées, d'entente avec les réviseurs et la Commission fédérale des banques, afin de s'assurer que les provisionnements sont adéquats.
A la fin de 1996, les provisions de la Banque cantonale se montaient à 1,056 milliard, montant confirmé par la Commission fédérale des banques à la suite du rapport de révision bancaire qu'elle a validé en approuvant les comptes et leur publication. A fin décembre 1996, ces provisions couvraient les engagements et les risques consacrés par la banque. A cet égard, la Commission fédérale des banques est extrêmement pointilleuse. Elle effectue des contrôles, non pas seulement une fois par an mais tout au long de l'exercice.
A Genève, nous avons de la chance par rapport à d'autres banques cantonales qui sont confrontées à d'autres sortes d'ennuis, car la fusion opérée par la volonté du gouvernement et de ce parlement a permis, au-delà de toute espérance, d'identifier tous les problèmes.
Bien entendu, il faut tirer parti des erreurs du passé pour servir le présent et l'avenir. On ne gommera pas le passé, mais on évitera que ces erreurs ne se reproduisent au-delà des risques inhérents au métier de banquier. Les mesures prises en matière d'analyse de risques, de règles de comportement, de surveillance interne des procédures dans l'attribution des crédits - qu'ils soient hypothécaires ou commerciaux - ont fait l'objet d'un soin particulier. A son tour, ce processus est validé par la Commission fédérale des banques qui, comme pour les autres banques cantonales, a demandé de pouvoir examiner l'ensemble des moyens mis en place par la Banque cantonale pour éviter le renouvellement d'opérations aujourd'hui critiquées à juste titre.
Enfin, la Banque cantonale, en raison de son actionnariat public - et privé, puisqu'il comporte déjà 25% d'actionnariat privé, et nous souhaitons qu'il soit augmenté - et de la garantie bancaire cantonale que nous fournissons dans le respect du secret bancaire et du secret des affaires, doit agir, plus que toute autre banque, dans la transparence. Mais il ne faut pas que cette volonté se retourne contre elle. Il ne convient pas que, au nom de la transparence - en raison de notre garantie et de l'actionnariat public majoritaire - elle fasse le jeu de concurrents qui n'ont de cesse de la voir disparaître. C'est l'enjeu majeur du débat que nous avons ce soir.
Bien entendu, nous avons fait savoir à la direction de la banque son devoir de s'expliquer sur un certain nombre de cas, en respectant, bien entendu, le secret bancaire et celui des affaires. Elle l'a déjà fait pour deux des affaires mentionnées dans l'exposé des motifs du projet de loi. Toutefois, vous devez comprendre qu'il est essentiel de ne pas porter préjudice à la banque en lui demandant ce qu'aucune autre banque ne doit fournir, alors que ses organisateurs nous ont confirmé leur volonté de faire la plus grande transparence possible et de donner les explications nécessaires.
Le Conseil d'Etat considère que la modification de la loi cantonale sur la Banque cantonale par l'adjonction, à l'article 5, d'une commission d'enquête de six membres est néfaste au rétablissement d'une confiance que d'aucuns veulent encore ébranler.
En revanche - et je vous l'ai dit - toutes les questions contenues dans ce projet de loi ont été portées à la connaissance de la banque, des organes de révision et de la Commission fédérale des banques. Le Conseil d'Etat et moi-même sommes convaincus que les mesures ont été prises et que la banque fournira un certain nombre de renseignements lorsque ce sera nécessaire. Mais, en tout cas, il ne nous semble pas opportun de créer une commission d'enquête.
La présidente. Je saisis l'occasion de saluer la présence à la tribune de Mme Narina Teegler, représentante des autorités exécutives de la ville du Cap. Elle fait partie de la délégation invitée par le DTPE dans le cadre d'un programme «must» de l'UNESCO concernant douze villes du monde entier.
Je reviens à notre projet et je mets aux voix la proposition de discussion immédiate.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée par 46 oui contre 39 non.
Premier débat
M. Bernard Clerc (AdG). Je suis particulièrement inquiet de voir l'acharnement avec lequel les partis de l'Entente refusent de clarifier la situation de la Banque cantonale. A coup sûr, cet acharnement est révélateur de la volonté de cacher des éléments, dont le public aimerait avoir connaissance.
Par ailleurs, nous sommes surpris d'apprendre par la bouche de M. Hiler que le conseil d'administration ou la direction - on ne sait pas exactement - de la Banque cantonale a fait le tour de tous les partis présents dans ce parlement, à l'exception, bien entendu, de l'Alliance de gauche.
Une voix. Ah ! Ah ! Ah !
M. Bernard Clerc. Nous sommes également surpris des propos de M. Brunschwig. Il déclare que les députés ne sont pas compétents pour faire partie d'une commission d'enquête. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, vous êtes tellement aveuglés par le titre de notre projet de loi que vous n'avez même pas lu son contenu, car l'article 26, nouveau, alinéa 1 stipule clairement que, je cite : « ...une commission d'enquête de 6 membres est nommée par le Grand Conseil, comportant un membre par groupe de députés désigné par ce dernier...». Cela ne veut pas dire que le Grand Conseil nomme des députés. Il nomme des membres, un par groupe, pour cette commission d'enquête. Ce qui permet justement à chaque groupe de nommer une personne compétente en matière bancaire. Le même procédé est utilisé pour les nominations dans les commissions administratives telles qu'on les connaît.
Vous êtes particulièrement hypocrites dans tous les groupes en prétendant que ce projet de loi prévoit la nomination de députés à la commission d'enquête; c'est faux ! D'ailleurs, le texte de notre projet de loi est très clair à ce sujet.
Ce fut une nouvelle surprise d'entendre M. Brunschwig dire que des délits avaient probablement été commis à l'intérieur de la banque. En effet, lorsque nous avons discuté de la pétition de M. Chazaud, que nous avons traitée il y a quelques mois dans ce Grand Conseil, jamais le mot «délit» n'a été prononcé. Il a donc fallu la menace d'un rapport de minorité pour que, dans le texte même du rapport de majorité, on accepte de parler de fautes. Aujourd'hui, M. Brunschwig reconnaît qu'il y a délit. Fort bien !
Comme lors de l'examen de la pétition de M. Chazaud, on nous a dit que tout cela appartenait au passé et que la banque fonctionnait maintenant parfaitement bien, grâce aux nouvelles règles établies. Pourtant, lors du débat au Grand Conseil sur la pétition Chazaud, je vous ai cité l'exemple d'un nouveau prêt effectué en 1996. Non pas en 1988 ou en 1989 mais en 1996, où la Banque cantonale de Genève a prêté au double de la valeur vénale. Est-ce toujours du passé ?
Lorsqu'on a discuté de la pétition de M. Chazaud, on ne parlait pas encore de l'affaire Stäubli. Personne n'avait entendu parlé du prêt préférentiel à 0,5%. Est-ce du passé ? C'est du présent, Mesdames et Messieurs les députés ! Et pourtant, vous persistez à ne pas considérer la réalité. Enfin, au mois de décembre, nous avons constaté en lisant la «Feuille d'avis officielle» que des ventes d'immeubles avaient été accomplies par la Banque cantonale de Genève pour plusieurs dizaines de millions.
Aujourd'hui, nous dit-on, la Banque cantonale veut la transparence. Alors, comment se fait-il qu'elle n'ait pas informé franchement et ouvertement de son intention de vendre ses immeubles à la Fondation Patrimoine ? Cela aurait reflété la transparence ! Or, on apprend peu de temps après dans un article du «Journal de Genève» que, contrairement à ce qui avait été annoncé, la vente d'immeubles à cette fondation n'avait pas reçu l'aval formel de la Commission fédérale des banques, mais uniquement celui des organes de contrôle de la banque.
En tant que collectivité publique, actionnaire de cette banque, ne sommes-nous pas intéressés à savoir que l'on en diminue les actifs ? Je suis étonné, Monsieur Vodoz, que vous n'en ayez pas parlé. Je cite la fin de l'article du «Journal de Genève» sur cette question : «...il n'empêche que ce montage laisse un arrière-goût un peu amer. En créant de telles fondations, les banques peuvent soustraire leur parc immobilier aux prescriptions de fonds propres établis, dans le but de protéger les actionnaires et les créanciers. Quel sens gardent alors ces normes s'il est si facile de les contourner ?»
Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, le canton, en tant qu'actionnaire, a vu une partie de la garantie en capital de cette banque être vendue à une fondation, soi-disant autonome de la banque. On nous a dit tout à l'heure que les grandes banques avaient dû provisionner 3 milliards. Oui bien sûr, mais 3 milliards pour toute la Suisse, Monsieur Dessimoz, et pas un milliard pour le canton de Genève, comme la Banque cantonale !
