République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 20 février 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 3e session - 5e séance
M 1112
EXPOSÉ DES MOTIFS
Une étude de l'ISPA de 1995 montre que la consommation d'alcool chez les écoliers de 11 à 16 ans a tendance à augmenter surtout chez les filles dont les modes de comportement se rapprochent de ceux des garçons sur ce point. Les états d'ébriété chez les jeunes, comparés entre 1978, 1986 et 1994, ont été également beaucoup plus fréquents en 1994.
De nouvelles boissons appelées «Premix», composées de jus de fruits ou de sodas additionnés de spiritueux, ont fait leur apparition et comptent bien se tailler un marché fructueux auprès des jeunes consommateurs, en particulier des jeunes filles; une façon de s'initier en douceur à la consommation d'alcool...
Le battage médiatique orchestré autour des drogues illicites occulte trop souvent l'alcool qui est pourtant la cause de problèmes médico-sociaux plus étendus.
Afin de lutter contre ces tendances, des campagnes de prévention ciblées sont réalisées (vis-à-vis des consommateurs, des conducteurs, etc.) ainsi que des programmes d'éducation à la santé dans les écoles et milieux extra-scolaires (centres de loisirs, communes, par exemple).
Par ailleurs, un certain nombre de dispositions légales existent afin de promouvoir les boissons sans alcool et réduire l'accessibilité du produit. Malheureusement, force est de constater que ces lois sont rarement appliquées et que leur application n'est pas contrôlée par les autorités. On peut citer à titre d'exemple:
- L'article 48 de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement prévoyant que les établissements publics doivent offrir trois boissons sans alcool moins chères, à quantité égale, que la boisson alcoolisée la meilleur marché. A noter que les cafetiers doivent attirer l'attention clairement sur cette offre de boissons sans alcool.
- L'émission «A bon entendeur» du 15 octobre 1996 a illustré, enquête à l'appui, combien il était facile pour les jeunes de se faire servir des boissons alcooliques dans les cafés et restaurants de Suisse romande ! Là aussi, un défaut d'application de l'article 49 de la loi genevoise sur la restauration est à déplorer.
- Enfin, ce n'est un secret pour personne que n'importe quel enfant ou adolescent peut acheter des boissons alcooliques dans les grandes surfaces du canton sans être questionné.
Dans ces conditions, on doit aussi renforcer les efforts d'éducation à la santé dans ce domaine, car la banalisation de l'alcool dans notre société enlève une grande partie de leur crédibilité aux discours destinés à sensibiliser notre jeunesse aux risques liés à sa consommation précoce et régulière.
En conséquence, nous demandons que des mesures soient sérieusement prises pour rappeler leurs responsabilités et les dispositions légales aux établissements publics et aux entreprises vendant de l'alcool. Nous pensons notamment que des contrôles doivent aussi être effectués à intervalles réguliers. Ces contrôles sont du ressort des pouvoirs publics et non du citoyen ou des associations de prévention et de défense des consommateurs.
Qu'on ne s'y méprenne pas, il ne s'agit en aucun cas d'une croisade contre l'alcool, mais de promouvoir un minimum de cohérence dans une société où la jeunesse doit trouver ses marques, mais aussi des limites lui permettant de se situer et de faire des choix. L'alcool est un produit qui est à la fois source de plaisirs et de risques; il est en vente libre et doit le rester, mais pas sans conditions.
A ceux qui estiment que l'on fait beaucoup de bruit pour de «petits» problèmes, rappelons que la santé publique avance grâce à de «petites mesures» et non à coups de recettes miracles. En effet, c'est par un ensemble de mesures coordonnées et cohérentes que l'on fera régresser les problèmes de dépendance encore actuellement si aigus, et une d'entre elles a été la modification de l'article 48, entrée en vigueur au début 1994.
Nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que cette motion recevra un bon accueil de votre part.
Débat
M. Philippe Schaller (PDC). Je serai bref. Cette motion est soutenue par l'ensemble des groupes parlementaires et a reçu un large écho dans la presse. Elle n'est - vous l'aurez bien compris - ni une croisade contre l'alcool ni une réprimande au département de justice et police.
Elle veut simplement, Mesdames et Messieurs, rappeler quelques faits.
Le premier est que l'alcool reste un danger potentiel, et l'accessibilité de cette drogue facilite le passage du buveur occasionnel vers le buveur régulier. Même si l'alcool est entouré d'un mythe collectif dans nos sociétés, il porte une responsabilité importante dans de nombreux drames sociaux.
Deuxièmement, contrairement à ce que l'on pouvait croire, la consommation d'alcool chez les jeunes est en augmentation; à ce titre, les statistiques sont sans équivoques. Les jeunes filles boivent trois fois plus qu'il y a vingt ans et les états d'ébriété sont deux fois plus nombreux...
Cette motion veut aussi attirer l'attention sur ces nouvelles boissons appelées «Premix» : ce sont des jus de fruits et sodas, additionnés de spiritueux, qui font leur apparition un peu partout. Ces boissons désirent se tailler une part de marché et obtenir une large audience auprès des jeunes.
Cette motion est aussi l'occasion de rappeler qu'il ne suffit pas de légiférer - ce que nous avons fait dans ce parlement - mais qu'il faut se donner les moyens de faire appliquer les lois. Il existe, comme le rappelle la motion, dans la législation genevoise, deux articles : l'un pour promouvoir des boissons sans alcool et l'autre pour réduire l'accessibilité aux boissons alcoolisées.
Mesdames et Messieurs, comme vous le savez, la prévention est un ensemble de mesures cohérentes et complémentaires. Cette proposition de motion est, par ses invites, l'une de ces mesures. Merci d'adresser cette motion directement au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
concernant la consommation d'alcool chez les jeuneset la non-application de la législation en vigueur
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- que la consommation d'alcool chez les écoliers de 11 à 16 ans a tendance à augmenter;
- que de nouvelles boissons appelées «Premix», composées de jus de fruits ou de soda additionnés de spiritueux, font leur apparition;
- que le battage médiatique orchestré autour des drogues illicites occulte trop souvent l'alcool;
- que l'application des articles 48 et 49 de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement n'est guère suivie,
invite le Conseil d'Etat
- à assurer l'efficacité des contrôles de l'application des articles 48 et 49 de la loi I 3 20 (sur les débits de boissons);
- à rappeler leurs responsabilités et les dispositions légales aux établissements publics et entreprises vendant de l'alcool;
- à développer l'information sur les dispositions légales en la matière.