République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 12 décembre 1996 à 17h
53e législature - 4e année - 1re session - 52e séance
PL 7468-A
Dans sa séance du 20 janvier 1995, le Grand Conseil avait adopté une modification de la loi sur la police (Mémorial, pages 299 à 307). A cette occasion, il était apparu que d'autres modulations étaient souhaitables. Par conséquent, le Conseil d'Etat a repris l'examen de cette loi, après consultation des intéressés. Un nouveau projet de loi a donc été déposé le24 mai 1996. Il a été examiné en préconsultation par le Grand Conseil en date du 21 juin 1996. Après l'intervention d'un député, il a été renvoyé à la commission judiciaire (Mémorial, pages 3828 à 3840).
Il ne sera pas fait ici de résumé des modifications proposées. En effet, l'exposé des motifs particulièrement détaillé, précis et complet permet d'éviter un rappel. Il y a donc lieu de se référer aux pages 6 et suivantes de cet exposé pour avoir une idée globale des buts poursuivis par les modifications proposées. Ces dernières seront bien sur analysées ci-après dans le cadre de l'examen article par article.
Auditions
La commission a procédé à l'audition de M. G. Ramseyer, conseiller d'Etat, président du département de justice et police et des transports (DJPT). Celui-ci donne des éclaircissements quant aux modifications techniques prévues. Il rappelle que celles-ci ont été proposées dans l'intérêt de la police ainsi que d'une harmonisation des règles concernant la gendarmerie par rapport à la police de sûreté.
Il est procédé à l'audition de M. Roger Golay, président de l'Union du personnel du corps de police (UPCP). Ce dernier confirme les termes des lettres adressées le 12 juin 1996 au président du département et le 29 août 1996 à la commission judiciaire. Il explique le désir unanime des membres de l'UPCP de ne pas toucher au principe de l'avancement au matricule, avec néanmoins des exceptions, notamment en ce qui concerne le grade de maréchal. Il relève les dangers de l'avancement à la qualité ou à la qualification, qui comporte aussi le risque de nomination de complaisance.
Débats de la commission
Ceux-ci sont relativement rapides. Le commissaire demande des précisions au président du département ainsi qu'à M. Jean-Jacques Rasca, secrétaire général du DJPT et spécialiste de ces questions. Elle vote finalement deux amendements, conformes aux desiderata de la police, à l'article 27, alinéa 1.
Le projet de loi est ensuite accepté en troisième lecture, à l'unanimité.
Examen du projet article par article
Article 6, alinéa 1, lettres d et e
Il est introduit dans la loi les fonctions de remplaçant du chef de la police de sûreté et de remplaçant du commandant de la gendarmerie.
Les conséquences économiques de cette modification sont examinées ci-dessous à propos de l'examen de l'article 45.
Article 27, alinéa 1, lettre a
Cet article prévoyait que les promotions dans la gendarmerie devaient tenir compte non seulement du rôle matricule, mais aussi des qualifications pour le grade de maréchal. Dans le but d'augmenter la qualité de ceux-ci et d'améliorer la gestion et l'engagement des postes de police, il a été prévu de choisir les maréchaux parmi les brigadiers remplaçant le chef de poste, étant rappelé qu'un maréchal est de fait un chef de poste. Cette amélioration était voulue par tout le monde. Néanmoins, l'UPCP est intervenue tant par écrit que par devant la commission pour demander un complément à la loi, en se sens que pour le choix des brigadiers susceptibles de devenir maréchaux, il a été jugé nécessaire de prévoir que ces brigadiers aient été en fonction dans leur grade pendant une année au minimum. Le but est évidemment d'éviter des promotions fulgurantes de brigadier à maréchal, sans que le promu ait eu l'expérience minimum de la gestion d'un poste de gendarmerie et de sa fonction.
Cette modification est acceptée à l'unanimité par la commission, qui néanmoins scinde le texte en 2 sous-alinéas, à la lettre a de l'article 27, alinéa 1. Le texte finalement définitivement accepté par la commission figure dans le texte du projet de loi amendé et annexé au présent rapport.
Article 2, alinéa 1, lettre b
La modification de cet article permet de choisir des adjudants indépendamment parmi les brigadiers et les maréchaux, de manière à faciliter la gestion des cadres de la gendarmerie. L'alternance entre les maréchaux et les brigadiers pour le choix des adjudants a été abandonnée et aura pour conséquence de donner plus de flexibilité au choix des cadres.