Pour en finir, vous me donnez la singulière impression d'être comme un chat qui, lorsqu'il a - excusez-moi du terme - fait un «caca» quelque part, cherche à le recouvrir... Mais, malheureusement, les odeurs finissent toujours par remonter ! Votre refus de discuter de ce projet de loi va contribuer, que vous le vouliez ou non, à miner la confiance envers la Banque cantonale de Genève.
M. Christian Ferrazino (AdG). Vous voulez éviter la discussion, éluder les problèmes posés par notre projet de loi et, en demandant la discussion immédiate, vous pensez y parvenir.
C'est mal nous connaître ! Vous donnez une piètre image de ce parlement à la population qui, elle, Mesdames et Messieurs, s'interroge sur certaines pratiques de la Banque cantonale. En plus, vous semblez avoir quelque chose à cacher en refusant de donner des explications qui pourtant s'imposent face à l'inquiétude légitime, en l'occurrence, exprimée dans le public et reprise dans la presse. Bernard Clerc vient d'en faire état tout à l'heure.
La Banque cantonale ressent la nécessité de donner des explications, puisqu'elle a pris l'initiative de rendre visite à tous les groupes parlementaires, à l'exception, bien évidemment, de l'Alliance de gauche.
Il convient de noter que cette manière de procéder n'est pas l'expression même de la transparence. En effet, si les dirigeants de la banque ressentent, pour la première fois à ma connaissance, la nécessité d'aller frapper à la porte des partis politiques pour les rassurer au sujet de toutes les craintes de la population, pour prétendre qu'ils ont «provisionné et que leur politique leur permet de faire face à leurs engagements», ce n'est tout de même pas pour rien !
Mais, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas en catimini dans les bureaux des partis politiques qu'il faut exprimer ces réponses, mais bien au grand jour, dans le cadre d'une commission ! Et, contrairement à ce que certains insinuent, nous ne souhaitons que le rétablissement de la confiance en la Banque cantonale dans la population, car notre canton a besoin d'avoir une confiance solide dans sa banque.
En regard du contrat de confiance dont vous avez parlé, Monsieur Vodoz, une telle commission d'enquête est précisément indispensable pour rétablir une confiance qui - je le précise - a été ébranlée bien avant nos interventions. Il serait trop facile de faire les amalgames que certains ont tenté de faire et laisser croire que nos interventions auraient pu ébranler la crédibilité de la banque. Elle s'est chargée elle-même d'ébranler sa crédibilité, sans que nous n'intervenions. Notre démarche ne vise qu'à rétablir cette confiance dans la Banque cantonale.
Des prétextes fallacieux - Bernard Clerc l'a relevé - sont utilisés par certains pour éviter le débat de fond que nous avons soulevé. Lorsque M. Brunschwig prétend que les députés ne sont pas compétents pour former cette commission, alors qu'il n'a jamais été question de choisir des députés, il tente de détourner l'attention, afin d'éviter de parler des vrais problèmes. Monsieur Brunschwig, ne dites pas que nos projets de lois sont rédigés d'une manière différente de ce qui se pratique usuellement, car nous avons simplement copié la formule que la loi utilise, de manière générale, lorsque le Grand Conseil doit désigner des commissions ! La même phraséologie que celle des autres lois cantonales est utilisée.
Vous avez dit - et M. Vodoz a renchéri - que cette commission n'était pas nécessaire, qu'elle ne servirait qu'à ressasser de vieilles affaires qui ont été réglées. Et dans son emportement, M. Hiler a laissé croire que tel était son point de vue. (M. David Hiler répond à M. Ferrazino.)
La présidente. Nous sommes en dialogue immédiat !
M. Christian Ferrazino. Ecoutez, la discussion immédiate nécessite parfois un dialogue immédiat ! Je suis donc rassuré de voir que M. Hiler partage notre point de vue. Sur ce point particulier, vous aurez l'occasion d'expliciter vos divergences, car votre discours n'était pas d'une clarté limpide.
Monsieur Vodoz, depuis quand pensez-vous que les opérations de portage, dont la presse et vous-même avez parlé, existent ? Depuis un an à peine ! Il s'agit d'une politique nouvelle de la Banque cantonale. Cela prouve qu'il ne s'agit pas de vieilles affaires, dont on n'aurait plus rien à faire aujourd'hui.
Vous avez beau ouvrir de grands yeux, Monsieur Dessimoz, les opérations de portage sont des affaires très récentes et la banque ne s'est pas expliquée à ce sujet ! Peut-être l'a-t-elle fait avec vous qui en êtes le mandataire, ce qui, d'ailleurs, aurait dû vous amener à avoir plus de retenue sur ce sujet ! En tout cas, si vous savez certaines choses sur la Banque cantonale, il me paraît normal que vous en fassiez part aux autres députés, ce d'autant plus que nous représentons la population qui s'interroge sur certaines pratiques. On dirait que vous voulez donner l'impression d'avoir des choses à cacher. Comme, paraît-il, vous êtes dans le secret des dieux, votre intervention consistant à demander la discussion immédiate pour tenter d'éviter le débat nous laisse penser que vous avez des choses à cacher, car, si tel n'était pas le cas, vous ne seriez pas intervenu dans ce sens.
J'aurai l'occasion de reprendre la parole, tout à l'heure, car j'ai cru comprendre que ces messieurs avaient envie d'une discussion immédiate. Alors l'immédiateté sera garantie ! Ce que M. Dessimoz a appris dans le cadre du mandat qu'il a reçu de la Banque cantonale, ce que certains partis politiques ont appris lorsqu'ils ont reçu la visite de la Banque cantonale qui, elle, a ressenti la nécessité de devoir s'expliquer, nous souhaiterions en avoir connaissance dans le cadre de ce parlement, car nous pensons encore que les députés que nous sommes ont un rôle à jouer vis-à-vis de la population qu'ils représentent.
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Comme l'a constaté tout à l'heure notre collègue, David Hiler, fautes et délits sont admis. C'est un remarquable glissement !
Lorsque je suis intervenue, il y a quelques années, sur ce que je considérais comme des «délits» commis à la BCG et à la Caisse d'épargne, à la fin des années 80, en désignant d'autres affaires que celles de MM. Stäubli et Gaon ou celles encore contestées par la pétition de M. Chazaud, vous, Mesdames et Messieurs les députés, qui admettez aujourd'hui que, par le passé il y ait eu fautes et délits, aviez crié au scandale, à l'inadmissible contre une honorable institution.
En refusant aujourd'hui d'examiner notre projet de loi, vous répétez le même comportement. M. Dessimoz a l'incroyable culot d'en appeler à notre devoir civique et à notre engagement pour rétablir la confiance qu'il faut créer entre la Banque cantonale et la population, alors que ce sont - comme l'a dit tout à l'heure M. Clerc - les responsables mêmes des deux banques publiques de naguère et de la banque publique d'aujourd'hui qui ruinent cette confiance. Ils faillissent à leurs devoirs civiques et vont même très loin, puisque je crois savoir que l'un des principaux directeurs, encore en poste l'an dernier, a été inculpé dans l'affaire Stäubli. Il me semble d'ailleurs qu'il a été arrêté. M. Vodoz pourra nous le confirmer. Ce sont donc bien eux qui ont ruiné notre confiance ! C'est la raison pour laquelle, conformément à ce que nous considérons comme notre devoir civique, nous vous enjoignons, à travers notre projet de loi, à faire la lumière pour rétablir la confiance.
M. Vodoz a raison de rappeler que tous ici et, en particulier, la gauche avons voulu une banque publique de proximité, offerte comme un service aux entreprises et à l'économie de ce canton. Mais, face à de telles circonstances et au vu de l'effort entrepris par la majorité de ce Grand Conseil et le gouvernement pour éviter que la lumière ne soit faite sur le passé, afin qu'il ne se reproduise pas - et qui, d'ailleurs, est en train de se reproduire ! - on se demande quel est le rôle d'une banque dans un monde en pleine mutation, dans lequel elle doit se montrer capable de faire face aux défis qui lui sont imposés.
Autrefois, une banque cantonale servait à soutenir les petites et moyennes entreprises. Elle donnait des crédits et soutenait le développement de la région, surtout lorsqu'il n'était pas suffisamment irrigué par les grandes banques d'affaires. Les banques cantonales avaient un rôle tout à fait spécifique.
Que constatons-nous aujourd'hui ? De son propre aveu la Banque cantonale - nouvelle formule - a renoncé à cette vocation spécifique. Elle n'a plus aucune spécificité, puisque toutes les banques d'affaires font de même. Elles prêtent de l'argent et octroient des crédits. Les dirigeants de cette banque ont souhaité, eux-mêmes, changer son fonctionnement et ses statuts. Elle a voulu faire de la gestion de fortune et s'est acoquinée avec des gens peu recommandables, parfois dans de grandes affaires qui n'ont rien à voir avec les intérêts d'une économie bancaire de proximité.
