République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 janvier 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 2e session - 3e séance
PL 7538-A et objet(s) lié(s)
(PL 7538-A)
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Sous la présidence de Mme Sylvie Châtelain, la commission d'aménagement du canton a examiné lors de ses séances des 11 et18 décembre 1996 le projet de loi n° 7538 cité en titre. Assistaient aux séances, le 18 décembre, M. Philippe Joye, conseiller d'Etat chargé du département des travaux publics et de l'énergie (DTPE), les 11 et18 décembre, MM. Georges Gainon, chef de division de l'information du territoire et des procédures, Didier Mottiez, secrétaire adjoint, et Jean-Charles Pauli, juriste.
Un peu d'histoire
Ce projet fait suite aux lois des 23 janvier 1992 et 11 juin 1993 (PL 6696) créant une zone de développement 3 sur les terrains de l'ancien vélodrome ainsi qu'une zone 4B affectée à de l'équipement public pour la réalisation d'un groupe scolaire communal.
A cette occasion, le Grand Conseil a invité le Conseil d'Etat, par la voie de la motion 830:
- «à poursuivre avec les propriétaires des périmètres de Champ-Joly et Petites-Fontaines les pourparlers visant à fixer d'un commun accord le plafond des prix des terrains en vue de leur déclassement éventuel en zone à bâtir;
- à présenter un rapport au Grand Conseil avec délai au 30 septembre 1993 sur le résultat de ces négociations.»
Le projet
Ces négociations, difficiles, ont finalement abouti à la signature, pour une majorité de propriétaires, d'une convention fixant le prix du terrain en cours de déclassement, à 150 F.
Le projet de modification de zones comprend donc les terrains dont les propriétaires ont signé ladite convention. Ces terrains d'une surface d'environ 46 500 m2 sont prévus mis en zone de développement 3 et comportent un indice d'utilisation du sol d'environ 0,7.
La commune de Plan-les-Ouates qui doit mettre à disposition des classes pour l'enseignement primaire en 1998 a négocié avec les propriétaires des terrains pour affecter cet équipement dans le sens d'un report des droits à bâtir, renonçant à faire usage de son droit d'expropriation pour l'acquisition de ces terrains.
Audition
La commission, lors de sa séance du 18 décembre 1996, a procédé à l'audition des quatre propriétaires situés hors du périmètre de la modification envisagée du régime des zones à l'angle nord du quartier et dont trois d'entre-eux ont refusé de signer ladite convention pour divers motifs particuliers (désir de construire des villas, prix trop bas, etc.)
Traitement des oppositions formées par le Fonds mondial pour la nature (WWF), M. Rodolphe Nessler, Mme Patricia Tinguely-Ravyet M. Joseph Zanette
a) Opposition formée par le Fonds mondial pour la nature (WWF)
Par lettre du 5 décembre 1996, le Fonds Mondial pour la Nature, section de Genève, a déclaré former opposition contre le présent projet de loi.
Association d'importance cantonale qui, aux termes de ses statuts, se voue par pur idéal à l'étude de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection des monuments, de la nature et des sites, le Fonds Mondial pour la Nature, section de Genève (ci-après l'opposant), a incontestablement qualité pour s'opposer à l'adoption du présent projet de loi, conformément à l'article 16, alinéa 5, de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987 (L 1 17). Formée en temps utile, l'opposition est dès lors recevable à la forme.
Au fond, le projet de loi querellé, de l'avis de l'opposant, ne respecterait pas «le moratoire en matière de déclassement agricole ... décrété à l'occasion du déclassement de la Pallanterie», ne stipulerait pas que les terrains déclassés sont voués au logement en lieu et place d'activités commerciales. Quant au prix de 150 F le m2 après déclassement, fixé par convention privée, il serait trop élevé pour des terrains actuellement inconstructibles et ne comprendrait pas la valeur des bâtiments.
Les terrains concernés figurent pourtant dans la liste des projets de déclassements de terrains agricoles en cours de procédure au sens de l'article 4, alinéa 2, de la loi du 27 avril 1995, situant en zone de développement 4B destinée à des activités sans nuisances, une superficie d'environ 42 000 m2 de terrains agricoles, sis au nord de la route de Thonon, à proximité immédiate du périmètre du plan n° 28 715-515-525 précité, aux fins de permettre l'implantation d'un centre de communication de l'agence de presse Reuters (voir Mémorial du Grand Conseil 1995, p. 3503). C'est dire que ces terrains ne sont pas soumis au «moratoire» qu'instituerait cette disposition.
Quant au prix de 150 F le m2 de terrain, fixé par convention passée sous seing privé entre l'Etat et les intéressés, il est tout à fait raisonnable pour des terrains qui, après le déclassement, seront sis en zone à bâtir. Certains opposants considèrent même ce montant, qui représente la norme admise par le Grand Conseil pour de telles opérations, comme étant insuffisant pour leur permettre d'accepter le déclassement de leurs terrains voisins. Peu importe qu'actuellement, ces terrains soient sis en zone agricole, dite inconstructible. Il convient d'apprécier la situation non pas avant, mais après le déclassement.
Enfin, on ne voit pas pour quel motif les terrains déclassés devraient être réservés au seul logement.
Partant, les motifs avancés par l'opposant sont infondés et doivent être rejetés.
b) Opposition formée par M. Rodolphe Nessler
Par lettre du 6 décembre 1996, M. Rodolphe Nessler, représenté par son avocat, Me François Bellanger, propriétaire de la parcelle n° 10581, feuille cadastrale 38 de la commune de Plan-les-Ouates (ci-après l'opposant), a déclaré former opposition au projet de loi querellé.
Propriétaire d'une parcelle voisine du périmètre du projet de plan querellé, l'opposant a qualité pour s'opposer à son adoption. Déposée en temps utile, l'opposition est dès lors recevable à la forme.
Au fond, l'opposant ne conteste pas le bien-fondé de la modification du régime des zones proposée, mais bien au contraire demande l'extension à son bien-fonds du périmètre du projet de plan de zone visé à l'article 1, raison pour laquelle il conclut non pas au rejet, du présent projet de loi, mais à la modification en ce sens dudit plan. Le fait que le périmètre de ce dernier ne comprenne pas son terrain violerait, de l'avis de l'opposant, les articles 5 et 21 LAT, ainsi que les principes de l'égalité de traitement et de la légalité.
De jurisprudence constante, «un propriétaire n'a pas un droit à obtenir le classement de son terrain en zone à bâtir, même s'il s'agit d'un terrain équipé ou qui peut l'être facilement» (ATF 118 Ib 38; JT 1994 p. 393 c 2d, 116 Ib 195 c. 3/d et 202 c 2b, JT 1992 I 419 et suivants). Quant au principe de l'égalité de traitement, sa portée est «restreinte en matière de délimitation des zones, au point de se confondre avec l'interdiction de l'arbitraire» (ATF K. c/Grand Conseil genevois, du 14 octobre 1996, c. 2 p. 11 et arrêts cités).
En l'espèce, il est constant que le droit cantonal genevois en matière d'aménagement du territoire ne prévoit pas de régime de compensation permettant de tenir compte équitablement des avantages et des inconvénients majeurs qui résultent de mesures d'aménagement. Comme le souligne à juste titre l'opposant, le législateur genevois n'a pas fait usage de cette faculté, prévue par l'article 5, alinéa 1, LAT.
Le Grand Conseil a préféré agir par la voie consensuelle, le bien-fondé du déclassement de l'ensemble du secteur n'étant pas contesté. C'est ainsi qu'en adoptant votant, le 11 juin 1993, la motion 830, il a invité le Conseil d'Etat à «poursuivre avec les propriétaires des périmètres de Champ-Joly et Petites-Fontaines les pourparlers visant à fixer d'un commun accord le plafond des prix des terrains en vue de leur déclassement éventuel en zone à bâtir». Dans ce contexte, l'administration a retenu le prix de 150 F le m2, applicable aux futurs terrains déclassés, sous réserve d'un montant à déterminer pour la valeur de remplacement des bâtiments existants sur ces bien-fonds.
