République et canton de Genève

Grand Conseil

No 6/I

Jeudi 20 février 1997,

nuit

Présidence :

Mme Christine Sayegh,présidente

La séance est ouverte à 21 h 20.

Assistent à la séance : MM. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat, Claude Haegi, Olivier Vodoz, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

La présidente donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

La La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Philippe Joye, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Michel Balestra, Claire Chalut, Anita Cuénod, Marlène Dupraz, Laurette Dupuis et Jean-Pierre Rigotti, députés.

3. Déclarations du Conseil d'Etat et communications.

La présidente. Je salue, à la tribune du public, la présence de Mme Jacqueline Berenstein-Wavre, ancienne présidente du Grand Conseil et co-présidente de l'Association Suisses et internationaux de Genève, entourée de quelques-uns des membres de cette association. (Applaudissements.)

4. Annonces et dépôts :

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

Néant.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

E 837-1
5. Prestation de serment de M. Jean-Pierre Restellini, élu juge assesseur médecin suppléant au Tribunal de la jeunesse. ( ) E837-1
 Mémorial 1997 : Election, 663.

M. Jean-Pierre Restellini est assermenté. (Applaudissements.)

E 838-1
6. Prestation de serment de Mme Hélène Braun, élue juge assesseur suppléant au Tribunal de police et à la Chambre d'accusation. ( ) E838-1
 Mémorial 1997 : Election, 663.

Mme Hélène Braun est assermentée. (Applaudissements.)

PL 7570
7. Projet de loi de Mmes et M. Micheline Calmy-Rey, Pierre-Alain Champod et Fabienne Blanc-Kühn créant une société anonyme de capital-risque (E 1 55). ( )PL7570

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

CHAPITRE 1

Dispositions générales

Article 1

1 Il est créé une société anonyme de droit public (ci-après: société) au sens de l'article 763 du code des obligations.

2 Elle a son siège à Genève.

Art. 2

1 La société a pour but de financer les petites et moyennes entreprises en capitaux à long terme, en garantissant les risques encourus par un organisme financier, ou par apport direct de capital, à tous les stades du développement de l'entreprise. La société travaille en collaboration avec l'office genevois de cautionnement mutuel et avec le département de l'économie publique.

2 La société investit pour au moins 60% dans de nouvelles entreprises porteuses de projets innovateurs qui ont leur siège à Genève. Pendant les 3 premières années d'existence, cette proportion peut être inférieure à cette limite, mais doit dépasser 45%.

Art. 3

1 L'investissement dans une entreprise ne doit pas dépasser 20% des actifs propres de la société.

2 La société investit dans des entreprises:

a) qui ne sont pas cotées en bourse; sont réservés les cas où la cotation intervient auprès de bourses spéciales pour petites et moyennes entreprises;

b) qui ne sont pas détenues à hauteur de plus de 25% ou plus du capital et des droits de vote par une entreprise ou conjointement par plusieurs entreprises qui emploient plus de 100 personnes;

c) dont les responsables ne participent pas au financement de la société;

d) dont les responsables s'engagent à assurer le respect des normes en vigueur en matière sociale, environnementale et de développement durable.

Art. 4

La surveillance du respect des prescriptions légales cantonales est de la compétence du Conseil d'Etat.

CHAPITRE II

Fonds propres

Art. 5

1 Le capital social de la société est divisé en actions nominatives.

2 Le canton et les communes souscrivent au capital de départ.

3 Le capital social est ouvert à d'autres acteurs publics ou privés.

4 Les actionnaires s'engagent par convention, si la situation de la société le rendait nécessaire, à augmenter leur participation.

CHAPITRE III

Organisation

Art. 6

Les organes de la société sont:

a)  l'assemblée générale des actionnaires;

b)  le conseil d'administration de la société;

c)  l'organe de révision.

Art. 7

La gestion de la société est confiée à la Banque cantonale de Genève.

Art. 8

L'assemblée générale des actionnaires est l'organe suprême de la société. Elle détermine la politique générale de la société et veille à la réalisation de son but, tel que défini à l'article 2. Elle surveille l'activité du conseil d'administration de la société et la gestion de la banque cantonale.

Elle dispose notamment des compétences suivantes:

a) elle adopte et modifie les statuts de la société. Le Conseil d'Etat constate par arrêté que les statuts ou leur modification sont conformes à la présente loi;

b) elle approuve le rapport annuel et les comptes annuels, après avoir pris connaissance de l'organe de révision;

c) elle détermine l'emploi du bénéfice et la répartition des pertes;

d) elle nomme l'organe de révision;

e) elle élit les membres du conseil d'administration, à l'exception des membres de droit.

Art. 9

Le conseil d'administration de la société exerce la surveillance par délégation de l'assemblée générale.

Il se compose de 17 à 19 membres et comprend:

a) un membre par parti représenté au Grand Conseil;

b) un membre de la direction de la Banque cantonale attaché à la gestion de la société;

c) les représentants des autres actionnaires, dont 3 représentants des communes, un de la Ville de Genève, un des communes suburbaines et un des communes rurales.

Art. 10

1 Les administrateurs représentant les actions nominatives détenues par le canton de Genève sont désignés par le Grand Conseil.

2 L'administrateur membre de la direction de la Banque cantonale est désigné par le conseil d'administration de la banque.

3 Les administrateurs représentant les actions nominatives détenues par la Ville de Genève sont désignés par le Conseil municipal de la Ville de Genève.

4 Les administrateurs représentant les actions nominatives détenues par les autres communes sont désignés par l'Association des communes genevoises selon des modalités définies par celle-ci.

Art. 11

La société est contrôlée par un organe de révision indépendant nommé par l'assemblée générale.

CHAPITRE IV

Statut fiscal

Art. 12

La société est exonérée des impôts cantonaux et communaux sur le bénéfice et le capital, ainsi que de la taxe professionnelle.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Pour naître ou procéder à une étape importante de son développement, une entreprise a besoin de capitaux à long terme. Très souvent, l'entrepreneur qui est à l'origine du projet, ne disposant pas de moyens suffisants, doit chercher un financement à l'extérieur.

En raison de la crise et de l'accélération de la concurrence, les améliorations de la productivité et une partie des marges bénéficiaires sont utilisées pour améliorer la compétitivité des entreprises, si bien que la situation de celles qui sont en mesure d'investir est souvent rendue aléatoire par un fort endettement. De plus, pour cause de problèmes rencontrés sur les marchés immobiliers, les banques ont augmenté leurs provisions et aujourd'hui, certains y voient une relation de cause à effet avec les restrictions considérables des crédits accordés aux petites et moyennes entreprises. Enfin, le soutien aux entreprises nouvelles ou en transformation demande un grand travail de suivi et comporte des risques élevés. Cela décourage les investisseurs qui n'interviennent qu'à partir de certains seuils et crée ainsi des lacunes pour les petits projets.

Face à cette situation, les pouvoirs publics se sont donné des instruments d'intervention par, notamment, des cautionnements et autres crédits relais. Il manque toutefois à cette panoplie tout l'aspect fonds capital-risque, c'est-à-dire en définitive la participation directe au capital d'une entreprise, moyennant, bien sûr, la définition de critères adéquats. Une telle participation a aussi pour avantage de permettre la recherche de financements complémentaires aux financements publics impliquant banque cantonale, caisses de pension et associations professionnelles.

Le projet de loi qui vous est soumis propose donc la création d'une société anonyme de droit public qui a pour but de financer les petites et moyennes entreprises en capitaux à long terme, soit en garantissant les risques encourus par un organisme financier, par exemple une banque, soit par apport direct de capital à tous les stades du développement de l'entreprise. L'objectif est volontairement large puisqu'il comprend aussi bien le financement de la phase qui précède la création de l'entreprise que le financement du développement et du marketing d'une entreprise qui débute (start up), le capital d'expansion, de transition, le financement du rachat d'une entreprise existante ou celui d'une entreprise en difficulté dans le but de la restructurer.

Notre projet prévoit, bien entendu, que le canton ou les communes participent au financement du fonds mais ouvre aussi la possibilité de financements extérieurs et n'exclut pas que ces financements puissent être majoritaires. En effet, nous constatons que les caisses de pension disposent de capitaux importants. Un pourcentage, même très minime, de ces capitaux permettrait de financer de nombreuses PME-PMI en création ou en restructuration. Un objectif de ce projet est de drainer de l'argent du 2e pilier vers les entreprises. A notre avis, les caisses de pension n'investissent pas dans les PME-PMI pour trois raisons:

- elles obtiennent des bons rendements sur d'autres marchés;

- le capital-risque, comme son nom l'indique, est un placement risqué;

- elles n'ont souvent pas des moyens nécessaires pour évaluer les chances de réussite d'une entreprise en création.

Ce projet de loi propose de créer une «interface» entre les caisses du 2e pilier et les entreprises à la recherche de fonds. Cette «interface» permet de limiter les risques par un fonds commun et décharge les caisses du 2e pilier du travail d'évaluation des entreprises.

En ce qui concerne les conditions générales, nous nous sommes inspirés des travaux de la commission de l'économie et des redevances du Conseil national et plus particulièrement du rapport de sa sous-commission «capital-risque». Pour ce qui touche à la gestion de cette société, il nous est apparu raisonnable de la confier à la banque cantonale qui dispose de structures et de personnes qualifiées pour évaluer les demandes. De plus, cette nouvelle tâche s'inscrit parfaitement dans le mandat constitutionnel donné à la Banque cantonale de Genève (BCG), à savoir: «La BCG a pour but principal de contribuer au développement économique du canton et de la région» (art. 177, al. 2, de la constitution).

Ce projet complète les mesures d'allégement fiscal en discussion à Berne et les projets à l'étude au Grand Conseil. Le projet de loi 7457-A qui est inscrit à l'ordre du jour du Grand Conseil propose notamment que l'Etat cautionne des prêts, mais il ne prévoit pas le financement du capital-risque, ce qui est l'objectif principal du présent projet.

Mesdames et Messieurs les députés, les principaux problèmes que rencontrent aujourd'hui les entreprises sont des problèmes d'accès au crédit et ces problèmes sont plus importants pour les petites et moyennes entreprises que pour les autres. Il nous paraît raisonnable de tenter d'aider à la recherche de solutions dans la mesure où la création d'entreprises nouvelles, la promotion de nouveaux produits ou tout simplement le maintien et la valorisation des productions et des savoir-faire existants participent directement de la dynamique économique et de la création d'emplois. Notre projet s'inscrit naturellement dans cette logique et nous vous remercions d'ores et déjà de lui faire bon accueil.

Préconsultation

Mme Micheline Calmy-Rey (S). Considérant la phase de récession dans laquelle nous vivons, je pense que vous serez tous d'accord avec moi...

Une voix. Non !

Mme Micheline Calmy-Rey. Si ! ...pour dire que les petites et moyennes entreprises jouent un rôle stabilisateur sur l'emploi.

Un rapport européen, publié il y a peu de temps, révèle qu'il se crée en Suisse moins de PME que dans le reste de l'Europe et que la Suisse figure en queue de peloton pour l'aide aux PME.

D'ailleurs une conférence de presse de l'Association des petites et moyennes entreprises de Genève révélait que, selon une enquête faite auprès de ses membres, environ un quart d'entre elles estimait qu'elles n'existeraient plus dans un an si la situation et le climat économique demeuraient ce qu'ils sont aujourd'hui et que leur principal souci, dans l'immédiat, était l'accès aux crédits.

Aujourd'hui, les banques ne prêtent plus, ou presque. Elles diminuent, voire suppriment, des lignes de crédit, et les restrictions considérables de crédits appliquées aux PME s'appliquent aussi aux nouvelles entreprises ou à celles en transformation qui comportent un gros travail de suivi et des risques élevés.

Face à cette situation, l'intervention de l'Etat est légitime. Ce dernier est d'ores et déjà intervenu et se trouve sur le point de le faire à nouveau. En automne dernier, il a voté une loi pour recapitaliser l'Office genevois de cautionnement mutuel, et il votera, sous peu - le projet figure à notre ordre du jour - une loi de soutien aux PMI prévoyant le cautionnement et le subventionnement d'une partie des intérêts.

L'originalité et l'aspect complémentaire de notre projet, par rapport à d'autres, résident dans la participation directe. La société d'économie mixte que nous proposons devient un partenaire partageant risques et profits, a contrario du prêt traditionnel.

La participation directe a aussi l'avantage de permettre le financement complémentaire par des solutions mixtes qui peuvent impliquer des banques, des assurances, des caisses de pension ou d'autres investisseurs privés, par exemple.

Le but de ce projet est d'encourager les investisseurs à placer leur argent dans des entreprises en création ou en transformation et, notamment, d'encourager les caisses de pension. Ces dernières disposent de capitaux importants. Si elles investissaient, ne serait-ce qu'un faible pourcentage de leur fortune dans le capital-risque, nous ne connaîtrions pas le problème que nous évoquons aujourd'hui.

Si elles ne le font pas, elles et d'autres, c'est que rien ne les y incite aujourd'hui. En effet, les risques sont élevés; les rendements sur les autres marchés sont intéressants et, enfin, elles manquent de personnes compétentes pour évaluer les chances de succès d'une entreprise. La société que nous proposons est donc une sorte d'interface entre les investisseurs potentiels et les PME, avec l'avantage de diluer le risque et d'éviter les difficultés d'évaluation.

Quelques mots encore sur la société elle-même. Son objectif est large et englobe l'apport de capitaux à tous les stades du développement de l'entreprise, avant même que l'entreprise débute. Ces étapes sont appelées : seed-money, start up, capital d'expansion, de transition, rachat par des employés ou par des cadres. Toutes les étapes possibles - vous l'avez vu - figurent dans les buts du projet de société.

Les conditions générales de l'investissement sont reprises des travaux de la commission «économies et redevances» du Conseil national. Il nous a paru intéressant, en effet, de jouer la complémentarité avec le projet du Conseil national. L'objectif de ce dernier est d'alléger la fiscalité des investisseurs participant à une société de capital-risque reconnue. Nous avons donc tenu à respecter les conditions posées sur le plan national pour la reconnaissance d'une société de capital-risque en les intégrant dans le projet que nous vous proposons. La charge fiscale fédérale des investisseurs sera par conséquent allégée dans la mesure prévue par le Conseil national.

Deux remarques pour terminer. Nous avons choisi la forme d'une société de droit public pour garantir une structure démocratique ouverte et possédant une représentation convenable des collectivités. J'avoue que le conseil d'administration est un petit peu trop fourni. Nous l'avons fait nombreux pour donner de la place aux investisseurs privés et, éventuellement, leur donner une certaine importance. Mais nous restons prêts à discuter du nombre des membres du conseil d'administration.

Enfin, nous avons choisi sciemment de confier la gestion de cette société à la Banque cantonale, en étant bien conscients qu'elle devra renforcer ses équipes pour être en mesure d'évaluer les projets de capital-risque. Mais nous avons préféré cette solution à une autre, partant de zéro et recréant complètement une structure d'évaluation et de gestion d'une société de capital-risque. Nous l'avons préférée aussi à celle qui aurait consisté à confier une telle gestion à un service du département de l'économie publique.

Voilà les traits principaux de ce projet. Je vous remercie de bien vouloir le renvoyer en commission et de lui faire bon accueil.

M. Nicolas Brunschwig (L). Ce projet est une proposition concrète au problème croissant du financement des petites et moyennes entreprises. A cet égard, et pour cette unique raison, il mérite d'être examiné avec bienveillance.