Je sais bien que je ne convaincrais personne si je proposais de dissoudre la BCG. Mais alors, de grâce, étant donné cette mutation voulue par la BCG elle-même, et si elle veut les compétences des autres banques, que l'on nomme des banquiers à sa tête que l'on n'ait pas besoin de tenir en suspicion, au lieu de continuer à faire de cette direction la prébende des partis ou des avocats d'affaires en mal de clients, si faibles face au chant de sirènes du copinage local... Autrement, les pires catastrophes nous menacent, comme par le passé.
Certains des députés des rangs de la droite, qui justifient un peu facilement les provisions effectuées pour couvrir ces catastrophes, font peu de cas du fait que les taux hypothécaires n'ont pas baissé pour tout le monde et que les loyers n'ont pas baissé du tout.
Dans les rudes moments de concurrence internationale dus à la globalisation, il est indispensable de faire la lumière... Je dirai même qu'il est irresponsable de ne pas faire la lumière sur l'incurie et les défauts de fonctionnement d'une banque locale et de laisser à sa tête une direction qui, apparemment, est l'amie de toujours du Conseil d'Etat et de la majorité de ce Grand Conseil !
C'est la raison pour laquelle je déplore que l'on n'ait pas pu faire la lumière en renvoyant ce projet de loi en commission. De cette manière, vous maintiendrez un doute profond dans l'esprit de la population et d'un très grand nombre de clients de la banque, parmi lesquels je me trouve.
M. Jean Spielmann (AdG). Certains d'entre vous se plaisent à dire l'inutilité de parler des anciennes affaires qui appartiennent au passé. Ils conseillent l'ouverture vers l'avenir et veulent répondre aux défis actuels en passant sur les problèmes du passé.
Ce discours, je l'ai entendu à plusieurs reprises ! Mais, à force de ne pas vouloir parler du passé, il resurgit avec force, et c'est à ce moment-là que se font sentir les effets du boomerang, créant des problèmes importants.
Ces jours, nous parlons d'une série d'événements importants qui sont reliés au passé. En définitive, c'est de nos racines dont nous parlons, c'est-à-dire de la manière dont nous avons mis en place une série de structures; des réponses que nous avons données aux questions que nous nous sommes posées dans le passé; comment nous avons réglé les problèmes. Tout cela nous permet de poser des jalons pour l'avenir. A mon avis, il n'est pas juste de dire qu'il faut tourner la page et tirer un trait.
Il est bon de savoir tirer parti des enseignements du passé. Toutefois, il convient de mettre en place une autre manière de pratiquer la vie politique associative, économique et culturelle en ne faisant pas le silence sur un certain nombre de problèmes, au sujet desquels la population se pose des questions légitimes et pour lesquels des réponses crédibles doivent être données. Sans quoi vous ne parviendrez plus à faire passer le message de confiance qui doit être le garant de l'avenir de la Banque cantonale.
Lors du débat sur la création de la Banque cantonale, nous avions fait une série d'amendements ainsi que des propositions. Nous avions donné notre avis sur la manière avec laquelle nous voulions voir fonctionner cette institution. Dans ce parlement, notre parti a toujours développé des arguments en faveur de la création d'une banque cantonale. Il avait raison, comme il a raison, aujourd'hui, de poser ces questions. Nous avons besoin de cet instrument qu'est la Banque cantonale pour faire face aux problèmes actuels.
Les problèmes actuels sont aussi le fait de l'activité bancaire et de sa gestion qui suscitent des interrogations dans la population. Des problèmes de contrôle démocratique, de maîtrise des développements économiques et des processus liés au financement se posent en regard de la mondialisation, de la globalisation, de la mise en place de systèmes différents dans le marché économique qui échappent aux lois des pays.
Les affaires financières, le développement économique, les activités marchandes et d'échanges caractérisent notre société actuelle. A l'époque de la mise en place des théories de Keynes et de la régularisation du marché par une intervention étatique pour tenter d'enrayer les événements de la crise et les problèmes posés par le développement économique anarchique, l'échange des marchandises était déjà inférieur au total des échanges financiers. Aujourd'hui, les échanges financiers sont pratiquement quarante fois plus important que celui des marchandises et des produits manufacturés. Il y a donc un problème. La nécessité de faire la lumière, la maîtrise de ces développements, l'orientation des activités financières économiques au profit de notre société, s'imposent. Il ne faut pas laisser s'implanter la spéculation qui pose des problèmes importants au développement de nos sociétés.
Or, les banques cantonales sont précisément aptes à fournir une aide aux PME et aux PMI et de favoriser ainsi la création d'emplois en remplaçant en partie l'absence des grandes banques sur le marché de l'investissement. Nous pouvons essayer grâce à un instrument utile et nécessaire à la collectivité de développer l'activité locale.
C'est pourquoi il nous semble plus que jamais nécessaire de faire la transparence en répondant aux questions posées. Le choix de «faire l'autruche», la décision de garder le silence vous empêchera de rendre cette banque crédible. Ainsi, vous ne pourrez pas, grâce à un climat de confiance dans la population, lui donner l'assise nécessaire qui lui permettra de répondre au développement économique de notre canton ainsi qu'aux enjeux actuels.
Cette manière de procéder va à l'encontre des intérêts de la Banque cantonale. En refusant la transparence, en refusant de parler des problèmes et de répondre aux interrogations, vous taisez une série d'insuffisances. Mais surtout vous permettez au doute de subsister dans l'esprit des gens et dans le monde des affaires financières. C'est le tort le plus grave que vous pouvez faire à la Banque cantonale. Vous engendrez aujourd'hui des problèmes que vous aurez beaucoup de peine à solutionner demain.
Alors, vous choisissez la discussion immédiate; vous refusez la création d'une commission d'enquête et que la lumière soit faite. Eh bien, faites le silence, laissez dans le flou les questions posées par la population, taisez les interrogations, et ainsi vous aurez réussi le tour de force de faire le plus grand tort possible à l'institution que vous voulez défendre : la Banque cantonale ! Au contraire, si vous aviez choisi d'accepter l'ouverture qui aurait conduit à faire la transparence, vous auriez permis de jeter les bases d'une construction beaucoup plus solide et utile à l'ensemble de notre collectivité.
M. David Hiler (Ve). Je ne souhaitais pas entamer tout de suite la discussion, mais je le fais pour répondre à l'invite de M. Lorenzini et de ses amis.
Mon ami Ferrazino, vous m'avez mal compris. J'ai dit que de nombreux problèmes étaient en suspens et qu'il n'était pas particulièrement intéressant de se pencher sur ceux datant du début des années 80. En revanche, ai-je ajouté, les problèmes actuels et ceux mentionnés dans votre exposé des motifs méritaient d'être éclaircis.
Comme les questions doivent être posées ici et pas en commission, je vous en pose quelques-unes, Monsieur Vodoz :
1. Puisqu'il y a eu fautes, erreurs et délits, selon M. Brunschwig, pendant les années 80, est-il normal que la présidence actuelle du conseil d'administration de la Banque cantonale de Genève ait été confiée à une personne qui appartenait au comité de banque de l'un des établissements précédents pendant lesdites années ? Est-ce de nature à rétablir la confiance ? J'aimerais que vous me fournissiez une explication complète sur ce point. Jusqu'à présent, je me suis exprimé gentiment, disant que nous avions le pardon facile à Genève, mais nos questions demeurant sans réponse nous allons utiliser un langage plus cru : aujourd'hui, nous avons quelqu'un à la tête de cette banque qui faisait partie du comité de banque de la précédente BCG durant les années 80. Vous pouvez le vérifier dans l'excellent ouvrage que j'ai consacré à ce sujet. (Rires.)
2. La pratique du portage visant à éviter d'inscrire au bilan de la banque un certain nombre de passifs est-elle raisonnable et souhaitable ? Ne tend-elle pas à contourner la réglementation du monde bancaire ?
3. Cette question me tient particulièrement à coeur. J'aimerais que l'on m'explique, du point de vue de l'intérêt général, la raison de la politique actuelle de la BCG qui est de maintenir des prix élevés sur le marché de l'immobilier ? Par rapport à la demande effective ou globale - à vous d'en décider ! - il est évident qu'il y aurait avantage à laisser tomber cette politique, de sorte à abaisser le prix des loyers et le coût des acquisitions pour stimuler la relance. A un certain moment, il vaut mieux que l'abcès soit crevé et que les prix flanchent pour qu'un nouveau marché immobilier soit créé. Si, par extraordinaire, les loyers étaient baissés, cela libérerait - selon un mécanisme économique connu de chacun - des fonds pour la demande d'autres biens, de services offerts dans cette ville. A mon humble avis, cela contribuerait à la relance.
Par conséquent, je souhaite avoir des explications sur ces points qui, je l'avoue, sont très techniques.
Pourquoi, diable, la BCG continue-t-elle à maintenir des prix élevés sur le marché immobilier, contrairement à ce que font les autres banques ? Je crois que ces dernières, pour une fois, ont raison, car leur politique contribue à assainir ce marché.
