République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 23 janvier 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 2e session - 1re séance
IU 282
M. Pierre Vanek (AdG). Cette interpellation est vraiment «urgente», puisque j'ai décidé de la développer tout à l'heure lorsque ce Grand Conseil a voté à 29 contre 28 pour ne pas traiter la motion 1110 ou, plutôt, pour la traiter normalement au point 97 de l'ordre du jour, chacun sachant que cela signifie qu'elle sera probablement traitée en février, ce qui aura pour conséquence qu'elle deviendra sans objet, puisqu'il s'agit d'un préavis à donner à l'autorité fédérale sur trois ordonnances qui ont d'ailleurs fait l'objet d'une lettre du Cartel intersyndical.
Je crois - j'ouvre une parenthèse - que la lettre du SIT n'a pas été lue. Il serait peut-être possible d'obtenir sa lecture à un moment ou à un autre de la soirée. (Remarques.) Le temps manque pour entrer en matière de façon approfondie, mais j'aimerais quand même donner un rapide éclairage sur ces ordonnances. Je les cite : il est prévu d'acquérir du matériel divers pour le service d'ordre, tels que boucliers, matraques, gaz lacrymogène, balles de caoutchouc... On sort évidemment de la mission ordinaire de l'armée pour aller vers des missions de police. Parmi les «divers», dans cette liste de «joujoux» militaires, on trouve toutes sortes de choses, allant des menottes aux chars de grenadiers à roues ! A mes yeux, cela est grave et mérite un débat qui aurait dû avoir lieu dans ce parlement.
L'article 9 de la première ordonnance est aussi extrêmement grave. Il est libellé : «Restrictions des droits fondamentaux» ! Mesdames et Messieurs les députés d'en face, qui ne veulent pas discuter de ces droits, on peut lire : «Le commandant peut proposer de telles mesures aux autorités civiles.», ou encore : «Le commandant de la troupe peut prendre de telles mesures de sa propre initiative, si l'exécution de sa mission en dépend.» ! Les mesures préventives en question sont explicitées dans le commentaire. Il s'agit tout banalement de, et je cite : «L'interdiction de se réunir, de manifester, de quitter son domicile, de circuler, de mesures visant à interdire toute propagande «subversive», de censure, de contrôle des moyens d'information de masse, etc.» Le «et caetera» fait partie du texte du DMF !
Dans l'arrière-plan historique de la notion de service d'ordre - c'est un des chapitres de leur document - le DMF cite entre autres, en vrac : «Les manifestations d'ouvriers durant la construction des tunnels ferroviaires - il s'agit donc bien de répression du mouvement syndical - les retombées de la Révolution d'octobre et l'engagement des troupes en service actif pour venir à bout de la grève générale de 1918.» !
Tout cela est parfaitement inquiétant, et cela m'amène à poser trois questions à M. Vodoz, puisque je crois qu'il est en charge des affaires militaires dans ce canton :
1) Monsieur le conseiller d'Etat, à votre avis, de quoi vos «troupes» avaient-elles peur en refusant qu'on discute de cette question dans ce parlement ?
2) Ne pensez-vous pas qu'il est un tant soit peu antidémocratique que ce soit le Conseil d'Etat, dans l'intimité de ses séances et sur un objet de cette importance, auquel Genève est particulièrement sensible, qui décide quelle sera la position du canton ? Ne pensez-vous pas que le Grand Conseil aurait dû traiter de ce point ?
3) Cette question est la plus importante : Monsieur le conseiller d'Etat, quelle sera à fin janvier - nous y sommes pratiquement - la position du Conseil d'Etat sur ces ordonnances ?