République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 5 décembre 1996 à 17h
53e législature - 4e année - 1re session - 46e séance
Points initiaux
No 46/VII
Jeudi 5 décembre 1996,
soir
Présidence :
Mme Christine Sayegh,présidente
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance : MM. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat, Philippe Joye, Claude Haegi, Olivier Vodoz, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mmes et M. Anne Chevalley, Marlène Dupraz, Yvonne Humbert et René Longet, députés.
3. Procès-verbal des précédentes séances.
Le procès-verbal des séances des 7 et 8 novembre 1996 est adopté.
4. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
La présidente. Le rapport sur la proposition de motion 590-C, figurant au point 99, lettre b, sera déposé ultérieurement.
Concernant ce point, sont ajoutées à l'ordre du jour les motions 979 et 980, figurant en annexe à la fin du rapport de majorité du projet de loi 7176-B qui se trouve sur vos places. En raison de l'impression tardive du rapport relatif au point 99, ce point sera traité le jeudi 12 décembre à 20 h 30.
Mme Sylvie Châtelain(S). Au nom de la commission d'aménagement du canton, je demande que les points 46, 50 et 51 soient traités lors d'une de nos séances d'aujourd'hui ou de demain. Il s'agit, en effet, de trois projets de lois, dont deux (PL 7520 et 7536) figuraient déjà à l'ordre du jour de la précédente séance; le troisième (PL 7538) revêt un certain caractère d'urgence, et la commission d'aménagement souhaite que ces projets soient renvoyés rapidement en commission, pour pouvoir commencer à les étudier avant la pause de fin d'année.
La présidente. Il en sera fait ainsi, à l'issue des travaux relatifs au budget.
M. Pierre Vanek(AdG). Au nom de mon groupe, j'aimerais demander que le point 92 de notre ordre du jour, c'est-à-dire notre proposition de motion 1106, portant sur les conséquences de la faillite de la société Noga pour l'économie locale, la Banque cantonale et les intérêts publics en cause, soit traité durant cette session.
La présidente. Il n'y a pas d'opposition ? Si !
Cette proposition est mise aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Cette proposition est rejetée par 29 non contre 23 oui.
M. Pierre Vanek(AdG). Au point 54, figure dans notre ordre du jour le projet de loi 7548, projet de loi du Conseil d'Etat approuvant les budgets d'exploitation et d'investissement des Services industriels de Genève pour l'année 1997.
M. Joye a annoncé vendredi 29 septembre, en commission de l'énergie et des Services industriels, qu'il - sic - «retirait» ce projet de loi. Il est évident, étant donné que ce projet de loi est proposé par le Conseil d'Etat, que ça doit être ce dernier qui le retire, le cas échéant. Puisque ce projet figure à l'ordre du jour de cette session, nous sommes en droit de demander une déclaration du Conseil d'Etat sur le retrait ou non de ce projet de loi.
M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. C'est un lapsus de la part de M. Joye d'avoir déclaré que ce projet était retiré ! (Rires.)
En réalité, le projet a été transmis à nouveau aux Services industriels sur la base de la copie d'un courrier, reçue par la présidente de la commission de l'énergie et des Services industriels.
Dans ce courrier nous disons ceci : le Conseil d'Etat confirme qu'il n'est pas d'accord avec les hausses tarifaires. A la suite de la première discussion, qui a eu lieu devant la commission de l'énergie, ces hausses ont été fraîchement accueillies. Le Conseil d'Etat demande aux Services industriels de présenter des amendements au budget, afin que celui-ci ne comporte pas de hausses tarifaires. Il appartiendra aux Services industriels de déterminer s'ils présenteront un budget déficitaire ou un budget équilibré, ce qui engendrerait, en tout ou partie, des économies supplémentaires.
C'est dans ce sens que la commission de l'énergie, qui, sauf erreur de ma part, est à nouveau convoquée pour le 12 décembre prochain, doit travailler avec une nouvelle mouture du projet de budget des Services industriels.
Mme Janine Berberat(L). Par le truchement de l'article 67 de la loi portant règlement du Grand Conseil, il se trouve que la commission de l'énergie et des Services industriels a déjà commencé ses travaux.
Je ne compte pas lancer le débat, mais permettez-moi de vous dire, Madame, Messieurs les conseillers d'Etat, que ce qui se conçoit clairement s'énonce clairement : c'est un principe élémentaire de la communication et de la bonne compréhension des choses et des gens !
Pour ce projet de loi, ce principe semble vous avoir échappé. Même la presse s'est fourvoyée dans l'interprétation de vos déclarations. L'absence d'un message clair a laissé croire à plus d'un dans ce Grand Conseil et dans la République que vous songiez plus à «refiler le bébé» qu'à l'assumer !