Voilà des questions auxquelles M. Vodoz, j'en suis sûr, donnera des réponses sans doute circonspectes et néanmoins complètes !
M. René Ecuyer (AdG). Je dois dire que votre Banque cantonale n'a pas la cote auprès du petit peuple pour qui et avec qui je travaille ! On ressent cette inquiétude... (L'orateur est interrompu.) Ce n'est pas nous qui boursicotons ! Ces gens, qui déposent 100 balles de temps en temps sur leur carnet d'épargne, sont réellement inquiets. Cela m'arrive souvent d'en rencontrer qui me disent : «Mais qu'est-ce qu'ils font à la Banque cantonale, mais qu'est-ce qu'ils font ?». Certains ont retiré leur argent. La confiance est donc bien perdue !
Si vous ne voulez rien savoir, les gens, eux, veulent comprendre ce qui se passe. Ils sont indignés ! Pourquoi a-t-on consenti des prêts à 0,5% à Jörg Stäubli, alors que le crédit est si cher pour eux ? Je rencontre des petits indépendants, tout comme vous. J'en vois souvent qui se plaignent d'être serrés par des crédits à des taux épouvantables et s'indignent de la politique de la Banque cantonale.
Il est clair qu'une commission d'enquête doit être mise en place, ne serait-ce que pour rendre service à la BCG. Qu'en sortira-t-il ? Des responsabilités devront peut-être être définies. Il n'en demeure pas moins que les gens ont droit à des explications sur la politique passée, présente et future de la Banque cantonale qui est leur banque et la nôtre.
Nous avons tous intérêt à la transparence, mot prononcé trois ou quatre fois par M. Vodoz. Mais refuser la création de cette commission, c'est refuser la transparence ! Aussi je vous conjure, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter la création de cette commission ! Vous rendrez service à la BCG et à toute la population.
Mme Claire Chalut (AdG). Puisque nous en sommes aux questions, j'en ai une que j'avais déjà posée à l'époque et à laquelle on n'a jamais répondu.
Cette fois, j'entends qu'on y réponde, cela sans subir de remarques désobligeantes, comme cela a été le cas la dernière fois... (Exclamations.) Parfaitement, j'ai été «envoyée sur les roses» par M. Dessimoz !
J'aimerais savoir s'il est vrai que certains de nos magistrats ont bénéficié, eux aussi, de prêts à des taux de faveur, notamment de 1%. Je connais un nom, mais je ne le dirai pas. Ce ne sont pas des gens dans le besoin qui ont profité de prêts à des taux aussi bas ! Les artisans, les petits entrepreneurs, comme René vient de le dire, qui ont besoin de 50 000 F, de 100 000 F, etc., sont obligés de payer des intérêts plein pot ! Pour ceux-là, il serait peut-être opportun d'envisager des taux à moindre coût.
Maintenant, je voudrais interroger M. Brunschwig qui nous a parlé de la nouvelle direction. Je crois savoir que cette direction n'est nouvelle que de nom. Si certains membres du conseil d'administration ont effectivement changé, ce sont toujours les mêmes au niveau de la direction. Je voudrais qu'on me dise si réellement une nouvelle direction est en place et, si je me trompe, qu'on me le dise aussi !
M. Michel Balestra (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je vais remettre mon pantalon... (Rires.) C'est important pour parler de choses sérieuses !
Jeune homme, je fus passionné par un livre d'Hervé Bazin, intitulé «L'huile sur le feu», relatant l'histoire d'un capitaine des pompiers prompt à combattre les incendies dans sa région. Je vous passe les détails, mais, à la fin du livre, on apprend que c'est un pyromane. Avant de se suicider, en se jetant dans son dernier incendie, il dit à ceux qui l'entourent : «Vous n'y avez vu que du feu !».
Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, vous ressemblez un peu à ce capitaine des pompiers. Toujours prompts à intervenir sur les incendies après avoir versé de l'huile sur le feu ! Vous prétendez défendre l'emploi, mais vous faites régner la suspicion sur la Banque cantonale. C'est dommage, mais vous ne pourrez pas, comme le pompier pyromane, nous dire : «Vous n'y avez vu que du feu !».
Vous n'avez pas d'idées constructives pour Genève. Vous nous comparez au chat et sa litière; je vous comparerai à un enfant qui n'a plus d'idées, qui est repu et qui casse ses jouets...
Mesdames et Messieurs les députés, nous avons décidé de renforcer une banque de proximité, outil indispensable à la relance, par la fusion des deux entités précédentes. Nous avons confiance en la capacité de la Banque cantonale genevoise à poursuivre sa progression et sa mission.
Vous voulez le chaos; nous voulons la reprise !
Avant de terminer, je ne résiste pas au désir de vous citer un proverbe chinois : «Il ne suffit pas de mener mille brebis pour être un bon berger, encore faut-il leur montrer le bon chemin.»
Sachez raison garder ! Acceptez le fait que vous vous êtes trompés ! Passez aux actes et montrez le bon chemin à vos brebis !
M. Nicolas Brunschwig (L). Je suis obligé de dire à M. Hiler qu'il a déformé mes propos.
J'avais dit, et j'espère que le Mémorial le rapportera fidèlement, qu'il y avait eu des erreurs, des fautes et peut-être même des délits. La nuance est d'importance.
Par rapport à la question que vous avez posée à M. Vodoz, je précise, Monsieur Hiler, que je ne visais, en aucun cas, les administrateurs ou les directions générales des banques précédentes. Je pensais plus particulièrement - parce que liés au cas examiné en commission des finances, le seul que je connaisse - à certains agissements de clients emprunteurs et à certaines expertises effectuées à l'époque.
Il faut que les choses soient claires !
M. Christian Grobet (AdG). Nous n'acceptons pas, à chaque fois que nous posons des questions, fondées la plupart du temps, que l'on nous réponde que nous commettons un crime de lèse-majesté et que nous introduisons la suspicion, comme on vient de le dire, à l'égard de la Banque cantonale.
Je tiens quand même à rappeler qu'un des plus hauts directeurs de la BCG, qui ne l'a quittée que récemment, a été inculpé pour son activité dans la banque. Ce n'est pas nous, tout de même, qui introduisons la suspicion ! Un fait extrêmement grave s'est produit, et une procédure pénale a été ouverte.
En présentant ce projet de loi, nous ne voulions pas insister sur des faits notoires, mais il n'empêche, comme l'a relevé M. Ecuyer, que des rumeurs courent dans cette République depuis quelque temps. Vous ne me ferez pas croire, sur les bancs d'en face, que vous n'avez pas été interpellés, certes moins que nous, par des citoyennes et des citoyens inquiets de ce qui se passe à la BCG. Vous ne nierez pas avoir lu les nombreux articles de presse qui ont ouvert une série de questions. Un débat public s'est instauré dans la presse et autres médias avant que nous ne déposions motion et projet de loi à propos de ces questions. Je ne vous cacherai pas que, depuis un certain temps, nous discutions, au sein de l'Alliance de gauche, du moment opportun pour demander des explications.
M. Ferrazino a raison de dire que si vous voulez mettre fin aux rumeurs, rétablir la confiance de l'opinion publique, le meilleur moyen est de fournir des explications à des personnes extérieures à la banque et suffisamment compétentes pour apprécier la situation.
Notre projet de loi constitue ce moyen. Peut-être avons-nous eu tort de parler de commission d'enquête, et chacun fera son mea culpa. Nous aurions peut-être dû préciser «commission d'experts». Mais si vous aviez pris la peine de lire notre projet de loi, vous auriez appris que nous proposons une commission de six membres seulement et non un «bastringue» de quinze ou vingt personnes susceptibles de rapporter à gauche et à droite. De plus l'alinéa 3 se termine ainsi : «Ses membres sont tenus au respect du secret bancaire.»
Nous sommes conscients que certains renseignements doivent être traités en toute discrétion. C'est pourquoi nous avons rédigé ce projet de loi de manière que cette information indispensable soit traitée le plus correctement possible.
Les privilégiés, les partis courtisés ne sont pas les seuls à être informés par la direction de la banque. D'ailleurs j'ignore ce qu'elle leur a raconté. De plus, le député privilégié qu'est M. Dessimoz ne semble pas savoir qu'un expert est un mandataire... ( Brouhaha.) Bref, passons !
Il est absolument nécessaire de connaître la situation actuelle de la banque. Nous sommes en droit de la connaître.