Article 33, alinéa 2
Cet article comble une lacune et introduit des peines de police sanctionnant toute infraction au devoir d'abstention d'exercer les fonctions d'agent de sécurité ou d'agent de renseignement pendant une durée de 3 ans depuis la fin des rapports de service. Il s'agit d'une règle déontologique visant à éviter que des fonctionnaires de police ayant quitté le service exploitent leurs connaissance, voire les secrets de fonction, dans le cadre de leurs nouvelles activités. En pratique, malheureusement, quelques cas se sont produits, à propos desquels des fonctionnaires de police n'ont pas respecté le délai de 3 ans. Faute de dispositions légales, il n'a pas été possible de leur infliger une sanction. Dorénavant, ils seront passibles de peines de police, à savoir les arrêts ou l'amende.
Article 36, alinéa 1
La liste des fonctionnaires de police pouvant faire l'objet de sanctions disciplinaires comportait un rappel des personnes faisant partie de l'organisation du corps de police (chapitre II). Cette liste qui se terminait à la lettre g a été ultérieurement complétée par des lettres allant de h à m. Il était donc nécessaire de faire en sorte que les fonctionnaires de police concernés par ces dernières lettres soient également passibles de sanctions disciplinaires. La lacune date de la modification de 1995. Elle sera ainsi rapidement comblée.
Article 45, lettres c et d
Cet article qui concerne le traitement des fonctionnaires de police a été modifié de manière à remplacer les indemnités mensuelles pour responsabilité spéciale de 300 F versées aux remplaçants du chef de sûreté et du commandant de la gendarmerie par une reclassification du traitement. De facto, le salaire des remplaçants ne sera pas modifié malgré l'attribution à ces fonctions d'une classe salariale ad hoc. Leur rente de retraite s'en trouvera améliorée. Il s'ensuit une charge totale par année, pour l'Etat, de 32 470 F pour deux remplaçants. La calculation, la couverture financière et les conséquences économiques de ce rattrapage sont examinées à la page 7 de l'exposé des motifs et ont fait l'objet d'un commentaire en préconsultation (Mémorial, page 3839, al. 4).
Le coût de l'amélioration du traitement des maréchaux s'élèvera à 47 725 F par an et sera couvert par l'augmentation des émoluments et frais des services de police.
Article 49, alinéa 3
Cet article prévoyait que les fonctionnaires du service de la sûreté reçoivent une indemnité journalière pour leurs débours, dont le montant est fixé par le Conseil d'Etat. La modification consiste en ce que soient concernés par cet alinéa 3 non seulement les fonctionnaires du service de la sûreté mais aussi tous les fonctionnaires de police, de manière à supprimer une inégalité de traitement entre la gendarmerie et la police de sûreté. Le coût engendré par cette modification sera couvert par l'augmentation des émoluments et frais des services de police. Il va de soi que le personnel de gendarmerie, qui estime être victime d'une disparité, sera heureux de cette modification répondant à ses voeux et aux critères de l'équité.
Un commissaire relève que l'interprétation de cet article, qui, selon l'exposé des motifs ne peut se comprendre que par une égalisation vers le haut, ne devrait pas, en principe, exclure une égalisation vers le bas...
Article 54
Cet article prévoyait que le Conseil d'Etat édictait les règlements nécessaires à l'application de la présente loi, d'une manière générale. Or, en vertu du principe de la légalité, il est nécessaire d'introduire une base légale donnant au Conseil d'Etat la compétence d'édicter également un règlement sur les émoluments et frais des services de police (F 1 10). La nécessité de cette disposition légale a fait l'objet d'un examen juridique particulièrement détaillé et complet, figurant aux pages 3835-3836 du Mémorial au chiffre 6. Il y a lieu de s'y référer.
Conclusions
Ce projet de loi procédant de la volonté de mieux gérer le corps de police, qui rencontre le soutien des personnes concernées, et qui a fait l'unanimité des membres de la commission, devrait donc rencontrer l'approbation du Grand Conseil. Tel est le voeu de la commission unanime.
