République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1114
8. Proposition de motion de Mmes et M. Chaïm Nissim, Fabienne Bugnon et Sylvia Leuenberger sur l'encouragement du solaire photovoltaïque. ( )M1114

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- l'action de promotion et d'encouragement du solaire entreprise par les EWZ (SI Zurichois, voir article de la «Tribune de Genève», page suivante);

- que cette action de promotion est financée par les consommateurs volontaires, les autres continuant à payer le prix habituel,

invite le Conseil d'Etat

à étudier de concert avec les Service industriels de Genève (SIG) l'introduction d'une telle bourse du solaire à Genève.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le solaire c'est l'avenir de l'humanité. Ça ne pollue pas, c'est décentralisé, il y en a partout. Si les prix de revient du solaire photovoltaïque sont encore aujourd'hui vingt fois plus élevés que ceux des énergies concurrentes (7 c le kWh nucléaire français contre 1,40 environ le kWh solaire photovoltaïque), c'est parce que des milliards de francs pris sur les budgets militaires ont été investis dans la recherche nucléaire, alors que le solaire, ne pouvant servir à rien aux militaires, a été volontairement négligé. Mais le solaire c'est l'avenir alors que le nucléaire c'est le suicide. Il vaut donc la peine d'encourager le solaire.

La meilleure présentation du mode de financement que la présente motion cherche à encourager, est parue dans l'article de la «Tribune de Genève» ci-dessous, il est paru le 29 novembre 1996:

Les Services industriels zurichois ouvrent une bourseau solaire

Ils ne sont pas les premiers à débiter de l'électricité produite par cette technique. Mais leur démarche est originale car ils stimulent aussi l'offre.

Depuis hier soir, les Services industriels de la Ville de Zurich débitent de l'électricité solaire sur leur réseau. Ils ne sont certes pas les premiers à le faire, mais la formule choisie, très zurichoise puisqu'il s'agit d'une sorte de bourse du solaire, est inédite, et porteuse d'une dynamique particulièrement intéressante.

Sur Bâle-Campagne, pour l'heure, le plus gros producteur de solaire suisse, les SI ont leur propre réseau de capteurs et vendent le courant au prix coûtant aux abonnés qui en veulent; Interlaken et Neuchâtel, par exemple, ont un système analogue. A Berthoud, les SI achètent de l'électricité solaire à des tiers, et la mixent simplement dans le courant général, que les abonnés le veuillent ou non. Les SI de Winterthur, pour leur part, ont construit leur propre installation, qui a été financée par la vente de parts à sa propriété.

Zurich a inventé une quatrième démarche, où les SI font l'intermédiaire entre l'offre et la demande. D'un côté, on a suscité l'offre, en se déclarant prêt à conclure un contrat avec quiconque serait en mesure de fournir 3 à 100 kW de solaire au moyen d'une installation sise sur le territoire de la Ville, sur une surface déjà bâtie; l'intéressé aménage et entretient l'installation à ses frais, en retour les SI lui garantissent par contrat quinze ou vingt ans de débouchés à un prix fixé. Le premier fournisseur est entré en fonction hier: c'est le silo de la Coop, situé près de la Kunsthalle, dont le toit et la façade sud-ouest sont désormais à même de produire 20 000 kWh par an, ce qui a nécessité un investissement de 400 000 F.

130 contrats

D'un autre côté, les SI ont ratissé chez leurs abonnés, envoyant un questionnaire à 3 500 d'entre eux, piqués au hasard, pour savoir s'ils étaient prêts à payer plus pour avoir du solaire; 7% ont répondu oui; 130, pour finir, ont signé le contrat pour un paquet de solaire à 1,20 F le kWh, alors que le prix ménage est de 16 c. Le client choisit librement la part de solaire qu'il entend acheter chaque année, avec toutefois un seuil de 21,60 F.

Côté demande, 13 000 kWh par an sont d'ores et déjà assurés d'être écoulés. Côté offre, 12 autres producteurs auront, d'ici à la fin 1997, rejoint le silo de la Coop.

Rapporté à la totalité de la consommation, ce volume de solaire est évidemment infime. Mais ce système permet une stimulation réciproque de l'offre et de la demande, laquelle, dans cette ville où plus personne n'ose acheter un oeuf produit en batterie, est assez sensible à l'argument écolo. Et plus il y aura de courant solaire, plus son prix baissera.

Signé: Dominique Chouet

Le million solaire, quelles interactions?

Les députés connaissent l'existence d'un fonds, alimenté par la loi, et appelé improprement «le million solaire», parce qu'au début il prévoyait effectivement un million de francs par an pour subventionner, à concurrence de la moitié de leur coût environ, les installations solaires dans ce canton. Depuis, ce million de francs a fondu à 262 000 F notamment par le fait que l'OCEN décourage le photovoltaïque. Si cette attitude peut sembler compréhensible, eu égard au prix encore prohibitif de cette énergie renouvelable, rien n'empêche que les consommateurs volontaires financent eux-mêmes une part de photovoltaïque dans leur approvisionnement.