Monsieur Vodoz, vos explications démontrent que certaines personnes sont au courant, et vous demandez que l'on se satisfasse de vos explications. Je ne sais pas comment vous avez obtenu les renseignements que vous nous avez transmis. Certes, vous avez eu raison de ne pas vouloir siéger dans le conseil d'administration de la banque, à l'instar de M. Robert Ducret qui fut le premier à considérer qu'il n'était pas souhaitable qu'un conseiller d'Etat en fasse partie. Mais la réalité est que le Conseil d'Etat a refusé que l'on examine ce qui se passe dans la banque. Sans trahir un secret, nous pouvons affirmer que certains des membres du Conseil d'Etat craignaient des indiscrétions si des affaires venaient à être évoquées devant lui. Comme j'ai eu l'occasion de le dire, une «huitième conseillère d'Etat» semblait être mieux renseignée que tous les autres à un certain moment ! C'était avant que vous ne siégiez, Madame, mais cette personne appartenait à votre parti. Vous appréciiez sa plume et saviez qu'elle était toujours remarquablement informée sur ce qui se passait, lors des débats de notre Conseil. De l'avis de ceux qui les suivaient, elle en rajoutait parfois...
Je tiens à rappeler que lorsque nous nous sommes inquiétés de la situation de la banque, Monsieur Vodoz, on nous a répondu : «On est couverts; on est provisionnés à concurrence de 500 à 600 millions de francs.» Et, aujourd'hui, vous dites que c'est à concurrence de plus d'un milliard de francs. Cela signifie que l'on a été obligé d'augmenter la provision puisqu'elle a quasiment doublé.
Dès lors, nous sommes en droit de connaître la situation réelle de la banque. Comme M. Hiler, je veille à la modestie de mes propos, mais je tiens à savoir ce que représentent ces provisions. De quoi sont-elles constituées ? De valeurs immobilières ? Peuvent-elles facilement être réalisées ? Peut-être, Monsieur Hiler, aurez-vous un début de réponse à votre question de tout à l'heure, à savoir pourquoi la Banque cantonale, contrairement aux autres banques, n'admet pas l'achat de certains objets immobiliers surendettés en dessous de leur valeur de gage !
Ma réponse est sans doute facile : c'est que la banque ne peut tout simplement pas se le permettre ! Cela pose tout le problème de son bilan.
C'est pourquoi il aurait été plus intelligent de renvoyer cette affaire en commission, afin que les vraies questions soient posées ! Le problème crucial, et vous le savez, Monsieur Vodoz, est celui du bilan de la banque ! Je n'approfondirai pas la question ici, mais M. Clerc a eu raison de relever que l'on a décapitalisé la banque en retirant de son bilan des valeurs, notamment immobilières, pour éluder le problème de la contrainte imposée à la banque par rapport à son capital de dotation.
Mesdames et Messieurs, ce n'est pas tous les jours qu'un établissement, bancaire de surcroît, décapitalise ! On peut vraiment s'interroger ! Ce n'est pas tous les jours que l'on procède à des opérations de portage telles qu'elles ont lieu et qui vont au-delà, semble-t-il, de simples mandats. D'ailleurs, comment qualifier d'opérations de portage certains rachats à des conditions d'intérêts extrêmement bas ?
Si l'on peut connaître les mesures prises par le passé, nos questions, comme celles de M. Hiler et d'autres, ont trait à des pratiques de fraîche date : les opérations de portage, les prêts consentis, l'ouverture d'une procédure pénale à propos de faits récents.
Je rappelle ce que j'ai dit au cours d'un précédent débat : au mois de septembre, alors qu'une ou deux sociétés de M. Stäubli tombaient en faillite dans le canton de Vaud, la «Tribune de Genève» a reproduit la déclaration d'un porte-parole anonyme de la Banque cantonale disant qu'il n'y avait pas de crainte à avoir à l'égard de la J.S. Holding.
Monsieur Vodoz, puisque vous semblez si bien renseigné, est-il exact que la banque a consenti un abandon de créance de 40 millions à l'égard de J.S. Holding ? Cela démontre que le maintien artificiel de certaines sociétés aggrave leur situation ! Pour éviter à la J.S. Holding de déposer son bilan, 40 millions de dettes ont été rayés d'un coup - ce qui n'arrive pas dans certaines affaires immobilières - mais comme on ne voulait pas faire abandon de la totalité de la dette, il semble, à lire la presse, que la banque ait consenti un prêt personnel - tenez-vous bien ! - de 80 millions à M. Stäubli !
Qui peut rembourser 80 millions, à titre personnel, même à 1% d'intérêt ? Pouvez-vous me le dire ?
La présidente. Vous avez épuisé votre temps de parole, Monsieur Grobet.
M. Christian Grobet. J'interviendrai à nouveau tout à l'heure.
M. Pierre Meyll (AdG). Quitte à vous étonner peut-être, Madame la présidente, je m'exprimerai en tant qu'actionnaire, certes modeste, de la Banque cantonale.
En cette qualité, je vous dis qu'en tentant d'escamoter le débat, vous avez réussi, tout au plus, à jeter le trouble. Si la transparence était totale, nous pourrions discuter paisiblement, sans craindre quoi que ce soit.
Je ne pense pas que le président du conseil d'administration de la banque veuille se jeter dans le feu comme le pompier pyromane, mais j'espère qu'il ne va pas couler dans le dernier trou ! Dans cet ordre d'idées, vous devriez revenir sur votre décision et accepter que le projet soit renvoyé en commission. Nous pourrions ainsi juger sereinement de la situation. La nomination d'une commission servirait mieux les intérêts de la banque que le déballage que vous induisez et qui ne peut être que néfaste.
M. Chaïm Nissim (Ve). Madame la présidente, je présente une demande formelle de renvoi en commission, au vu de tous les éléments apparus au cours de cette discussion.
Je crois à la nécessité d'un débat en commission, et je demande un vote à ce sujet.
La présidente. Conformément au règlement, quatre personnes sont encore inscrites. Elles sont priées de se déterminer sur le renvoi en commission. Nous passerons ensuite à la mise aux voix de ce renvoi.
M. Hervé Dessimoz (R). Ayant été interpellé en tant que membre expert du collège de la banque, je tiens à rassurer les gens à teneur de l'application de l'article 24.
Pour ceux qui l'ignorent, un mandat d'expert relève d'une action ponctuelle, et ne peut, en aucun cas, être comparé à un mandat d'administrateur.
Cela étant, il faut savoir que le mandat d'expert n'est pas attribué par la banque. C'est le client qui, ayant reçu la liste des experts agréés par la banque, fait appel à l'expert de son choix et le rémunère.
Voici quelques renseignements qui tranquilliseront ceux qui imaginent une rétribution exceptionnelle de ce type de mandat : l'expertise d'une villa - qui nécessite un déplacement sur le site, l'analyse de l'objet, la consultation du registre foncier pour relever toutes les charges pouvant la grever tant sur le plan bancaire que sur le plan foncier, le rapport - est rémunérée à hauteur de 500 F; elle l'est à hauteur de 900 F pour un immeuble et de 1 200 F pour un cas exceptionnel.
Une voix. Qui paie ?
M. Hervé Dessimoz. C'est le client. Si vous m'opposez l'article 24, Madame la présidente, je me demande combien de députés l'ont violé depuis que je siège dans ce parlement ! Je voudrais aussi vous rappeler, Monsieur Grobet, que lors de nos discussions sur le journal «La Suisse» personne ne vous a interdit de vous exprimer ici, alors que vous travailliez activement... (Brouhaha.)
La présidente. Nous sommes en discussion. Ne dialoguez donc pas !
M. Hervé Dessimoz. Puisque nous sommes en discussion, je réponds à M. Clerc qui prétend que nous refusons la clarification d'une situation. Je répète simplement que cette discussion a eu lieu lors de la fusion des banques. Je rappelle que les cas affectant, aujourd'hui, les résultats de la Banque cantonale sont de deux types :
- les prêts hypothécaires : ils alimentent régulièrement la rumeur. Ils ont été dévoilés à l'époque, et je n'en connais pas de nouveau.
- les crédit commerciaux. Effectivement, ces crédits n'étaient pas évaluables au moment de la fusion. Ils reflètent l'évolution de l'économie et l'anémie qui affecte l'économie genevoise.
J'en viens à la notion de crédibilité. Madame Deuber-Pauli, vous avez dit que je ne manquais pas de culot. Je vous réponds donc ceci : quand je présidais la commission de fusion, nous avons été gratifiés de plusieurs articles de presse, citant des cas sulfureux dont chacun équivalait à l'évasion de plusieurs millions de capital-épargne des banques que nous étions en train de sauver en direction d'autres banques. Je pense que le débat tenu aujourd'hui sur la crédibilité, la fiabilité de la BCG, est de nature...
M. Pierre Vanek. C'est vous qui l'avez voulu !
M. Hervé Dessimoz. Qu'avons-nous voulu ? Ecoutez...
La présidente. Nous allons passer au vote sur le renvoi en commission, Monsieur Dessimoz.
M. Hervé Dessimoz. Simplement, ces cas sont de nature à affaiblir la position de la banque.
Mme Evelyne Strubin (AdG). Je relève que ce parlement éprouve souvent des craintes quand il s'agit de créer des commissions supplémentaires, d'enquête notamment.
