République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 23 janvier 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 2e session - 2e séance
PL 7491-A et objet(s) lié(s)
11. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier les objets suivants :
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Sous la présidence de M. Florian Barro, la commission d'aménagement a examiné lors de ses séances des 9 et 16 octobre 1996 le projet de loi 7491 cité en titre. Assistaient aux séances le 9 octobre M. Philippe Joye, conseiller d'Etat chargé du département des travaux publics et de l'énergie, les 9 et 16 octobre, MM. Georges Gainon, chef de la division de l'information du territoire et des procédures, et Jean-Charles Pauli, juriste.
Audition de la Société d'Art Public
Le 9 octobre, la commission a procédé à l'audition des représentants de la Société d'Art Public (ci-après: SAP).
Il ressort de cette audition un certain nombre d'objections formulées par la SAP. Celles-ci portent davantage sur la préservation du site et la conservation des bâtiments existants que sur le déclassement proprement dit de la zone. Ainsi les critiques touchent-elles au plan localisé de quartier, soit à l'implantation des nouveaux bâtiments, à leur gabarit, à l'aménagement de leurs abords ainsi qu'à la transformation de la maison de maître. La SAP a, du reste, déposé une demande de classement de cette dernière. La requête est en cours d'examen.
Ladite société déplore par ailleurs que les projets situés dans le périmètre proposé au déclassement de zone, qui fait l'objet du présent projet de loi, ne s'inscrivent pas dans une image directrice de l'ensemble du secteur compris entre la route de Ferney, l'avenue Appia et l'avenue de la Paix. Il ressort de l'audition que les questions soulevées par la SAP sont de la compétence du Conseil d'Etat. Elles ne mettent pas en cause - du moins quant au principe - le déclassement en question qui, lui, est du seul ressort de notre Grand Conseil. Il appartient toutefois à ce dernier d'inviter le Conseil d'Etat à étudier l'image directrice qui vient d'être évoquée, de manière à inscrire les projets dans un ensemble cohérent. Cette injonction fait l'objet de la proposition de motion qui accompagne le présent rapport et que la commission soumet à votre examen.
Débat de la commission
Un certain nombre de commissaires, au cours du débat, déplorent que les pourparlers entre le Conseil d'Etat - ou le département - d'une part et la SAP d'autre part n'aient pas abouti avant que le Grand Conseil ait à se prononcer sur le déclassement de zone.
La majorité de la commission estime, quant à elle, que le résultat de ces tractations, quel qu'il soit, ne peut mettre en cause ledit déclassement. Elle relève par ailleurs l'urgence de certains projets dont celui de la mission de Hong Kong et retient que l'implantation, dans le périmètre en cause, de cette dernière ainsi que des représentations de la Corée du Sud et du Canada s'inscrit dans la politique d'accueil de notre canton. L'intérêt général implique par conséquent et facilite ladite implantation en dépit des réticences très spécifiques - pour ne pas dire spécieuses - que d'aucuns ont exprimées.
Des commissaires ont par ailleurs demandé que l'Etat de Genève soit mis au bénéfice d'un droit de préemption sur les parcelles cédées à des Etats étrangers.
Hormis les complications de procédure qu'une telle requête impliquerait dès lors que celle-ci devrait préalablement être adressée à la Mission suisse à Berne avant de faire l'objet de transactions entre la Confédération et les Etats concernés, ce genre d'exigence - ou de condition - porterait atteinte à l'image de marque de Genève au moment où ses concurrentes se pressent, s'empressent et offrent maintes facilités aux missions et autres organismes en quête d'implantations dans des sites internationaux. Principalement pour ce motif, la majorité de la commission n'a pas retenu cette proposition.
Conclusion
A l'issue de ses travaux, la majorité de la commission vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de voter tel quel le présent projet de loi après en avoir toutefois modifié le titre comme suit (amendement en italique):
Projet de loi modifiant les limites de zones sur le territoire de la Ville de Genève, section Petit-Saconnex (création d'une zone de développement 3 destinée à des organisations de type international).
L'article 1 comporte le même amendement entre parenthèses.
Le projet ainsi amendé a été voté dans son ensemble par 8 voix pour (L, R, PDC), 4 avis contraires (AdG, Ve) et 2 absentions (S).
La majorité de la commission vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre sa recommandation et à adopter le projet de loi tel qu'amendé.
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Le 24 mai 1996, le Grand Conseil adoptait le projet de loi 7406, modifiant le régime des zones de construction de la commune de Pregny-Chambésy. Ce projet visait, comme celui qui nous est soumis aujourd'hui, à favoriser des projets d'implantation d'activités internationales.
Notre Grand Conseil est saisi de projets de construction concernant une petite partie d'un très vaste projet, mis à l'enquête publique en 1992.
Ce travail au «coup par coup» est insatisfaisant, car il ne permet jamais d'avoir une vision d'ensemble. Cette raison a semblé suffisante à la minorité de la commission pour refuser le projet 7491, demander une fois de plus les raisons de cette manière de faire (question restée sans réponse à ce jour) et ce qu'il en était du reste du projet.
Le projet de la Pastorale
Le domaine de la Pastorale comprend une maison de maître avec des dépendances alignées en limite de propriété et un parc arborisé procurant à l'ensemble un cadre naturel mettant d'autant plus en valeur le caractère exceptionnel de cette propriété. Ce domaine est incontestablement à préserver, il mérite une description plus détaillée fournie par une spécialiste:
«Le domaine de la Pastorale (106, route de Ferney) est l'un des plus remarquables domaine de la périphérie urbaine. Fleuron de l'architecture et de l'art de vivre romantiques genevois, la propriété fut construite par Eugène de Budé (1800-1875).
Ces bâtiments consistent en trois dépendances, - dont une ravissante écurie pour trois chevaux à colonnes de chêne conservée intacte -, alignées en limite de propriété à l'arrière de la maison de maître. Grâce aux soins constants apportés à cette demeure par ses propriétaires, elle a conservé l'essentiel de sa typologie.
La parcelle de plus de 4 hectares au milieu du siècle dernier a déjà subi plusieurs imputations. Elle se trouve rétrécie de moitié à ce jour, de sorte que la maison n'a plus aujourd'hui que l'assiette nécessaire à sa respiration et à ses vues. Des arbres séculaires jalonnent la propriété.»
Le caractère exceptionnel de ce domaine impose des mesures de protection rigoureuse. Afin de garantir les qualités du domaine, il faut impérativement maintenir les abords de la maison de maître et des dépendances. Une étude menée au sein du service des monuments et des sites avait d'ailleurs analysé soigneusement les caractéristiques de cette route de Ferney, auxquelles contribuent les murs qui bordent la propriété de la Pastorale.
Il est prévu d'édifier trois bâtiments sur cette parcelle, les représentations de Hong Kong, de la Corée du Sud et du Canada.