Il en résulte un va-et-vient de ce budget qui ne facilite pas le travail des députés et mécontente tout le monde. La commission de l'énergie fera son travail, comme elle sait le faire, dans un souci d'efficacité. Mais les délais que vous nous laissez sont à la limite du gérable. Merci de faire mieux la prochaine fois !
M. Pierre Vanek(AdG). A ce sujet et malgré qu'il n'y ait pas lieu d'engager maintenant un débat, je voudrais dire que j'ai écouté avec intérêt la déclaration du président du Conseil d'Etat sur le «lapsus» de Philippe Joye ! Le projet de loi n'est donc pas retiré; nous pouvons donc considérer qu'il est toujours devant la commission de l'énergie et des Services industriels et que nous devons continuer à le traiter dans les meilleurs délais.
Je veux tout de même vous faire part de mon étonnement. En effet, ce projet de loi déposé par le Conseil d'Etat - qui nous demande d'approuver ce budget dans son exposé des motifs - est mis en cause dans sa substance même, c'est-à-dire le budget approuvé à l'unanimité du conseil d'administration des Services industriels par les déclarations du Conseil d'Etat. De plus, il est «renvoyé» aux Services industriels sur la base d'une «impression» de M. Joye en commission - qui n'a été confirmée par aucun vote sur la position des uns et des autres - que cette augmentation de tarifs n'était pas appréciée; en outre, il a empêché la poursuite des débats en «retirant» ce projet de loi au dernier moment.
Il n'est pas du tout exclu qu'il y ait eu une majorité pour adopter ce budget ce soir-là !
5. Déclarations du Conseil d'Etat et communications.
La présidente. Je salue Mme Myriam Boussina Mercille qui a pris officiellement les fonctions de sautier le 2 décembre dernier et qui assiste à sa première séance plénière.
Je salue également le nouveau président du Conseil d'Etat, M. Jean-Philippe Maitre.
Par ailleurs, je salue à la tribune du public la présence de classes de 3e année de l'école de culture générale Jean-Piaget, sous la conduite de Mmes Constantin et Gay-Fraret. (Applaudissements.)
Audit global de l'Etat
M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Entre le 25 juin 1995, date du vote populaire de l'initiative 100, et le 14 octobre 1996, date du dépôt en Chancellerie du rapport d'Arthur Andersen, à peine plus de quinze mois ont été nécessaires pour lancer - notamment par une procédure de sélection des candidats et une procédure parlementaire permettant de libérer les crédits nécessaires - et réaliser l'audit le plus important jamais entrepris dans l'histoire de notre Etat cantonal.
Afin de garantir le bon fonctionnement des travaux et de permettre une analyse approfondie et impartiale, Arthur Andersen a bénéficié d'une totale indépendance. Ses travaux ont été facilités par une coopération ouverte de la fonction publique, les collaboratrices et collaborateurs ayant été au préalable libérés de leur secret de fonction. Régulièrement Arthur Andersen a donné les informations nécessaires sur l'avancement de sa mission tant auprès du personnel de l'Etat et des établissements publics concernés qu'à l'intention de l'opinion publique.
Le travail réalisé par le mandataire est considérable. Indépendamment du rapport final proprement dit, comprenant une analyse d'ensemble et un plan d'action, quarante-neuf analyses détaillées ont été conduites, faisant chacune l'objet d'un rapport spécifique.
Mesdames et Messieurs les députés, le consultant n'a pas manqué de souligner l'importance du travail déjà accompli par l'administration. Il est vrai que de nombreuses réformes ont été engagées ou réalisées. Avant le lancement de l'audit, plusieurs offices ou services ont été restructurés : la qualité de prestations a été améliorée; des procédures ont été complètement repensées; des réductions de coûts importantes ont été obtenues.
Ce qui a été mis en oeuvre depuis plusieurs années sera poursuivi. C'est pourquoi le Conseil donnera au rapport une suite qui sera dictée par une attitude résolument positive. Bien que l'originalité et la qualité de ses conclusions soient inégales, l'audit global de l'Etat de Genève représente en effet un levier utile, une chance à saisir pour poursuivre de manière dynamique une réflexion en profondeur sur les missions de l'Etat et son organisation. Le Conseil d'Etat souhaite donc que l'on puisse tirer le meilleur parti des propositions qui auront été retenues.
Le rapport général d'une part... (L'orateur s'arrête, gêné par le brouhaha.)
La présidente. Un peu d'attention, s'il vous plaît !