Conclusion, quelques arguments de politique énergétique

Comme le dit l'article de la «Tribune de Genève», le volume de production du solaire photovoltaïque est aujourd'hui infime. Mais il est au centre de la question essentielle qui sera celle de la fin de ce siècle: Sommes-nous prêts à payer plus cher du courant propre? Du café équitable? Et ainsi pour toutes les matières premières. La question centrale de cette fin de siècle, vous l'aurez compris, est celle du développement durable.

M Fatio, le nouveau président des SIG, la posait à sa manière, lorsqu'il s'exprimait le 20 décembre 1996, devant la commission consultative en matière d'énergie: «Nous devons décider aujourd'hui d'investir ou non 160 millions de francs pour rénover le barrage de Chancy-Pougny. Si nous le faisons, le courant produit nous coûtera 12 c le kWh, au lieu de 7 pour le courant nucléaire français. Le Conseil d'Etat est-il prêt à nous donner les moyens de payer plus cher du courant propre? En nous autorisant, notamment, à adapter certains de nos tarifs?»

Chancy-Pougny, ou le solaire photovoltaïque, la question est de même nature, à cela près que Chancy-Pougny c'est plusieurs dizaines de MW, alors que le photovoltaïque c'est quelques kW.

Jusqu'ici le chef du département des travaux publics et de l'énergie (DTPE) a toujours répondu non aux demandes de M. Fatio. Il refuse le développement durable, il ne voit que la libéralisation des marchés, les flux d'énergie polluante et bon marché en provenance des centrales nucléaires rouillées de l'est. Pour l'instant, le chef du DTPE prend clairement parti pour le nucléaire «bon marché» (à très court terme!), comme le montre son discours affligeant lors de la discussion sur les hausses de tarifs des SIG.

Mais on peut espérer, on doit espérer, et se battre, lorsqu'on a raison !

C'est la raison pour laquelle nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de faire bon accueil à cette motion.

Débat

M. Chaïm Nissim (Ve). J'aimerais corriger une erreur de typographie : mes deux collègues Sylvia Leuenberger et Fabienne Bugnon ont également signé ce document.

Je souhaite vous présenter cette motion et vous demander de la renvoyer soit au Conseil d'Etat soit en commission. M. Joye a déclaré, lors d'un précédent débat, qu'il l'acceptait.

Vous avez compris que le solaire présente un gros problème par rapport aux énergies non renouvelables et quelquefois polluantes : il est malheureusement un peu plus cher, et c'est particulièrement le cas du photovoltaïque. Evidemment, il sera beaucoup moins cher lorsque des investissements auront été réalisés, car l'effet de masse fera baisser le prix.

Comme à Zurich, l'idée est de permettre à des personnes motivées de payer leur courant un peu plus cher pour réaliser ensuite des investissements dans le photovoltaïque. Quelques-uns parmi vous sont prêts à le faire, notamment notre président Philippe Joye qui a participé à fonds perdus à un crédit pour la CERA, il y a quelques années.

Mme Barbara Polla (L). Le soleil brille en février, c'est magnifique, le million solaire, c'est encore mieux ! Ecoutez un peu ce que nous expliquent l'excellent M. Nissim et ses deux collègues !

Selon vous, Monsieur Nissim, on doit espérer, raison pour laquelle vous nous demandez d'accepter cette motion. Mais que doit-on espérer ? Que la prochaine fois vous n'utilisiez pas comme seul exposé des motifs un article de «La Tribune» ? A quand un «Politique & Toc !» comme exposé des motifs ? Mais j'imagine qu'il s'agit de votre part d'une nouvelle forme de soutien à la presse.

Vous nous dites également que le solaire c'est l'avenir et le nucléaire le suicide. Vous opposez le développement durable - en bloc - à la libéralisation des marchés et aux flux d'énergie en provenance des centrales nucléaires rouillées de l'Est. L'effet d'amalgame entre la libéralisation des marchés et les centrales rouillées de l'Est est saisissant. Est-il nécessaire de rappeler que si elles sont rouillées c'est parce qu'elles datent d'un régime qui n'était pas exactement libéral ?

Malgré tout, Monsieur Nissim, nous continuerons, comme vous nous y exhortez, à «espérer» que vous soyez un peu plus nuancé, car la politique énergétique la plus efficace n'a jamais été celle qui oppose les «bons» et les «méchants». Les «bons» proclamant que le nucléaire c'est le suicide et les «méchants» essayant d'y réfléchir objectivement.

Mais c'est bien au solaire photovoltaïque que vous essayez de nous intéresser, et non au nucléaire qui n'a rien à voir dans cette motion. Le projet de concept cantonal de l'énergie nous dit, à ce propos, qu'il ne peut être appliqué rationnellement qu'aux installations de sécurité de faible puissance ne pouvant être alimentées par réseau. Le concept cantonal de l'énergie dit aussi qu'il serait important de suivre le développement de ce type de projets. C'est à ce titre que nous accepterons donc le renvoi de votre motion en commission.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'énergie et des Services industriels.