On peut juger ce montant trop élevé (voir opposition précédente), ou trop faible. Il s'agit, objectivement, d'un prix environ plus de dix fois plus élevé que celui usuellement pratiqué pour des terrains sis en zone agricole, mais qui ne correspond qu'à environ un quart de celui habituellement pratiqué en zone de développement 3. Ce prix, maximal, paraît parfaitement judicieux si l'on entend mettre à la disposition de la population des logements bons marché dans les zones de développement nouvellement créées, de manière à pouvoir répondre aux besoins du plus grand nombre. L'opposant ne démontre d'ailleurs pas en quoi ce prix serait objectivement arbitraire, mais se contente d'essayer de démontrer que, compte tenu de sa situation personnelle particulière, un autre prix devrait lui être appliqué, donc essaie de faire intervenir des motifs subjectifs.
Une convention, par laquelle les propriétaires de terrains actuellement sis en zone agricole s'engagent envers l'Etat à ne pas dépasser ce prix maximal de 150 F le m2 en cas de vente de leurs terrains, a été signée par un certain nombre de propriétaires des terrains concernés, actuellement sis en zone agricole. Ces biens-fonds forment une surface suffisamment importante et cohérente pour permettre le déclassement querellé.
En l'espèce, l'opposant a refusé de signer une telle convention, au contraire des propriétaires des terrains dont le projet de loi querellé prévoit le déclassement, qui se trouvent dès lors dans une situation différente. A situation différente, traitement différent : le grief d'inégalité de traitement est mal fondé.
Le Grand Conseil, qui n'entend pas fixer un prix de terrain dans la loi, ne peut tenir compte de situations particulières, qui relèvent de litiges privés et d'engagements pris alors que le terrain était sis en zone agricole, sauf à commettre un acte arbitraire vis-à-vis des propriétaires signataires de ce type de convention. C'est dire qu'il ne saurait être question de modifier le plan visé à l'article 1 du présent projet de loi, ce qui impliquerait la suspension de la procédure actuellement en cours, qui arrive à son terme et permettra la construction d'environ 37 000 m2 de surface brute de plancher de logements, répartis en plusieurs bâtiments, pour permettre l'engagement d'une nouvelle procédure, dont l'issue n'est pas garantie.
Au demeurant, rien n'empêche l'opposant de se raviser et de signer la convention, ce qui, pour autant qu'un nombre suffisant de voisins des lieux-dits Champ-Joly-Petites-Fontaines se rallient à cette même attitude, permettrait d'envisager un nouveau déclassement, l'invite de la motion 830 restant toujours valable.
En définitive, les motifs énoncés par l'opposant sont infondés et doivent être rejetés.
c) Oppositions formées par Mme Patricia Tinguely-Ravy et M. Joseph Zanette
Par lettres séparées des 27 novembre et 3 décembre 1996, M. Joseph Zanette et Mme Patricia-Ravy, propriétaires de parcelles voisines du périmètre du plan visé à l'article 1, ont déclaré former opposition au présent projet de loi.
La situation de ces deux opposants, qui disposent à l'évidence de la qualité pour agir, étant quasiment identique, de même que leurs griefs, la jonction des causes s'impose. Formées en temps utile, ces oppositions sont dès lors recevables à la forme.
Au fond, ces deux opposants invoquent une prétendue violation du principe de l'égalité de traitement. Selon leur acte d'opposition, le Grand Conseil, en adoptant le projet de loi querellé, commettrait une inégalité de traitement, en ce sens qu'il ne déclasserait qu'une partie des terrains formant les lieux-dits Champs-Joly-Petites-Fontaines, à l'exclusion de leurs terrains.
Les opposants omettent cependant de préciser qu'ils n'ont pas signé la proposition de convention de droit privé établie par l'Etat de Genève, visant à limiter le prix de terrain à 150 F le m2, applicable aux futurs terrains déclassés, sous réserve d'un montant à déterminer pour la valeur de remplacement des bâtiments existants sur ces bien-fonds; le but de cette limitation du prix de terrain étant, à court, moyen ou long terme, de mettre à la disposition de la population des logements bons marché dans les zones de développement nouvellement créées, de manière à pouvoir répondre aux besoins du plus grand nombre.
Ces opposants refusent, en effet, ce prix de terrain, qu'ils jugent trop bas, ainsi qu'ils l'ont confirmé lors de leur audition. Leur situation diverge donc de manière notable de celle des propriétaires signataires de cette convention, dont les terrains font l'objet du déclassement envisagé par le présent projet de loi. A situation différente, traitement différent: le grief d'inégalité de traitement est mal fondé.
Les motifs énoncés par les opposants étant infondés, ils doivent être écartés.
Conclusions
A l'issue de ses travaux, la majorité de la commission vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de voter le présent projet de loi tel quel et de recommander au Conseil d'Etat la poursuite des négociations avec les propriétaires provisoirement exclus du périmètre dans le but de présenter un projet de loi complémentaire pour la création d'une zone de développement 3.
Le projet a été voté par 6 voix (L, R, DC), 3 contre (ADG, V) et 2 abstentions (S).
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Un déclassement insatisfaisant au niveau de l'aménagement du territoire
Ce projet de loi fait suite au projet de loi 6696-A, adopté le 23 janvier 1992 par le Grand Conseil, ainsi qu'à la motion 830 renvoyée le 11 juin 1993 au Conseil d'Etat.
Le projet de loi de 1992 a créé une zone de développement 3 pour permettre la construction de petits immeubles, ainsi qu'une zone 4B destinée à des équipements publics, en l'occurrence destinée à la construction d'une école par la commune de Plan-les-Ouates.
Le 11 juin 1993, le Grand Conseil acceptait la création d'une zone complémentaire d'utilité publique, pour répondre aux besoins précis et urgents exprimés à l'époque par la commune, tout en invitant le Conseil d'Etat «à poursuivre avec les propriétaires des périmètres de Champ-Joly et Petites-Fontaines les pourparlers visant à fixer d'un commun accord le plafond des prix des terrains en vue de leur déclassement éventuel en zone à bâtir».
Ces pourparlers n'ont que partiellement abouti puisque, après plus de trois ans de négociations, le Conseil d'Etat n'a pas obtenu l'accord de la totalité des propriétaires des parcelles concernées, en vue de leur déclassement en zone à bâtir.
Motifs du refus exprimé par certains propriétaires et motifs de l'accord exprimé par d'autres propriétaires
Entendus par la commission de l'aménagement, les propriétaires de trois parcelles situées en zone agricole dans le périmètre des «Petites-Fontaines» - parcelles comprenant chacune une habitation - ont indiqué que le prix des terrains fixés par le département des travaux publics et de l'énergie, en cas de vente de leur parcelle, était selon eux, insuffisant.
Or, le département a proposé, à l'appui d'un projet de convention qui fut soumis aux intéressés, un prix du terrain à 150 F le m2, en cas de cession onéreuse des parcelles, sans prévoir d'ailleurs, ce qui est tout simplement incompréhensible de matérialiser l'accord dans un acte notarié comportant un pacte de préemption, au sens de l'article 681 CCS, en faveur de l'Etat, pouvant être exercé à la valeur retenue de 150 F le m2.
Indépendament de cette garantie essentielle, nous considérons la valeur retenue comme étant manifestement excessive, si l'on tient compte du fait que le prix d'un terrain agricole est inférieur à 10 F le m2.
Les opposants ont toutefois eu beau jeu de souligner qu'ils faisaient l'objet d'une inégalité de traitement par rapport à d'autres propriétaires des parcelles adjacentes non construites, dès lors que le département avait retenu, sans différenciation aucune, un prix de 150 F le m2, que le terrain soit bâti ou non !