La Société d'Art Public (SAP) a fait opposition au plan localisé de quartier (annexe 1). Cette opposition porte, certes, sur un aspect différent de celui dont nous avons à traiter par le biais du projet de loi 7491, qui, lui, concerne uniquement la modification des limites de zone, mais pour avoir une vision plus complète du dossier, l'audition de ses représentants pouvait apporter des éclaircissements intéressants.
Audition de la SAP
En résumé, la SAP a demandé le classement de la parcelle l'année dernière déjà, cette demande est toujours pendante. Elle n'est pas opposée à toute densification de la parcelle, mais déplore que l'Etat ait permis un «mitage» du domaine, excluant toute vision d'ensemble.
Un échange de vues, un peu vif parfois, entre les représentants de la SAP et le département, en présence de M. Philippe Joye, président du département des travaux publics et de l'énergie, a laissé entrevoir le peu de concertations dans ce dossier. Les représentants de la SAP estiment avoir été fort mal informés des intentions du département. Le conseiller d'Etat Philippe Joye, de son côté, a remis aux commissaires copie du procès-verbal de son entrevue avec une délégation du comité de la SAP, du 13 février 1996, dans laquelle on peut lire: «Quant au président Philippe Joye, il déclare tirer une leçon de ce dossier, celle de la nécessité de procéder à des consultations en temps utiles.»
Si la SAP n'a pas formulé d'observations particulières concernant les bâtiments à construire par la Mission de Hong Kong et du Canada, elle a attiré l'attention des commissaires sur le fait que l'implantation du bâtiment prévu pour la Mission de la Corée du Sud ne présentait pas une implantation judicieuse et que le gabarit projeté portait une atteinte inadmissible à l'ancien domaine de la Pastorale. Le bâtiment de six étages sur rez, situé entre la maison de maître et la route de Ferney, viendrait écraser de sa masse la maison et nécessiterait l'abattage des plus beaux arbres de la propriété.
Remarques
La minorité de la commission partage les craintes exprimées par la SAP, tout en étant consciente que le Grand Conseil n'est saisi, via ce projet, que d'une demande de déclassement. La construction projetée pour la Mission de Corée aurait indéniablement des conséquences fâcheuses pour la qualité du site du domaine de la Pastorale.
De même que la minorité, encore une fois en accord avec la SAP, réfute les accusations à son encontre par lesquelles la majorité laisserait entendre que notre opposition dans ce projet est un refus de l'installation de différentes missions diplomatiques. Comme le disent les représentants de la SAP, dans un document remis aux commissaires à l'issue de leur audition :
«Genève a déjà payé un cher tribut à l'implantation des organisations internationales. L'Ariana a été amputé de son parc, prévu inaliénable par les dispositions testamentaires de Gustave Revilliod, au moment de la construction du Palais des Nations. La Villa Blanche, demeure du peintre Etienne Duval, a été privée de dégagement. Dans l'enceinte même de l'ONU, le bocage de Jeanne-Victorine de Sellon, a été agrandi d'une aile de bureaux (1957), puis sa chapelle privée démolie sans autorisation pour créer des places de parking ; la Pelouse a été transformée en bureaux. L'exceptionnel domaine Rigot a vu disparaître l'une de ses deux remarquables dépendances symétriques au moment du percement de l'avenue de France. La Villa Blanc a été purement et simplement détruite.»
Le droit de préemption
Au-delà de l'aspect esthétique et du manque de vision globale d'aménagement de zones, les commissaires de la minorité se sont également étonnés du fait que le projet soumis n'avait pas repris le droit de préemption, qui figurait pourtant dans le précédent projet élaboré par le Conseil d'Etat.
A la demande de réintroduire le droit de préemption dans ce projet, le chef du département s'est d'abord déclaré entièrement d'accord, allant même plus loin que le souhait des députés, puisqu'il a immédiatement proposé de réintroduire intégralement l'article qui figurait dans le projet initial du Conseil d'Etat. Malheureusement, à la séance suivante, note juridique à l'appui, le département revenait sur les propositions de M. Joye, en refusant toute modification, au motif qu'aucune réserve n'aurait été émise lors des discussions qui ont eu lieu entre l'Etat de Genève et les Etats étrangers concernés (!).
Suite à cette volte-face, la minorité de la commission, et en particulier Mme Gobet Winiger - qui avait pris, de son côté, des renseignements suffisants pour recommander la réintroduction du droit de préemption - présenta un amendement visant à réintroduire un article sur le droit de préemption. Cet amendement ayant été refusé, le groupe socialiste a également refusé de donner son aval à ce projet.
Conclusion
Dès lors que les députés n'ont pu obtenir aucune indication quant au reste du projet, et peu rassurée par le peu de cohérence du département des travaux publics et de l'énergie dans ce dossier, la minorité de la commission de l'aménagement du canton exprime son désaccord en refusant le déclassement proposé par 4 votes négatifs (Ve, AdG) et deux abstentions (S).
Cette vision semble toutefois être partagée par d'autres députés, puisque le président, qui ne fait malheureusement pas partie de la minorité, a lui-même estimé «que le message que nous devrions transmettre au Conseil d'Etat serait d'accepter le déclassement et relever qu'une telle procédure ne devrait plus se reproduire à l'avenir».
Annexe: Opposition de la SAP au plan localisé de quartier.
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(M 1107)
PROposition de motion
pour l'aménagement du secteur compris entre la route de Ferney, l'avenue Appia et l'avenue de la Paix
LE GRAND CONSEIL
considérant:
- le projet de loi 7491 modifiant les limites de zones sur le territoire de la Ville de Genève, section Petit-Saconnex (création d'une zone de développement 3 destinée à des organisations de type international);
- les considérations évoquées notamment lors de son audition devant la commission d'aménagement du Grand Conseil le 9 octobre 1996 par la société d'Art Public à propos de l'aménagement du secteur cité en titre;
- la qualité et la situation privilégiée du secteur en cause;
- les besoins d'implantation - prioritaires pour l'avenir de Genève - des organisations internationales et des diverses représentations d'Etats auprès de l'ONU;
- l'absence d'un plan ou pour le moins d'une image directrice d'aménagement du secteur concerné,
invite le Conseil d'Etat:
à entreprendre immédiatement, d'entente avec les communes concernées, les études d'aménagement visant à doter le secteur cité en titre d'un plan directeur, cas échéant du ou des plans localisés de quartier - voire d'un plan de site - valorisant le lieu et ses abords.
EXPOSÉ DES MOTIFS
contenu dans les rapports de majorité et de minorité de la commission d'aménagement du canton concernant le projet de loi 7491.