C'est pourtant le seul moyen dont nous disposons pour étudier ensemble un domaine particulier. Chaque fois, nous entendons le même discours : «Nous ne sommes pas des spécialistes; nous ne sommes pas capables d'étudier des questions par trop spécifiques.» Mais rappelez-vous que si nous gérons la République, que si la population nous en a donné le mandat, nous nous devons de ne pas nous limiter aux seuls sujets que nous maîtrisons parfaitement. Sinon, toute une frange d'activités se trouvera hors de notre contrôle.
Nous devons, bien au contraire, chercher à nous surpasser, à nous informer de tous les domaines publics qui forment la République.
Précisons que la commission proposée serait nommée et non pas simplement élue. En ce sens, il nous reste une latitude de choix, et nous pouvons fort bien sélectionner les personnes qui, au sein de notre parlement, sont les plus à même de siéger dans cette commission.
En ce qui concerne les remarques de M. Lorenzini, je me permets de rappeler que le secret bancaire porte sur le patronyme des personnes concernées et non sur les pratiques bancaires. La création de la commission d'enquête ne pose donc aucun problème à ce niveau. En effet, il est possible de taire les noms des clients de la banque dans nos propos.
Je vous prie de laisser là vos luttes partisanes et je demande à tous, notamment à M. Balestra, de comprendre que nous ne sommes pas des incendiaires. Nous avons simplement remarqué des étincelles suspectes...
M. Michel Balestra. Vous mettez le feu !
Mme Evelyne Strubin. ...et constaté que les citoyens genevois ont détecté une odeur de fumée. En nous souciant que ces flammèches ne se transforment pas en brasier, nous vous proposons ici de trouver, via cette commission d'enquête, les lances à eau qui serviront à éteindre les flammes.
Nous vous demandons de vous montrer coopératifs et de renvoyer ce projet en commission. Sinon, un jour, nous pourrions bien vous demander de prendre vos responsabilités face aux dégâts que vous aurez causés à la confiance du public.
La présidente. Je mets au vote le renvoi du projet en commission.
Une voix. Il ne peut y avoir de renvoi en commission !
La présidente. Selon l'article 78 du règlement, les propositions suivantes peuvent être formulées au cours de la délibération : le renvoi en commission, etc. Nous sommes en délibération. Même l'alinéa 2 de l'article 78 précise que : «La discussion porte alors sur ces propositions qui sont ensuite mises aux voix dans l'ordre figurant à l'alinéa 1.»
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet en commission est rejetée.
M. Gilles Godinat (AdG). Je ne reviendrai pas sur les accusations de pyromanie de M. Balestra. Je les trouve inappropriées.
En tant que client, j'ai une relative confiance en la Banque cantonale depuis de nombreuses années, mais j'estime, toujours en tant que client et pour assainir le débat, qu'une commission serait la bienvenue.
Je souhaite proposer un amendement portant sur la partie du titre : «commission d'enquête». En effet, ces mots peuvent créer une association d'idées, pas forcément bonne, pour l'esprit de notre débat et la mission de cette commission.
Si on la nommait «commission d'experts», les termes paraîtraient plus neutres et, de ce fait, acceptables.
Je propose donc de remplacer partout les termes «commission d'enquête» par les termes «commission d'experts».
M. David Hiler (Ve). Sans avoir été au courant du projet de M. Godinat, je dépose un amendement identique.
La présidente. Je viens de le recevoir.
M. Pierre Vanek (AdG). Je crois brûler la politesse à Christian Grobet qui voulait reprendre la parole... Je n'interviendrai pas sur le fond. Je relève simplement qu'un certain nombre de questions ont été posées à M. Vodoz par un certain nombre de députés, et que, dans la mesure où la majorité de ce parlement vient de confirmer qu'elle entendait débattre ici et non en commission, il faudrait que nous ayons ce soir, cher Monsieur Balestra et collègues, des réponses à nos questions, afin de mieux savoir où nous en sommes.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Avant de répondre, dans la mesure où je le peux, aux questions posées, je souhaite faire la déclaration suivante :
Nous avons tous voulu, à quelques exceptions près, que la Banque cantonale soit surveillée par la Commission fédérale des banques, c'est-à-dire par des spécialistes. Nous avons voulu remplacer - c'est encore le cas dans d'autres cantons - la surveillance du gouvernement par celle de la Commission fédérale des banques.
Par conséquent, après avoir obtenu la modification de la loi fédérale sur ce point et transféré cette compétence avec votre aval, comme prévu lors de la fusion, vous ne sauriez rendre le gouvernement responsable et l'interpeller sur les dossiers de la banque, alors que la Commission fédérale des banques est seule habilitée à contrôler, à avaliser les comptes, à avaliser la conformité avec la loi, l'ordonnance de la loi fédérale sur les banques et les dispositions relatives aux banques cantonales. Que cela soit clair : vous n'obtiendrez pas de moi, en tant que chef du département des finances et au nom du Conseil d'Etat, des informations que je ne peux pas vous donner si tant est que je les aie, parce que la surveillance appartient à la Commission fédérale des banques.
Cela étant, le gouvernement, tout comme vous, n'est pas insensible, comme je viens de le dire, à ce qui se passe autour de la Banque cantonale. Tout à l'heure, je me suis appliqué à parler des deux aspects du rôle de la Banque cantonale :
Un rôle positif dont vous avez souvent demandé la mise en valeur, précisément en raison de sa vocation de banque de proximité. Nous constatons que certains d'entre vous, qui réclament aujourd'hui une commission d'enquête, ont souvent demandé que la BCG développe encore ses moyens en faveur de notre économie.
Monsieur Hiler, vous dites que des organes de la Banque cantonale ont approché votre parti. Je suppose que vous leur avez posé les mêmes questions qu'à moi. Je peux vous répondre ceci en ce qui concerne M. Dominique Ducret :
A l'instant où je vous parle, nous n'avons, le Conseil d'Etat et moi, aucune raison de nous défier du rôle, de l'activité et de la responsabilité de M. Dominique Ducret, en tant que président de la Banque cantonale. Comme d'autres, il a siégé, certes, au conseil d'administration de la Banque hypothécaire du canton de Genève. Certains d'entre vous ont siégé à ses côtés comme administrateurs et membres du comité de banque. Ils ne se sont plaints, à aucun moment, du comportement de M. Ducret.
Quant à moi, j'affirme que M. Dominique Ducret - dans le cadre de la fusion et dans la conduite actuelle de la BCG - a le respect, à tout le moins, du gouvernement.
Monsieur le député Christian Grobet, je me suis évidemment renseigné sur les différents documents sortis après le dépôt de votre projet de loi en décembre 1996 et qui n'est soumis qu'aujourd'hui, en raison de l'ordre du jour de votre Grand Conseil. Vous savez que la banque a donné plusieurs conférences de presse dans ce laps de temps. Elles ont porté sur différents sujets qui ont été relatés dans les journaux. En date du 6 février, la Banque cantonale de Genève, dans la perspective de l'assemblée générale qui se tiendra d'ici un mois environ, a publié un communiqué de presse, après avoir reçu l'aval de la Commission fédérale des banques, puisqu'elle ne peut rien faire sans y être autorisée par ladite commission. J'ai ce communiqué sous les yeux et je vous en transmets le contenu : le total du bilan est de 16,618 milliards de francs; la hausse est de 5% par rapport à 1995; les avances à la clientèle passent - ce sont les dossiers auxquels j'ai fait allusion - d'un milliard à 13,56 milliards de francs, cette progression témoignant du soutien constant de la banque à l'économie du canton et de sa région; le bénéfice brut s'accroît; le bénéfice net de 27,2 millions a progressé de 7,3%; dès lors, la banque proposera de servir un dividende semblable à celui de l'exercice précédent - je m'en réjouis pour M. Meyll et pour les finances de la République et des communes ! - les fonds propres disponibles au 31 décembre 1996 se montent à 115% des fonds propres requis par la loi, ce qui permet d'envisager la poursuite du développement des affaires de la banque en toute sérénité. C'était le contenu du communiqué de presse du conseil d'administration de la banque du 6 février 1997.
Puisque vous avez une propension à m'interpeller sur certains sujets, bien que je n'aie pas d'accès direct ou indirect à la Banque cantonale, je tiens à vous dire que je me suis penché, tout comme vous, sur ce qui pourrait être fait en matière de portage ou de «défaisance». Il est évident que si un propriétaire - ayant gagé un immeuble contre des avances sur des crédits commerciaux ou hypothécaires - ne collabore pas à la mise en valeur de son bien ou fait défaut, la banque n'a pas d'autre possibilité que de réaliser le gage.
Celles et ceux qui pratiquent le barreau savent qu'il suffit de faire une série de recours pour que des années s'écoulent parfois entre le moment de l'engagement d'une poursuite en réalisation de gage et celui de la réalisation du gage. L'office des poursuites et faillites parle même de la nécessité d'un délai de cinq ans !