Inutile de préciser que les propriétaires des parcelles non bâties ont accepté de signer la convention proposée par le département, qui leur offrait généreusement un prix de 150 F le m2, en cas de revente, et qui s'abstenait d'inclure un droit de préemption de l'Etat, se limitant à faire référence au droit de préemption légal, prévu par les articles 3 et suivants de la loi générale sur le logement du 4 décembre 1977.
On sera d'autant moins étonné d'apprendre que les propriétaires qui ont signé ces conventions sont des «gros propriétaires», dont une société immobilière, qui savent pertinemment qu'ils pourront de toute façon vendre leur terrain, une fois déclassé, au prix qu'ils voudront, dès lors que l'Etat n'aura aucun moyen coercitif d'intervention, aucun pacte de préemption n'ayant été conclu devant notaire !
On nous propose, dès lors, un aménagement bout de bois qui ne devrait intégrer que les parcelles dont les propriétaires ont accepté les cadeaux proposés par le chef du DTPE, à l'exclusion des parcelles 15417, 15418, 15419 et 10581 (à noter que le propriétaire de la parcelle 15417, parcelle non bâtie, s'est insurgé contre le fait que sa parcelle n'était pas intégrée dans le périmètre à déclasser, quand bien même il avait signé la convention soumise par le département et contresignée par ce dernier !).
Un aménagement «bout de bois», bricolé à la légère !
Ce dossier laisse apparaître:
- que la valeur du terrain admise par le DTPE est deux fois supérieure à celle retenue, il y a 10 ans par le Grand Conseil, pour le déclassement de terrains agricoles, alors que la valeur des terrains n'a pas augmenté;
- que les conventions établies par le département ne sont nullement contraignantes pour les propriétaires des parcelles concernées;
- que l'Etat ne s'est même pas donné les moyens de prévoir un droit de préemption au cas où les propriétaires de ces parcelles décidaient de vendre à un prix abusif leur terrain;
- qu'on nous propose de déclasser des terrains agricoles, alors qu'il n'existe aucun projet de construction ! (c'est le cas de la parcelle des «Petites-Fontaines») pas plus qu'une image de l'aménagement futur tenant compte du périmètre réduit des terrains déclassés, par rapport au périmètre initialement envisagé.
- qu'en contrepartie de l'octroi des droits à bâtir qui seraient ainsi concédés, l'Etat ne percevrait aucune taxe, les propriétaires qui en bénéficieraient n'étant pas légalement soumis à une taxation de la plus-value foncière, l'initiative 21 n'ayant toujours pas été concrétisée !
Une telle situation est tellement choquante que le chef du département des travaux publics, assistant aux travaux de la commission le 18 décembre 1996, a lui-même reconnu que l'initiative 21 permettrait au moins de taxer la plus-value découlant du déclassement proposé. On aurait rajouter que cette initiative, si elle avait été concrétisée, aurait également permis au département d'éviter de proposer à la signature des conventions qui ont l'odeur d'un bouillon pour les morts !
A la suite de ce projet - qui constitue un exemple type de la nécessité de remettre sur le métier l'initiative 21 - le Parlement serait bien inspiré d'adopter sans tarder les mesures préconisées par l'article 5 de l'initiative 21, afin qu'un fonds de compensation puisse être créé, comme cela existe dans plusieurs autres cantons.
En attendant, rien n'exige de procéder au déclassement d'une parcelle située en zone agricole et qui ne bénéficie d'aucun projet de construction. La minorité considère que le projet du Conseil d'Etat est inacceptable dans sa conception et sa formulation. Cette proposition ne respecte pas les principes qui avaient été arrêtés en son temps par le Grand Conseil pour des délcassements de terrains agricoles (lors d'un déclassement de terrains agricoles à Anières). C'est la raison pour laquelle la minorité vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer ce projet de loi au Conseil d'Etat, afin qu'il nous présente une nouvelle proposition cohérente, notamment quant à son périmètre et offrant les garanties minimales qu'un déclassement de terrains agricoles doit respecter, avec des valeurs foncières correctes. Quant à l'affectation des terrains, elle devrait porter sur des activités industrielles ou artisanales sans nuisances, en compensation des terrains de la ZIPLO que le Conseil d'Etat envisage, semble-t-il, de proposer le déclassement au profit d'un projet de centre commercial, dans la mesure où le principe du déclassement de ces terrains agricoles est admis.
A défaut de ce renvoi, la minorité recommande le refus du projet de loi.
(M 830-B)
Le Grand Conseil a adopté, le 11 juin 1993, la motion citée en référence qui invite le Conseil d'Etat:
- à poursuivre avec les propriétaires des périmètres de Champ-Joly et Petites-Fontaines les pourparlers visant à fixer d'un commun accord le plafond des prix des terrains en vue de leur déclassement éventuel en zone à bâtir;
- à présenter un rapport au Grand Conseil avec délai au 30 sep-tembre 1993 sur le résultat de ces négociations.
Notre Conseil précise tout d'abord que les terrains de ce périmètre, dont le déclassement en zone à bâtir était souhaité par le Conseil municipal, font partie de la zone agricole et que le déclassement de cette poche résiduelle de la zone agricole en zone à bâtir est appelé à compléter celui intervenu en 1992 et répond à un souci de cohérence.
Lors de l'examen de la motion susvisée par la commission parlementaire chargée des questions relatives à l'aménagement du territoire, cette dernière a exprimé le souhait que le Conseil d'Etat fasse preuve de la plus grande attention quant à la fixation des prix des terrains agricoles déclassés en zone à bâtir, le montant de 150 F le m2 ayant été considéré, dans ce contexte, comme le prix maximal admissible.
Le souhait de cette commission répond, en particulier, à la nécessité de mettre à la disposition de la population des logements bon marché dans des zones de développement nouvellement créées et affectées prioritairement à des logements répondant aux besoins du plus grand nombre
C'est ainsi que le département des travaux publics et de l'énergie engagea des pourparlers avec les propriétaires de biens-fonds situés dans le périmètre en question, et qu'une majorité d'entre eux se sont ralliés à la proposition de fixer, par convention, le prix du m2 de terrain dans la future zone à bâtir au niveau de 150 F maximum.
La convention signée par les propriétaires des parcelles nos 10115, 10116, 10590, 10586, 10589 et 10100 a la teneur suivante:
Article 1
Déclassement
Dans le cadre du projet de déclassement, dans une zone à bâtir (zone de développement), des terrains situés dans les secteurs de Champ-Joly et des Petites-Fontaines, les propriétaires ont souhaité que leur parcelle no ... soit classée dans la zone à bâtir. Ils déclarent vouloir utiliser cette parcelle, conformément aux prescriptions légales, pour la construction de bâtiments destinés, principalement, au logement répondant à des besoins prépondérants de la population.
Art. 2
Prix
Les propriétaires déclarent accepter que le prix par m2 applicable à la parcelle no ... après déclassement, n'excédera pas 150 F, notamment en cas de cession onéreuse de ladite parcelle. Est réservée l'indexation de ce montant à l'indice suisse des prix à la consommation, indice 1996.
En cas de cession onéreuse de leur parcelle, les propriétaires nantiront le tiers-acquéreur de l'engagement découlant du présent article.
Pour le surplus, le droit de préemption de l'Etat et des communes, institué par les articles 3 et suivants de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du4 décembre 1977, est expressément réservé.
Par conséquent notre Conseil vous informe qu'il dépose ce jour un projet de modification de zones limité aux parcelles pour lesquelles les propriétaires ont signé la convention précitée.
Il convient encore de préciser que les propriétaires des parcellesnos 10111, 10375 et 10581 ont, en l'état, refusé de signer cette convention et que la parcelle no 10110, nonobstant l'accord de son propriétaire, n'a pu être incluse dans le périmètre de modification de zone au vu de sa situation géographique.