M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Le rapport général d'une part et les rapports sectoriels d'autre part représentent deux volets qui, bien que complémentaires, doivent être traités pour eux-mêmes en raison de la nature différente des réflexions qu'ils suscitent et des actions qui en découlent. Le rapport final et le plan d'action conduisent, en effet, à traiter des questions d'ordre institutionnel, à réexaminer le rôle de l'Etat et la meilleure organisation possible pour lui permettre de l'assumer. Il s'agit d'un débat politique fondamental sur les objectifs de l'Etat et sa structure.
Les rapports sectoriels quant à eux portent sur un champ d'activités très vaste, suscitant une approche différente compte tenu des observations et recommandations plus techniques qu'ils comportent. Les actions à poursuivre ou à engager, suivant les sujets traités, font appel à des interlocuteurs variés, s'inscrivent dans des délais ou impliquent la mise en oeuvre de moyens qui peuvent être fort différents.
Les questions de type institutionnel ont été analysées par le Conseil d'Etat, et il vous fait part ici de ses premières conclusions.
Les premières portent sur le rôle de l'Etat. Il ne sert en effet à rien de disserter sur la meilleure organisation possible de l'Etat si l'on n'est pas au clair sur le rôle qu'on estime devoir lui confier. Ce serait commettre l'erreur de privilégier les moyens par rapport aux objectifs. Le Conseil d'Etat a donc préalablement concentré ses réflexions sur cette première question fondamentale. Nous dirons pour schématiser qu'un Etat moderne doit, à nos yeux, remplir quatre missions :
- Le rôle d'autorité.
Dans notre système démocratique, le parlement, le gouvernement et les tribunaux assument la mission qui leur est confiée par la constitution à la suite d'élections libres. Cela leur donne la légitimité nécessaire pour exercer ce rôle réservé à l'Etat, le rôle d'autorité. Il appartient en effet à l'Etat d'assumer une tâche d'arbitre et de garantir le fonctionnement régulier des institutions que le peuple s'est souverainement données. La loi de la jungle n'est pas une valeur de notre civilisation.
Dès lors le rôle d'autorité de l'Etat, qui semble pourtant aller de soi dans une société fondée sur le droit, mérite d'être souligné de façon particulière à une époque d'incertitude où de nombreuses personnes expriment le besoin d'avoir des repères clairs.
- L'Etat a également un rôle de garant.
A une époque de profondes mutations économiques et sociales, on attend aussi de l'Etat qu'il soit un garant. Etre garant, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas se figer sur des acquis; ce n'est pas geler ce qui doit au contraire évoluer. Etre garant c'est, à nos yeux, donner à l'Etat une dimension essentielle à son action : la dimension humaine. Une société digne de ce nom ne peut en effet pas laisser sur le bord du chemin celles et ceux qui ont été atteints notamment dans leur santé ou leurs moyens élémentaires d'existence.
L'Etat a donc le devoir d'assumer cette politique sociale responsable. Cette mission, qui n'incombe pas qu'à l'Etat, mais pour laquelle il joue naturellement un rôle significatif, doit être assurée sans paternalisme qui serait réducteur de la responsabilité individuelle. Ainsi l'action des autorités, si elle doit être constamment guidée par un souci d'efficacité, ne peut pas toujours être mesurée à l'aune de la rentabilité. Dès lors, la gestion de l'Etat ne peut pas seulement être calquée sur celle d'une entreprise.
- L'Etat doit donner des impulsions.
L'Etat est un acteur, et il lui appartient, par conséquent, de susciter et de prendre des initiatives pour contribuer au bien-être de la population et pour réaliser les conditions qui permettent tout d'abord un développement économique créateur d'emplois et de prospérité; il doit assurer également une politique sociale adéquate et stimuler, enfin, la création et le rayonnement culturel de Genève.
Pour que l'Etat puisse remplir ce rôle, le gouvernement doit pouvoir bénéficier du temps et de l'organisation nécessaires à la conduite d'une réflexion et d'une action ayant une portée stratégique. Il doit donc pouvoir prendre davantage de recul, ce qui entraîne qu'il doit être moins directement impliqué dans la gestion départementale.
Acteur ambitieux, l'Etat doit cependant demeurer modeste. De toute évidence, il n'a pas le monopole de l'initiative. C'est dire qu'il a pour mission également de favoriser l'éclosion d'initiatives valables pour la Cité, qui sont prises par les acteurs économiques, sociaux et culturels. C'est alors qu'intervient la quatrième mission de l'Etat :
- Enfin, un Etat partenaire. La notion d'Etat partenaire doit être conçue sous différents aspects... (Brouhaha.)
La présidente. C'est très pénible de continuer les débats dans cette atmosphère bruyante !