Texte de l'article 27, alinéa 1, lettre a)voté par la commission
a) dans la gendarmerie, selon le rang du rôle matricule pour les grades de sous-brigadier et brigadier. Les maréchaux sont choisis hors matricule parmi les brigadiers remplaçants chefs de poste. Ces derniers sont choisis hors matricule parmi les brigadiers pour autant que ceux-ci soient en fonction depuis un an, au minimum, dans leur grade.
Premier débat
M. Armand Lombard (L). Je ne voudrais pas remettre en question le travail fait par la commission judiciaire. Néanmoins, je ne peux m'empêcher de relever quelques perles dont l'éclat réfléchit, d'une façon étrange, l'évolution de la gestion de notre police et de nos services publics.
Je me bornerai à commenter quelques pages du rapport, sans revenir sur la loi elle-même.
M. Roger Golay, président de l'Union du personnel du corps de police, met d'ores et déjà en cause les compléments apportés au projet, en relevant «les dangers de l'avancement à la qualité ou à la qualification, qui comporte aussi le risque de nomination de complaisance.»
En matière de management moderne et de gestion de quelques personnes, il est dur de relever, a priori, «les dangers de l'avancement à la qualité ou à la qualification...». Que l'on soit de droite ou de gauche, on peut estimer dommageable de ne pouvoir compter sur la qualité ou la qualification, et de ne pas les exiger d'emblée lors d'une entrée en fonctions.
Cela ne serait rien si la suite du rapport ne mentionnait pas que les brigadiers ne peuvent devenir maréchaux qu'après une année de fonction. Le rapport précise : «Le but est évidemment d'éviter des promotions fulgurantes de brigadier à maréchal...». Admirez cette perle ! A l'évidence, un brigadier ne doit pas monter en grade trop vite, mais, à l'évidence également, s'il est particulièrement efficace, ce serait dommage de le brimer pour éviter sa promotion fulgurante.
Autre chose : le devoir d'abstention. Les policiers exerçant un dur métier, ils touchent tôt leur retraite. Mais attention, Messieurs les agents ! Vous n'aurez pas le droit d'entrer dans des services de sécurité privés avant d'avoir totalisé trois ans de retraite complète, parce que... je l'ignore ! C'est une brimade à laquelle vous avez droit en fin de carrière, sans doute pour vous faire cogiter sur la gestion, la liberté de commerce, le corporatisme, etc. !
Je ne suis pas contre l'amélioration des retraites dans la police, bien qu'elles soient prélevées sur les amendes que l'on paie quand on est mal parqué, quand on a fauté, quand on n'a pas de lumière à son vélo, etc.
Enfin, la dernière perle ! Les services de la sûreté bénéficient d'indemnités journalières pour couvrir leurs débours - ce qui est normal - mais, par souci de traitement égalitaire, les mêmes débours sont accordés à tous les policiers.
Nous doutons fortement de la grande sagesse de la commission judiciaire en matière de gestion. Je me suis contenté d'exprimer des remarques; je ne déposerai pas d'amendement et refuserai ce projet de loi.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7468)
LOI
modifiant la loi sur la police
(F 1 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur la police, du 26 octobre 1957, est modifiée comme suit:
Art. 6, al. 1, lettres d et e (nouvelle teneur)
d) la police de sûreté, dont l'effectif est au maximum de 265 personnes, toutes en civil, à savoir :
1° 1 chef de la police de sûreté,
2° 1 remplaçant du chef de la police de sûreté,
3° 5 chefs de section,
4° 7 chefs de section adjoints,
5° 18 inspecteurs chefs de brigade,
6° 234 inspecteurs principaux, inspecteurs principaux adjoints et inspecteurs;
e) la gendarmerie, dont l'effectif est au maximum de788 personnes, toutes en uniforme, à savoir :
1° 1 commandant,
2° 1 remplaçant du commandant,
3° 13 officiers (capitaines, premiers-lieutenants ou lieutenants, dont 1 quartier-maître),
4° 2 adjudants-chefs,
5° 8 adjudants,
6° 25 maréchaux,
7° 739 brigadiers, sous-brigadiers, appointés et gendarmes au maximum;
Art. 27, al. 1 (nouvelle teneur)
Promotions
1 Les promotions dans le corps de police se font de la façon suivante :
a) dans la gendarmerie, selon le rang du rôle matricule pour les grades de sous-brigadier et brigadier. Les maréchaux sont choisis hors matricule parmi les brigadiers remplaçants chef de poste. Ces derniers sont choisis hors matricule parmi les brigadiers pour autant que ceux-ci soient en fonction depuis un an, au minimum, dans leur grade;
b) dans la police de sûreté, selon le rang du rôle matricule établi d'après la date d'entrée au corps pour les grades d'inspecteur principal adjoint et inspecteur principal.