Les négociations se poursuivent avec les propriétaires des parcelles précitées et pourront conduire ultérieurement, en cas d'accord, à l'élaboration d'une proposition de modification de zones complémentaire.
Premier débat
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de minorité. Je voudrais apporter deux ou trois précisions tout en faisant une observation au préalable : il ne se passe pas beaucoup de séances de ce Grand Conseil sans que nous ne soyons saisis de projets de déclassement de terrains agricoles.
Il est vrai que le déclassement porte ici sur une poche résiduelle de terrains agricoles, ce qui ne nous autorise toutefois pas à faire n'importe quoi avec cette parcelle. Alors le rapporteur de majorité a fait un peu d'histoire au début de son rapport - il a bien fait de nous le rappeler d'ailleurs - et nous indique qu'en 1992 ce Grand Conseil avait déjà créé une zone 4B destinée à de l'équipement public pour abriter précisément la construction de l'école prévue dans cette commune.
Or on nous disait à l'époque - je viens de lire le Mémorial concernant ce projet de loi : «Il est urgent de voter ce déclassement, puisque la commune est pressée». Nous étions en 1992 ! Depuis lors, bien que le déclassement ait été voté, la commune n'a absolument rien entrepris. Alors, nous étions en droit de nous interroger - c'est ce que nous avons fait en commission de l'aménagement - sur les raisons pour lesquelles cette commune qui était si pressée de construire son école en 1992 - ce qui a amené, précisément, la création de cette zone destinée à de l'équipement public - n'a pas commencé de le faire.
On nous a tout simplement répondu que la commune souhaitait acquérir le terrain gratuitement; en d'autres termes, qu'elle ne souhaitait pas dépenser d'argent pour ce faire... Alors, il a fallu trouver une solution pour permettre de rétrocéder les droits à bâtir - donc de les augmenter - des propriétaires des parcelles situées sur la parcelle adjacente à celle où l'école devrait être construite.
Vous me permettrez simplement de relever que si la commune était véritablement pressée de construire cette école, elle avait - elle a d'ailleurs toujours - la possibilité d'utiliser l'expropriation pour permettre sa construction. Alors, bien évidemment, pour ne pas avoir à utiliser ce droit que la loi lui confère, vu l'utilité publique invoquée, la commune nous demande de procéder à ce déclassement partiel en zone agricole pour obtenir une rétrocession des droits à bâtir...
Mais cela devient du bricolage ! En effet, nous avons entendu les propriétaires des parcelles qui ne sont pas englobées dans le périmètre. Toutefois, si nous voulons être cohérents - tout le monde s'accorde à dire que cette poche résiduelle n'a rien à voir avec la zone agricole à cet endroit - il faut la faire disparaître totalement et pas seulement de manière biscornue. Pourquoi ne sommes-nous saisis que d'un déclassement partiel et biscornu ? Précisément, parce que le Grand Conseil avait voté, sauf erreur en 1993, une motion demandant au Conseil d'Etat de prendre contact avec les propriétaires voisins pour envisager les conditions d'un déclassement.
Ce problème était déjà relativement épineux, puisque, ces dix ou quinze dernières années, les déclassements de terrains agricoles qui ont été effectués l'ont été en faveur de collectivités publiques et ont d'ailleurs nourri des débats relativement animés dans ce parlement pour déterminer dans quelles conditions celui-ci devait intervenir.
Pour mémoire, je vous rappellerai un des plus célèbres déclassements, qui a suscité beaucoup de débats au sein de ce parlement et permis ensuite de fixer les conditions du déclassement, comme souhaité par le Grand Conseil. Il fallait fixer un prix au m2 notamment pour éviter toute pression et toute spéculation sur ces terrains agricoles. Ce prix avait été articulé aux alentours de 70 à 80 F le m2; le prix de 100 F maximum pouvant être atteint pour des parcelles particulièrement bien situées, comme c'était le cas de celle qui faisait l'objet de ce déclassement en 1984 : la commune d'Anières. Cette dernière a mis dix ans pour commencer à réaliser les constructions, si je ne m'abuse...
Mais il ne faut pas avoir la mémoire trop courte. Si à l'époque des débats ont eu lieu pendant des heures et à plusieurs reprises devant ce parlement pour fixer, une fois pour toutes, les conditions en matière de déclassement de terrains agricoles, en faveur de collectivités publiques, on pourrait penser que ces mêmes conditions devraient être maintenues aujourd'hui, d'autant plus que le déclassement qui nous occupe est favorable à des privés. C'est ma première observation.
Puis le département a contacté les propriétaires des parcelles voisines en essayant de leur proposer de signer des conventions prévoyant un prix, en cas de cession onéreuse - donc en cas de revente du terrain - de 150 F le m2. Ce faisant, Monsieur Joye, vous doublez déjà le montant qui avait été retenu par le Grand Conseil en 1984, s'agissant de terrains agricoles, sans aucune raison, et alors même que tout le monde s'accorde à reconnaître - je pense, y compris vous, Monsieur Joye - que le terrain agricole aujourd'hui ne peut pas être évalué à plus de 10 F le m2. Vous proposez tout à fait unilatéralement un prix quinze fois supérieur au montant actuel du terrain agricole... (L'orateur est gêné par la conversation de M. Brunschwig.) Si ça ne vous intéresse pas, Monsieur Brunschwig, personne ne vous oblige à m'écouter ! Pourtant le problème n'est pas inintéressant par rapport aux conséquences qu'il implique... Et, dans le cas qui nous occupe, M. Joye a proposé un montant de 150 F le m2 à tous les propriétaires, indépendamment du fait de savoir si la parcelle était construite ou non.
Alors, le Grand Conseil a précisé dans sa motion de prévoir un prix maximum - relisez-la - de 150 F le m2. Bien évidemment, je sais que certains députés, surtout sur les bancs de l'Entente, lorsqu'il s'agit de fixer un prix maximum, vont tout de suite au maximum. Mais, voyez-vous, si l'on met un maximum c'est qu'il est possible d'aller plus bas. Alors l'erreur qui a été commise par M. Joye est d'avoir proposé ce prix de façon indifférenciée pour toutes les parcelles. Forcément, le propriétaire de la parcelle non construite qui a bénéficié d'une telle proposition a manifestement un avantage par rapport à celui dont la parcelle a été construite et qui ne peut pas demander plus.
Pas besoin, Monsieur Joye, de vous faire de grands dessins pour vous expliquer que si ce projet devait être accepté tel quel, eh bien, je ne donnerai pas beaucoup de chance à son maintien devant l'autorité de recours s'il devait être attaqué pour inégalité de traitement par un propriétaire ayant signé la convention que vous lui avez proposée, à 150 F le m2, et dont le terrain n'a pas été intégré dans la parcelle à déclasser. Ce propriétaire est venu devant la commission nous dire qu'il ne comprenait vraiment plus comment fonctionne le département des travaux publics. En effet, il nous a dit qu'on lui avait soumis une convention, qu'il l'avait signée; puis, il a relancé le département pour leur signaler qu'il l'avait signée il y a plusieurs mois, qu'un projet avait été déposé pour déclasser ce périmètre; qu'un certain nombre de parcelles sont comprises dans ce périmètre, mais, à son grand étonnement, pas la sienne. Il est donc venu devant la commission pour avoir une explication. Il lui a été répondu qu'on ne pouvait pas englober son terrain, parce qu'il était situé derrière trois autres parcelles appartenant à des propriétaires qui, eux, refusaient de signer.