Premier débat
Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse de minorité. J'aimerais préciser ce que mon collègue, rapporteur de majorité, appelle des «réticences spécieuses», en les résumant de la manière suivante, point par point :
Nous avons établi un rapport de minorité, car cette affaire de La Pastorale représente la goutte d'eau qui fait déborder le vase. L'aménagement au coup par coup choisi par le département des travaux publics nous semble largement insatisfaisant.
Dans mon rapport de minorité, j'ai donné la parole à une historienne de l'art pour décrire la qualité du domaine de La Pastorale.
Nous soutenons l'opposition de la Société d'Art Public, même si elle ne concerne pas le déclassement.
Comme M. Joye, nous relevons le manque de concertation. Il nous a d'ailleurs remis un procès-verbal dans lequel on lit : «Quant au président Philippe Joye, il déclare tirer une leçon de ce dossier, celle de la nécessité de procéder à des consultations en temps utile.» !
La mission de Corée du Sud a un gabarit excessif - six étages sur rez-de-chaussée - pour cette construction.
Quant au droit de préemption mentionné dans le projet initial, il a été supprimé suite à la volte-face du Conseil d'Etat. A la demande de députés de la commission de l'aménagement, M. Joye a accepté de le réinstaurer, sans sourciller. Mais après avoir consulté les juristes de son département, il le retire à nouveau; nous trouvons cette manière de procéder inacceptable. Ce droit de préemption, réclamé ensuite par l'amendement du parti socialiste, a été refusé.
En conclusion, que ce soit la façon de traiter avec les associations - d'importance reconnue - ou avec les députés, le manque de cohérence et de concertation est flagrant. L'attitude du Conseil d'Etat et son refus de vision globale sont inacceptables.
A plusieurs reprises, le Conseil d'Etat a été prié par la commission de l'aménagement de préciser ses intentions au sujet de ce périmètre et des déclassements. Mais, probablement par manque d'une vision claire, aucune réponse n'a été donnée.
Le groupe des Verts est favorable à l'implantation d'organisations gouvernementales ou non gouvernementales dans la Genève internationale. Il est affligeant d'être obligé de le répéter, mais, comme il s'agit du seul argument qu'on nous oppose, je suis obligée de taper sur le clou.
Cette implantation peut pourtant se faire dans de meilleures conditions et en conformité avec une politique d'aménagement du territoire respectant l'environnement. Une telle politique n'existe plus. A cet égard, les grandes déclarations du Conseil d'Etat sur l'aménagement du territoire nous plongent dans une profonde inquiétude.
Parmi un grand nombre d'incohérences, nous relevons, à la page 81 du projet d'aménagement cantonal - sur lequel nous nous ferons un plaisir de donner notre avis - qu'il est important d'assurer la protection du patrimoine historique rural, caractéristique du paysage genevois, si nécessaire par des changements d'affectations. Mais, lorsque l'on parle de patrimoine, toutes ces bonnes résolutions partent en fumée !
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser le projet de loi 7491. Madame la présidente, je vous prie de donner lecture d'une lettre écrite par des professeurs d'histoire de l'art de l'université de Genève, MM. Marcel Roethlisberger, Pierre Vaisse et Jean Wirth.
M. Christian Grobet (AdG). Je ne saurais trop souscrire à l'excellent exposé de Mme Bugnon. J'ajouterai que cette affaire est pitoyable quant à l'aménagement du territoire.
L'aménagement du périmètre allant de la place des Nations jusqu'au Grand-Saconnex, en passant par le site du Conseil oecuménique des Eglises, a fait l'objet d'une attention particulière de la part du département des travaux publics, voilà quatre ou cinq ans, lorsque des parcelles risquaient d'être mises en vente.
Les propriétaires de la parcelle de La Pastorale, d'une qualité exceptionnelle, exigeaient un prix exorbitant, ce qui a inquiété le département des travaux publics - M. Nissim aura l'occasion de reparler de spéculation foncière ! En raison de la valeur de la maison de maître qui mérite d'être classée, des abords qui doivent être protégés et de la qualité de la végétation, le terrain constructible était limité.
En 1993, le département des travaux publics a mis à l'enquête un projet de plan de zone allant des voies CFF au bas de la campagne Rigot jusqu'au Conseil oecuménique des Eglises - en ce qui concerne la Ville de Genève - et englobant une portion de territoire des communes du Grand-Saconnex, dans le secteur du Conseil oecuménique des Eglises, et de la commune de Pregny-Chambésy.
Ce projet de loi, préavisé favorablement par le Conseil municipal de la Ville de Genève au début de l'année 1994, prévoyait de définir des sous-périmètres qui ne seraient pas développés en raison de leur caractère particulièrement sensible. La parcelle de La Pastorale figurait bien évidemment parmi les périmètres «sensibles» devant être définis, auxquels ne seraient pas appliquées les normes de la zone de développement, tout en les laissant au bénéfice de cette zone.
Que s'est-il passé à la suite du préavis de janvier 1994 ? Je n'en sais rien, mais toujours est-il que le Conseil d'Etat n'a jamais saisi le Grand Conseil de ce projet de loi. Cela lui aurait pourtant donné les moyens de mener une politique cohérente d'aménagement du territoire et de procéder à une étude «à froid» en déterminant les sites méritant d'être protégés.
Dans certains milieux, on verse aujourd'hui des larmes de crocodiles : on est obligé de pallier le plus pressé. Entre-temps, les terrains se sont vendus à des prix faramineux. On a autorisé la construction du bâtiment abritant la mission de Hong Kong, réalisation qui impliquait l'adoption préalable d'un plan localisé de quartier suivant les normes de zones de développement sans que ce plan ait été adopté et en totale illégalité ! Mais bref, on n'en est pas à une irrégularité près dans la gestion de ce genre d'affaires !
Ainsi, on ne s'est pas donné les moyens d'aménager ce périmètre et, au lieu, Mesdames et Messieurs les députés, de nous saisir du projet de loi portant sur la totalité du périmètre, on nous saisit d'un projet de loi portant sur une seule parcelle, une mini-zone située au milieu de cette zone de développement ! C'est une démarche parfaitement grotesque. De même qu'on nous a déjà saisis à la hâte de l'autre partie de ce grand projet de modification de zone, concernant la commune de Pregny-Chambésy et voté il y a quelques mois à la suite d'un problème foncier. En effet, l'Etat a dû - une fois de plus - voler au secours d'un promoteur se trouvant actuellement dans une situation fort délicate.
Ce type d'aménagement au coup par coup pour régler de tels problèmes est effectivement inadmissible : La Pastorale fait l'objet actuellement d'une demande de classement de la Société d'Art Public; le Conseil d'Etat avait six mois pour se prononcer; inutile de vous préciser qu'aucune décision n'a été prise à ce jour ! Il est inadmissible d'envisager la construction d'une tour de sept étages dans un périmètre de cette qualité. Après la démolition totalement illégale de certaines villas - la villa Blanc notamment - La Pastorale serait dénaturée.