Ce sujet est d'actualité, et de nombreux acteurs de la vie économique et politique genevoise ont exploré ce terrain. Dans l'ordre ou le désordre, nous pensons aux partis politiques, au Conseil économique et social qui recommande la Banque régionale de développement, à Genilem, au département de l'économie publique, aux entreprises et aux caisses de prévoyance.

La première conclusion de la plupart des personnes ayant réfléchi à ce sujet montre la difficulté de passer du concept à la réalisation pratique. En l'occurrence, ce pari ne me semble pas réussi par les auteurs de ce projet de loi. En effet, les deux questions clés essentielles, permettant de réaliser un tel fonds, ne sont pas abordées, tout au moins de manière réaliste. Je pense au financement et à l'expertise.

En ce qui concerne le financement : pas un mot, si ce n'est à l'article 5, dans lequel est stipulé que le capital social de cette société est divisé en actions nominatives et que le canton et les communes y souscrivent. Vous avez laissé une opportunité à d'autres acteurs publics ou privés de participer au capital social, mais ils risquent d'être effrayés par l'alinéa 4, dans lequel les actionnaires s'engagent par convention et augmentent leur participation si la situation de la société le rend nécessaire.

En d'autres termes, vous voulez attirer d'autres investisseurs que les collectivités publiques seules, mais vous les avertissez de la précarité de cette société par l'obligation qu'ils ont de souscrire à une augmentation du capital-actions dans le cas où cela s'avérerait nécessaire.

En ce qui concerne l'expertise, il est cocasse de constater que la gestion de cette société est proposée à la Banque cantonale par ceux qui la critiquent. En effet, ces critiques portent surtout sur la capacité de cette banque à octroyer des crédits à des partenaires, à des entreprises maîtrisant la gestion de leur affaire et leurs risques. De toute manière, il ne nous semble pas que ce soit une bonne solution. S'il est vrai que la Banque cantonale a un rôle actif à jouer dans le cadre de la promotion économique à Genève, lui confier la gestion d'une telle société - qui serait extrêmement difficile, car la gestion du capital-risque est un métier à part entière - va au-delà de ses compétences. Cette question d'expertise ou de management est essentielle. Si nous ne la considérions pas comme telle, nous tomberions très rapidement dans ce qui pourrait être un gouffre à milliards.

En effet, dire que l'on veut promouvoir les PME est une chose, pouvoir apprécier la qualité des projets et des personnes en est une autre. Bien évidemment, l'objectif, si l'on veut que ce fonds ait une certaine efficacité et une certaine durée, est de promouvoir des entreprises sérieuses ayant des projets attractifs.

Dès lors, ces deux lacunes deviennent fondamentales. Mais, étant donné l'importance du sujet, les autorités politiques doivent réfléchir à d'autres solutions pour financer ces PME. Nous sommes intéressés, mais conscients de la simplicité hasardeuse de ce projet de loi. Toutefois, nous l'étudierons en commission, en réponse à ce légitime souhait de venir en aide aux PME.

Cependant, deux éléments me paraissent totalement incompréhensibles et j'attends que des explications soient données en commission. Premièrement, dans l'article 3, alinéa 2, lettre c), il est dit que la société investit dans des entreprises, dont les responsables ne participent pas au financement de la société. Serait-ce que l'animateur n'investirait pas dans la société et ne prendrait donc aucun risque ? Si c'était le cas, tous les risques seraient pris par l'Etat ou des actionnaires tiers. J'avoue n'avoir pas compris le fondement de cet article.

Quant à l'expression magique, utilisée par tous à propos de financement des PME : «les fonds de prévoyance», leur vocation première est de garantir leurs prestations aux assurés. A cet égard, je ne veux pas dire que le risque est forcément plus important à investir dans ce type de sociétés, plutôt que dans d'autres, immobilières ou mobilières, mais il est certain qu'une fondation n'investira dans ce genre de sociétés que si elle est convaincue de la qualité de l'expertise et du management, qui forment la «clé de voûte» de toute entreprise.

Il ne me semble pas que la gestion de ce type d'activités ou de sociétés doive dépendre du département de l'économie publique. Par contre, il me paraît essentiel d'approfondir et de réfléchir, afin qu'un tel projet ait quelques chances de succès.

M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Je partage certains propos évoqués par M. Brunschwig. Ce projet de loi doit être renvoyé en commission pour deux raisons, dont l'une découle de l'autre.

Le titre de ce projet de loi est intéressant, d'une part, parce qu'il comporte les mots «capital-risque» et, d'autre part, parce que ces mots impliquent que l'on propose un certain nombre de moyens de financement aux entreprises correspondant, par ailleurs, à un réel besoin de nos PME et PMI. Cependant, ce projet de loi est le résultat d'une analyse désuète.

Je citerai cinq points pour compléter le discours de M. Brunschwig. Premièrement, si l'on imagine qu'une société institutionnelle fait du capital-risque et réalise du bénéfice en prenant, de surcroît, des risques dans tous les domaines d'activités qui nécessitent un certain nombre de financements, on s'aperçoit que cette idée tient du délire.

En effet, aujourd'hui, les seules entreprises de capital-risque qui réussissent et obtiennent un certain nombre de résultats sont très spécialisées dans un secteur d'activités bien spécifiques. Si on prend l'exemple du domaine informatique, une telle société, pour qu'elle ait des chances de réussite, devra se spécialiser dans le domaine du hardware, du logiciel ou dans celui du réseau. Pour être capable de juger les risques à prendre dans certains projets, il faut de la pertinence et une certaine compétence.

Deuxièmement, vous parlez de concentration géographique. Cet élément est négatif, car Genève est un bassin trop limité. Nous l'avions déjà constaté dans le cadre du projet Genilem. Par conséquent, pour qu'il ait des chances de réussite, il convient de le réaliser à l'échelle romande, au minimum.

D'autre part, à l'article 7, la Banque cantonale est mentionnée comme gestionnaire potentiel. Si cette dernière dispose d'un certain nombre de moyens pour garantir le capital, je doute fort qu'elle ait la compétence nécessaire pour évaluer les risques et définir si un financement est possible. Monsieur Ducommun, je ne dis pas que la Banque cantonale est incompétente, mais que ses compétences sont essentiellement liées à la finance et à la banque.

M. Daniel Ducommun. C'est sous-entendu ! (Rires.)

M. Jean-Claude Vaudroz. Ensuite, la composition du conseil d'administration, dont vous parlez à l'article 9, m'étonne. Celui-ci est représenté presque uniquement par des politiques et aucune allusion n'est faite à un profil de compétences pour traiter le capital-risque.

Mais le point le plus étonnant de votre projet de loi, également évoqué par mon collègue Brunschwig, est celui mentionné à l'article 3, lettre c, dans lequel vous dites que les responsables ne participent pas au financement de la société.

Une voix. Vous n'avez pas compris !

M. Jean-Claude Vaudroz. Je n'ai peut-être pas compris, mais vous m'expliquerez tout cela en commission, où ce projet de loi sera probablement annulé et sa base reconstruite. Ce concept est contraire à tout développement de management dans nos entreprises. Or, il me semble que, au contraire, il faut tendre à son implication. L'implication des travailleuses et travailleurs dans la dynamique de l'entreprise, leur association à cette prise de risques servent à les responsabiliser et à obtenir un engagement total de leur part : véritable garant de la réussite d'une entreprise.

En conclusion, ces mots «capital-risque», mentionnés dans le titre, me paraissent garantir l'intérêt de ce projet qui tente de répondre à un besoin urgent de nos PME et PMI et justifient la décision du parti démocrate-chrétien d'accepter son renvoi en commission.

Les auteurs de ce projet de loi font la démonstration de la différence fondamentale qui existe entre nos deux bords; d'un côté les praticiens et d'un autre les théoriciens, ou, plus simplement, ceux qui ont les pieds sur terre et ceux qui ont la tête dans les étoiles !

Des voix. Bravo !

La présidente. Je rappelle que nous sommes en débat de préconsultation. Un temps de parole de cinq minutes est imparti à une personne par parti.

M. Pierre Kunz (R). Pourquoi faudrait-il refuser une bonne idée au seul prétexte qu'elle provient de gens, dont on sait qu'ils ont généralement et globalement tort dans leur pensée et dans leur action politique ? (Rires.)

Disons-le clairement, les radicaux ne sont pas mécontents de l'initiative prise par nos collègues socialistes de déposer ce projet de loi. Ce dernier est intéressant dans le sens qu'il s'attaque à la problématique majeure des PME, à savoir leur insuffisance chronique de fonds propres, qui est due surtout - il convient de le dire honnêtement - à une mauvaise habitude prise par une grande partie de ces entreprises, consistant à recourir avec excès aux fonds empruntés et qui met aujourd'hui ces PME, sous-capitalisées et surendettées, en situation délicate face à leurs banquiers qui sont devenus tout à coup plus exigeants. Il s'agit pour les PME, et les PMI en particulier, de renforcer leurs fonds propres, ce à quoi vise le projet de loi.

L'économie de marché a parfois besoin d'un sérieux coup de pouce de l'Etat. En l'occurrence, si l'Etat entend vraiment aider les PME, il s'agit pour lui de réveiller l'épargne, une épargne abondante, et de favoriser par des mesures concrètes son investissement dans les PME. Une intervention vigoureuse de l'Etat est nécessaire, qui doit se matérialiser par la création de ce que le Conseil économique et social a appelé : «banque pour les PME» et que nos collègues socialistes appellent : «SA de capital-risque», mais que nous préférons qualifier tout simplement et d'une manière plus précise : «fonds d'investissement dans les PME». Un fonds alimenté, en partie seulement, par les deniers publics, mais financé surtout par les investisseurs institutionnels - il faut y croire - et privés.

Contrairement aux banques traditionnelles, ce fonds ne servira pas seulement à éviter les risques mais également à les gérer et à faire une analyse soigneuse et dynamique des risques, puis à en tirer parti.

A notre avis, ce projet de loi ouvre une voie intéressante. Par contre - et cela a déjà été relevé - il est plus que discutable dans les moyens concrets qu'il propose. A ce niveau, il cède - et cela n'étonnera personne - beaucoup trop au réflexe centralisateur, bureaucratique et étatique des auteurs du projet de loi. De grâce, laissons la Banque cantonale en dehors de la gestion de ce fonds ! Il s'agit d'une banque traditionnelle qui doit répondre à bien d'autres besoins que ceux du capital-risque. Par dessus tout, ne faisons pas du conseil d'administration de ce fonds un lieu de semi-retraite pour des politiciens en mal d'honneurs et de jetons de présence ! (Rires.)

Par conséquent, il s'agira de repenser complètement ce projet de loi en commission. Les radicaux s'associeront volontiers à ce travail et y apporteront une contribution positive.

M. David Hiler (Ve). Silence ! (Rires.)

La présidente. Vous avez la parole, Monsieur Hiler !

M. David Hiler. Vous êtes sûre ?

La présidente. C'est toujours un peu difficile après le repas, vous le savez bien !

M. David Hiler. M. Vaudroz, qui a l'air de bonne humeur, a dit un certain nombres de choses raisonnables. Je me plais à le souligner, parce que ce n'est pas forcément l'habitude. (Rires.) Je désire insister sur un point fondamental. (M. Vaudroz brandit un carambar.) J'adore les carambars; je passe tout de suite, mais tu m'achèteras après mon intervention, pas avant !

Dans sa forme actuelle, le projet que nous enverrons avec plaisir en commission - car il concerne un sujet important qu'il convient de traiter - n'est pas recevable en raison de son échelle géographique trop restreinte. Il conviendra de se mettre d'accord sur ce point, d'autant plus que l'on désire la création d'une société couvrant tous les secteurs. Plus le nombre de secteurs est grand et plus l'assiette géographique doit être large en raison du nombre de spécialistes à engager. Il s'agit d'une question de bon sens qui n'est pas l'apanage d'un bord ou de l'autre. Mais il est évident que, dans des domaines aussi pointus, si l'on reste à l'échelle locale, on n'obtiendra jamais les compétences suffisantes pour étudier sérieusement les dossiers. Le parti socialiste doit accepter cet argument. Sur ce dossier, comme sur d'autres, on ne peut plus raisonner à l'échelle purement genevoise, car c'est proprement «contreproduisant». Les HES en sont un exemple, mais ce n'est pas moi qui l'ai dit.

Il est vrai que la Banque cantonale peut mettre des capitaux à disposition dans une enveloppe proportionnelle à ses actions. Toutefois, il n'est pas imaginable de transformer une banque universelle qui ne couvre pas parfaitement l'ensemble des secteurs, en particulier ceux du crédit commercial, en un établissement destiné au capital-risque, extrêmement difficile à gérer en termes de compétences. Veuillez me pardonner l'expression : il n'est pas possible de lui «mettre encore cela sur le dos» ! Il conviendra donc de trouver une formule englobant les banques cantonales de toute la Suisse romande et, j'espère - ce serait la moindre des choses - un certain nombre d'établissements de Rhône-Alpes. A ces conditions, nous pourrons peut-être évoluer dans le sens des sociétés de capital-risque.

Toutefois, un petit détail persiste. Les entrepreneurs actuels ont une culture traditionnelle et, dans la norme, ils préfèrent recourir au crédit. Mais aujourd'hui, ils ont de la peine à en trouver. La raison est banale : ils ont l'impression d'avoir découvert un filon et n'ont pas envie de le partager avec un simple investisseur, au cas où l'affaire se développerait. J'espère que cet état de fait changera, mais il est inutile de nier cette réticence culturelle.

J'attire l'attention des gens qui «chantent» le capital-risque, car ce dernier exige un environnement économique et culturel assez différent de celui que nous connaissons. Il convient d'être conscients d'un certain nombre de limites qui, d'ailleurs, ne doivent pas être un prétexte pour ne rien faire, mais une manière de rappeler que d'autres soucis, notamment ceux soulevés par le Conseil économique et social dans son rapport, ne doivent pas être négligés au nom d'un certain fétichisme du capital-risque.

Une voix. Fétichisme ?

M. David Hiler. Oui, cela pourrait le devenir, car ces mots sont à la mode comme deux ou trois autres. Effectivement, il faut garder en tête le fait que le capital-risque est un dispositif parmi d'autres et que toute une série d'autres problèmes de financement des entreprises doivent être traités. Ceci n'est nullement une critique. Nous sommes donc satisfaits d'avoir une base de discussion. Nos deux principales critiques ont été exposées, et nous verrons les détails en commission.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Le projet qui vous est soumis pose un problème sérieux, réel, mais je crains une certaine confusion sur les objectifs à atteindre.

Il faut bien se mettre d'accord sur ce que représente et ce qu'exige le domaine du capital-risque, car nous ne sommes ni dans le domaine du capital-lancement ni dans celui du capital-développement. Sur quelles bases fonctionne-t-il ? Quelles sont les méthodes et les projets en cours ?

Le capital-risque n'est rien d'autre que ce qui est mis à disposition par une société poursuivant un but résolument lucratif. Elle se trouve confrontée au fait que pratiquement 70 à 80% des projets de capital-risque échouent dans le monde entier. Le but d'une société de financement de capital-risque est de réaliser un gain en capital suffisamment important pour «surcompenser» les 70% à 80% des dossiers à perte par 20 à 30% des dossiers qui aboutissent.

Cela ne peut se faire que moyennant deux conditions précises qui ont déjà été évoquées sur la base de l'expérience actuelle.