Alors, voyez-vous, faire de l'aménagement du territoire en fonction du prix auquel les propriétaires de ces parcelles sont prêts à les céder ou non peut laisser un peu songeurs. Cela d'autant plus - c'est l'autre observation - que le département n'a même pas pris les mesures minimales de précaution auxquelles on pouvait s'attendre dans le cadre des conventions qui sont proposées à ces propriétaires en prévoyant un droit de préemption en cas de revente ultérieure. Sur ce point aussi, Monsieur Joye... (L'orateur est interpellé.) Oui, Mme Mottet-Durand nous dira qu'il y a le droit de préemption légal... Je connais la chanson, Madame Mottet, si c'est ce que vous voulez dire !
Il faut savoir que ce droit de préemption ne s'applique que lorsqu'il y a une construction de logements, puisqu'il est prévu dans la loi générale sur le logement, et, par conséquent, il ne règle que «limitativement» cette situation. Donc, si vous voulez nous faire croire, Madame Mottet-Durand, que ces conventions règlent de manière exhaustive l'ensemble des hypothèses du droit de préemption, alors pourquoi ne pas avoir accepté de le faire figurer expressis verbis dans la convention et, surtout, ne pas avoir conclu, devant notaire, un pacte qui vous garantisse la validité d'une telle convention ? En qualifiant cette convention de «bouillon pour les morts» je tiens vraiment à utiliser un langage adéquat et poli, parce que je suis convaincu qu'elle ne mérite même pas ces termes - et je suis sûr que vous en êtes convaincu vous-même, Monsieur Joye !
En d'autres termes, vous savez très bien que si les propriétaires de ces parcelles devaient, après l'adoption de ce projet, vendre leur propre parcelle, vous n'auriez aucun moyen sur le plan juridique de les contraindre à respecter les conventions signées, tout cela parce que vous avez omis de donner la possibilité à l'Etat, dans un tel cas, de se porter acquéreur dans un pacte de préemption au prix fixé dans la convention.
Encore une fois, il n'est pas étonnant que ceux qui ont bien voulu signer ces conventions, notamment la société immobilière, soient ceux qui savent, en tant que professionnels de l'immobilier, que les conventions proposées ne les contraignent nullement; il n'y avait donc aucune raison pour eux de ne pas les signer, car ce faisant ils obtenaient le déclassement. Par contre, les personnes physiques qui n'avaient pas l'air d'être des professionnels en la matière, elles, de bonne foi, doutaient de la possibilité de ne pas devoir être tenues pas ces conventions, et ont refusé de les signer.
Voilà pourquoi - je ne veux pas être plus long - notre formation s'opposera à ce projet de loi, dès lors qu'il serait choquant - autre élément que j'ai développé dans mon rapport, mais que je n'ai pas repris ce soir - d'accepter ces déclassements sans qu'il y ait une quelconque contrepartie pour la collectivité publique. J'ouvre là une parenthèse que je referme aussitôt, mais il était tout de même assez cocasse de voir M. Joye - vous pourrez le confirmer tout à l'heure - dire en commission que ce projet de loi démontrait l'utilité de l'initiative 21. Je vois que vous acquiescez; je vous en remercie, parce que nous avons déposé un projet de loi qui a été renvoyé en commission hier; j'espère donc que vous l'examinerez avec toute l'attention voulue pour que, précisément, lorsque nous nous trouvons dans une situation comme celle-ci, le déclassement d'un terrain agricole en zone constructible puisse faire l'objet d'une taxation de la plus-value qui revienne dans les caisses publiques. Il est en effet choquant, et même particulièrement choquant, que des propriétaires puissent obtenir, par de simples décisions, des droits supplémentaires à bâtir et que la collectivité, en contrepartie, ne puisse prétendre à rien.
Mme Alexandra Gobet (S). 46 500 m2 à plus de 150 F le m2, garanti sur facture, c'est le montant du chèque en blanc qu'une majorité du Grand Conseil est prête à voter en gage à la politique de spéculation du Conseil d'Etat. (Exclamations.) Eh bien, nous, nous ne sommes pas d'accord !
Il ne faudrait pas imaginer pour autant que le projet serait rejeté sur le mode univoque par le groupe socialiste. En effet, nous y avons réfléchi. C'est un projet qui n'a pas manqué de susciter la perplexité. C'est clair, certains, dans l'intérêt des enfants, auraient été prêts à voter oui pour voir construire très rapidement une école.
Ce oui aurait été un soutien objectif au désengagement timoré de la commune qui n'a pas prévu, pas voulu, pas osé exercer ses droits d'expropriation issus de l'utilité publique, pour obtenir une école en temps et lieu plutôt que dans l'urgence.
Ce oui aurait aussi été un soutien logistique à l'attentisme du Conseil d'Etat qui, une fois de plus, après Reuters, Obirama, La Pastorale, et tant d'autres, renonce à défendre l'intérêt collectif en maîtrisant les prix du sol au profit des intérêts privés en laissant la «bride sur le cou».
Quelle urbanisation, demain, sur ces lieux libérés de tout droit de préemption, dont le prix fixé n'est qu'un artifice, mais qui, après l'adoption de ce projet de loi, seront, eux, bel et bien déclassés ? Aussi longtemps qu'un projet n'est pas élaboré, il ne se justifie pas de procéder à un déclassement !
Nous soutiendrons donc le rapport de minorité avec quelques abstentions, car notre parti a de larges ailes, comme vous le savez ! (Rires et remarques.)
Mme Geneviève Mottet-Durand (L). A l'inverse de ce qu'affirme le rapporteur de minorité, il est inutile d'introduire un droit de préemption dans les conventions passées avec les propriétaires, dès lors que les terrains sont déclassés en zone de développement. En effet, la loi sur la zone de développement accorde à l'Etat et à la commune concernée le droit de préemption réclamé par la minorité. Cette requête est par conséquent sans objet.
De même, contrairement à ce que craint M. Ferrazino, les propriétaires ne vendront pas leurs terrains à un prix abusif, dès lors que ce dernier sera, en vertu de la même loi, soumis au contrôle de l'Etat, ce qui n'est actuellement pas le cas tant que les terrains sont en zone primaire agricole. C'est si vrai que l'un des opposants a dû racheter une part de sa propriété à un prix exorbitant pour venir à bout d'un problème de succession...
Cela dit, le prix de 150 F m2 est tout à fait raisonnable en regard de celui qui se pratique en zone de développement. En effet, le prix plafond fixé par l'office financier du logement, dans cette zone, est de 542 F le m2 pour un coefficient d'utilisation du sol de 1. Dans la zone qui nous occupe, ce coefficient est de 0,7. Le calcul est vite fait. Le prix maximal sera donc de 542 x 0,7, c'est-à-dire 380 F le m2. Le prix de 150 F négocié par le DTPE s'avère donc deux fois et demie inférieur à ce plafond fixé par l'OFL. Il n'a donc vraiment rien d'abusif.
En revanche, on se demande si, au contraire, il n'est pas trop bas, car il ne constituera guère plus que 7% du prix de revient des opérations et sera, dès lors, très largement insuffisant pour constituer une part importante de fonds propres. Dans les cas courants, en zone de développement, le terrain représente 80% des fonds propres, soit entre 15 et 20% du prix de revient. Cette lacune oblige les propriétaires à compléter le financement avec un important cash-flow de capital-risque, et l'on sait les difficultés que l'on rencontre aujourd'hui pour capter ce genre d'investissements.
Quant à la plus-value, que le prix de 150 F le m2 représente relativement au prix pratiqué en zone agricole, elle sera imposée très lourdement en vertu de la nouvelle teneur de la loi fiscale en matière immobilière telle que le Grand Conseil l'a récemment votée.
Il n'y a donc pas lieu de fouetter un chat ni d'attendre que l'on concrétise l'article 5, mort-né, de l'initiative 21. Non seulement le prix du terrain, raisonnable au demeurant, est contrôlé par l'Etat et sa plus-value imposée assez lourdement mais encore les coûts de construction et tous les plans financiers des opérations qui se réaliseront dans le périmètre en cause seront soumis, comme vous le savez, aux contrôles OFL. En ce qui concerne les opposants, ils sont en majorité propriétaires de petites parcelles, dont trois sont bâties de villas qui, à l'évidence, ne peuvent être négociées aux mêmes conditions que le reste du périmètre.