Je n'arrive pas à comprendre que le Conseil d'Etat ose présenter pour ce site - réduit aux dimensions d'un mouchoir de poche par rapport à l'ensemble de la zone concernée - un projet de plan visant à mettre en zone des terrains propices à la construction de bâtiments destinés aux organisations et, par ailleurs, à préserver ce site. Cette mini-zone est, en fait, destinée à trois missions diplomatiques, dont l'un des Etats est en train de défrayer la chronique. Et l'on serait en droit de se demander s'il doit affecter de telles sommes à la construction d'un bâtiment administratif.
En conclusion, j'aimerais savoir quand le Conseil d'Etat va saisir le Grand Conseil du projet de loi préavisé portant sur l'ensemble, afin que l'on puisse se donner les moyens d'agir et éviter de se retrouver, dans six mois, confronté à un projet de loi identique. Certains feignent de pleurer et se sentent obligés de voter pour sauvegarder la Genève internationale. Mais si le plan de zone mis à l'enquête publique en 1993 n'est pas adopté, cela conduira à une situation lamentable.
Ainsi, vous comprendrez la raison pour laquelle notre groupe s'opposera à ce projet de loi.
Mme Alexandra Gobet (S). Le parti socialiste n'a pas pu accepter le projet de loi tel qu'il a été présenté. S'il n'est pas opposé à la présence de ces trois pays - au contraire, il a toujours été en première ligne pour justifier la réputation d'accueil de Genève - il ne comprend pas la position de M. Joye.
Après avoir soutenu notre demande de jouir légitimement d'un droit de préemption sur la campagne Martin-Achard, La Pastorale, M. Joye envoie ses émissaires la semaine suivante pour soutenir la position inverse. Nous voilà confrontés à un projet inséré une fois de plus dans un développement à forme d'ensembles vides, comme au début du cycle, dont on ne discerne pas l'aboutissement.
Par ailleurs, l'architecture a fait naître des doutes parmi les professionnels de la branche, notamment à cause de la configuration du plan localisé de quartier.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons maintenir notre signal d'ouverture au monde en ne refusant pas le projet, mais nous nous abstiendrons de voter, car nous ne pouvons cautionner ni la méthode ni le contenu du PLQ. Puisse tout de même la motion unanime de la commission de l'aménagement révéler la lassitude des députés face à des dossiers gérés à la petite semaine et marqués du sceau de la plus complète incommunicabilité.
M. Michel Ducret (R). Il est important de se rappeler que le refus de déclassement ne signifie pas la protection d'un bâtiment, d'un groupe de bâtiments ou d'une campagne, mais qu'il ne sera interprété finalement que comme un blocage vis-à-vis des représentations internationales.
Quant à l'emplacement exact des constructions, il se détermine selon un plan localisé de quartier et non selon un déclassement de zone. Or ce PLQ, qui doit faire l'objet d'un préavis du Conseil municipal de la Ville de Genève, a provoqué une visite de la commission d'aménagement de cette commune.
Cette visite a révélé l'intérêt relatif de la maison de maître, plusieurs fois remaniée et passablement abâtardie au milieu de ce siècle... (Brouhaha.) ...et celui, par contre, évident de l'ensemble des communs. L'implantation de l'immeuble controversé ne nuirait qu'à la maison, mais à peine plus que les immeubles voisins de l'avenue de Budé, plus élevés.
La majorité de la commission a reconnu le bien-fondé de la critique concernant l'aménagement sur un «mouchoir de poche» et demande, par voie de motion, l'étude souhaitée. Il n'y a guère que l'urgence de réagir positivement aux demandes des représentations internationales qui, aux yeux du groupe radical, justifie l'acceptation immédiate du projet de loi de déclassement.
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Sans vouloir intervenir de nouveau sur le fond, j'aimerais dire quand même que défendre ce projet ou s'abstenir de s'y opposer, comme le préconise le groupe socialiste, relève d'un parfait paradoxe.
Genève a la chance de disposer d'un site exceptionnel; et nous, celle d'être les héritiers de constructeurs qui ont accordé à ce territoire urbain et périurbain tous leurs soins, comme l'ont fait les pouvoirs publics de l'époque.
Depuis plusieurs décennies, nous avons découvert la qualité de cette architecture néo-classique et romantique, surgie après l'épopée napoléonienne, qui a fait des alentours de Genève l'extraordinaire écrin de notre ville. Cette architecture, que tout le monde nous envie, pourrait servir à maintenir le caractère attractif de notre région et de notre ville, un atout touristique et une extraordinaire qualité de vie.
Mais nous voilà confrontés à des projets conjoncturels mal étudiés - demandes de classement et de préservation d'une de ces extraordinaires campagnes - révélant un manque patent d'attention aux lois. Nous sommes précipités dans un projet qui nous fait honte.
Nous avons reçu - c'est une première dans ce parlement - une lettre de trois titulaires de la chaire d'histoire de l'art de la faculté des lettres de notre université. Comme Mme Bugnon, j'en demande la lecture. Elle stigmatise de façon absolue notre attitude à l'égard du patrimoine au nom de l'ouverture, alors qu'il s'agit, en réalité, de fermeture sur l'avenir.
Je vous demande donc instamment d'écouter attentivement la lecture de cette lettre et de vous abstenir de voter ce projet.
La présidente. La lecture de cette lettre a été formellement demandée en novembre. J'attendais l'avancement des débats. Madame la secrétaire, veuillez la lire !
Annexe lettre
M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Nous sommes dans un débat dont les vrais arguments ne sont pas toujours avancés; ils ne font que couvrir des positions politiques dont les motivations sont occultes ou non avouées. (Brouhaha.)
La rapporteuse de minorité ne met pas en cause le déclassement et ne s'oppose pas à l'implantation des missions permanentes de Hong Kong, du Canada et de la Corée du Sud, concernées par ce déclassement. Je suis heureux de l'entendre ! Cela signifie que, sur le principe, elle ne s'oppose pas à ce projet de loi, tout en lui trouvant toutes sortes d'inconvénients l'incitant finalement à s'y opposer tout de même !
Si nous introduisions le droit de préemption au profit de l'Etat - une des conditions que vous posez à ce projet de loi et que nous avons refusée - cela risquerait de provoquer un incident diplomatique. En effet, comme l'indique le document annexé à mon rapport, pages 10 et 11, il est totalement inopportun. Nous avons pris la peine de prier l'un des juristes du département des travaux publics de s'informer auprès du Département fédéral des affaires étrangères, en particulier auprès de Mme Gerber et de M. Perez, juristes à la mission suisse auprès des organisations internationales.
Leur réponse est très claire : sur le fond, il serait totalement inopportun de procéder à la démarche visant à demander à des Etats étrangers de bien vouloir accepter que l'Etat de Genève jouisse d'un droit de préemption sur le terrain qu'on leur a cédé, devenu dès lors leur propriété, et cela, à un moment critique où le rôle international de la Suisse, et de Genève en particulier, est constamment remis en cause.