Premièrement, une société de capital-risque ne peut pas avoir une vocation généraliste. Votre projet en a une. Cela part d'une bonne intention, mais, pratiquement, c'est irréalisable. Une société de financement de capital-risque ne peut intervenir que sur des marchés ou des secteurs d'activités hautement spécialisés qui requièrent de hautes compétences.

Deuxièmement, elle ne peut intervenir que si elle s'adresse à un marché territorialement très large. Ce n'est pas le cas du projet de loi. En effet, il ne donne aucune base sérieuse quant au financement de la société. Voilà une bonne question que nous devrons étudier en commission, car là réside un des vrais problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Par ailleurs, ce projet comporte quelques bizarreries. Il faut noter que les modèles de sociétés anonymes ne sont pas pratiqués dans le domaine du financement de capital-risque; on recourt à celui des fondations. En effet, les règles du code des obligations, en matière de société anonyme, font qu'une société de capital-risque, dès qu'elle enregistre quelques pertes, doit très rapidement déposer son bilan, précisément en raison de ce ratio de 70 à 80% d'échecs et donc 20 à 30% de réussites.

Vous prétendez qu'une société de capital-risque, telle que vous l'envisagez, ne peut convenir qu'à de nouvelles entreprises qui ne seraient pas cotées en bourse. Une telle restriction est fausse et contraire à tout ce qui se fait, car, précisément, de nombreuses sociétés bénéficiant d'un financement de capital-risque sont incitées, le plus tôt possible, à se placer en bourse sur les deuxième ou troisième marchés. C'est précisément là que réside une des inadéquations fondamentales de votre projet.

Un des derniers défauts de votre projet, qui devra également faire l'objet d'une discussion très ouverte en commission, réside dans la conception politique que vous avez du conseil d'administration d'une société dont l'objectif est de financer du capital-risque.

Mesdames et Messieurs, on peut admirer les compétences des politiciens, quels que soient leur bord et leurs responsabilités. C'est ce qui fait dire à Mme Calmy-Rey que, en aucun cas, le département de l'économie ne devra être membre d'un conseil d'administration de ce type. En effet, nous n'avons pas les compétences pour ce faire. Une société de capital-risque gérée par un conseil d'administration politique conduirait, si par impossible elle devait voir le jour, à vous faire une seule recommandation : celle de demander à l'Etat de vous financer, sur son budget, de très solides assurances responsabilité civile.

Ce projet doit faire l'objet d'un débat en commission, car il traite d'un problème sérieux. Nous devons trouver des solutions pour lesquelles nous vous ferons des propositions qui seront destinées à répondre à ce problème lancinant que nous avons identifié à réitérées reprises, celui de la difficulté d'accès aux crédits pour un certain nombre de PME et de PMI.

Cette problématique est toutefois plus vaste et différente de celle du capital-risque, que vous avez suggérée dans votre projet.

Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.

PL 7457-A
8. Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat instituant une aide financière aux petites et moyennes industries. ( -) PL7457
Mémorial 1996 : Projet, 3648. Commission, 3695.
Rapport de majorité de M. Bénédict Fontanet (DC), commission de l'économie
Rapport de minorité de M. Bernard Clerc (AG), commission de l'économie

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

1. Généralités

Le projet de loi 7457 a été déposé par le Conseil d'Etat en date du 7 mai 1996, conjointement avec les projets de loi 7453 à 7456.

Ce train de projets de loi se situe dans le cadre général de la promotion économique; il concerne tout à la fois la FIPA, l'OGCM, ainsi que la mise en place par l'Etat d'une nouvelle mesure de politique et de promotion économiques: l'aide financière aux petites et moyennes industries (PMI).

Ces différents projets ont été renvoyés à la commission de l'économie (la Commission) du Grand Conseil au début du mois de juin; ils ont pour partie déjà été traités et adoptés par notre Conseil.

Le projet de loi 7457, quant à lui, a été spécifiquement examiné par la Commission lors de ses séances des 24 juin, 26 août, 2 septembre, 16 septembre, 23 septembre et 30 septembre 1996.

Outre les commissaires, ont participé aux séances: M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat chargé du département de l'économie publique (le Département), M. Jean-Claude Manghardt, ancien secrétaire général du Département, M. Jean-Charles Magnin, chargé des affaires économiques, M. Robert Kuster, délégué à la promotion économique, ainsi que Mme Catherine Rosset, cheffe du service juridique; les procès-verbaux ont été tenus par M. Jean-Luc Constant.

Que chacun soit remercié de sa collaboration et de son soutien apportés à la Commission.

2. Le projet du Conseil d'Etat

L'un des objectifs du Conseil d'Etat en matière économique, partagé par notre Conseil, est de maintenir dans notre canton, dans toute la mesure du possible, une économie diversifiée, en insistant tout particulièrement sur le maintien et le développement à Genève d'une industrie à haute valeur ajoutée et à forte compétitivité nationale et internationale.

Malgré l'évolution très favorable des exportations nettes du canton en matière de produits industriels durant ces cinq dernières années, Genève a malheureusement dû se résoudre à un redimensionnement de son secteur secondaire qui a impliqué des restructurations, voire parfois hélas des disparitions d'entreprises, qui n'avaient pas réussi à adapter leurs activités et leurs produits aux exigences d'aujourd'hui.

Le projet de loi 7457 part donc de la prémisse selon laquelle il est indispensable, plus particulièrement en période de crise, de soutenir le pan fondamental de l'économie genevoise que constitue son secteur industriel, et plus spécifiquement les PMI qui sont, par expérience, les entreprises les plus créatrices d'emplois, de nouveaux métiers et de nouvelles qualifications.

Dans l'économie de stagnation, voire de récession que connaissent la Suisse et Genève depuis 1990, les banques, de manière générale, ont resserré de manière très stricte les conditions d'obtention, voire même la simple reconduction, des crédits octroyés aux PMI.

Aujourd'hui, celles-ci ont les pires difficultés à trouver des financements bancaires, souvent même simplement à faire en sorte que les lignes de crédit dont elles disposent soient maintenues.

Il faut constater qu'à cet égard et à de rares exceptions près, les banques ne jouent plus de manière satisfaisante le rôle qui devrait être le leur sur le marché des capitaux.

La situation est la même - l'actualité s'en est souvent faite l'illustration - s'agissant des restructurations d'entreprises ou de leur reprise par de nouveaux partenaires.

C'est pourquoi il est apparu indispensable de doter le canton d'un nouvel instrument notamment de politique économique en lui permettant de venir financièrement en aide aux PMI, afin de leur faciliter l'accès au crédit.

Le projet de loi 7457 est par ailleurs inspiré des expériences qui ont pu être réalisées par divers cantons romands, dans le cadre, entre autres, de l'application de l'«arrêté Bonny».

Le projet de loi 7457 part du postulat selon lequel l'intervention de l'Etat doit, en toute hypothèse, conserver un caractère subsidiaire, l'essentiel du financement des PMI devant continuer à être supporté par les fonds propres des chefs d'entreprises, les crédits bancaires, ainsi que par les autres modes de financement usuels.

L'aide financière soumise à vos suffrages est donc ciblée sur les PMI. Elle s'adresse tout à la fois et notamment aux entreprises nouvelles, créant des emplois fondés sur une haute qualification professionnelle et technique; elle vise aussi à aider des entreprises en cours de restructuration, afin d'éviter la disparition d'emplois, et elle permet enfin de contribuer à l'innovation, soit au progrès technologique, en aidant les chefs d'entreprises existantes qui n'auraient pas autrement les moyens de leurs ambitions.

L'aide financière prévue par le projet de loi revêt deux formes:

a) le cautionnement, afin de faciliter le financement d'investissements nouveaux par un établissement financier;

b) la contribution au service de l'intérêt payé par l'entreprise à sa banque, au titre des crédits d'investissement qu'elle a souscrits.

De tels instruments sont adaptés aux besoins des entreprises, l'accent pouvant être porté alternativement ou cumulativement sur l'aspect «accès au financement», ou sur l'aspect «coût du financement».

Les décisions d'aide seront prises, en fin de compte, par le Conseil d'Etat, suivant une procédure similaire à celle existant pour les allégements fiscaux; ces décisions seront toutefois soumises au préavis d'une commission consultative constituée d'experts connus pour leurs compétences dans les matières concernées.

Il va aussi de soi que l'Etat devra être tenu régulièrement informé de l'évolution de la situation, que ce soit par l'entreprise bénéficiaire de l'aide ou encore par les établissements financiers au profit desquels des cautionnements sont consentis, respectivement des contributions au service de l'intérêt payées, l'Etat devant être mis en situation, le cas échéant, de prendre les mesures correctives nécessaires suffisamment tôt.

Pour ce qui est des incidences budgétaires, le projet de loi 7457 propose un engagement total en matière de cautionnements s'élevant à 30 000 000 F, représentant une charge annuelle limitée pour le budget de l'Etat, puisque, grâce à une mise en réserve systématique de 2 000 000 F par an sous forme de provision dès la première année, le coût total de l'aide aux PMI ne devrait pas dépasser 3 000 000 F par an, montant qui comprend la somme de 1 000 000 F inscrite au budget pour couvrir les contributions au service de l'intérêt.

3. Les travaux de la Commission

3.1. Le débat d'entrée en matière

La Commission a tout d'abord débattu sur le mode de travail qu'elle entendait adopter.

En effet, notre Grand Conseil, puis la Commission ont été saisis successivement de deux autres projets relatifs à la même problématique, à savoir le projet de loi 7404 «instituant une aide aux PMI» de MM. les députés Christian Grobet, Bernard Clerc et Jean Spielmann, ainsi que du projet de loi 7443 «en faveur du développement de l'économie et de l'emploi» de Mmes et MM. les députés Fabienne Blanc-Kühn, Micheline Calmy-Rey, Pierre-Alain Champod, Fabienne Bugnon, David Hiler, Max Schneider, Bernard Clerc, René Ecuyer, Roger Beer, Michèle Wavre-Ducret, Jean-Claude Genecand et Philippe Schaller.

Une première discussion s'est donc tenue sur les objectifs poursuivis par les projets de loi 7404 et 7443 en relation avec le projet de loi 7457, puis un large débat de préconsultation a eu lieu sur le rôle de l'Etat dans l'économie, sur quelles entreprises peuvent le cas échéant faire l'objet d'une aide étatique, ainsi que sur le type d'aide que peut donner l'Etat et les moyens dont il doit disposer à cet effet.

Ont été en particulier évoquées les questions de savoir si le secteur tertiaire doit être concerné ou non, ou encore si les communes doivent participer aux mesures susceptibles d'être mises en place.

Lors de sa séance du 9 septembre 1996, la Commission a décidé de laisser en suspens l'examen des projets de loi 7404 et 7443, d'un objet plus large, et de traiter exclusivement le projet de loi 7457, plus ciblé.

Il a été entendu à cette occasion que les projets de loi 7404 et 7443 seront traités ultérieurement, l'idée consistant à ne pas allonger inutilement les débats, alors qu'un projet spécifique aux PMI est en mesure d'être voté rapidement et paraît a priori ne pas poser de problèmes particuliers.

Cela étant, l'entrée en matière sur le projet de loi 7457 a été acquise à l'unanimité des commissaires présents.

Pour le surplus, la plupart des dispositions de la loi ont fait l'objet d'un débat nourri et de diverses propositions d'amendements(s) qui sont reprises de manière succincte dans le présent rapport.

3.2. L'examen du projet article par article

A l'article 1, M. Bernard Clerc (Adg) a proposé un amendement consistant à remplacer le terme «industries» par «entreprises», ce qui aurait eu pour effet d'élargir les effets du projet de loi 7457 au secteur tertiaire.

A l'exception des représentants de l'Adg, cette proposition d'amendement a été refusée par tous les autres groupes, le représentant des Verts s'étant toutefois abstenu.

La majorité de la Commission estime en effet qu'il y a lieu de cibler le projet de loi 7457 sur les PMI, soit sur les activités industrielles ou assimilées, voire encore sur les entreprises ayant un lien très étroit avec l'industrie (par exemple, fabricants de logiciels); l'extension du projet au secteur tertiaire aurait par ailleurs eu pour effet de le rendre difficilement gérable.

Lors de l'examen de l'article 2, les députés Armand Lombard (L) et Bernard Clerc (Adg) ont regretté que le projet de loi 7457 ne contienne aucune mesure susceptible d'aider les entrepreneurs à se constituer des fonds propres et que la proposition du Conseil d'Etat se contente de garantir les prêts octroyés par des établissements financiers, l'Etat donnant plus l'impression d'aider les banques que les entrepreneurs.

Néanmoins, aucune proposition d'amendement n'a été formulée à cet égard dans le cadre de l'étude de cette disposition.

Sur proposition de M. David Hiler (Verts), la commission a accepté à l'unanimité d'ajouter une lettre e à l'article 2 qui a pour effet que l'Etat ne peut pas aider les entreprises qui causeraient des atteintes graves à l'environnement.

M. David Hiler a suggéré un deuxième amendement, consistant à rajouter une lettre f à la même disposition, qui aurait pour effet que l'aide ne pourrait pas être donnée à une entreprise fabriquant des armements ou des produits destinés à l'industrie de l'armement.

Cette proposition a été rejetée par six voix pour (3 Adg, 2 S, 1 Ve), six contre (3 L, 2 DC, 1 R) et une abstention (1 R).

L'article 3, lettre a, a quant à lui fait l'objet de nombreuses demandes d'amendement, dont les principales seront rappelées ci-après.

M. Armand Lombard(L).

Cette proposition a été acceptée à l'unanimité.

A la lettre b du même article 3, M. Armand Lombard a invité la Commission à remplacer les termes «crédits d'investissement» par «crédits investis», cette notion pouvant comprendre les fonds investis par l'entrepreneur lui-même, voire par ses proches, et non pas les seuls crédits octroyés par un prêteur-«tiers».

Cet amendement a été refusé par deux voix pour (1 Adg, 1 L), six contre (1 R, 2 DC, 3 L) et trois abstentions (2 S, 1 Ve), pour l'essentiel au motif que le but du projet et de permettre à une PMI de trouver des financements classiques, et non pas de se substituer en quelque sorte à l'entrepreneur.

M. David Hiler(Ve).

Cette suggestion a été acceptée à l'unanimité (moins deux abstentions libérales), l'idée étant que la notion de crédits d'investissement est plus large et que de tels crédits peuvent être octroyés par d'autres entités que les banques à proprement parler.

M. Bernard Clerc.

A l'exception des représentants de l'Adg, l'ensemble des commissaires s'est opposé à cet amendement.

Une telle proposition aurait eu pour conséquence de mettre l'Etat dans la situation d'un établissement prêteur, ce qui aurait le double inconvénient, d'une part, de mettre à néant l'effet multiplicateur voulu par la loi (le cautionnement ne peut porter que sur un tiers du crédit d'investissement) et, d'autre part, de faire en sorte que l'Etat servait dès l'abord dans la situation d'un créancier direct de l'entreprise, comme un banquier, sans en avoir les moyens, notamment s'agissant du contrôle de l'activité de l'entreprise, sans parler de la problématique «philosophique» ainsi posée.

A l'article 4, la Commission a décidé à l'unanimité qu'il n'y avait pas lieu de limiter les cautionnements à ceux émis en faveur des seules banques, mais qu'il convenait de parler «d'entités financières», afin d'être moins limitatif.

Pour ce qui est de l'article 6, portant sur la prise en charge d'une partie des intérêts par l'Etat, certains se sont interrogés sur le fait de savoir si une telle mesure était légitime, et s'il ne s'agissait pas d'une pure subvention incompatible avec une saine économie de marché (MM. Nicolas Brunschwig, L, et Pierre Kunz, R).