Le département des travaux publics et de l'énergie devrait reprendre le dialogue avec ses propriétaires et leur proposer de fixer la valeur de leurs biens au prix de remplacement comme il l'a déjà pratiqué maintes fois en de pareils cas. Cette négociation peut parfaitement suivre le déclassement du reste du périmètre, tel que proposé ce soir. Est-il besoin de rappeler que ce déclassement est non seulement urgent pour la commune qui, comme vous le savez, doit impérativement mettre à disposition les nouvelles classes prévues pour la rentrée scolaire 1998 mais aussi nécessaire à la cohérence urbanistique de l'ensemble. En effet, contrairement à ce qu'insinue le rapporteur de minorité, le DTPE a établi une image directrice de l'ensemble du secteur, vélodrome inclus. Le plan localisé de quartier imposé par la loi sur la zone de développement viendra sceller cette image de manière à la rendre opérationnelle.
C'est pour ces motifs, Mesdames et Messieurs, que je vous invite à voter le projet de loi tel qu'il vous est présenté.
M. Roger Beer (R). J'ai écouté le cours de procédure de Me Ferrazino avec beaucoup d'intérêt, et je dois dire qu'il n'est pas dénué de bon sens... Ce projet de loi comporte effectivement un problème de procédure. Mais Mme Mottet-Durand a bien expliqué pourquoi on doit tout de même voter ce projet de loi, car son but premier est de permettre à une commune de construire une école. On peut bien sûr s'étonner que cette commune ait attendu presque quatre ans pour arriver à ce point de la procédure lui permettant de construire. Seulement, pour notre part, nous ne pouvons que féliciter cette commune de ne pas avoir fait recours au droit d'expropriation, comme elle aurait pu le faire. Cela nous paraît être une bonne chose.
Dans la procédure admise, le projet d'aménagement a quasiment fait l'unanimité, tel qu'il a été envisagé. En tout cas, le crédit pour la construction de l'école a été voté à l'unanimité au Conseil municipal, comme Mme Mottet-Durand l'a relevé. Il faut absolument que cette école soit prête pour la rentrée 1998. Pour ce faire, il faut que le chantier puisse débuter au printemps prochain.
Aujourd'hui nous devons - en tout cas c'est l'avis du groupe radical et de l'Entente, me semble-t-il - donner un signe positif à la commune pour lui permettre d'aller de l'avant et réaliser un projet qu'elle a mené à bout de bras, en trouvant un financement sur lequel tout le monde est d'accord.
Contrairement à ce que vous dites, nous défendons là un intérêt public et non privé. Le groupe radical estime que le département ou le Conseil d'Etat doit reprendre langue avec les différents propriétaires pour se mettre d'accord sur la procédure, avec une égalité de traitement, mais tout en tenant compte des particularités de chaque cas.
J'ai été étonné du recours déposé par le WWF, recours qui faisait un amalgame avec le projet Reuters. Alors, autant j'ai eu des états d'âme, à titre personnel, avec cette affaire, autant je trouve que dans l'affaire qui nous occupe il faut rester sérieux ! Comme vous l'avez reconnu vous-même, Monsieur Ferrazino, ce terrain a beau être situé en zone agricole, cela fait bien longtemps qu'il n'a plus du tout de vocation agricole. D'ailleurs, un des terrains, je crois, a même été retiré du contrôle des prix instaurés par le droit foncier rural, précisément, pour obtenir une libéralisation du prix par rapport notamment au problème de succession qui a été évoqué.
Ce n'est pas à nous, députés, de régler ces problèmes de procédure - cela a été dit au sujet du projet précédent - mais au Conseil d'Etat, respectivement au département.
Vu l'urgence de ce dossier, nous devons donner un signe clair en acceptant ce projet de loi pour permettre à la commune de construire cette école. Nous n'allons pas maintenant faire la chanson de la «rénovation», du «besoin des classes», de «l'augmentation des enfants en âge scolaire» dans les communes qui ont fait l'effort de construire, permettant ainsi à des familles de s'installer et de faire prospérer notre canton.
Alors le groupe radical votera ce projet de loi en invitant, évidemment, le Conseil d'Etat à négocier avec les opposants pour que des solutions acceptables, raisonnables et réalistes soient trouvées en fonction des situations particulières.
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de minorité. Je voudrais apporter une réponse aux propos de M. Beer, exprimés avec une candeur qu'il nous faut bien reconnaître... Il nous dit que nous pouvons nous féliciter que la commune n'ait pas fait usage de son droit d'expropriation. Bien, voyons : nous avons un droit, mais, surtout, ne l'utilisons pas !
Alors, Monsieur Beer, si vous regardez ce qui s'est fait, ces dernières années dans le canton, vous pourriez être rassurés, parce que Dieu sait si l'Etat est réservé à utiliser son droit d'expropriation; mais - M. Joye disait tout à l'heure qu'il était rare qu'il soit félicité - permettez-moi de vous féliciter, Monsieur Joye - une fois n'est pas coutume - car vous avez été plus courageux que M. Beer, puisque, vous, vous avez tout à fait récemment utilisé le droit d'expropriation vis-à-vis de Fiat, à Meyrin, sauf erreur à la rue Lect. C'est la démonstration que ce droit peut être utilisé par les collectivités publiques lorsque cela est nécessaire.
Monsieur Beer, lorsque vous me dites qu'il faut procéder à ce déclassement, même si ce n'est pas satisfaisant, pour éviter à la commune d'avoir à utiliser son droit d'expropriation, il me semble que ce raisonnement pèche quelque part. Ce n'est en tout cas pas très convaincant. Ça l'est d'autant moins qu'il n'y a aucun projet de construction sur les parcelles que vous allez déclasser.
Je trouve tout de même assez extraordinaire de déclasser des parcelles qui sont situées en zone agricole en laissant tomber, finalement, les conditions liées à leur prix, en ne discutant même pas l'affectation de la future zone. En effet, on pourrait se demander comment il faut la faire et s'il ne serait pas plus judicieux d'affecter ces parcelles à des terrains, le cas échéant, industriels. Vu ce qui va se passer - c'est un secret de polichinelle, puisque c'est sorti dans le journal préféré du Conseil d'Etat «Extension» : pour savoir de quoi le Grand Conseil va être saisi c'est le journal qu'il faut lire, vous l'aurez compris ! - nous allons être prochainement saisis d'un projet concernant la COOP qui, semble-t-il, souhaite installer un centre commercial en zone industrielle. Ce serait donc la possibilité de récupérer sur cette parcelle une partie de ce que nous perdrons un peu plus loin, puisque nous sommes dans une région relativement proche.
Ce qui est aberrant - élément supplémentaire que je voulais souligner - c'est que nous allons procéder à un déclassement, le cas échéant, alors qu'il n'y a aucun projet constructif, ni même aucune image pour représenter d'éventuels projets futurs. On nous demande donc de déclasser ces terrains agricoles les yeux fermés ! Bien évidemment, Monsieur Beer, tout le monde s'accorde à reconnaître que, sur le principe, ces terrains n'ont pas de valeur et qu'il faut envisager de les classer dans une zone différente.
Mais, justement, en fonction de l'absence de projet, en fonction des conditions non satisfaisantes des conventions qui ont été proposées, nous suggérons de renvoyer ce projet au Conseil d'Etat, dès lors qu'il n'y a aucune urgence. Je le répète, si la commune souhaite démarrer cette école elle peut le faire, grâce au projet voté en 1992, en utilisant le droit d'utilité publique dont elle dispose.