Lors de l'acquisition des parcelles, les Etats concernés et le canton n'ont pas émis de réserves quant à la possibilité de revendre ces terrains. Et dès lors que l'idée n'était pas retenue, le simple fait de demander ultérieurement à ces Etats - par le biais d'une réglementation de droit public postérieure et difficile à faire comprendre - de consentir à une contrainte supplémentaire serait extrêmement mal ressenti.
Au jour où nous essayons de redorer un peu le blason de Genève, et notamment dans le secteur des organisations internationales, il est vraiment inopportun d'entreprendre ce genre de démarche. C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission n'a pas suivi cette proposition.
Monsieur Grobet, vous déplorez l'illégalité de l'octroi d'une autorisation de construire à un Etat étranger dont le terrain est exterritorialisé et vous vous opposez, en même temps, au premier acte visant précisément à légaliser cette démarche par une opération de déclassement. Vous êtes, une fois de plus, en contradiction avec vous-même !
Par ailleurs, vous parlez - comme les trois professeurs - d'une «tour» de sept étages, alors qu'il s'agit d'une hauteur tout à fait courante dans notre ville. Vous prétendez également, Monsieur Grobet, que l'on est en train de déclasser un «mouchoir de poche», en parlant d'un périmètre de près de 2 hectares, soit 20 000 m2 ! Qu'étaient alors les projets de déclassement dont les surfaces dépassaient à peine 1 000 m2 que vous nous proposiez lorsque vous étiez au Conseil d'Etat ? Il est ridicule de faire allusion à la surface du périmètre que l'on déclasse pour justifier le refus d'un déclassement !
En réalité, nous avons une fois de plus l'impression que les opposants à ce projet de loi cherchent tous les motifs possibles pour contrecarrer l'implantation de nouvelles missions permanentes à Genève.
Le site est exceptionnel, c'est vrai ! Mais un site exceptionnel mérite qu'on l'aménage et qu'on le valorise, comme Genève n'a cessé de le faire, au cours de sa récente histoire, précisément dans ce secteur des organisations internationales. Or j'imagine les réactions des opposants d'aujourd'hui, jadis, à l'implantation du bâtiment de la SDN à côté du Palais de l'Ariana, dans l'un des plus beaux sites de Genève ! L'opposition aurait été farouche s'agissant d'un terrain beaucoup plus grand, jouissant d'une situation exceptionnelle.
Les auteurs de la lettre - opposés au projet - critiquent l'immeuble de sept étages que l'on se propose de construire non loin de la villa protégée. J'ai bien dit «non loin». Nous avons examiné les plans avec soin, il s'agit d'une distance respectable. Les distances entre les bâtiments prévus dans ce périmètre et relativement à la maison que l'on veut protéger sont très largement supérieures à celles prévues par la loi. En plus, ces bâtiments sont séparés de cette villa par des rideaux d'arbres. Cette proximité n'est donc absolument pas nuisible, nous nous en sommes rendu compte sur place.
Je m'abstiendrai de relever les autres insinuations des auteurs de cette lettre, et je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi.
Il est vrai que l'ensemble de la commission a reconnu qu'il manquait une image directrice, un plan d'urbanisation ou d'aménagement, dans ce secteur et au-delà des limites du périmètre. C'est la raison pour laquelle, à l'unanimité, la commission a voté une motion que nous vous invitons à renvoyer au Conseil d'Etat. Elle vise précisément à doter l'ensemble de ce secteur, d'une beauté exceptionnelle, d'une image directrice cohérente, afin d'en sauvegarder toutes les qualités.
M. David Hiler (Ve), rapporteur de majorité. J'imagine que le rapporteur de majorité est quelque peu embarrassé pour défendre son dossier. C'est en effet ridicule de prétendre que toute personne demandant le respect des normes d'aménagement du territoire est un ennemi de la Genève internationale. Ces propos ne sont que fadaises, vous le savez fort bien, Monsieur Koechlin !
D'autant plus - il y a des exceptions, Madame Erica Deuber ! - qu'il est exceptionnel de voir des professeurs d'histoire de l'art, ayant connu d'autres cieux que Genève, mais attachés à sa vocation internationale, prendre position. C'est un avertissement dont ce Grand Conseil serait bien inspiré de tenir compte !
La Genève internationale ne s'est pas construite sur du marketing, des besoins économiques et une vision «fric». Au contraire ! A l'origine, elle s'est construite en ayant une certaine idée d'elle-même. Le type d'arguments utilisés systématiquement au cours des débats actuels sont assez déplorables. Si nous devons tenir compte des besoins d'implantation des organisations internationales, c'est dans un cadre que nous sommes encore libres de fixer.
Lorsque l'on se donne beaucoup de peine pour ne rien préparer du tout, on se soumet à l'urgence. Mais ce n'est certainement pas avec un mauvais aménagement du territoire que nous maintiendrons l'attrait de Genève, ni en nous comportant en maquignons que nous ferons revivre l'esprit de Genève ! A entendre vos propos, je me demande parfois, en tant qu'historien, ce qu'il peut bien en rester...
M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. A la suite des propos de M. Hiler, je rappellerai que, dans ce Grand Conseil, nous déclassons des terrains; nous décidons simplement de l'affectation d'une zone. Nous n'élaborons pas des plans localisés de quartier. Or je constate, depuis que je siège dans ce parlement, que les députés - et c'est le fait de chaque citoyen - entendent se substituer aux architectes ou aux aménagistes, alors qu'ils n'ont que la responsabilité de procéder à des déclassements. Il s'agit d'un projet de déclassement, Monsieur Grobet !
On critique ici des plans localisés de quartier qui ne sont pas encore achevés - voire non élaborés - quand on ne critique pas l'architecture ou la volumétrie ! Ces questions ne sont pas de notre compétence. Dans le cas particulier, on nous demande de déclasser un terrain pour l'aménager. On peut anticiper en disant qu'il s'agit d'un mauvais plan. Mais attendons de voir ! De toute manière, cette compétence de juger de la qualité de l'aménagement - donc du plan localisé de quartier - est le fait du Conseil d'Etat et, auparavant, de la commune, selon le préavis de son conseil municipal.
Je vous suggère de ne pas outrepasser le cadre de nos compétences. On nous demande de déclasser un terrain, bornons-nous à cela !
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Si, selon votre avis, nous outrepassons les compétences de ce Grand Conseil, c'est en partie parce que le travail d'approche d'un tel dossier est mal fait.
Alors que, depuis deux ans, des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent, des commissions consultatives jusqu'à l'université et parmi les citoyens les plus ordinaires, pour réclamer un classement et des gabarits en fonction de ce qu'on entend préserver et planifier à long terme, personne n'en tient compte dans les instances de décision. C'est la raison pour laquelle nous avons ce débat aujourd'hui.