D'autres craignaient qu'une telle mesure ne soit contre-productive et n'aboutisse en fin de compte à ce que les banques exigent des intérêts plus élevés (Mme Claire Chalut, Adg).

A ce sujet, M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat, a insisté sur le fait que l'Etat n'utiliserait cette faculté que de manière parcimonieuse, ce d'autant que le budget prévu à cet effet est limité à 1 000 000 F par an.

Mme Marie-Françoise De Tassigny(R).

Cette proposition a été rejetée par la Commission par sept voix pour (4 L, 1 DC, 2 R) et sept contre (1 DC, 3 Adg, 2 S, 1 Ve).

M. Bernard Clerc.

La majorité de la Commission a rejeté cet amendement, considérant que les dispositions de l'article 8 du projet de loi du Conseil d'Etat suffisent, et que l'Etat, sous la houlette du Département n'allait pas aider des chefs d'entreprises «riches» ou trop «généreux» avec eux-mêmes, ou encore ne respectant pas leurs obligations conventionnelles.

Il sied de rappeler que le projet de loi 7457 est à l'évidence destiné aux chefs d'entreprises qui, bien que croyant dur comme fer à leur(s) projet(s), n'ont pas ou peu de moyens financiers, et qui ne réussissent pas à se financer de manière usuelle sur le marché des capitaux, ce qui, à l'évidence, ne devrait pas être le cas d'un entrepreneur «riche».

La première proposition de M. Bernard Clerc (respect des conventions collectives) est refusée par trois voix (3 Adg), neuf contre (4 L, 2 DC, 2 R, 1 Ve) et deux abstentions (2 S).

Quant à sa deuxième proposition (contrôle des revenus du chef d'entreprise), celle-ci est rejetée par quatre voix pour (3 Adg, 1 S), huit contre (4 L, 2 DC, 2 R,) et deux abstentions (1 S, 1 Ve).

Sur le texte de l'article 7 tel que proposé par le Conseil d'Etat, M. Bernard Clerc a suggéré de rajouter un alinéa 2 prévoyant que les partenaires sociaux doivent être représentés dans la commission consultative préavisant les dossiers soumis au Conseil d'Etat.

Cette proposition a été rejetée par six voix pour (3 Adg, 2 S, 1 Ve) et huit contre (4 L, 2 DC, 2 R), la majorité des commissaires ayant surtout eu pour souci d'éviter de politiser les dossiers.

Quant à M. David Hiler (Ve), il a proposé que l'on puisse nommer au sein de la commission consultative de préavis, un spécialiste de l'environnement, suggestion acceptée à l'unanimité, tout comme celle du Département consistant à désigner des suppléants.

M. Pierre Kunz(R).

Pensant qu'une telle décision doit rester une compétence collective, car elle peut impliquer d'autres Départements (Finance et Travaux publics), la Commission a décidé de maintenir l'alinéa 4 de l'article 7 tel qu'il figure dans le projet du Conseil d'Etat par douze voix contre deux (1 R, 1 Ve).

A l'article 11 du projet, certains commissaires se sont demandés si la loi ne doit pas prévoir qu'elle ne s'applique plus dans l'hypothèse où, par exemple, le taux de chômage dans le canton serait inférieur à 1%.

En fin de compte, chacun était d'accord pour considérer qu'il est très difficile de fixer une telle limite, et préférable de prévoir que la loi ferait l'objet d'une évaluation cinq ans après son entrée en vigueur, ce qui a amené l'introduction de deux nouveaux alinéas à l'article 13, à l'unanimité de la Commission.

Sur proposition du Département, la Commission a décidé à l'unanimité d'introduire un nouvel article 12 dans la loi, s'agissant du rappel de certaines mesures fiscales susceptibles d'être prises (moins trois abstentions de l'Alliance de gauche, il est vrai).

3.3. Le vote sur l'ensemble du projet

En conclusion et de manière générale, la plupart des votes ont fait l'objet d'un large consensus; il n'y a eu que peu de véritables clivages, les commissaires ayant tous à coeur de prendre leurs responsabilités face à une situation économique difficile qui implique la mobilisation de chacun, notamment sur le front de l'emploi.

Le vote sur l'ensemble du projet a été le suivant:

- onze oui (4 L, 2 DC, 2 R, 2 S, 1 Ve);

- trois abstentions (3 Adg);

- pas d'opposition.

Voici, Mesdames et Messieurs les députés, les raisons pour lesquelles la Commission de l'économie vous invite à adopter le projet de loi 7457 tel qu'il ressort de ses travaux.

4. Commentaire succinct article par article

Article 1er

Ainsi que cela a déjà été exposé, le projet vise les PMI de même que les autres entreprises dans la mesure où elles sont liées à l'industrie de manière décisive. Celles-ci doivent avoir un impact sur la création ou le maintien d'emplois et avoir leur siège ou une succursale dans le canton; l'aide est subsidiaire en ce sens que, prioritairement, le financement doit intervenir par les moyens usuels (crédits notamment bancaires, fonds propres, etc.).

Article 2

Pour bénéficier de l'aide, l'entreprise doit être nouvelle ou de création récente; une restructuration peut être assimilée à une entreprise nouvelle; il en va de même d'une entreprise existante menant un programme de diversification.

La lettre d a été modifiée pour préciser plus clairement que l'entreprise soutenue doit être en mesure de s'assurer de la sorte un avantage compétitif visiblement identifiable sur le marché national ou international.

Article 3

Afin d'élargir les sources possibles de crédit, la lettre b de l'alinéa 2 fait référence à des contributions au service de l'intérêt des crédits d'investissements, et non plus uniquement aux seuls crédits bancaires proprement dits; cette extension de l'origine possible des fonds devrait permettre de soutenir des projets, en participant notamment en paiement d'intérêts de prêts provenant d'autres sources que les banques.

Il ne s'agit en revanche pas d'apporter une aide au financement par des fonds propres mis à disposition de l'entreprise, ni encore de payer des intérêts sur tels fonds propres, ou sur des fonds qui pourraient leur être assimilés.

Article 4

Selon cette disposition, l'effort consenti pour financer un projet doit être conjoint; il doit en principe être réparti en trois, soit entre l'entrepreneur, le cas échéant la banque et l'Etat, celui-ci intervenant essentiellement pour faciliter l'accès au crédit et le rendre moins cher.

La modification intervenue à la lettre b de l'alinéa 2 vise à élargir les sources possibles de crédits. Les termes «banques établies à Genève» sont par conséquent élargis par l'ajout de la formulation «une autre entité financière compétente en matière industrielle».

Tout projet susceptible de faire l'objet d'un cautionnement devra par ailleurs avoir préalablement été examiné par l'établissement qui octroie le crédit.

Article 6

La contribution au service de l'intérêt étant en réalité une sorte de subvention dont l'Etat doit faire un usage parcimonieux, il est nécessaire d'en limiter la durée dans le temps. Il s'agit d'une faculté qui doit avant tout permettre d'aider une entreprise qui connaît, lors de sa création ou de sa restructuration, des problèmes de trésorerie.

Cette aide vise à réduire les charges et à favoriser un projet qui sera de nature à créer des emplois; elle doit servir en quelque sorte de levier.

Article 7

Afin de permettre un fonctionnement efficace de la commission consultative de préavis, l'alinéa 2 de cet article introduit la faculté de désigner des suppléants; cette commission devrait aussi pouvoir siéger dans une composition plus restreinte.

Article 8

Le bénéficiaire d'un cautionnement de l'Etat ou de la prise en charge d'une partie de ses intérêts, doit donner au Département tous les renseignements nécessaires, afin que l'Etat soit en mesure d'intervenir le plus rapidement possible et prendre les mesures de soutien nécessaires à bref délai, et ce, en pleine connaissance de cause; il s'expose autrement à des sanctions (articles 9 et 10).

Article 11

Cette disposition précise les différents engagements financiers que l'Etat va prendre dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi, leurs limites et leurs modalités.

Article 12

Ce nouvel article vise, d'une part, à rappeler une partie des compétences qui sont celles du Conseil d'Etat en matière d'exonérations fiscales et, d'autre part, à inciter à la création de structures destinées à soutenir le développement de l'innovation technologique (capital-risque).

Article 13

Le but de cette disposition est de permettre l'évaluation de la loi au terme de 5 ans d'application, afin d'en analyser et d'en mesurer les effets notamment sur le maintien et/ou la création d'emplois.

PROJET DE LOI

instituant une aide financière aux petites et moyennes industries

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La présente loi a pour but d'encourager par une aide financière subsidiaire la réalisation de projets proposés par de petites et moyennes industries domiciliées dans le canton qui ont un impact sur la création ou le maintien des emplois.

Art. 2

L'aide peut être accordée aux entreprises qui remplissent les conditions cumulatives suivantes:

a) l'entreprise est industrielle, ou ses services sont en relation directe avec un processus de production industriel;

b) elle est nouvelle ou de création récente et prévoit une croissance marquée. Est également nouvelle l'entreprise qui conduit un programme de restructuration ou de diversification de nature ou d'ampleur telle qu'elle peut y être assimilée;

c) elle est innovatrice, que ce soit en matière de recherche et de développement, de technologie, de produit ou de processus, de marketing ou d'organisation;

d) elle vise à s'assurer un avantage compétitif clairement identifiable sur le marché national ou international;

e) son activité ne porte pas atteinte grave à l'environnement.

Art. 3

1 L'aide financière est subsidiaire aux sources de financement usuelles et porte uniquement sur les projets d'investissement.

2 Elle peut revêtir les formes suivantes:

a) cautionnements en principe solidaires pour garantir des crédits d'investissements;

b) contributions au service de l'intérêt des crédits d'investissements.

3 Les deux formes d'aide financière peuvent être soit cumulées soit être accordées séparément.

Art. 4

1 Le cautionnement des crédits d'investissements ne peut dépasser un tiers du coût total du projet.

2 Il est accordé aux conditions suivantes:

a) les fonds propres investis couvrent, en règle générale, au moins un tiers du coût total du projet;

b) le projet est accepté par une banque établie à Genève et qui en a examiné la viabilité ou par une autre entité financière compétente en matière industrielle;

c) l'établissement prêteur, en règle générale, accorde, sur la part des crédits cautionnés, une réduction du taux de l'intérêt.

Art. 5

Les engagements par cautionnements peuvent être contractés pour 10 ans au plus.

Art. 6

1 L'Etat peut contribuer au service de l'intérêt des crédits accordés à une entreprise jusqu'à concurrence de la moitié du taux d'intérêt appliqué par l'établissement prêteur.

2 Cette contribution est accordée pour une durée de 10 ans au plus et aux mêmes conditions que celles fixées à l'article 4, alinéa 2, lettres a et b.

Art. 7

1 Le dossier déposé par le requérant ou son représentant est structuré selon les exigences du département chargé d'appliquer la présente loi (ci-après: département).

2 Le département soumet le dossier au préavis d'une commission consultative composée de 7 membres au plus et d'autant de suppléants, choisis pour leurs compétences en matière de gestion d'entreprise, de financement, de technologies avancées, d'environnement, de marketing ou d'autres domaines en relation avec l'industrie.

3 La commission se fonde, pour donner son préavis, sur la probabilité de réussite du projet.

4 Le dossier est ensuite transmis au Conseil d'Etat muni du préavis du département.

5 La décision du Conseil d'Etat est définitive; elle n'est pas susceptible de recours.

Art. 8

1 Le requérant est tenu de collaborer à l'instruction du dossier et de fournir au département tout renseignement relatif à l'aide sollicitée.

2 Il autorise en tout temps l'établissement prêteur à donner les renseignements nécessaires lorsque le département le demande; il lui permet de consulter ses livres et tout autre document utile.

3 Le bénéficiaire de l'aide est tenu de renseigner régulièrement, mais au moins une fois par an, le département sur la marche des affaires.

4 Le bénéficiaire ou l'établissement prêteur sont également tenus de renseigner sans délai le département de tout changement important mettant en cause la croissance, la rentabilité, la liquidité ou le financement de l'entreprise, ainsi que les rapports de propriété du capital.

Art. 9

En cas d'infraction à l'obligation de renseigner, le département peut refuser l'aide ou exiger la restitution des prestations fournies.

Art. 10

1 Lorsque le département aura été induit en erreur par des informations inexactes ou par la dissimulation de faits ou lorsqu'il y a tentative de l'induire en erreur, toute forme d'aide sera refusée ou retirée; la restitution des prestations fournies sera exigée.

2 La poursuite des infractions tombant sous le coup de la loi pénale est réservée.

Art. 11

1 Les engagements totaux de l'Etat sur cautionnement selon les conditions mentionnées à l'article 4, alinéa 1, ne peuvent pas dépasser 30 millions de francs.

2 Une provision, inscrite au passif du bilan, est constituée afin de couvrir les pertes sur cautionnement. Chaque année, avec les comptes, un tableau présentera l'utilisation qui en aura été faite.

3 Dès 1997, une dotation annuelle de 2 millions de francs à ladite provision est inscrite au budget de fonctionnement.

4 Il est inscrit au budget de fonctionnement dès 1997 un montant pouvant atteindre 1 million de francs servant à la contribution au service de l'intérêt selon les modalités fixées à l'article 6.

Art. 12

En application de l'article 9 de la loi sur l'imposition des personnes morales, le Conseil d'Etat peut exonérer de l'impôt les institutions, en particulier les fondations, dont le bénéfice et le capital sont affectés au développement de l'innovation technologique.

Art. 13

1 Le Conseil d'Etat est chargé de l'exécution de la présente loi.

2 Cinq ans après son entrée en vigueur, la présente loi fait l'objet d'une évaluation par le Conseil d'Etat, portant notamment sur ses effets sur l'emploi et sur le tissu industriel.

3 Le rapport du Conseil d'Etat est soumis au Grand Conseil.

RAPPORT DE LA MINORITÉ (Alliance de gauche)

Un récent article de presse sous le titre «La Suisse figure parmi les pays qui soutiennent le moins les PME» mettait en évidence que, de tous les pays européens, la Suisse figurait en queue de peloton pour l'aide aux PME. L'Observatoire européen des PME indique, dans cet article, que la Suisse présente un taux de création de PME peu élevé en comparaison européenne alors que les petites entreprises jouent un rôle stabilisateur sur l'emploi.

Dans ce contexte, et alors que notre canton a perdu 35 000 emplois depuis 1991, le Conseil d'Etat a attendu cinq ans avant de proposer un projet de loi minimal en matière d'aide aux PME et à la création d'emplois. Le projet du Conseil d'Etat est d'ailleurs postérieur à celui déposé par l'Alliance de gauche voici bientôt un an. Les raisons de cet attentisme sont à rechercher tout d'abord, comme nous avons eu l'occasion de le souligner à plusieurs reprises, dans une analyse erronée de la crise économique actuelle: après une courte période de récession la croissance était censée revenir et résoudre le problème du chômage. La seconde raison tient au dogme néolibéral répugnant à une intervention de l'Etat dans les mécanismes économiques, le marché étant censé répondre par lui-même aux besoins de la population. La réalité finissant par s'imposer, le Conseil d'Etat a donc été contraint d'envisager un certain nombre de mesures par le biais du projet de loi que nous débattons aujourd'hui.