M. Christian Grobet (AdG). Je tiens à faire part de mon étonnement quant à certains des propos de Mme Mottet-Durand.
Madame, vous êtes maire d'une commune, par conséquent vous savez très bien quelle est la différence entre le droit de préemption légal, lorsque le prix que l'Etat ou la commune devra payer pour acquérir le terrain n'est pas fixé, et le droit de préemption qui ressort du droit civil, lorsque le prix est fixé à l'avance. Il est évident que lorsqu'on signe un contrat qui fixe le prix à 150 F le m2, la moindre des choses - n'importe quel avocat vous le dira - est de le confirmer par un droit de préemption - au même prix, bien entendu - sans laisser cette question délibérément ouverte.
Ensuite, vous avez dit qu'avec ce prix fixé à 150 F l'imposition fiscale serait lourde, en vertu de la loi votée il y a un an. Mais je crois halluciner, Madame, en vous entendant parler ! Précisément, cette loi ne s'applique pas, contrairement au projet de loi que nous avons déposé et évoqué hier soir, à la plus-value dont bénéficie un bien-fonds suite à une mesure d'aménagement; cette loi, qui a été modifiée il y a une année, s'applique uniquement en cas de vente du terrain ! Or il n'y a aucune certitude quelconque que ces terrains se vendront. Du reste, on peut vraisemblablement penser que cela ne sera pas le cas, parce que c'est sur ce point que réside toute l'astuce de l'opération. Il n'y aura par conséquent pas de gain sur une vente immobilière, et cette loi ne sera pas appliquée.
Dans l'hypothèse d'une vente, Madame, eh bien cette loi aura l'effet scélérat que nous avons dénoncé il y a une année ! Elle n'aura aucun effet, puisque vous, la majorité, avez voulu que le gain immobilier ne soit pas imposé pour des opérations portant sur des terrains en main d'un même propriétaire depuis plus de vingt-cinq ans. Eh bien, je suis prêt à vous parier que la plupart des terrains dont nous parlons ici appartiennent depuis plus de vingt-cinq ans aux propriétaires. En effet, j'ai eu l'occasion de les entendre personnellement devant la commission de l'aménagement il y a quatre ou cinq ans : ils ont tous déclaré être propriétaires de longue date de leurs biens immobiliers.
Par conséquent, il n'y aura aucune imposition fiscale du tout, contrairement à ce que vous avez osé prétendre tout à l'heure. Je ne reviendrai pas sur l'argument, qui vous a été soufflé par un promoteur du temps où on construisait sans fonds propres, selon lequel cela coûtait moins cher - ce qui est hallucinant - de construire des logements sur des terrains dont les prix sont élevés, car cela évitait, précisément, de mettre des fonds propres sur la table. Il ne faut tout de même pas aller contre les réalités économiques ! Pour moi, meilleur marché est le terrain...
M. Claude Blanc. ...moins il est cher !
M. Christian Grobet. ...meilleur marché est la construction, cela va de soi ! Monsieur Blanc, vous qui intervenez, vous vous souvenez certainement de votre maître à penser, M. Jean Babel, dont la politique d'acquisition de terrains était intelligente : il savait que pour faire des logements bon marché, il fallait avoir des terrains très bon marché.
Alors, de grâce, Madame Mottet-Durand, ne dites pas que pour faire du logement bon marché et avoir des fonds propres il faut augmenter le prix du terrain; c'est évidemment le contraire du bon sens.
Mais, surtout, j'aimerais en venir à ce chantage parfaitement détestable, que nous avons déjà entendu hier soir pour le projet de modification de zone au Petit-Saconnex, consistant à dire que si nous ne votons pas la zone cela va bloquer un projet de construction pour une mission diplomatique et que cela va contre les intérêts de la Genève internationale. Ce soir on nous «ressort» le même argument éculé en nous disant qu'il faut voter ce projet pour ne pas bloquer un projet scolaire !
Il semble donc que le meilleur moyen de procéder en matière d'aménagement du territoire - cela commence à devenir une méthode constante - est de laisser pourrir un dossier et de le présenter au dernier moment en prétendant qu'il n'est pas possible de faire autrement.
M. Olivier Vaucher. Chacun ses méthodes !
M. Christian Grobet. Alors, c'est quand même un peu fort de tabac ! J'aimerais tout de même rappeler, puisque vous parlez du caractère d'urgence de construire cette école, que c'était déjà soi-disant urgent il y a cinq ans ! Et c'est en raison d'une prétendue urgence que le Grand Conseil a créé une zone spéciale pour construire cette école. Elle a été votée, Mesdames et Messieurs les députés, il y a très exactement cinq ans, en janvier 1992, et cette zone a été créée avec une clause d'utilité publique permettant effectivement, cas échéant, à la commune de procéder par voie d'expropriation.
Personnellement je suis, comme vous, Monsieur Beer, tout à fait réticent à user de ce droit d'expropriation, même si des fois cela est nécessaire. Je me félicite de n'avoir eu besoin d'y avoir recours qu'une seule fois pour une parcelle nécessaire à l'autoroute de contournement, et encore l'affaire s'est ensuite arrangée en conciliation. Mais, dans certains cas, face à des propriétaires qui font passer leur intérêt privé avant l'intérêt général, l'expropriation reste le seul moyen d'agir, et le Grand Conseil l'a bien compris il y a quatre ans, lorsqu'il a fallu mettre fin à la longue saga du cimetière de Corsier - un propriétaire refusait de céder le terrain et la commune, bien qu'ayant des édiles libéraux tout à fait opposés à l'idée de l'expropriation, s'est finalement ralliée à l'évidence même qu'il n'y avait pas d'autre moyen que de recourir à l'expropriation.
Dans le cas qui nous occupe, voilà déjà cinq ans que la commune pouvait procéder à l'expropriation, et, quand la zone a été créée, en janvier 1992, c'était pour donner les moyens à la commune de pouvoir agir dans l'hypothèse où le propriétaire du terrain ne voulait vraiment pas vendre. Aujourd'hui, rien ne figure dans les rapports, s'agissant d'une éventuelle démarche entreprise par la commune pour obtenir ce terrain qui se trouve dans une zone d'utilité publique créée par ce Grand Conseil. Qu'a-t-elle fait ? Y a-t-il eu des mises en demeure ? Y a-t-il eu des menaces de recourir à la clause d'utilité publique ? Non, rien n'est invoqué ! C'est pitoyable ! C'est lamentable ! On invoque l'urgence aujourd'hui, alors que rien n'a été fait. Et on ne m'enlèvera pas de l'idée que cette affaire, Monsieur Beer, n'est pas une affaire d'école - ce problème aurait pu être résolu depuis longtemps - mais qu'en réalité certaines personnes dans la commune s'ingénient à vouloir faire déclasser ces terrains à des conditions particulièrement favorables pour certains propriétaires...
Pour moi ce n'est pas du tout une affaire d'utilité publique : c'est une affaire de «petits copains» !
M. Olivier Vaucher. On en a connu d'autres !
M. Christian Grobet. Oh oui, on en connaît beaucoup en ce moment !
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je voudrais vous montrer un tout petit dessin...
M. Daniel Ducommun. C'est Babar ?
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Non, ce n'est pas Babar, Monsieur Ducommun !
En jaune, grosso modo, se trouvent les parcelles, et là la majorité des grandes parcelles concernées et ici, schématiquement, l'école. Les trois parcelles sur lesquelles porte la discussion se trouvent là. (L'orateur désigne les endroits concernés à l'aide d'un crayon.) Si on n'arrive pas à un accord pour déclasser le reste du terrain ce soir ce n'est pas grave du tout, parce que celui qui nous intéresse est situé à un endroit qui permet un développement cohérent de la plus grande partie de la parcelle.