M. Christian Grobet (AdG). Je suis navré de dire que l'on a atteint un stade de confusion qui devient hallucinant. Cela m'étonne de la part de M. Koechlin, architecte urbaniste, qui est non seulement un professionnel en matière d'aménagement du territoire mais encore rapporteur de la commission.
Quelle est la zone actuelle, Monsieur Koechlin ? (Brouhaha.)
Une voix. Tu te crois à l'école ? (M. Koechlin tarde à répondre.) Zéro, Monsieur Koechlin ! (Rires.)
M. Christian Grobet. Dites-le; je le répéterai ! (Brouhaha.) Sommes-nous en zone de développement ? (Exclamations.) Oui, Monsieur ! Alors il ne s'agit pas d'un projet de déclassement... (Exclamations.) Ce n'est pas de la zone villas, je vous demande pardon ! Il s'agit de modifier les normes et non de procéder à un déclassement.
Cette modification est nécessaire pour que cette zone de développement 3 ordinaire devienne une zone affectée plus particulièrement aux organisations internationales. Ce projet de loi avait deux buts : il s'agissait, d'une part, de réaliser la fameuse étude directrice - dont on ne connaît toujours pas les résultats - et, d'autre part, d'instituer un droit de préemption en faveur de l'Etat, dans l'hypothèse où ces terrains serviraient aux organisations internationales.
En zone de développement, le droit de préemption de l'Etat ne s'exerce que sur la construction de logements. Or le but de la loi, qui était d'instituer principalement ce droit de préemption, disparaît à partir du moment où l'on retire ce droit qu'on voulait concéder !
Pour des raisons diplomatiques, le Département des affaires étrangères, ne souhaite évidemment pas ce droit de préemption. Mais pour des raisons purement juridiques de droit public, l'Etat est parfaitement en droit de fixer les règles qu'il entend appliquer dans une zone à bâtir, et plus particulièrement dans une zone de développement. Indiscutablement, le canton de Genève est en droit politiquement de prévoir la clause relative au droit de préemption.
J'affirme qu'il est totalement faux de prétendre le contraire. Ne mélangeons pas, Monsieur, l'opportunité politique et le droit d'un canton souverain de prévoir une règle, telle que celle d'instituer le droit de préemption !
D'autre part - et je ne vous prends pas pour plus bête que vous n'êtes, Monsieur Koechlin - en évoquant un «mouchoir de poche», je faisais expressément allusion au périmètre par rapport à celui mis à l'enquête publique en 1993. Il est vrai que 20 000 m2 représentent une surface non négligeable, mais c'est un «mouchoir de poche» par rapport au périmètre allant des voies CFF, en bas de la campagne Rigot, jusqu'au Grand-Saconnex, débordant même sur cette commune et celle de Pregny-Chambésy. Il s'agissait de centaines de milliers de m2, initialement.
C'est ce périmètre initial qui doit faire l'objet d'une étude directrice, mais il a été totalement évacué par ce mini-projet de loi. C'était l'autre aspect du problème, Monsieur Koechlin, et cela prouve que vous n'avez aucune connaissance du projet de loi initial qui ne prévoyait pas de déclassement mais un reclassement !
Cela signifiait la suppression des normes de la zone de développement sur les périmètres sensibles - de La Pastorale - où étaient envisagées des normes de zone de développement pour éviter des constructions de trop forte densité à l'intérieur de petits sous-périmètres méritant d'être protégés.
Or le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui va absolument à l'encontre des mesures de préservation envisagées il y a quatre ans, mais totalement bafouées. On procède à une adoption d'un plan de zone qui n'était même pas nécessaire, la zone de développement permettant d'adopter un plan localisé de quartier. Dans une telle zone, on peut construire des bureaux, mais, malheureusement, les mesures préconisées tardivement sont tout simplement «passées à la trappe», alors qu'elles auraient dû être étudiées prioritairement sur la parcelle en cause.
M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Je ne vous prends pas non plus pour plus bête que vous n'êtes, Monsieur Grobet, rassurez-vous ! Vous avez mal interprété mes propos. Je ne conteste pas le droit que confère la loi à l'Etat ou à la commune d'exercer un droit de préemption en zone de développement. J'ai simplement dit - et vous l'avez relevé - qu'il était, en ce cas particulier, tout à fait inopportun.
Il s'agit bien ici d'un changement d'affectation, puisque l'on entend que cette zone de développement soit affectée à des organisations internationales.
Dans le cas d'Obirama vous étiez le premier à réclamer un déclassement, alors qu'il s'agissait d'une zone industrielle dont on changeait simplement l'affectation sans changer le titre. Dès lors, nous étions obligés de passer par un projet de déclassement qui a été soumis à ce Grand Conseil. Le projet a donné lieu à un débat; et - comme cela vous arrangeait - vous ne contestiez pas qu'il s'agissait d'un déclassement.
Quant à l'image directrice que nous appelons tous de nos voeux, elle est peut-être tardive, nous en convenons, mais mieux vaut tard que jamais. Il n'est en tout cas pas trop tard pour améliorer aussi le périmètre que nous déclassons ce soir.
Bornons-nous aux compétences qui nous sont dévolues, et procédons au déclassement de la zone, tout en demandant au Conseil d'Etat d'être très attentif à l'élaboration du plan localisé de quartier !
M. Bernard Lescaze (R). Le sujet de ce soir est effectivement un sujet délicat : il met en jeu, d'une part, l'image d'une Genève internationale ouverte; d'autre part, il doit prendre en compte des impératifs de sauvegarde du patrimoine.
A ces deux impératifs parfaitement légitimes s'opposent effectivement des propositions d'une nature beaucoup plus politique. Sur tous les bancs, on regrette l'absence d'une image directrice. Mais force est de constater que le domaine de La Pastorale n'a pas été dépecé voilà un siècle. M. Christian Grobet connaît admirablement le droit, et son interprétation juridique est juste. Mais il sait fort bien que le droit n'est qu'un moyen pour atteindre un certain nombre d'objectifs, qui, en ce moment, ne sont précisément pas ceux que nous voulons.
Lorsque La Pastorale a été dépecée pour la première fois, voilà quelques années, pour créer l'avenue Appia et la construction de l'ambassade du Koweït, vous n'aviez pas la même opinion qu'aujourd'hui... (Brouhaha.) ...contraire à celle de la Société d'Art Public qui souhaite conserver non seulement les communs mais, dans son environnement, la maison du XIXe qui - sans être exceptionnelle - est peut-être plus intéressante que ce que d'aucuns prétendent. La SAP reconnaît être arrivée trop tard.
Le projet de loi doit être voté. La mission de Hong Kong est pratiquement achevée, et les locaux vont être inaugurés avant le 1er juillet, date du retour de Hong Kong à la Chine.