En ce qui nous concerne, l'aide aux petites et moyennes entreprises constitue un outil pour atteindre un but primordial: la création d'emplois. C'est par ce biais là que nous parviendrons, entre autre, à agir sur le chômage, plus précisément en amont du traitement social du chômage. Chacun sait que le tissu économique dans notre pays est constitué principalement de petites et moyennes entreprises avec une définition quantitative en terme d'emploi d'ailleurs bien inférieure à celle utilisée dans les autres pays européens. Il est bon de rappeler qu'à Genève plus de 80% des entreprises offrent moins de 9 emplois. Les entreprises ayant moins de 50 emplois représentent les 45% des emplois du canton.

Un projet minimal

Le projet de loi du Conseil d'Etat, tel qu'il ressort aujourd'hui des travaux de la commission, ne répond pas aux exigences du moment. Certes il constitue un pas en avant, mais bien modeste, en regard de l'absence de moyens à disposition si l'on fait exception des mesures fiscales et de celles relatives aux terrains industriels.

La première limite de ce projet est de ne s'adresser qu'aux petites et moyennes entreprises industrielles. Lorsqu'on sait que le secteur secondaire, toutes entreprises confondues, ne représente plus dans notre canton que les 18% des emplois on s'aperçoit immédiatement que le champ d'intervention est particulièrement restreint. Loin de nous l'idée de ne pas soutenir le secteur industriel dès lors que nous avons toujours considéré qu'il y a un déséquilibre certain dans notre canton entre le secteur tertiaire et le secteur secondaire. Cependant si l'on souhaite véritablement favoriser les nécessaires créations d'emplois, force est de constater qu'il faut élargir le champ d'intervention de la loi. L'argument selon lequel cet élargissement à tous les secteurs économiques risque de susciter une multitude de demandes ou encore entraînerait des soutiens à des établissements qui n'en ont pas besoin n'est pas pertinent. Tout d'abord la loi ne prévoit pas un droit aux formes d'aide prévues. Ensuite les critères d'attributions font que les mesures ne peuvent être accordées qu'aux entreprises nouvelles ou de création récente qui font preuve d'innovation et qui rencontrent des difficultés de financement. Enfin la commission consultative est là pour effectuer un tri des demandes et par conséquent écarter celles qui sont infondées.

La deuxième insuffisance réside dans les formes de l'aide. Si nous sommes favorables aux cautionnements pour garantir des crédits d'investissements ainsi qu'aux contributions pour le service de l'intérêt des crédits accordés, nous estimons que ces mesures ne permettent pas de répondre aux besoins en matière de création de nouvelles petites entreprises dès lors que ces dernières rencontrent de grandes difficultés à rassembler les fonds propres nécessaires au déclenchement des mécanismes de financement. C'est pourquoi nous proposons d'élargir les moyens d'action par la possibilité d'octroyer des prêts sans intérêts ou à un taux d'intérêt réduit. Chacun sait qu'aujourd'hui les établissements bancaires ne s'intéressent plus - sauf exception - au financement des petites et moyennes entreprises. Il est dès lors normal que l'Etat prenne des mesures d'incitation.

Une aide sans contrepartie

La troisième limite de ce projet de loi est l'absence de conditions qui nous paraissent indispensables si l'on souhaite d'une part favoriser des emplois assurant une rémunération correcte et d'autre part un contrôle minimum de l'utilisation de l'aide apportée par l'Etat. En ce qui concerne le premier point, nous ne pouvons admettre qu'une entreprise bénéficiant des mesures prévues par la loi ne respecte pas, en matière salariale, les normes prévues par les conventions collectives ou, à défaut, les salaires en usage dans la branche. Il serait pour le moins choquant que l'aide de l'Etat favorise le dumping salarial. De même, dans sa formulation actuelle, le projet de loi n'empêche nullement le ou les dirigeants de l'entreprise ou encore les détenteurs du capital d'absorber la substance de l'entreprise en s'octroyant soit des salaires soit des dividendes sans rapport avec sa capacité économique.

Enfin nous aurions souhaité que les partenaires sociaux soient associés à la commission consultative prévue à l'article 7 de la loi, en leur laissant la possibilité de désigner chacun un expert à cette commission dans le but de tenir compte, au niveau du préavis, de facteurs socio-économiques qualitatifs nécessaires à l'économie cantonale. A noter d'ailleurs que la composition prévue de la commission fera que les milieux patronaux y seront «naturellement» représentés, ce qui ne sera pas le cas des organisations syndicales.

Conclusions

L'Alliance de gauche vous soumet des amendements dans le but d'élargir le champ d'application de la loi et son efficacité.

Article 1: Nous proposons de supprimer le mot «industries». Par cet amendement nous élargissons le champ d'application en permettant à toutes les entreprises, qu'elles appartiennent au secteur primaire, secondaire ou tertiaire de bénéficier des mesures prévues. Le critère de sélection n'étant pas le secteur économique mais bien qu'elles soient innovatrices et créatrices d'emplois, bref qu'elles remplissent les conditions prévues à l'article 2.

Article 3: Nous proposons de compléter les mesures prévues à l'alinéa 2 par une lettre c permettant l'octroi de prêts selon la formulation suivante:

c) octroi de prêts sans intérêts ou à un taux d'intérêt réduit

Cette forme d'aide a pour objectif de permettre d'enclencher les mécanismes de financement à l'intention des nouvelles entreprises qui ne disposent pas des fonds propres suffisants.

Article 7 (nouveau):

1. Les aides prévues par la présente loi sont accordées sous réserve du respect par le bénéficiaire des salaires conventionnels ou en usage.

2. Le Conseil d'Etat apprécie le niveau admissible des revenus retirés par les propriétaires ou les dirigeants de l'entreprise.

Nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous accorderez un bon accueil à ces propositions d'amendement dans le but de faire de cette loi d'aide aux PME un instrument efficace en vue de la création d'emplois dans notre canton.

Premier débat

M. Bénédict Fontanet (PDC), rapporteur de majorité. Je dois tout d'abord corriger une coquille à la page 2, troisième paragraphe. Il faut lire : «que chacun soit remercié pour sa collaboration». Il m'arrive encore de savoir parler et écrire en français, même si c'est parfois difficile !

Ce projet de loi, qui revient ce soir suite aux travaux de la commission de l'économie, part du postulat qu'il est difficile pour les petites et moyennes industries de trouver des financements bancaires pour développer leurs activités ou procéder à des opérations de restructuration ou de rachat.

La législation genevoise, contrairement à d'autres cantons, ne connaissait pas ce type d'aide. Il vous est donc proposé d'introduire des mesures permettant à l'Etat de cautionner des prêts accordés aux entreprises par des établissements bancaires. Il pourrait contribuer ainsi au service de l'intérêt de prêts octroyés par les banques pour des montants globaux de l'ordre de 30 millions, s'agissant de cautionnements, et de 1 million par an, pour le service de l'intérêt.

Pour le reste des débats de la commission, je m'en référerai au rapport que j'ai déposé au nom de la majorité. Les points de discussion les plus importants sont les suivants.

Il s'agit de déterminer si l'on souhaite limiter au secteur secondaire ce type d'aide.

Il s'agit également de définir s'il faut aller au-delà du cautionnement d'une partie des prêts et envisager de participer à la constitution des fonds propres de l'entreprise. La réponse de la commission est négative pour des raisons que nous examinerons ultérieurement dans le cadre des demandes d'amendements.

Enfin, il s'agit de déterminer si l'Etat doit octroyer directement des crédits aux entreprises. La majorité de la commission s'y est refusée également, préférant un système dans lequel soit on garantit une partie du crédit, afin d'inciter un établissement bancaire à prêter de l'argent à une entreprise, soit on donne un coup de main pour le payement des intérêts bancaires, afin de trouver un financement meilleur marché.

Je vous invite à réserver un bon accueil à ce projet.

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur de minorité. On peut lire dans l'estimé «Journal de Genève» d'aujourd'hui que les retards pris par le parlement étaient dus en bonne partie à l'Alliance de gauche... En ce qui concerne le projet de ce soir ce n'est évidemment pas le cas. En effet, mon rapport de minorité a été déposé au début du mois d'octobre. Mais il a fallu attendre le mois de janvier pour que notre estimé rapporteur de majorité dépose le sien, alors que partout l'on clame qu'il est urgent d'agir en faveur des entreprises et de l'emploi !

Après ce préambule, j'aimerais en venir à l'essentiel de ce projet qui écorne quelque peu le dogme libéral de non-intervention de l'Etat dans l'économie. Mais la réalité de la crise économique et son cortège de disparitions d'emplois ont fini par contraindre les plus réticents à intervenir.

Cette intervention est pour le moins modeste. Elle permettra au mieux des engagements de 30 millions sur plusieurs années. Ce montant représente un peu moins de la moitié du montant attribué en une seule année au financement des emplois temporaires. C'est mieux que rien, mais c'est insuffisant, non seulement par rapport aux montants engagés mais, surtout, en regard du champ d'intervention des mécanismes mis en place et des conditions d'octroi de l'aide aux entreprises.

Ce projet limite l'aide au seul secteur industriel qui n'assure plus aujourd'hui que 18% des emplois. Si nous vous avons toujours mis en garde contre la tertiarisation excessive de notre économie et proposé à maintes reprises des interventions en vue de soutenir le secteur industriel, nous pensons que laisser de côté le secteur tertiaire, représentant 80% des emplois, c'est se condamner d'avance à obtenir de piètres résultats en matière de création d'emplois.

Nous proposons donc d'élargir le champ d'application de la loi à l'ensemble des secteurs économiques, car il convient de soutenir l'innovation, peu importe où elle se niche.

Notre seconde critique porte sur les mécanismes de l'aide. Le cautionnement et la contribution au service de l'intérêt ne permettent pas d'enclencher les mécanismes de financement si le créateur d'entreprise ne dispose pas de fonds propres suffisants.

Comme le relève le rapport de majorité, les banques ont resserré de manière très stricte les conditions d'octroi de crédit. C'est dans ce sens que nous proposons un amendement permettant l'octroi de prêts sans intérêts, ou à taux d'intérêts réduits, pour assurer des fonds propres et enclencher ainsi les mécanismes de financement.

Autant notre groupe est favorable à l'élargissement des mécanismes d'aide, autant nous estimons que l'aide aux entreprises doit respecter certains principes tels que le respect des salaires conventionnels et le contrôle des revenus retirés par les propriétaires ou les dirigeants de l'entreprise.

Ce serait pour le moins choquant qu'une entreprise aidée par l'Etat ne respecte pas les salaires conventionnels ou qu'elle accorde à ses dirigeants ou à ses actionnaires des revenus exagérés.

Mesdames et Messieurs les députés, voilà les raisons de notre abstention, lors du vote final en commission sur ce projet de loi. Nous vous demandons d'accepter nos amendements tels qu'ils figurent aux pages 19 et 20 du rapport, afin de réaliser un véritable projet d'aide à la création d'emplois, et non pas une loi alibi dont l'inefficacité apparaîtrait rapidement.

M. David Hiler (Ve). Notre groupe se réjouit qu'une telle loi puisse voir le jour et apprécie particulièrement les précautions prises envers les entreprises dont la production pourrait poser de graves problèmes à l'environnement.

Nous apprécions également que la commission ait voté ce type d'amendements à l'unanimité, et nous accepterons ce projet ce soir.

Nous avons toutefois déposé un amendement qui n'a pas été accepté en commission, et nous allons vous le soumettre à nouveau. Il exclut l'aide aux fabriques d'armement et figure à l'article 2, point e).

Nous soutiendrons une partie des amendements proposés par l'Alliance de gauche qui nous paraissent raisonnables. En revanche, bien que nous comprenions la philosophie de M. Clerc et que nous soyons d'accord avec lui, nous ne voterons pas sous cette forme l'élargissement proposé.

Vous et moi, Monsieur Clerc, avons été embarrassés par la définition de critères stricts à l'égard des entreprises du tertiaire. Si la liste retenue était simplement étendue au tertiaire, cela permettrait d'octroyer un soutien à plusieurs sociétés financières de gestion du patrimoine. En toute honnêteté, je doute qu'elles en aient besoin.

L'introduire en l'état ouvrirait la voie à l'arbitraire. Même pour un gouvernement plus proche du parti que je représente, ce serait dangereux. On nous permettra donc de refuser cet amendement, même si nous souhaitons trouver une solution pour un élargissement, Monsieur Clerc. Mais cette solution doit avoir une certaine rigueur, car je crains que l'enfer ne soit pavé de bonnes intentions.

Par ailleurs, vous avez en effet raison de vouloir garantir que les actionnaires ou le directeur ne tirent pas des profits exagérés et de très courte durée d'une entreprise aidée par l'Etat. Des garde-fous sont nécessaires. Reste à déterminer s'ils doivent figurer dans la loi. Nous soutiendrons cette volonté politique.

En revanche, j'attire une fois de plus votre attention sur le fait que, si vous posez des conditions extrêmement strictes à des entreprises naissantes, concernant notamment le respect de toutes les conventions collectives, cela risque d'être un peu contraignant et aille à l'encontre du but proposé. En effet, certaines personnes acceptent des salaires moins élevés pour obtenir un bon job. Il existe même des petites «boîtes» qui offrent des salaires de misère. C'est regrettable, mais, à condition que le patron fasse la même chose, c'est parfois l'unique solution.

Nous souhaitons qu'un certain nombre d'amendements soient acceptés, mais cela ne conditionnera pas notre vote. Dans les circonstances actuelles, il faut donner un coup de pouce. Ce projet en est un, mais ce n'est certainement pas un avion à réaction !

M. Armand Lombard (L). Toute aide est bonne à prendre, même si elle n'est qu'un «coup de pouce» dans un secteur en état de grande désolation, comme le secteur économique et celui des entreprises. Notre groupe salue avec beaucoup d'intérêt ce projet de loi, et surtout le moment où il sera appliqué et pourra porter des fruits.

A l'évidence, créer des emplois est une absolue priorité que chacun, dans ce parlement, se plaît à reconnaître ! Cela rétablira l'équilibre des finances de l'Etat grâce aux futurs revenus fiscaux, car ces entreprises fonctionneront. C'est également créer ou participer au maintien d'un tissu socioéconomique durable où il existe tellement de risques et de ruptures.

Bien entendu, nous soutenons ce projet bien fait dont les avantages sont bons à prendre, mais nous considérons qu'il y a plus à faire. On pourrait presque le qualifier de «frileux».

Nous souscrivons au cautionnement qui activera les transactions. Cela étant, le cautionnement de crédits bancaires exige des crédits bancaires ! Or les banques ne sont plus très ouvertes actuellement aux petites entreprises.

Nous ne sommes pas favorables à la prise en charge des intérêts, car nous considérons que l'Etat ne peut pas devenir une banque. Même si nous ne sommes pas pleinement prêts, nous l'accepterons. Nous nous ferons violence, car cela représente une aide supplémentaire.

Comme il n'est pas question d'aide au démarrage, j'en profite pour mentionner le prochain dépôt de notre projet de loi allant dans ce sens. Il n'est pas en contradiction avec ce projet de loi, mais il s'agit, comme je le souhaite, d'un complément.

Enfin, vous avez reçu l'amendement proposé par notre groupe. Il s'agit d'une modification technique du projet qui prévoit des cautionnements sur des crédits d'investissements accordés par les banques. Nous proposons de les remplacer par une garantie sur les fonds investis.

Tout fonds destiné à soutenir le démarrage ou l'entreprise profite d'un cautionnement. Plus simplement limité aux crédits, il pourrait provenir de fonds de prévoyance ou directement d'investisseurs. Il ne s'agirait pas de crédits mais d'apports. Cela nous paraît judicieux, car ils sont plus faciles à obtenir que les crédits bancaires.