Dès lors, faut-il «mouliner» les taux d'intérêt au prix du marché et constituer parallèlement des provisions importantes ou adapter les taux à l'état locatif ? Il est évident qu'il faut, à un moment donné, prendre des décisions, en dépit des carences et des intérêts contradictoires entre le propriétaire, la banque et les créanciers, les délais qui s'écoulent aggravant l'état de l'immeuble et la situation financière. C'est lors de la mise du bien aux enchères publiques que les banques ont intérêt à trouver une société reprenante ou un repreneur pour ne pas être pénalisées par les exigences de la loi fédérale sur les banques sur les fonds propres.
C'est pourquoi la BCG a décidé de se départir de trente-six immeubles de son parc, cela après avoir requis l'aval de la Commission fédérale des banques. En effet, la BCG a hérité d'un parc immobilier important de la CEG qui l'avait elle-même reçu dans le cadre des dotations faites, entre autres, lors de sa création. A cette époque, la CEG était une fondation et non un établissement public. En libérant ces immeubles, la BCG a satisfait à l'exigence de fonds propres largement inférieurs, s'agissant de 6%, fonds propres se montant à 30% dès lors que l'on détient des immeubles.
C'est parce que la banque souhaitait pouvoir investir davantage au profit de l'économie genevoise, dans les moments difficiles qu'elle traverse, qu'elle a décidé souverainement de cette opération, sans demander au Conseil d'Etat l'autorisation d'y procéder. Elle n'avait d'ailleurs pas à le faire.
Voilà pourquoi, dans l'intérêt des créances et de l'immeuble, les banques ont intérêt à faire reprendre ledit immeuble au moment d'une vente ou d'une exécution forcée.
Je n'ai pas dit à M. Hiler - je ne le vois plus - qu'il était question de maintenir des prix élevés. En revanche, il importe de ne pas brader les immeubles. Il n'est pas question de maintenir des valeurs artificielles, mais de respecter des valeurs réalistes.
Madame Chalut, j'ignore de quel magistrat vous parlez. Je ne m'occupe pas des dossiers de la Banque cantonale.
Mme Claire Chalut. Bernard Ziegler !
Une voix. Christian Grobet !
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. J'ignore absolument ce que M. Bernard Ziegler a pu obtenir de la banque. Cela les regarde, elle et son client.
Comme je l'ai dit lors de ma première intervention, une commission d'enquête ou une commission d'experts, c'est-à-dire un nouvel organe, amplifiera la suspicion existante, au-delà des questions que d'aucuns se posent. Il faudrait établir davantage de transparence pour rétablir des rapports de confiance. Et c'est la grande difficulté de ce débat, qui oscille entre la création d'une commission d'enquête - je vois d'ici les manchettes des journaux ! - et la nécessité d'une plus grande transparence.
Je n'ai pas de remède à cela. A titre personnel, je regrette que la Banque cantonale ait consulté tous les partis, sauf celui de l'Alliance de gauche...
M. Christian Grobet. Cela vous étonne !
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Oui, cela me surprend, et je vais vous dire pourquoi ! Quelles que soient vos idées, vous êtes les représentants du peuple au même titre que d'autres et vous formez un parti à part entière. Il n'y avait aucune raison, je le dis personnellement, de faire preuve d'ostracisme.
Je pense que la Banque cantonale aurait été bien inspirée de se rendre auprès de l'Alliance de gauche, pour autant que celle-ci ait été d'accord. L'Alliance de gauche aurait pu poser ses questions, tout comme les Verts et les représentants des autres partis. Ainsi, nous aurions probablement évité une partie de ce débat et peut-être trouvé une forme différente d'information, de transmission de certains messages, pour que les choses soient claires.
Au nom du Conseil d'Etat et au mien, je considère qu'il n'est pas opportun de créer un organe complémentaire, même pour une mission limitée dans le temps, puisqu'il serait chargé d'examiner des points précis. Compte tenu des aspects politiques et économiques, cet organe pourrait contrarier le rôle de la Commission fédérale des banques qui doit engager sa responsabilité aux côtés du réviseur bancaire.
Le gouvernement a pris connaissance de l'aval de la Commission fédérale des banques sur les comptes 1996, du degré satisfaisant des provisions comptabilisées à fin décembre 1996, et rien ne nous empêche de penser à leur libéralisation, puisqu'elles sont faites pour cela.
En revanche, je ne peux pas accepter, en tout cas au nom du gouvernement, que l'on dise la Banque cantonale en danger. Ce n'est pas réaliste. Elle a toute une série d'affaires à résoudre, on l'a dit et redit ! Cela prendra encore du temps. Aussi je vous demande de faire confiance aux organes en place.
Au demeurant, je pense qu'il est important, également pour les membres du conseil d'administration, les réviseurs et les actionnaires, que des questions soient posées, en temps utile et dans un lieu adéquat. Il en va de la crédibilité de la banque, bien consciente du débat de ce soir. J'espère qu'elle en tirera les conséquences. Il en va du regain de confiance du peuple de Genève envers la Banque cantonale qui doit travailler pour notre République et son économie.
M. Christian Grobet (AdG). Je vous remercie, Monsieur Vodoz, de votre déclaration très précise. Je suis persuadé de votre sincérité quand vous dites que l'Alliance de gauche est un parti comme un autre et que nous ne devrions pas être frappés d'ostracisme.
J'espère que notre parti pourra, désormais, être représenté, au même titre que les autres, dans un certain nombre de commissions administratives dont nous avons été exclus, puisque nous siégeons seulement dans celles où la loi prévoit un représentant de droit par parti représenté au Grand Conseil. Je tenais à le souligner au passage !
Vous avez terminé votre intervention en incitant les intéressés à poser leurs questions dans un lieu adéquat. J'ignore ce que vous entendez par «lieu adéquat», puisque vous ne l'avez pas mentionné, mais si le Grand Conseil n'est pas le lieu adéquat où poser des questions sur des établissements publics comme la Banque cantonale, je me demande alors à quoi il peut bien servir.
Monsieur Vodoz, vous avez évoqué le problème combien délicat du contrôle de la banque. Vous savez que j'étais un de ceux qui étaient intervenus auprès du Conseil d'Etat sur ce sujet qui vous préoccupait également. J'étais partisan du contrôle par la Commission fédérale des banques. Je l'avais même suggéré, et je vous félicite d'avoir réussi à trouver un accord avec la Commission fédérale des banques. Vous avez dû négocier avec elle et c'est tout à votre crédit.
Cela n'empêche pas, Monsieur Vodoz, parallèlement à la Commission fédérale des banques qui fait son travail dans un certain esprit, l'existence d'un autre organe de contrôle qui s'occuperait davantage des questions d'opportunités et de fonctionnement de la banque. Sans entamer ici un débat sur les compétences de la Commission fédérale des banques, je dirai qu'elles se limitent à certains domaines, alors qu'elles ne touchent pas à d'autres, très importants. Je vous en donnerai un exemple tout à l'heure.
Vous ne pouvez pas dire que le Conseil d'Etat n'est pas concerné du fait qu'il n'est plus chargé du contrôle de la banque. D'ailleurs, et c'est à votre honneur, vous vous êtes intéressé à la situation de la BCG. Vous êtes certainement mieux informé que vous ne l'affirmez. C'est normal, puisqu'il est du devoir du gouvernement de s'enquérir du fonctionnement de cette banque et du nôtre d'être informés à son sujet.
Il n'est pas contradictoire de vouloir s'assurer du fonctionnement de la banque et souhaiter sa participation plus active au soutien de l'économie. C'est précisément parce que nous voulons que la Banque cantonale joue un rôle plus important que nous voulons être assurés qu'elle est en mesure de le tenir.
Vous avez évoqué certaines conférences de presse, d'ailleurs tardives, comme vous l'avez reconnu. Voyez-vous, Monsieur Vodoz, ces conférences de presse ne constituent pas un moyen d'information, pas plus que les plaquettes en papier glacé de la banque qui ne montrent que quelques rudiments du bilan.
Il conviendrait d'avoir des rapports très précis sur les questions nouvelles et non sur les affaires anciennes, afin de comprendre les mécanismes, notamment les divers aspects de la création de la fondation immobilière récemment créée. En effet, j'apprends ce soir que les immeubles avaient fait l'objet d'une donation du temps où la banque était encore elle-même une fondation. Il n'est donc pas si simple, pour la banque, de se départir de ces immeubles.
Je rappelle qu'une initiative du «Rassemblement en faveur d'une politique sociale du logement» a institué l'obligation que les ventes de biens immobiliers par des corporations de droit public soient avalisées par le Grand Conseil. Cela vaut aussi pour les Services industriels; je le dis, bien que leur représentant n'est plus là. Au dernier moment, une exception a été prévue au profit des banques, exception légitime en soi, une banque devant avoir les moyens de sa gestion.