Quel est le véritable enjeu de votre combat ? Vous essayez d'empêcher la construction de la mission de la Corée du Sud, parce que le gabarit ne vous plaît pas et que vous supposez, à l'instar de ces doctes professeurs d'histoire de l'art qui mêlent le vrai et le faux... (Exclamations.) ...des informations exactes et des suspicions nettement diffamatoires. (Remarque de M. Hiler.) Vérifiez la définition exacte de «diffamatoire» dans le code pénal ! (Brouhaha.) Je ne vais pas me fatiguer, j'attends le silence !
La présidente. Moi aussi !
Des voix. Vas-y, Bernard, attaque !
M. Bernard Lescaze. Si l'on veut empêcher la construction de la mission de Corée, on peut le faire en le disant clairement et non en s'opposant à ce projet de loi. Les opposants savent très bien qu'en réalité la Société d'Art Public a déjà obtenu le déplacement de la mission de Corée en direction du Grand-Saconnex, de façon à sauver certains arbres. Malheureusement, elle n'a pas prévu que ce déplacement allait entraîner l'abattage d'autres beaux arbres. Plus d'un quart de million d'indemnités pour reboisement devra être versé. C'est une politique de gribouille !
Nous espérons pouvoir maintenir d'autres domaines genevois dans leur environnement. En réponse à ceux qui vantent le charme ou le manque de charme des organisations internationales, soulignons que, même diminuée, La Pastorale servira d'écrin à trois missions diplomatiques. Contrairement à ce qui a été affirmé sur certains bancs, la commission des monuments et des sites, dans son ensemble, a expressément préavisé à l'intention du département des travaux publics le maintien du mur et d'une certaine végétation le long de la route de Ferney, de façon à protéger cet aspect de chemin creux à l'entrée de Genève, qui ressemble à celui de la route de Frontenex.
Contrairement à certaines insinuations, nous avons tenté de protéger ce qui devait l'être, étant entendu que le dépècement de La Pastorale s'est accompli de longues années auparavant.
Vu le nombre de dossiers, je m'inscris en faux contre l'insinuation que le travail a été mal fait. Il l'a été rapidement, les propriétaires ayant trouvé tout à coup des acquéreurs, alors qu'ils souhaitaient vendre depuis plusieurs années.
En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de ne pas vous arrêter à certaines objections de nature purement politicienne et d'accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. J'aimerais tout d'abord vous communiquer un détail d'ordre familial. J'ai le plaisir d'être le mari de Mme Muriel Joye, née Patry, qui a deux cents cousins, petits-cousins et arrière-petits-cousins, dont François Dugerdil, l'un des membres de cette sympathique tribu !
En ce qui concerne la vision «économique», le «marketing» et le «fric», je laisse à M. Hiler la responsabilité de ses déclarations. Je ne sais pas si elles sont diffamatoires, mais elles ne tiennent pas compte de nos efforts pour donner une image de Genève qui soit sympathique et d'une qualité architecturale reconnue au-delà des frontières dans la plupart des milieux d'architecture, d'aménagement du territoire et même d'histoire de l'art.
Cela m'amène à parler des professeurs d'université et à féliciter les personnes qui les ont aidés à rédiger cette lettre ! Je suis touché de la façon dont ils ont écrit ce texte, et je les félicite d'avoir respecté un des principes élémentaires lors d'une intervention universitaire : ils ont vérifié leurs sources et ont donné l'occasion à la partie adversaire - qu'ils critiquent sans savoir de quoi ils parlent - de s'exprimer. Lorsque je connaîtrai le contenu exact de cette lettre, je me réjouis de prendre contact avec eux, afin de leur expliquer mon point de vue, évidemment aussi critiquable que celui des autres.
Il s'agit ici d'un centre d'accueil pour des indépendants et de procéder, comme le dit M. Grobet, à une mise à l'enquête d'un plan de modification de zone, visant la création d'une zone de développement 3 pour l'ensemble de la zone internationale.
Dans ce quartier allant jusqu'au Grand-Saconnex, on construit depuis quarante ans des immeubles. Mes prédécesseurs ont jugé utile de faire la première mise à l'enquête le 3 août 1992 ! Comme par hasard, le 18 septembre 1992, l'enquête était terminée, aucune opposition de la Société d'Art Public, et, depuis, silence radio ! Que s'est-il passé du 18 septembre 1992 à nos jours ?
Mon département a engagé une nouvelle étude, d'une importance capitale pour le canton, et j'approuve la motion 1107. Nous allons élaborer cette vision, comme cela aurait dû être fait voilà trente ou quarante ans ! Mesdames et Messieurs les députés, ceux qui pensent pouvoir sauver beaucoup de choses dans ce plan me diront que faire du «bahut» du BIT, de l'OMS, de l'OMPI, de l'UIT. Ces bâtiments ont tous été réalisés dans un savant désordre par des gens au pouvoir depuis plus longtemps que nous.
Nous allons tenter quelque chose, mais les espaces interstitiels sur le plan urbanistique sont difficiles à sauvegarder, vu les implantations extrêmement importantes déjà réalisées, et dans des dimensions auxquelles nous n'oserions même pas songer actuellement !
Le Centre d'accueil des internationaux a acquis 20 000 m2 de terrain; l'Etat de Genève, 9 000 m2 avec une maison que vous trouvez superbe, pour le prix de 3 millions. Calculez comme vous voulez : si l'on admet que la maison vaut 1,5 million, cela signifie que le terrain vaut 1,5 million; si l'on divise par 9 000, on constate que l'on se trouve à des années-lumière d'une spéculation quelconque !
J'ai admis le point de vue de la Société d'Art Public pour la conservation du bâtiment. Je me suis rangé à l'avis des historiens d'art qui pensaient qu'il était faux de vouloir surcharger la toiture en y mettant des bureaux. On parle de la manière «effarante» dont est géré le dossier, mais je pourrais vous parler aussi de la manière «effarante» dont les associations interviennent dans le processus de planification.
Savez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, qu'à plusieurs reprises une association a demandé le classement d'un immeuble le dernier jour avant la délivrance d'un permis de construire ? Pensez-vous que ces personnes ne connaissaient pas cet immeuble ? Et qu'elles demandaient le classement - toujours avec une plume très élégante et un style élevé présentant certaines similitudes - pour défendre les mêmes intérêts que les professeurs ou pour nuire à des constructions raisonnables ? Je vous laisse le soin d'apprécier ! (Applaudissements.)