Le projet aurait pu être plus simple, mais il est bien accepté. Dans le fonctionnement de cette République, nous devons parvenir à des solutions moins compliquées, non basées sur une société de méfiance mais favorisant une société de confiance.

La liste des conditions, des cadres, des pénalités, est certes intéressante et nécessaire, mais, mon Dieu, on pourrait travailler dans une société basée sur la confiance, qui croie plus à la réussite, sans opposer immédiatement le risque et la contre-réussite, la gauche et la droite, les banques et les PME, l'Etat et le privé, l'économie et le social, les cautions et les fonds investis, les industries et les arts et métiers, les patrons et les syndicats, et j'en saute ! Je n'en saute pas tellement, d'ailleurs ! (Rires.)

On devrait arriver à des projets de lois ou à des propositions qui accordent plus de confiance et plus de cadres, en tenant compte de la réussite de la société. (Rires.)

En ce qui concerne les amendements de M. Clerc sur le plan de l'industrie, nous ne le suivrons pas. M. Maitre a expliqué qu'il donnait un sens large au terme «industrie», et cela nous a paru suffisant.

Nous ne sommes pas favorables à la prise en charge des pressants intérêts pour la raison que je mentionnais tout à l'heure. Il en va de même pour les limites conventionnelles sur le profit. Laissons démarrer ce projet !

M. Pierre Kunz (R). Le projet de loi 7457, préparé par le Conseil d'Etat et modifié sur des points de détail par la commission de l'économie, est un bon projet. Le groupe radical suivra les recommandations du rapporteur de majorité et le votera. Il votera également l'amendement présenté par M. Lombard.

Pour un coût relativement modeste, les mesures proposées sont, à l'évidence, susceptibles d'aider les PMI à développer leurs activités et, par conséquent, l'emploi.

Cependant, le rapporteur de minorité a raison de qualifier ce projet de «minimal». Il n'a d'ailleurs pas d'ambition maximaliste. Le type d'aide publique accordée, le cautionnement et la contribution au service de l'intérêt des crédits d'investissements excluent l'extension de ces mesures à l'ensemble des PME, car les risques et les coûts deviendraient rapidement ingérables par la collectivité. En cela l'amendement à l'article 1 présenté par le rapporteur de minorité n'est pas acceptable.

Minimal, ce projet l'est dans le sens où il ne s'attaque pas à la problématique majeure des PME, à savoir, comme cela a été rappelé lors du précédent débat, leur insuffisance chronique de fonds propres; insuffisance à laquelle il s'agit de remédier.

Les radicaux regrettaient jusqu'à ce jour que le Conseil d'Etat ne soit pas plus motivé pour attaquer ce problème. Nous sommes ravis que M. Maitre ait annoncé qu'à l'occasion des travaux relatifs au projet de loi 7570 déposé par les socialistes le Conseil d'Etat apporterait sa contribution.

M. Bénédict Fontanet (PDC), rapporteur de majorité. J'aimerais dire à l'excellent rapporteur de minorité que le projet en question est loin d'être insignifiant. Il vise un but précis.

On est surpris de vous entendre dire, Monsieur Kunz, qu'un projet par lequel l'Etat intervient dans l'économie est minimaliste et que vous souhaiteriez plus. (Exclamation du député interpellé.) Mais c'est bien ce que vous avez dit !

A priori, vous êtes opposé à toute intervention de l'Etat dans l'économie et vous viseriez à limiter son emprise que vous trouvez insupportable. Qualifier ce projet de minimaliste et d'insuffisant révèle une contradiction par rapport à votre attitude politique, alors que vous avez toujours fait preuve de constance.

Cibler d'autres entreprises que celles du secteur secondaire ou assimilé, va au-delà du but de ce projet de loi. Si l'on peut financer toutes les petites et moyennes entreprises, pourquoi ne pas venir en aide à une étude d'avocats qui se lancerait - je vous rassure, je n'ai pas l'intention de demander un subventionnement au département de l'économie publique ! - à une fiduciaire, à une société financière ou à d'autres activités qui n'ont pas ou moins besoin de financement ?

S'il est vrai que d'autres types d'entreprises mériteraient d'être soutenus, la problématique des crédits bancaires et de l'investissement se pose plus spécifiquement aux entreprises du secteur secondaire, soit les entreprises industrielles, de type artisanal ou assimilé, et moins à celles qui appartiennent au secteur tertiaire. Aller au-delà dénaturerait le projet.

Vous dites, Monsieur Clerc, que ce n'est pas suffisant et qu'il conviendrait que l'Etat puisse prêter directement. Cela impliquerait des structures lui permettant de se muer en banquier. Est-ce votre grand fantasme politique ? Le rôle du banquier est d'assumer des risques bien déterminés. L'Etat n'a pas les compétences pour les évaluer et gérer de tels risques.

Vous estimez la constitution de fonds propres insuffisante. Mais il s'agit également d'un faux débat. La problématique de ce projet de loi c'est de faciliter l'obtention de crédits pour le financement classique d'entreprises en offrant des garanties supplémentaires, et non de constituer des fonds propres.

Cela, c'est l'objet du projet de loi socialiste en matière de capital-risque, où une fondation, une société de capital-risque, prêterait à un entrepreneur ou investirait dans une entreprise. C'est le rôle du second marché, celui des valeurs immobilières et des bourses, de permettre aux entreprises d'obtenir des capitaux lorsqu'elles sont un peu plus grandes que les PME et les PMI.

Il ne s'agit donc pas d'un projet minimaliste ou insignifiant. Son objectif est de répondre aux besoins bien spécifiques des petites et moyennes industries ou assimilées.

Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Je me permettrai de vous rappeler en quelques mots quel a été le climat, lors des préliminaires concernant ce projet de loi. Les échanges ont été longs... (Exclamations.) ...très, très longs ! (Rires.) Dans certaines circonstances, c'est souhaitable, mais, dans ce cas, les répercussions ont été importantes.

Ce projet de loi était jugé audacieux et volontariste. Malheureusement, on examinait en même temps un projet de loi émanant de l'Alliance de gauche, qui souhaitait une offensive étatique plus grande, ainsi que le projet de loi de la Communauté genevoise d'action syndicale, visant à développer davantage la politique économique du canton.

Les conditions n'étaient pas réunies pour aborder ce projet de loi de la manière la plus claire. Lorsque nous avons obtenu l'assurance que tant le projet de l'Alliance de gauche que celui de la Communauté genevoise d'action syndicale ne passeraient pas à la poubelle mais seraient traités prochainement, nous avons pu commencer à travailler.

Ce climat de suspicion s'est aussi créé du fait que le projet de loi du Conseil d'Etat a été déposé postérieurement aux deux autres, mais a dû être traité prioritairement. Venons-en aux aides financières proposées dans ce projet ! Sous forme de cautionnement ou de contribution au service de l'intérêt pour des petites et moyennes industries, ces aides sont un premier pas. Nous estimons toutefois qu'une aide particulière devrait être apportée lors de la constitution de fonds propres. C'est en effet la plus grande pierre d'achoppement, lors du démarrage d'une nouvelle entreprise.

Les aides proposées sont modestes, mais constituent un soutien à un secteur économique largement délaissé. Etendre ces aides au secteur tertiaire aurait provoqué, par le biais de la sélection des projets, un nouvel oubli du secteur industriel.

Je vous rappelle que le projet de loi de la Communauté genevoise d'action syndicale englobant tous les secteurs économiques permettra de reprendre cette question. En conséquence, le maintien de l'aide pour le seul secteur industriel nous donne l'assurance qu'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras !

Il serait souhaitable que l'octroi d'aides financières soit subordonné à la participation des partenaires sociaux à la commission consultative intervenant lors du dépôt des dossiers. Leur avis sur le développement de l'emploi et de l'entreprise ayant déposé un dossier de candidature est déterminant. Nous soutiendrons également l'octroi d'aides subordonnées au respect des usages professionnels, des salaires notamment.

Au vu de la situation économique frappant le secteur de l'industrie, et particulièrement les PMI, le groupe socialiste commentera l'acceptation de ce projet ainsi : bien, mais pourrait faire mieux !

J'ajouterai à l'attention de mon estimé collègue Vaudroz, qui aime bien donner des leçons, que le groupe socialiste attend avec une très grande impatience son rapport sur la motion socialiste concernant le soutien au secteur industriel, étant donné que la commission a terminé ses travaux en juin dernier. Merci, cher collègue !

M. Pierre Kunz (R). Les longues veillées encrassent les cerveaux, aussi je pardonne bien volontiers à M. Fontanet d'avoir les oreilles un peu bouchées. Il fait une curieuse interprétation de mes propos. J'ai dit que ce projet de loi était minimal, parce qu'il n'avait pas d'ambitions maximalistes...

Quant à ma manière de considérer le rôle de l'Etat, je simplifierai en disant que je suis pour un interventionnisme effectif, mais intelligent !

M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais remercier Mme Blanc-Kühn d'avoir rappelé quelques faits importants en ce qui concerne la chronologie des événements.

En effet, le projet de loi du Conseil d'Etat est arrivé le dernier. Avec votre permission, Madame Blanc-Kühn, j'aimerais rappeler qu'avant les projets de lois concrétisant l'initiative de la CGAS et de l'Alliance de gauche, il y avait l'initiative 104 bis, «La Suisse», à laquelle le Conseil d'Etat fait allusion par une demande d'amendement qui nous a été remise ce soir.

Cette initiative lancée à la suite d'un lamentable «lâchage» ainsi que le projet qui aurait permis de sauver ce journal sont le véritable point de départ de toute cette affaire... (Exclamations.) Ecoutez, les choses ont un peu évolué entre-temps, mais enfin l'initiative est partie de là !

Lorsque l'initiative a été lancée et déposée, mes collègues et moi-même avons été en butte aux critiques. Le Conseil d'Etat la jugeait inacceptable, bonne à jeter... (Exclamation de M. Maitre.) Mais le peuple a accepté un des volets de l'initiative, Monsieur Maitre ! Vous êtes frappé d'amnésie ! Je comprends que vous soyez particulièrement gêné sur ce dossier, mais vous me laisserez quand même parler !

Lorsque l'initiative «La Suisse» a été lancée, vous n'aviez pas assez de mots pour la critiquer. Elle ne valait rien ! (Exclamations de M. Lombard.) Oh, Monsieur Lombard...

La présidente. Monsieur Lombard, je vous donnerai la parole dans un instant.

M. Christian Grobet. ...vous n'êtes fort que pour interrompre les autres orateurs et... ça s'arrête là !

L'Alliance de gauche a donc déposé un projet de loi visant à concrétiser un des deux volets de l'initiative «La Suisse», puisque le Grand Conseil avait décidé de diviser cette initiative en deux volets : l'un sur la presse, l'autre sur l'aide à l'économie.

Tout à coup, lors du dépôt de ce projet de loi proposant une série de mesures, le Conseil d'Etat s'est réveillé pour reprendre sous forme d'un contreprojet à l'initiative quelques idées figurant dans notre projet et dans l'initiative de la CGAS.

C'est un projet extrêmement modeste, mais, comme Mme Blanc-Kühn l'a fort justement dit, un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. Le Conseil d'Etat a mené toute sa campagne électorale sur la création d'emplois, mais il aura fallu trois ans pour que la montagne accouche d'une souris !

Nous nous inquiétons, car si tout ce temps a été nécessaire pour que le Conseil d'Etat propose cette réponse à l'initiative «La Suisse», et que la majorité qui le porte à bout de bras veuille bien le voter, il faudra probablement encore trois ans pour faire un pas supplémentaire. Mais nous aurons les élections entre-temps !

Malgré toute la logique développée qui nous semble juste, nous souhaiterions aller un peu plus vite et faire un petit pas ce soir. Le fait que vous admettiez finalement, Monsieur Maitre, que cette initiative avait quelque chose de bon nous y encourage, même si vous répétez - pour des raisons que j'ignore - que l'initiative «La Suisse» est enterrée. Dans ce cas, quelle serait la raison de cet amendement ? Vous dites que ce projet de loi concrétise pour partie l'initiative «La Suisse», ce qui est insuffisant. Mais vous avez raison de souligner «pour partie»; sans cette précision nous serions obligés d'avoir une autre position.

A ce sujet, Monsieur Hiler, je ne comprends pas très bien votre position. Si Mme Blanc-Kühn a eu raison de dire que le secteur le plus sinistré est celui de l'industrie; il faut donc l'aider prioritairement. Mais comme vous l'avez fort justement dit, il faut quand même une politique dans tous les secteurs.

Genève est à nouveau à la pointe du chômage avec dix-sept à dix-huit mille chômeurs. Ne parlons pas des trente mille emplois perdus ! Face à une situation si dramatique, ce Grand Conseil n'a pas le courage de faire plus que ce qu'on nous propose ce soir.

Je comprends vos craintes, Monsieur Hiler. Des entreprises ayant effectivement bénéficié à tort d'indemnités de chômage, vous craignez que cette loi ne soit interprétée de façon trop laxiste. On peut se demander s'il n'aurait pas fallu prévoir la clause du besoin. Mais on part quand même de l'idée que le département chargé d'appliquer la loi détermine avec intelligence les entreprises qui en ont réellement besoin.

Actuellement, nous devons intervenir dans tous les secteurs de l'économie. Je vous invite, Monsieur Hiler, ainsi que vos amis politiques, à songer que l'on ne peut pas se limiter, hélas, à l'industrie et à l'artisanat. Il existe aussi de petites entreprises de services qui pourraient être aidées. J'ai suivi une émission extrêmement intéressante à la télévision française relatant une expérience en cours actuellement à Lyon. Il s'agit d'aides ciblées très modestes, de 5 ou 10 000 F, permettant à de petites entreprises individuelles de démarrer, et cela dans tous les secteurs de l'économie.

Ce qui est intéressant dans cette expérience, c'est l'appui logistique fourni à titre bénévole par des gens travaillant dans tous les secteurs de l'économie. Ils aident à mettre sur pied de tels projets. Ne disposant pas de gens compétents dans ce domaine, les représentants des banques françaises jugent cet appui absolument indispensable. Cette expérience mérite que l'on s'en inspire en l'étendant à tous les secteurs de l'économie.

Il est parfaitement possible, Monsieur Hiler, de cibler l'aide. Comme vous, nous n'avons pas envie d'en faire profiter des sociétés financières ou certaines études d'avocats. Mais nous serions favorables à un collectif de juristes qui voudraient faire de l'assistance juridique. (Brouhaha.) Pourquoi pas ? On a bien aidé Genilem ! M. Lombard est particulièrement mal placé pour se montrer aussi restrictif, après avoir plaidé le dossier de son entreprise.

M. David Hiler (Ve). Monsieur Grobet, il n'est pas vrai qu'il suffise simplement de «vouloir en général», et de renvoyer l'application à un éventuel règlement établi par le Conseil d'Etat...

Il faut être honnête ! Si nous avions trouvé des critères soit dans le projet de la CGAS, dont j'étais cosignataire, soit dans celui de l'Alliance de gauche, nous nous retrouverions probablement avec une majorité, car nous aurions créé quelques dissensions dans l'autre camp.

Mais nous n'avons pas de proposition convaincante il faut avoir le courage de le dire. C'est pour cette raison que nous avons demandé et obtenu, Monsieur Grobet, que les autres projets restent en commission, de sorte que nous puissions les traiter pour compléter ce qui n'est absolument pas envisagé dans ce projet.

