République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 20 février 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 3e session - 5e séance
IU 301
M. Chaïm Nissim (Ve). Ma deuxième interpellation, adressée à M. Joye, porte également sur le développement durable.
Monsieur Joye, vous pratiquez, vous aussi, un double langage dans le cadre de votre département.
Votre projet de conception cantonale de l'énergie commence très bien. Votre définition du développement durable est excellente, puisqu'elle préconise une croissance qui ne prétérite pas les chances de succès des générations futures. La solidarité entre générations est un concept magnifique, hérité de la conférence de Rio.
Ce concept nous oriente, tout naturellement, vers des investissements dans les énergies indigènes et renouvelables comme, par exemple, la rénovation du barrage de Chancy-Pougny, qui figure en bonne place dans la liste des quatorze points acceptés par le Conseil d'Etat pour les années à venir.
Hélas, dès qu'il s'agit de payer, votre département change de ton ! Votre refus d'adapter les tarifs des SIG prive ces derniers des ressources dont ils auraient besoin pour investir précisément à Chancy-Pougny.
De plus, votre adhésion sans nuance au trend actuel de libéralisation des marchés pose un réel problème. Cette tendance à la libéralisation peut, bien sûr, avoir des effets positifs, comme celui de clarifier la gestion et rendre plus transparente la structure des coûts, en séparant la distribution, le transport et la production. Ce trend est positif s'il permet de faire payer au consommateur tous les coûts réels de sa consommation, y compris les coûts sociaux et écologiques.
En revanche, si cette libéralisation est majoritairement mal comprise - je crains que cela ne soit le cas - elle peut nous conduire au dumping écologique, c'est-à-dire à l'achat massif de courant nucléaire en provenance de centrales rouillées et fumantes de Tchécoslovaquie, notamment de Bohuniše simplement parce qu'il est moins cher et que c'est ce que demande une partie de nos grands consommateurs, désireux de réduire leurs frais sans effort de réflexion et sans effort de réadaptation.
Dès lors, ma question est claire. Les SIG hésitent - et on les comprend ! - à investir dans une centrale aussi coûteuse, alors qu'ils pourraient acheter du courant à l'étranger à des prix avantageux. On parle en gros d'un investissement de 160 millions et d'un coût du kWh produit oscillant entre 10 et 12 centimes. Le kWh français, lui, nous revient à 7 centimes, mais il est d'origine étrangère et produit des déchets.
Monsieur Joye, êtes-vous prêt à investir dans le développement durable et les énergies renouvelables ? Etes-vous prêt à en payer le prix et à le faire payer, ce qui signifie, pour le moins, l'adaptation de certains tarifs ?
Je vous suggère une variante possible et, du même coup, votre réponse éventuelle : en ne rénovant, dans un premier temps, que la turbine la plus puissante, c'est-à-dire la troisième, nous pourrions économiser 80 millions sur les investissements nécessaires et obtenir ainsi un kWh meilleur marché.