Pour tous les grades supérieurs, le Conseil d'Etat statue en dernier ressort, compte tenu des compétences, qualités, états de service et ancienneté des candidats. Il en est de même pour l'officier quartier-maître, sous réserve cependant des examens que le département peut faire subir aux candidats. Les adjudants sont choisis parmi les brigadiers et maréchaux. Les adjudants-chefs doivent être choisis parmi les adjudants, maréchaux et brigadiers. Les officiers de gendarmerie sont choisis parmi le personnel gradé de la gendarmerie; demeure toutefois réservé l'article 7, alinéa 3. Les chefs de section, les chefs de section adjoints et les inspecteurs chefs de brigade doivent être choisis parmi le personnel gradé de la police de sûreté ou ayant accompli au moins 18 années de service dans la police.
Art. 33, al. 2 (nouvelle teneur)
2 En outre, il doit s'abstenir, pendant une durée de 3 ans à dater de la fin des rapports de service, d'exercer sur le territoire du canton de Genève, pour son compte personnel ou pour celui de tiers, les professions respectivement d'agent de sécurité au sens de la loi sur la profession d'agent de sécurité privé, du 15 mars 1985, et d'agent de renseignements au sens de la loi sur les agents intermédiaires, du 20 mai 1950. Celui qui contrevient à cette disposition sera puni des arrêts ou de l'amende.
Art. 36, al. 1 (nouvelle teneur)
Peines disciplinaires
1 Les peines disciplinaires qui peuvent être infligées aux fonctionnaires mentionnés à l'article 6, alinéa 1, lettres a à m, sont, suivant la gravité du cas :
a) l'avertissement;
b) le blâme;
c) les services hors tour;
d) la suspension pour une durée déterminée, sans traitement;
e) la rétrogradation au rôle matricule;
f) la dégradation;
g) la révocation.
Art. 45, lettres c et d (nouvelle teneur)
c) pour le personnel de la sûreté:
remplaçant du chef de
la police de sûreté............... cl. 23 (pos. 7 à 12)
chef de section II................ cl. 22 (pos. 8 à 11)
chef de section I.................. cl. 22 (pos. 7 à 10)
chef de section adjoint II.... cl. 20 (pos. 6 à 11)
chef de section adjoint I..... cl. 19 (pos. 8 à 10)
inspecteur chef de brigade.. cl. 18 (pos. 9 à 12)
inspecteur principal............. cl. 17 (pos. 8 à 12)
inspecteur principal adjoint {cl. 16 (dès pos. 6)
{cl. 17 (pos. 10 à 11)
inspecteur........................... {cl. 13
{cl. 15 (pos. 10 à 12)
d) pour le personnel de la gendarmerie:
remplaçant du commandant cl. 23 (pos. 7 à 12)
capitaine................................ cl. 22 (pos. 8 à 11)
premier-lieutenant................ cl. 20 (pos. 9 à 11)
lieutenant............................... cl. 20 (pos. 6 à 9)
adjudant-chef......................... cl. 19 (pos. 8 à 10)
adjudant................................. cl. 18 (pos. 9 à 11)
maréchal................................ cl. 17 (pos. 9 à 12)
brigadier................................ cl. 16 (pos. 8 à 12)
sous-brigadier........................ {cl. 15 (dès pos. 6)
{cl. 16 (pos. 10 à 11)
gendarme............................... {cl. 12
{cl. 14 (pos. 10 à 12)
Art. 49, al. 3 (nouvelle teneur)
3 Les fonctionnaires de police reçoivent, en tant que la nature de leur travail le justifie, une indemnité journalière pour leurs débours. Cette indemnité, dont le montant est fixé par le Conseil d'Etat au début de l'année civile, est due pour chaque jour de service effectif.
Art. 54 (nouvelle teneur)
Règlement d'exécution
Le Conseil d'Etat édicte les règlements nécessaires à l'application de la présente loi ainsi que les tarifs relatifs aux émoluments et frais découlant de l'intervention des services de police.