Ces deux projets de lois sont encore à l'étude en commission, à ce jour. Je souhaite, Monsieur Grobet - et je suis prêt à passer quelques heures avec vous pour en parler - que nous soyons à même de réaliser une chose qui, même appliquée par des gens qui n'ont pas forcément la même philosophie, aille dans le sens que vous voulez.

Suivant également ce genre d'émissions à la télévision française, je vois à quel type de structures vous faites allusion. Mais nous devons élaborer un texte, nous ne pouvons pas nous contenter d'en parler. C'est pourquoi, malgré votre éloquence, nous ne vous suivrons pas. Il faut faire un effort supplémentaire, même si la direction est bonne.

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur de minorité. Je voudrais revenir sur la question abordée tant par M. Hiler que par M. Fontanet sur le fait qu'en étendant le champ d'application à l'ensemble des PME, et pas seulement aux PMI, nous courons le risque d'un soutien à n'importe quel type de sociétés financières et autres.

Je suis quand même surpris : on dirait que le projet de loi n'a pas été lu par tout le monde de la même manière ! L'article 2 fixe un certain nombre de conditions, notamment, à la lettre c), que : l'entreprise doit être innovatrice en matière de recherche, de développement, de technologie, de produit, de processus, de marketing ou d'organisation.

Je rappelle qu'une commission consultative est censée analyser ces demandes. Pour notre part, nous aurions souhaité associer les partenaires sociaux à cette commission consultative. Cela constituerait un rempart supplémentaire contre les risques évoqués, et, si vous le souhaitez, nous pouvons le faire.

Je rappelle enfin que le Conseil d'Etat décide en dernier ressort et que cette loi n'instaure pas un droit à l'aide. Il ne suffira pas qu'une entreprise réclame une aide ou un cautionnement. Un tri sera opéré par la commission consultative et par le Conseil d'Etat qui sont en mesure de juger de son opportunité.

En respectant le champ d'application, nous ne courrons pas un grand risque. Par contre, il en existe un plus grand si nous écartons un certain nombre d'entreprises innovatrices en matière de services, également. Ce serait regrettable du point de vue de la création d'emplois.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Il est surprenant que l'on reproche à ce projet de ne pas aller assez loin, en oubliant qu'il n'est rien d'autre qu'une partie d'un dispositif comprenant d'autres projets.

S'agissant de l'aide aux petites entreprises du secteur des services, du commerce, du petit artisanat, vous avez déjà voté un dispositif proposé par le Conseil d'Etat. Il visait à recapitaliser l'OGCM et à doter cet organisme de nouveaux mécanismes d'aide au financement de ce type d'entreprises, notamment à leur démarrage.

Ce projet de loi a effectivement pour cibles les petites et moyennes industries, car il fait appel à des mécanismes spécifiques. Nous profitons de l'expérience d'autres cantons qui, avec ce même type de mécanismes, ont cherché à les étendre à l'ensemble des PME, y compris celles des services.

Dans le canton de Vaud, ce dispositif s'étend indistinctement à l'ensemble des PME. En pratique, actuellement, cela présente de telles difficultés d'application que ce canton le réserve aux PMI pour toutes sortes de raisons techniques abondamment développées en commission.

Il ne faut donc pas se tromper de cible. On entre dans une mécanique assez complexe, et ces dispositifs sont bien destinés aux PMI; d'autres sont prévus pour les PME. Nous avons déjà eu de tels débats dans ce parlement, puisque vous avez voté des lois à cet égard. Nous en aurons encore lors d'autres projets, notamment ceux qui sont pendants en commission.

C'est marrant ! Ceux qui disent que ce projet ne va pas assez loin sont les mêmes qui trouvent qu'il va trop loin ! D'après eux, il faudrait se limiter aux mécanismes de cautionnement. La prise en charge d'intérêts et la prise en charge partielle du service de la dette sur les crédits consentis iraient beaucoup trop loin.

Mesdames et Messieurs les députés, ce projet a une finalité, celle de faciliter l'accès au crédit des petites et moyennes industries de deux manières : d'une part, en facilitant l'accès au crédit en tant que tel et, d'autre part, en rendant ce crédit moins cher, ce qui est l'une des conditions de démarrage et de développement des entreprises.

Monsieur Grobet, j'ai apprécié votre enthousiasme un peu grincheux ! Lorsque vous avez évoqué l'initiative «La Suisse», vous avez oublié un certain nombre de données et vous vous êtes trompé ! Pourtant, vous connaissez bien cette initiative, puisque vous l'avez rédigée. Mais elle posait de tels problèmes d'interprétation qu'elle a dû être scindée en deux volets : un volet «aide à la presse» et un volet «aide aux entreprises».

Votre parlement a proposé le rejet du premier, sans contreprojet, et le peuple a largement suivi. Pour le deuxième, le rejet a été proposé, mais avec un contreprojet soumis par le Conseil d'Etat en commission. Le peuple a rejeté le volet de l'«aide aux entreprises», mais il a plébiscité le contreprojet à 77%. Ce projet-là en est une concrétisation partielle. Voilà de quoi rafraîchir votre mémoire et stimuler votre enthousiasme !

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Titre et préambule

La présidente. Nous sommes saisis d'un premier amendement du Conseil d'Etat. A la page 12, entre «Le Grand Conseil» et «Décrète ce qui suit :», il est proposé un préambule (nouveau) qui s'énonce désormais comme suit :

«vu le contreprojet à l'initiative dite «La Suisse» pour le soutien de l'emploi (IN 104 bis) accepté le 1er décembre 1996,»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, le titre et le préambule, ainsi amendé, sont adoptés.

Article 1

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur de minorité. Comme cela figure à la page 19, à l'article 1, nous proposons un amendement qui consiste à supprimer le mot «industries». J'ai oublié de le mentionner, mais il faut le remplacer par le mot «entreprises».

Il va de soi, si cet amendement est accepté, qu'il faudra également revoir l'article 2, lettre a), qui deviendrait sans objet.

Je ne reprendrai pas les arguments que j'ai développés tout à l'heure par rapport à l'extension de la loi à l'ensemble des secteurs économiques.

M. Bénédict Fontanet (PDC), rapporteur de majorité. J'aurai également le souci d'éviter de fastidieuses redites, et je vous inviterai, au nom de la majorité de la commission, à refuser cet amendement pour les motifs qui vous ont déjà été longuement exposés.

La présidente. Nous allons voter l'amendement proposé par M. Clerc. L'article ainsi amendé se lit comme suit :

«La présente loi a pour but d'encourager par une aide financière subsidiaire la réalisation de projets proposés par de petites et moyennes entreprises domiciliées dans le canton qui ont un impact sur la création ou le maintien des emplois.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 1 est adopté

Art. 2

La présidente. Un amendement est proposé par les Verts à l'article 2, lettre e).

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Nous avons discuté de l'amendement de M. Hiler en commission.

Indépendamment de la condition posée à l'entreprise, c'est-à-dire que son activité ne porte pas une atteinte grave à l'environnement, il est stipulé qu'elle ne doit pas produire d'armement.

Nous avons clairement expliqué que ce type de conditions est véritablement regrettable, non pas dans son éthique mais dans son application pratique, parce qu'un certain nombre de PMI du canton, dont l'activité normale, principale, appartient au secteur civil, produisent des composants liés à l'armement.

Prenons l'exemple de l'entreprise Tavaro que nous sommes parvenus à faire renaître de ses cendres. Elle produit en partie des composants pour l'armement. Avec votre dispositif, nous serions dans l'incapacité de l'aider, alors qu'elle remplit toutes les conditions avec, à la clé, le maintien d'emplois et de technologies ayant des applications civiles.

L'entreprise Derendinger, qui peut être qualifiée de PMI, produit en partie de l'armement, notamment pour l'aviation militaire. Mais les technologies qu'elle a développées en font un des leaders incontestés dans l'usinage de pièces pour l'aviation civile, en Europe.

En conséquence, je vous suggère d'être un peu plus souples. Il est clair que la création d'une entreprise ayant pour but définitif et exclusif la production d'armement ne serait pas reçue dans le cadre d'application de ce projet.

Mais nous ne devons pas, par votre amendement, exclure du champ d'application de la loi certaines entreprises développant des technologies en partie liées à l'industrie militaire. Cela porterait un grave coup à l'emploi dans notre canton.

M. David Hiler (Ve). On peut évidemment, comme l'a fait M. Maitre, reprendre le débat traditionnel sur les rapports entre les activités militaires et le progrès technique.

Il va de soi que les activités militaires de manière générale et sur le plan historique ont contribué à développer la technique. Mais c'est une question de point de vue; cela dépend si vous avez tiré l'obus ou si vous l'avez reçu dans le ventre ! Je vous signale tout de même, Monsieur Maitre, que si vous avez reçu l'obus, il vous sera difficile d'apprécier les progrès qui s'ensuivent !

Mais, vous avez raison, il y a un choix à faire. Faut-il privilégier l'emploi ou un système de valeurs ? On fabrique mille choses qui ne nous plaisent qu'à moitié, mais on ne souhaite pas pour autant que l'Etat les interdise. En revanche, pour l'armement, nous n'avons pas l'intention de soutenir des entreprises qui se lanceraient dans l'armement ou qui le développeraient avec de l'argent public. Nous vous proposons de ne pas le faire. Mais vous prenez vos responsabilités, nous prenons les nôtres.

Ce débat dure depuis très longtemps, c'est le thème de plusieurs pièces de théâtre, d'ouvrages, de recueils fort savants. Les enjeux de cette affaire sont relativement clairs. J'espère que vous serez nombreux à refuser d'allouer des fonds publics à l'industrie d'armement.

Au demeurant - mais ce n'est pas un bon argument - en termes de stratégie industrielle je ne suis pas sûr qu'il s'agisse du bon choix pour l'avenir de Genève. (Applaudissements.)

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur de minorité. Nous soutiendrons cet amendement, car nous estimons que d'un point de vue strictement économique il ne s'agit pas d'une voie d'avenir pour notre pays. Par ailleurs, sur le plan éthique, nous ne souhaitons pas que l'Etat accorde une aide directe par le biais de cautionnements à des entreprises produisant de l'armement.

M. Maitre cite l'exemple de Tavaro, mais, à ma connaissance, l'Etat de Genève n'a pas donné de caution ou pris de risques financiers. La survie de Tavaro a été assurée, parce que les repreneurs n'étaient intéressés que par la partie armement. Le reste va bientôt disparaître.

Nous soutiendrons cet amendement déposé par les Verts.

M. Pierre-Alain Champod (S). Le groupe socialiste soutiendra cet amendement en raison des arguments qui ont été très bien développés par M. Hiler.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Il existe tout de même une certaine forme d'hypocrisie, compte tenu de notre législation fédérale en matière de lois sur l'armement et l'exportation de matériel de guerre. Je rejoindrais sans réserve les arguments évoqués et leur connotation éthique si l'industrie de la Suisse était fondamentalement exportatrice de matériel de guerre. Notre législation, dont l'application est difficile, est la plus restrictive parmi tous les pays se préoccupant de ce type de problèmes.

Par ailleurs, vous ne trouvez pas normal que l'on finance de l'industrie d'armement avec de l'argent public. L'industrie d'armement financée avec de l'argent public l'est à des fins défensives.

Du point de vue de la hiérarchie des valeurs, c'est un bon argument. Mais je rappelle qu'il existe des entreprises d'armement de la Confédération financées par de l'argent public. Aujourd'hui, ces entreprises sont en voie de restructuration pour des motifs budgétaires. Les cantons dans lesquels elles se trouvent - tous partis confondus, y compris les socialistes et la gauche - s'y opposent, car l'emploi est en jeu. Il existe donc une certaine hypocrisie, et il faudrait être un peu plus nuancés dans l'argumentation.

M. David Hiler (Ve). Puisque tout le monde ne connaît pas les détails des discussions en commission, j'avais concocté un amendement un peu plus modéré, consistant à dire que seules les industries produisant pour d'autres pays étaient concernées. Je n'excluais pas celles qui travaillaient pour le Département militaire fédéral, puisque le peuple avait décidé de maintenir l'armée.

Evidemment, vous refuserez l'amendement que je dépose aujourd'hui. Même si je tenais compte du fait que nous avons un Département militaire fédéral qui achète de l'armement, vous avanceriez un argument supplémentaire pour expliquer que l'on vend à la Suisse, mais que l'on vend également deux ou trois vis du même type à la Suède, sinon, on n'arriverait pas à en fabriquer assez !

Quelles que soient la quantité d'eau que nous mettions dans notre vin et les nuances que nous pourrions trouver, Monsieur Maitre, vous et vos amis, vous trouverez assez d'arguments contre nous. Raison pour laquelle il est bon parfois d'avoir un débat simple, sans pour autant être simplistes !

La présidente. Nous allons voter l'amendement proposé par M. Hiler, à la lettre e) de l'article 2, dont la teneur est la suivante :

«elle ne produit pas d'armements et son activité ne porte pas atteinte grave à l'environnement.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 2 est adopté.

Art. 3

La présidente. A l'article 3, alinéa 2, lettre a), un amendement est proposé par M. Lombard. Il consiste à remplacer «crédits d'investissements» par «fonds investis».

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur de minorité. A ce même article, même alinéa, nous proposons un autre amendement. Il consiste à ajouter une lettre c) et se lit comme suit :

«c) octroi de prêts sans intérêts ou à un taux d'intérêt réduit.»

Comme il va plus loin que celui proposé par M. Lombard, je proposerai que nous votions d'abord cet amendement.

Le but de cette lettre c) est de permettre de procurer des fonds propres ou des compléments aux entrepreneurs manquant de moyens. Dans ce pays, un certain nombre de personnes ayant des idées mais pas d'argent n'obtiennent rien des milieux bancaires. Cet octroi de prêts est important pour les petites entreprises qui sont boudées par les banques, alors qu'elles présentent des projets sérieux. L'objection étant l'absence de fonds propres, cet octroi enclencherait les mécanismes de financement.

Si M. Lombard ne s'y oppose pas, je propose de voter cet amendement sans respecter l'ordre chronologique.

M. Bénédict Fontanet (PDC), rapporteur de majorité. Peu importe l'ordre dans lequel ils seront votés, mais, s'agissant de l'amendement de M. Clerc, il ne paraît pas raisonnable que l'Etat octroie directement des prêts aux entreprises. Ce n'est pas son rôle; il n'est pas équipé pour se transformer en banquier.

Je vous invite donc à rejeter cet amendement. Quant aux amendements de M. Lombard, nous pouvons nous y rallier.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. L'amendement de M. Clerc met l'Etat dans une position de banquier, ce qui n'est, de toute évidence, pas son rôle, y compris dans le financement direct.

Nous avons de sérieuses réserves à l'égard de l'amendement de M. Lombard, car quiconque investirait dans une entreprise pourrait bénéficier d'une garantie de l'Etat; c'est-à-dire qu'il ne prendrait plus de risques.

En d'autres termes, un parent ou un tiers acceptant de financer pour partie une entreprise pourrait - à teneur de l'amendement Lombard et sur une partie du crédit - bénéficier d'une garantie de l'Etat. Cela ne nous semble pas convenable dans la mesure où il n'appartient pas à l'Etat de se substituer aux risques de celui qui n'est pas l'entrepreneur, mais simplement le financier tiers de l'entrepreneur, lui-même non-banquier.

Pour ces raisons, nous exprimons les plus expresses réserves sur cet amendement.