Il n'en demeure pas moins que le fait que la Banque cantonale se soit dessaisie d'un capital immobilier qui lui a été donné pose un certain nombre de problèmes. Que vont devenir ces immeubles ? Pourraient-ils être cédés par la fondation ? Qu'adviendra-t-il du produit de leur vente ? Vu l'importance d'une telle opération, le moins serait que l'on nous communique, en tant que députés, les statuts de cette fondation pour que nous connaissions son fonctionnement et ses buts, fondation intégrée, en quelque sorte, à la Banque cantonale avec des biens publics à la clé.
Nous sommes également partisans, Monsieur Vodoz, d'éviter l'effondrement du marché immobilier, mais nous ne sommes pas favorables au soutien artificiel de certaines opérations. M Hiler a parfaitement raison sur ce point !
Quant à votre explication des délais nécessaires à la réalisation des gages, permettez-moi, Monsieur Vodoz, de m'exprimer sur le ton d'un confrère : je la trouve un peu courte, car les décisions judiciaires sont rapides. Seule la procédure devant l'office des poursuites prend énormément de temps, ledit office étant engorgé de poursuites et, par conséquent, submergé de travail. Vu la faiblesse de ses effectifs, il ne peut guère faire plus. Il faudrait peut-être augmenter ses effectifs, mais il y a peut-être un intérêt à ne pas aller trop vite... C'est peut-être la raison de ces longs délais, Monsieur Vodoz ! Ce qui se faisait auparavant en quelques mois prend, maintenant, quatre ou cinq ans !
J'en viens à l'élément le plus important qui nous préoccupe au premier chef. Nous voulons savoir comment on procède aujourd'hui aux expertises immobilières à la Banque cantonale. En effet, tout le monde admet que les expertises faites par le passé ont été la source des malheurs non seulement de la Banque cantonale mais aussi d'autres banques.
L'explication qui nous a été fournie, de manière indirecte, par M. Dessimoz est vraiment de nature à augmenter notre inquiétude. M. Dessimoz a dit que les choses avaient changé, d'ailleurs sans dire en quoi, par rapport au passé.
De quoi m'aperçois-je maintenant ? C'est que le client choisit lui-même son expert et le paie, sur la base d'une liste d'architectes établie par la banque. Par voie de conséquence, l'expert dépend essentiellement du client.
Ce n'est pas du tout ce que nous souhaitons, nous ! Nous voulons une expertise faite en collaboration avec des architectes, bien que nous sachions qu'ils basent leurs expertises sur tout sauf sur la valeur de rendement, Monsieur Dessimoz ! L'important, pour nous, est que la banque nous garantisse une commission d'expertise composée de gens réellement qualifiés qui ne travaillent pas exclusivement pour les promoteurs, mais qui représentent également les utilisateurs, parce que je parle maintenant d'immeubles frappés de faillite dont les locataires sont les utilisateurs. Nous souhaitons la création d'une commission d'expertise composée de gens véritablement qualifiés en mesure d'estimer, pour le compte de la banque et non du client, la valeur réelle des immeubles, afin de supprimer des opérations du genre de celles menées dans le passé.
M. Pierre-Alain Champod (S). Le groupe socialiste a voté, tout à l'heure, le renvoi en commission. Malheureusement, il n'a pas été suivi, ce qui est vraiment dommage, car nous aurions pu avoir, en commission, des éclaircissements sur les problèmes concernant la Banque cantonale.
Nous souhaitons que cette banque retrouve la confiance de la population, afin de mener à bien son mandat de soutien à l'économie locale.
Si, sur le fond, nous approuvons la proposition de l'Alliance de gauche, par contre nous sommes sceptiques quant aux moyens proposés. Nous estimons qu'en commission nous aurions pu en trouver d'autres plus adéquats.
Malheureusement, en discussion immédiate, nous sommes dans l'obligation de «prendre ou de laisser», à moins de nous lancer dans un long débat, avec présentation d'amendements. Et, en séance plénière, cela ne peut pas se faire dans de bonnes conditions.
C'est pourquoi le groupe socialiste, bien qu'approuvant cette proposition sur le fond, s'abstiendra lors du vote.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Après la dernière intervention du député Grobet, je lui rappelle que, premièrement, à teneur de l'article 80 A, alinéa 3, la Banque cantonale est exclue du dispositif constitutionnel. Deuxièmement, il est certain que la Banque cantonale a examiné les possibilités qu'elle avait de faire porter les charges des immeubles, propriété de la CEG, par la Fondation Patrimoine.
En ce qui concerne les organes de contrôle, voyez-vous, Monsieur le député, lorsqu'un administrateur qui vit, comme vous et moi, dans cette République a des doutes, il pose des questions au conseil d'administration. Il demande des réponses écrites. Lorsqu'il fait partie du comité des banques, il en pose davantage. L'actionnaire lui-même peut aussi poser des questions dans les assemblées générales.
Dans l'intérêt de la banque, je souhaite que les administrateurs - car il s'agit de leur fonction principale - interpellés par les articles diffusés partout dans la presse, donnent des réponses. Je ne peux pas imaginer, Mesdames et Messieurs les députés, que dans le cadre des conseils d'administration les réponses à toutes ces questions ne soient pas données. Je ne peux pas croire que cela pourrait fonctionner autrement, sans quoi, on vous l'aurait dit.
M. Christian Ferrazino (AdG). Je demande l'appel nominal. (Appuyé.)
La présidente. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.
Celles et ceux qui acceptent le projet répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.
Ce projet est rejeté par 47 non contre 25 oui et 15 abstentions.
Ont voté non (47) :
Bernard Annen (L)
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Luc Barthassat (DC)
Roger Beer (R)
Janine Berberat (L)
Nicolas Brunschwig (L)
Thomas Büchi (R)
Anne Chevalley (L)
Hervé Dessimoz (R)
Jean-Claude Dessuet (L)
Pierre Ducrest (L)
Jean-Luc Ducret (DC)
Michel Ducret (R)
John Dupraz (R)
Henri Duvillard (DC)
Catherine Fatio (L)
Bénédict Fontanet (DC)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Jean-Claude Genecand (DC)
Nelly Guichard (DC)
Janine Hagmann (L)
Michel Halpérin (L)
Elisabeth Häusermann (R)
Claude Howald (L)
René Koechlin (L)
Claude Lacour (L)
Gérard Laederach (R)
Armand Lombard (L)
Olivier Lorenzini (DC)
Pierre Marti (DC)
Michèle Mascherpa (L)
Alain-Dominique Mauris (L)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Vérène Nicollier (L)
Jean Opériol (DC)
Barbara Polla (L)
David Revaclier (R)
Martine Roset (DC)
Philippe Schaller (DC)
Micheline Spoerri (L)
Marie-Françoise de Tassigny (R)
Jean-Philippe de Tolédo (R)
Pierre-François Unger (DC)
Olivier Vaucher (L)
Jean-Claude Vaudroz (DC)
Michèle Wavre (R)
Ont voté oui (25) :
Jacques Boesch (AG)
Fabienne Bugnon (Ve)
Matthias Butikofer (AG)
Claire Chalut (AG)
Bernard Clerc (AG)
Anita Cuénod (AG)
Erica Deuber-Pauli (AG)
Marlène Dupraz (AG)
René Ecuyer (AG)
Christian Ferrazino (AG)
Luc Gilly (AG)
Gilles Godinat (AG)
Christian Grobet (AG)
Sylvia Leuenberger (Ve)
Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve)
Pierre Meyll (AG)
Chaïm Nissim (Ve)
Vesca Olsommer (Ve)
Danielle Oppliger (AG)
Jean-Pierre Rigotti (AG)
Max Schneider (Ve)
Jean Spielmann (AG)
Evelyne Strubin (AG)
Pierre Vanek (AG)
Yves Zehfus (AG)
Se sont abstenus (15) :
Fabienne Blanc-Kühn (S)
Micheline Calmy-Rey (S)
Nicole Castioni-Jaquet (S)
Pierre-Alain Champod (S)
Liliane Charrière Urben (S)
Sylvie Châtelain (S)
Jean-François Courvoisier (S)
Daniel Ducommun (R)
Alexandra Gobet (S)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Dominique Hausser (S)
René Longet (S)
Laurent Moutinot (S)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Claire Torracinta-Pache (S)
Etaient excusés à la séance (9) :
Claude Basset (L)
Claude Blanc (DC)
Hervé Burdet (L)
Laurette Dupuis (AG)
Pierre Froidevaux (R)
Henri Gougler (L)
Yvonne Humbert (L)
Liliane Johner (AG)
Pierre Kunz (R)
Etaient absents au moment du vote (3) :
David Hiler (Ve)
Bernard Lescaze (R)
Andreas Saurer (Ve)
Présidence :
Mme Christine Sayegh, présidente.