Les procédures d'aménagement se sont poursuivies. La procédure d'opposition au projet de modification de zone qui a eu lieu du 21 août au 19 septembre 1996 n'a provoqué ni remarque ni opposition. Mon département a maintenu le dialogue avec la Société d'Art Public sur le projet de plan localisé de quartier jusqu'à l'aboutissement d'un accord écrit de cette société, communiqué dans une lettre du 19 avril 1996, dont voici quelques passages sur l'aménagement du domaine :
«Nous avons accepté l'implantation de la future mission de Corée telle que vous l'avez fait figurer sur votre nouveau plan d'aménagement.
»En ce qui concerne les missions de Hong Kong et du Canada, leurs gabarits nous paraissent conciliables avec nos objectifs, encore que les volumes nous semblent compliqués. Nous nous en remettons pour cette question à la commission d'architecture de votre département.»
Pour le projet de plan localisé de quartier, je cite à nouveau : «Nous avons constaté que la nouvelle légende du plan tenait compte des demandes que nous avons formulées. Cependant, en ce qui concerne les barrières architecturales mentionnées au dernier alinéa, il faudrait indiquer qu'aucune clôture en dur ne sera possible dans la propriété, comme vous le mentionnez d'ailleurs dans le procès-verbal.
»Nous souhaitons que les remarques ci-dessus vous permettent d'établir le protocole d'accord dans le meilleur délai, tel que vous le proposez dans votre procès-verbal.»
Fort de cet accord, j'ai mis, du 21 août au 19 septembre, le projet de plan localisé de quartier à l'enquête publique; cela a fait l'objet d'une lettre de la Société d'Art Public manifestant son opposition. C'est ce qu'on appelle un revirement à 180 degrés !
J'ai saisi de ce projet le Conseil municipal de la Ville de Genève, afin qu'il émette son préavis, conformément à la loi. A la suite de ce préavis et de la procédure d'opposition, le PLQ sera soumis au Conseil d'Etat pour décision. Voilà ce qu'il en est des projets de construction : le chantier de la mission de Hong Kong est en cours, et l'autorisation est prête à être délivrée à la mission de Corée. On attend encore la décision de votre Grand Conseil pour la zone, et celle du Conseil d'Etat pour le plan localisé de quartier. L'autorisation attendue par la mission du Canada est en cours d'instruction et devra être mise en suspens pour les mêmes motifs.
Enfin, la procédure de classement a bien avancé, puisque, à ce jour, la commission des monuments et des sites, qui compte vingt-quatre membres dont huit architectes, a émis le préavis suivant : «Demande de classement de la Société d'Art Public du 17 novembre 1995. L'instruction de la proposition étant terminée, la commission communique au département le préavis suivant : à l'unanimité, la commission est défavorable à la proposition de classement telle que présentée par la SAP, contenant l'ensemble des parcelles numérotées ainsi que les anciens bâtiments qu'elles contiennent.
»La commission considère néanmoins que certains éléments de l'ancien domaine de La Pastorale seraient effectivement susceptibles de faire l'objet d'une mesure de protection; elle décide alors de se prononcer pour le classement en examinant chacune des parcelles. Classement de la parcelle de Hong Kong : 0 oui, 13 non, 0 abstention. Classement de la parcelle du Canada : 0 oui, 13 non, 0 abstention. Classement de la parcelle de la Corée : 2 oui, 9 non, 2 abstentions. Classement de la parcelle de l'Etat : 11 oui, 1 non, 1 abstention.»
A cette lecture, on se rend compte que la commission est favorable au classement du domaine de La Pastorale selon le périmètre englobant les parcelles n° 4568 et 4570, comprenant les bâtiments ainsi que les éléments caractéristiques bordant la route de Ferney.
La commission annule le préavis de la sous-commission nature et monuments du 13 novembre 1996. Je ne me prononcerai pas sur la manière dont cette sous-commission a travaillé, c'est un détail d'intendance.
En ce qui concerne le droit de préemption, entre opportunité et droit - comme l'a souligné M. Koechlin, qui l'a rappelé à M. Grobet, qui l'a aussi admis - le point 4, à la page 11, de la communication de M. Pauli est tout à fait clair. Ce n'est pas notre rôle de négocier ces choses mais celui de l'Etat suisse qui le fait avec les Etats concernés. Je passe sur la description d'un tel travail qui prend des mois, voire des années.
Je connais peu de projets dans lesquels l'Etat a pu sauver une maison et 9 000 m2 en sauvegardant la vue sur tout ce qui mérite d'être vu depuis La Pastorale, sans porter préjudice aux autres bâtiments.
Je vous prie de voter ce projet pour le bien de Genève et des organisations internationales. (Applaudissements.)
PL 7491-A
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7491)
LOI
modifiant les limites de zones sur le territoire de la Ville de Genève,section Petit-Saconnex (création d'une zone de développement 3 destinéeà des organisations de type international)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
1 Le plan n° 28801-309, dressé par le département des travaux publics et de l'énergie le 6 novembre 1995 (extrait du plan n° 28481, du 22 avril 1992), modifiant les limites de zones sur le territoire de la Ville de Genève, section Petit-Saconnex (création d'une zone de développement 3 destinée à des organisations de type international au lieu-dit «La Pastorale»), est approuvé.
2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.
Art. 2
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le plan visé à l'article 1.
Art. 3
Un exemplaire du plan n° 28801-309 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.
M 1107
M. Pierre Meyll (AdG). J'ai peut-être la hantise des titres, mais j'aimerais qu'on complète l'intitulé de cette motion de la manière suivante :
«...aménagement du secteur compris entre la route de Ferney, l'avenue Appia, l'avenue de la Paix et la route des Morillons»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
pour l'aménagement du secteur compris entre la route de Ferney, l'avenue Appia, l'avenue de la Paix et la route des Morillons
LE GRAND CONSEIL
considérant:
- le projet de loi 7491 modifiant les limites de zones sur le territoire de la Ville de Genève, section Petit-Saconnex (création d'une zone de développement 3 destinée à des organisations de type international);
- les considérations évoquées notamment lors de son audition devant la commission d'aménagement du Grand Conseil le 9 octobre 1996 par la société d'Art Public à propos de l'aménagement du secteur cité en titre;
- la qualité et la situation privilégiée du secteur en cause;
- les besoins d'implantation - prioritaires pour l'avenir de Genève - des organisations internationales et des diverses représentations d'Etats auprès de l'ONU;
- l'absence d'un plan ou pour le moins d'une image directrice d'aménagement du secteur concerné,
invite le Conseil d'Etat:
à entreprendre immédiatement, d'entente avec les communes concernées, les études d'aménagement visant à doter le secteur cité en titre d'un plan directeur, cas échéant du ou des plans localisés de quartier - voire d'un plan de site - valorisant le lieu et ses abords.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. La parcelle de La Pastorale et les autres nous concernant sont situées en cinquième zone villas. Il s'agit bel et bien de la création d'une zone de développement mise à l'enquête publique en 1992 par M. Grobet, qui a, suite au préavis du Conseil municipal de la Ville de Genève, mis le projet en veilleuse.