Parler «d'astuce» dans cette opération relève d'un a priori de malhonnêteté que, malheureusement, je ne peux pas partager : ni les administrateurs de Plan-les-Ouates ni le département des travaux publics ne voient aucune «astuce» dans ce projet. Nous voudrions tout simplement, comme l'a dit M. Grobet, construire deux cent vingt appartements HLM et HBM et permettre de démarrer la construction d'une école; ce qui n'a pas été possible depuis des années.
Il faut rappeler que ce déclassement, pour M. Ferrazino, fait partie des déclassements qui ont déjà commencé bien avant l'affaire Reuters, cela a été dit. Il est donc tout à fait légitime de continuer à traiter cette affaire qui était en cours bien avant mon arrivée. Le prix de 150 F le m2 a servi de prix de base maximum; il avait été instauré par la commission de l'aménagement et donné de bons résultats.
Mme Mottet-Durand a dit - je pense que M. Grobet a mal compris ses propos - exactement le contraire de ce que prétend M. Grobet : que le prix de 150 F était deux fois et demi meilleur marché que le plan financier de l'Office financier du logement ne le permettait. Vous avez évoqué, il me semble, le prix de 558 F. L'avantage de fixer le prix à 150 F est de diminuer le coût général, ce qui peut effectivement poser un problème de cash-flow au propriétaire.
Les déclarations sur le couple italien - du reste fort sympathique - que j'ai rencontré, sont tout à fait exactes. M. et Mme désirent partir et liquider leur propriété. Mais comment voulez-vous que l'Etat achète un terrain qui est en zone agricole, dès lors qu'il ne peut pas exercer son droit de préemption ? D'un autre côté, les autres propriétaires désirent faire une opération financière un peu plus importante, parce qu'ils ont eux-mêmes eu des engagements importants à résoudre pour liquider leur succession, comme cela a été relevé. Les intérêts de ces trois propriétaires sont malheureusement divergents; cela nous empêche d'intégrer cette parcelle tout de suite dans le périmètre total, et ne nous permet donc pas de procéder à un déclassement de ces terrains.
Rassurez-vous, les trois propriétaires sont défendus par un avocat extrêmement compétent, Me Bellanger, et nous n'aurons pas de négociations à reprendre dans la mesure où elles n'ont jamais été interrompues. Nous avons même établi un projet de loi qui est prêt, dès que nous serons tombés d'accord avec ces trois propriétaires.
Parler d'absence de projet du point de vue urbanistique à Plan-les-Ouates est particulièrement malheureux. Ce projet d'urbanisme a été élaboré avec beaucoup de soin; il est de très bonne qualité, et je voudrais féliciter la commune de Plan-les-Ouates, car elle a vraiment effectué une planification que l'on aurait du plaisir à retrouver dans certains autres ensembles. Je voudrais dire que le développement de tout ce complexe d'habitations a déjà commencé avec des bâtiments qui sont de bonne qualité.
L'idée de forcer la commune à exproprier est un peu contradictoire avec les propos tenus à l'instant par M. Grobet, à savoir que pendant ses douze ans de présence au gouvernement une seule expropriation a été effectuée. Comme lui, je pense que nous vivons dans des collectivités dans lesquelles les gens se connaissent bien. Nous avons un style de faire, en matière de terrains, basé sur la notion de consensus. Quelle est la différence entre l'inauguration d'une autoroute en France et en Suisse ? En Suisse, il y a un conseiller fédéral et deux cents à deux mille paysans heureux; en France, il y a un ministre et deux cents CRS... parce que le trax est passé avant de trouver une entente !
Je vous invite donc à voter ce projet, étant entendu que les négociations avec les propriétaires précités se poursuivent, afin de trouver un accord et pouvoir ainsi déposer un projet de loi complémentaire qui est déjà prêt, je le répète.
Je veux encore dire un mot pour rassurer M. Ferrazino : il n'a jamais été question de payer le même prix selon que leur terrain est complètement dénué de construction, qu'il a quelques équipements mineurs ou qu'une villa y est construite. La notion de valeur de remplacement existe encore au département des travaux publics et de l'énergie !
La présidente. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole !
Une voix. Ah, t'es là ! (Rires.)
M. Jean-Claude Dessuet (L), rapporteur de majorité. Dans la conclusion de mon rapport, j'ai écrit : «A l'issue de ses travaux, la majorité de la commission vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de voter le présent projet de loi tel quel et de recommander au Conseil d'Etat la poursuite des négociations avec les propriétaires provisoirement exclus du périmètre dans le but de présenter un projet complémentaire pour la création d'une zone de développement 3.»
Cela veut donc bien dire, Monsieur Ferrazino, que nous ne voulons pas exclure les propriétaires des discussions; bien au contraire, nous demandons aux propriétaires qui se sentiraient exclus de s'exprimer. On sait qu'une partie de ces terrains sont déjà en zone 3, comme ceux situés sur la route de St-Julien, vers l'ancien vélodrome. Il est simplement demandé que les terrains qui sont dans la continuité de ceux-ci, jusqu'à la route de base, le soient aussi.
Madame Gobet, j'ai peut-être un blanc; j'ai essayé de savoir où ce chèque se trouvait inscrit dans le rapport, mais en vain !
Je demande à tous les députés de bien vouloir accepter le rapport et sa conclusion.
M. Christian Grobet (AdG). J'ai entendu - je ne dirai pas «avec beaucoup d'intérêt», parce que ce n'est pas la première fois que l'on dit cela - que ce déclassement permettrait la construction d'un important projet de logements HLM et HBM. Dans la mesure où l'on dispose de terrains bon marché, il devrait être possible de réaliser des logements sociaux, mais j'aimerais tout de même savoir quelles sont les garanties données par le Conseil d'Etat à cet égard. Je dis cela par rapport à deux cas très particuliers où le Conseil d'Etat, dans les législatures précédentes, avait pris des engagements qui n'ont pas été tenus par l'office financier du logement qui dépend du département de l'intérieur. Il est d'ailleurs regrettable que M. Haegi ne soit pas là ce soir pour nous donner des précisions éventuelles !
Je me souviens en tout cas personnellement de m'être fait «piéger» - je ne vois pas d'autre terme - pour le déclassement des terrains à Pinchat. En séance publique, nous avions déclaré, M. Wellhauser et moi-même, avec M. Barbier-Müller, répondant de la Société privée de gérance, qu'une majorité de logements HLM seraient construits à Pinchat, alors qu'à ma connaissance il n'y en a pas eu.
M. Ferrazino a fait allusion tout à l'heure aux conditions du prix du terrain qui avait été fixé à Anières, également dans le but de construire des logements sociaux. Ce deuxième exemple me vient à l'esprit, car l'autre jour j'ai eu l'occasion de lire dans un grand journal de la place qu'aucun logement HLM n'y avait été construit, même en PPE. Alors, je dois dire que, face à la pratique du département de l'intérieur, j'aimerais bien savoir quelles sont les garanties données pour que des terrains déclassés bon marché dans le but de construire des logements sociaux servent effectivement à ce but. La loi est muette à cet égard...
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7538)
LOI
modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune dePlan-les-Ouates (création d'une zone de développement 3)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
1 Le plan n° 28809-529 dressé par le département des travaux publics et de l'énergie le 22 février 1996, modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Plan-les-Ouates (création d'une zone de développement 3, à la route du Vélodrome - route de Base), est approuvé.
2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.
Art. 2
Les oppositions à la modification du régime des zones formées par le Fonds Mondial pour la protection de la Nature (WWF), M. Rodolphe Nessler, représenté par son avocat, Me François Bellanger, M. Joseph Zanette et Mme Patricia Tinguely-Ravy, sont rejetées dans la mesure où elles sont recevables pour les motifs exposés dans le rapport de la commission chargée de l'examen de la présente loi.
Art. 3
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité II aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le plan visé à l'article 1.
Art. 4
Un exemplaire du plan n° 28809-529 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.
M 830-B
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
La séance est levée à 19 h 25.