M. Armand Lombard (L). J'aimerais répondre au Conseil d'Etat que cette loi ne sert plus à rien si on ne peut pas cautionner d'autres fonds que ceux de l'entrepreneur.

Cet amendement ne présentant aucun risque, je ne suis pas entré dans la problématique de l'oncle ou de la soeur ! Nous recherchons des fonds pour des entreprises qui veulent se lancer avec le cautionnement de l'Etat. Les liens de parenté n'ont rien à voir dans ce débat.

Notre but étant de créer des entreprises et des emplois, je vous prie de soutenir cet amendement.

La présidente. Pour répondre à la logique invoquée par M. Lombard, nous votons préalablement la proposition d'amendement de l'Alliance de gauche, soit la création d'une lettre c), à l'alinéa 2 de l'article 3, dont la teneur est la suivante :

«c) octroi de prêts sans intérêts ou à un taux d'intérêt réduit.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

La présidente. Nous allons voter l'amendement proposé par M. Lombard, remplaçant «crédits d'investissements» par «fonds investis». Ainsi amendée, la lettre a) de l'alinéa 2, à l'article 3, se lirait comme suit :

«a) cautionnements en principe solidaires pour garantir des fonds investis;»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 3 ainsi amendé est adopté.

Art. 4

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. En bonne logique et de manière correcte, l'acceptation de l'amendement de M. Lombard à l'article 3, alinéa 2, lettre a) implique l'acceptation du même type d'amendement à l'article 4, alinéa 1.

La présidente. Nous allons voter la proposition d'amendement de M. Lombard qui propose de remplacer également «crédits d'investissements» par «fonds investis». Ainsi amendé, l'alinéa 1 de l'article 4 se lirait comme suit :

«1Le cautionnement des fonds investis ne peut dépasser un tiers du coût total du projet.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 4 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 5 est adopté, de même que l'article 6.

Art. 7 (nouveau)

 Alinéa 1

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur de minorité. Nous proposons un article 7 (nouveau) pour définir un certain nombre de conditions à l'octroi de l'aide. Autant nous sommes favorables à un élargissement des mécanismes permettant l'innovation et le démarrage de petites et moyennes entreprises autant nous estimons que l'aide de l'Etat ne doit pas servir à une baisse des conditions salariales ou à une spirale à la baisse dans ce domaine.

Pour en revenir aux propos de M. Hiler - qui ne soutient pas cet amendement sous prétexte que des travailleurs ont le droit d'accepter d'être moins payés - il va de soi que les personnes acceptant de travailler en dessous des normes collectives ou des usages ne le font pas pour le plaisir, mais en raison de la situation du marché de l'emploi.

Comme nous le savons, un certain nombre d'entreprises du canton paient des travailleurs, notamment frontaliers, en dessous des normes des conventions collectives, alors que les demandes officielles auprès des commissions tripartites font état de salaires les respectant. Ces procédés sont inadmissibles, et cela d'autant plus lorsqu'une aide de l'Etat au démarrage d'entreprise est accordée.

Pour ces raisons, le premier alinéa de notre amendement prévoit que les aides sont accordées sous réserve que le bénéficiaire respecte les salaires conventionnels ou en usage.

Par coïncidence, le point suivant de l'ordre du jour est une motion du parti démocrate-chrétien, qui demande l'établissement d'une liste des entreprises modèles sur le plan social. Je comprends aisément que, dans ces circonstances, ce parti ne manquera pas d'appuyer cet amendement.

En effet, s'agissant d'une aide publique au démarrage d'entreprises, il est normal que des règles minimales soient respectées, et que l'on ne compte pas simplement sur le bon vouloir individuel des entrepreneurs.

Dans le dernier point, on envisage le cas d'une entreprise développant une innovation particulièrement intéressante qui aurait reçu l'aide de l'Etat, dont les bénéfices serviraient à rémunérer de manière hors norme soit la direction de l'entreprise soit les actionnaires. Il va de soi que lorsque l'entreprise ne bénéficie plus de l'aide, elle rémunère comme elle l'entend. A notre avis, ces deux cautèles méritent d'être inscrites dans ce projet de loi.

M. Bénédict Fontanet (PDC), rapporteur de majorité. S'agissant du contrôle des revenus retirés par les propriétaires ou les dirigeants de l'entreprise, il me semble, Monsieur Clerc, qu'un riche entrepreneur ne demanderait pas d'aide financière à l'Etat.

L'article 3 est suffisant, puisqu'il prévoit que cette aide est subsidiaire aux sources de financement usuelles et qu'elle doit porter uniquement sur des projets d'investissements. Si l'entrepreneur ou le chef d'entreprise sont riches, l'Etat aura le devoir de refuser son aide. Il n'est donc pas nécessaire de prévoir expressément dans la loi qu'un Etat fouineur contrôle leurs revenus et leurs activités.

En ce qui concerne la problématique des conventions collectives, mon appréciation sera un peu plus nuancée, mais vous ne m'attraperez pas avec le projet de motion que nous avons déposé au point suivant de l'ordre du jour.

L'aspect dérangeant de votre amendement est sa systématique. La plupart des chefs d'entreprise qui démarrent n'ont pas de revenus considérables, et, souvent, les emplois n'existent pas. Ainsi, avant de se soucier du niveau de rémunération, il s'agit de susciter la création d'emplois ou l'accroissement de leur nombre.

Prévoir qu'en principe les salaires conventionnels ou en usage seront respectés me paraît raisonnable, mais on ne saurait soumettre l'aide à cette condition. En effet, qu'adviendrait-il du chef d'entreprise salarié de sa propre entreprise s'il l'était en dessous des normes ? Il ne pourrait pas obtenir d'aide.

Nous avons tous le souci - quoi que vous en pensiez - du respect des usages, mais il ne faut pas être aussi systématiques que vous le suggérez.

M. Pierre-François Unger (PDC). M. Fontanet vient de résumer la position du parti démocrate-chrétien sur la forme de votre amendement, Monsieur Clerc, mais, effectivement sur le fond, et plus particulièrement à l'alinéa 1, nous sommes sensibles à l'argument que vous développez au sujet des salaires conventionnels ou en usage.

Pour le rendre moins rigide, nous vous proposons un contre-amendement que nous inscririons à l'article 8. En son alinéa 1, cet article garderait la forme actuelle, complétée comme suit :

«1Le requérant est tenu de collaborer à l'instruction du dossier et de fournir au département tout renseignement relatif à l'aide sollicitée, ainsi qu'au respect des conventions collectives ou usages, le cas échéant applicables.»

Cela répond en partie à votre préoccupation avec un peu plus de souplesse. On rajoute : «le cas échéant», car, comme l'a dit M. Hiler en débat d'introduction, un certain nombre de ces entreprises sont en réel démarrage, et représentent peut-être des professions qui ne sont encore soumises ni à des conventions collectives ni même à des usages. Elles sont tellement innovantes que les métiers eux-mêmes sont nouveaux.

Votre souci est le nôtre, et, sous cette forme-là, nous pourrions accepter l'amendement.

M. Max Schneider (Ve). Le dernier amendement présenté par M. Unger est tout à fait acceptable. Les industries ont déjà de grands soucis pour se lancer sur le marché et innover. Si elles doivent, de plus, adopter dès le début des conventions collectives qui surchargent le bateau, elles ne pourront pas se créer.

Celles qui existent et qui innovent - j'en connais quelques-unes - vont inévitablement fermer si l'on place la barre trop haut. Dans une vision de globalisation, les prix les plus bas sont pratiqués sur les marchés de l'énergie. Lorsque l'on innove dans d'autres technologies légèrement plus chères, les salaires seront évidemment au ras des pâquerettes, car il n'existe pas de plus-value. On peut s'en rendre compte au moment où les personnes présentent leur dossier.

Il est évident que nous allons accepter le deuxième point de votre amendement, Monsieur Clerc, car il est inadmissible que des revenus retirés par les propriétaires ou les dirigeants d'une entreprise subventionnée soient une sorte de détournement de fonds et que des bénéfices extrêmement élevés côtoient des salaires trop bas.

Nous acceptons donc ce deuxième point, ainsi que l'amendement de M. Unger.

La présidente. Je trouve que cela devient compliqué. Je fais d'abord voter l'amendement, c'est-à-dire l'article 7 (nouveau), pour les deux alinéas. Remplacerait-il l'article 7 actuel, Monsieur Clerc ?

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur de minorité. Il s'agissait de l'ordre chronologique de la loi. Il nous semblait que cet élément devait intervenir à l'article 7. Mais nous n'en faisons pas une affaire d'Etat. La numérotation s'en trouverait simplement décalée.

La présidente. L'article ancien serait intégré et deviendrait ainsi l'article 8 ?

M. Bernard Clerc, rapporteur de minorité. C'est cela !

La présidente. (Exclamations.) Il faut quand même que je comprenne ce que je fais voter, c'est la moindre des choses ! Nous votons l'alinéa 1 de l'article 7 (nouveau), qui s'énonce ainsi :

«1Les aides prévues par la présente loi sont accordées sous réserve du respect par le bénéficiaire des salaires conventionnels ou en usage.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

 Alinéa 2

La présidente. Nous votons maintenant l'alinéa 2 du même article, qui s'énonce comme suit :

«2Le Conseil d'Etat apprécie le niveau admissible des revenus retirés par les propriétaires ou les dirigeants de l'entreprise.»

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Art. 7

Mis aux voix, l'article 7 est adopté.

Art. 8

La présidente. Nous allons voter la proposition d'amendement du PDC déposée par M. Unger, à l'article 8, alinéa 1. Je vous la lis :

«1Le requérant est tenu de collaborer à l'instruction du dossier et de fournir au département tout renseignement relatif à l'aide sollicitée, ainsi qu'au respect des conventions collectives ou usages, le cas échéant applicables.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 8 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 9 est adopté, de même que les articles 10 à 13.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

instituant une aide financière aux petites et moyennes industries

LE GRAND CONSEIL,

vu le contreprojet à l'initiative dite «La Suisse» pour le soutien de l'emploi (IN 104 bis) accepté le 1er décembre 1996,

Décrète ce qui suit:

Article 1

La présente loi a pour but d'encourager par une aide financière subsidiaire la réalisation de projets proposés par de petites et moyennes industries domiciliées dans le canton qui ont un impact sur la création ou le maintien des emplois.

Art. 2

L'aide peut être accordée aux entreprises qui remplissent les conditions cumulatives suivantes:

a) l'entreprise est industrielle, ou ses services sont en relation directe avec un processus de production industriel;

b) elle est nouvelle ou de création récente et prévoit une croissance marquée. Est également nouvelle l'entreprise qui conduit un programme de restructuration ou de diversification de nature ou d'ampleur telle qu'elle peut y être assimilée;

c) elle est innovatrice, que ce soit en matière de recherche et de développement, de technologie, de produit ou de processus, de marketing ou d'organisation;

d) elle vise à s'assurer un avantage compétitif clairement identifiable sur le marché national ou international;

e) son activité ne porte pas atteinte grave à l'environnement.

Art. 3

1 L'aide financière est subsidiaire aux sources de financement usuelles et porte uniquement sur les projets d'investissement.

2 Elle peut revêtir les formes suivantes:

a) cautionnements en principe solidaires pour garantir des fonds investis;

b) contributions au service de l'intérêt des crédits d'investissements.

3 Les deux formes d'aide financière peuvent être soit cumulées soit être accordées séparément.

Art. 4

1 Le cautionnement des fonds investis ne peut dépasser un tiers du coût total du projet.

2 Il est accordé aux conditions suivantes:

a) les fonds propres investis couvrent, en règle générale, au moins un tiers du coût total du projet;

b) le projet est accepté par une banque établie à Genève et qui en a examiné la viabilité ou par une autre entité financière compétente en matière industrielle;

c) l'établissement prêteur, en règle générale, accorde, sur la part des crédits cautionnés, une réduction du taux de l'intérêt.

Art. 5

Les engagements par cautionnements peuvent être contractés pour 10 ans au plus.

Art. 6

1 L'Etat peut contribuer au service de l'intérêt des crédits accordés à une entreprise jusqu'à concurrence de la moitié du taux d'intérêt appliqué par l'établissement prêteur.

2 Cette contribution est accordée pour une durée de 10 ans au plus et aux mêmes conditions que celles fixées à l'article 4, alinéa 2, lettres a et b.

Art. 7

1 Le dossier déposé par le requérant ou son représentant est structuré selon les exigences du département chargé d'appliquer la présente loi (ci-après: département).

2 Le département soumet le dossier au préavis d'une commission consultative composée de 7 membres au plus et d'autant de suppléants, choisis pour leurs compétences en matière de gestion d'entreprise, de financement, de technologies avancées, d'environnement, de marketing ou d'autres domaines en relation avec l'industrie.

3 La commission se fonde, pour donner son préavis, sur la probabilité de réussite du projet.

4 Le dossier est ensuite transmis au Conseil d'Etat muni du préavis du département.

5 La décision du Conseil d'Etat est définitive; elle n'est pas susceptible de recours.

Art. 8

1 Le requérant est tenu de collaborer à l'instruction du dossier et de fournir au département tout renseignement relatif à l'aide sollicitée, ainsi qu'au respect des conventions collectives ou usages, le cas échéant applicables.

2 Il autorise en tout temps l'établissement prêteur à donner les renseignements nécessaires lorsque le département le demande; il lui permet de consulter ses livres et tout autre document utile.

3 Le bénéficiaire de l'aide est tenu de renseigner régulièrement, mais au moins une fois par an, le département sur la marche des affaires.

4 Le bénéficiaire ou l'établissement prêteur sont également tenus de renseigner sans délai le département de tout changement important mettant en cause la croissance, la rentabilité, la liquidité ou le financement de l'entreprise, ainsi que les rapports de propriété du capital.

Art. 9

En cas d'infraction à l'obligation de renseigner, le département peut refuser l'aide ou exiger la restitution des prestations fournies.

Art. 10

1 Lorsque le département aura été induit en erreur par des informations inexactes ou par la dissimulation de faits ou lorsqu'il y a tentative de l'induire en erreur, toute forme d'aide sera refusée ou retirée; la restitution des prestations fournies sera exigée.

2 La poursuite des infractions tombant sous le coup de la loi pénale est réservée.

Art. 11

1 Les engagements totaux de l'Etat sur cautionnement selon les conditions mentionnées à l'article 4, alinéa 1, ne peuvent pas dépasser 30 millions de francs.

2 Une provision, inscrite au passif du bilan, est constituée afin de couvrir les pertes sur cautionnement. Chaque année, avec les comptes, un tableau présentera l'utilisation qui en aura été faite.

3 Dès 1997, une dotation annuelle de 2 millions de francs à ladite provision est inscrite au budget de fonctionnement.

4 Il est inscrit au budget de fonctionnement dès 1997 un montant pouvant atteindre 1 million de francs servant à la contribution au service de l'intérêt selon les modalités fixées à l'article 6.

Art. 12

En application de l'article 9 de la loi sur l'imposition des personnes morales, le Conseil d'Etat peut exonérer de l'impôt les institutions, en particulier les fondations, dont le bénéfice et le capital sont affectés au développement de l'innovation technologique.

Art. 13

1 Le Conseil d'Etat est chargé de l'exécution de la présente loi.

2 Cinq ans après son entrée en vigueur, la présente loi fait l'objet d'une évaluation par le Conseil d'Etat, portant notamment sur ses effets sur l'emploi et sur le tissu industriel.

3 Le rapport du Conseil d'Etat est soumis au Grand Conseil.

 

La séance est levée à 23 h 25.