M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. La notion d'Etat partenaire doit être conçue sous différents aspects. Il est tout d'abord nécessaire de favoriser la réalisation de projets qui sont porteurs de dynamisme et de progrès... (Rires.)
Des voix. Bravo !
M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Les organisations économiques ou sociales... (Brouhaha et exclamations.) Nous nous réjouissons de cette approbation anticipée !
Les organisations économiques ou sociales, les entreprises, les associations culturelles ou sportives, doivent trouver, chaque fois que cela est possible, un partenaire ouvert, un partenaire qui aide et non une administration qui freine. Et lorsque le projet n'est pas opportun ou possible, on doit pouvoir compter sur un partenaire loyal et transparent, capable d'expliquer de manière convaincante pourquoi les conditions ne sont pas remplies.
L'Etat doit également renforcer son aptitude à être davantage partenaire sur le plan institutionnel. Dans notre structure fédéraliste, il incombe à un Etat cantonal de renforcer sa coopération à tous les échelons de notre système politique : tout d'abord avec nos communes, pour leur permettre d'assumer les tâches qu'elles peuvent mieux remplir que le canton; ensuite avec les autres cantons pour travailler en réseau dynamique et efficace; avec la Confédération pour participer pleinement à la construction de la Suisse moderne et pour développer certains atouts qui nous tiennent à coeur tels que l'ouverture internationale; avec les régions d'Europe, enfin, dont l'interdépendance est une richesse à faire fructifier.
Le développement de cette conception de l'Etat partenaire aura de profondes incidences sur l'organisation et le développement de nos institutions et, en particulier, du gouvernement. J'en viens donc à l'organisation de l'Etat.
Poser le problème de l'organisation de l'Etat c'est répondre à la question des structures et des moyens à mettre en place pour lui permettre d'assumer valablement les missions que l'on vient de rappeler.
Nos réflexions nous invitent, à ce stade, à dégager les lignes directrices ou les objectifs suivants :
1) Il faut tout d'abord favoriser l'action gouvernementale. Le développement et la complexité croissante des problèmes que doit résoudre notre société entraînent que les membres du Conseil d'Etat sont davantage impliqués dans l'action départementale que dans la conduite gouvernementale. Ce phénomène n'est évidemment pas propre à notre canton : les gouvernements de tous les cantons, de même que le Conseil fédéral, se trouvent confrontés à ces mêmes problèmes.
Cette situation, Mesdames et Messieurs, n'est pas seulement due à la pression des faits. Elle trouve également appui dans une structure constitutionnelle qui mérite assurément d'être modernisée, car la responsabilité gouvernementale et la direction départementale y ont été mélangées. L'article 101 de la constitution genevoise dit en effet, et je cite : «Le pouvoir exécutif et l'administration générale sont confiés à un Conseil d'Etat composé de sept membres.» L'article 118 de la constitution renchérit en précisant, et je cite toujours : «L'administration de l'Etat est divisée en départements, dirigés chacun par un conseiller d'Etat responsable.»
Il convient, en engageant une réforme constitutionnelle adéquate, de redonner au Conseil d'Etat sa pleine fonction gouvernementale, l'allégeant ainsi, dans toute la mesure du possible, des tâches de gestion départementales.
2) Cette réforme a pour corollaire la mise en oeuvre des moyens permettant de responsabiliser l'administration : c'est la deuxième ligne directrice que nous proposons.
Notre administration, Mesdames et Messieurs les députés, est composée de femmes et d'hommes qui, en très grande majorité, s'acquittent... (Brouhaha.)
On peut être assez surpris de l'accueil que vous réservez à une réflexion de politique fondamentale... (Exclamations.) ...que nous cherchons à partager avec vous dans le cadre de ce Parlement. Mais, surprise pour surprise, cela ne m'empêchera pas de poursuivre !
Notre administration est composée de collaborateurs qui s'acquittent avec compétence et engagement de la tâche qui leur est confiée. Services, offices ou départements sont structurés de manières si diverses - ce qui est logique compte tenu de la variété de leur mission - qu'il est impossible de les évaluer en un seul et même jugement. Les analyses réalisées par le consultant montrent cependant que certains souffrent - cette réflexion n'est pas nouvelle - d'une hiérarchie excessive consécutive d'autant de parapluies sous lesquels on peut être tenté de s'abriter.
Il est donc nécessaire de renforcer la culture de prise de responsabilités dans l'administration par la valorisation du statut des collaborateurs de la fonction publique, qui doit être l'un des éléments d'une ambitieuse politique de ressources humaines. Cela implique, Mesdames et Messieurs les députés, quatre choses :
1) Tout d'abord, une organisation de l'administration en fonction d'objectifs et non pas de procédures. Trop souvent, en effet, la fonction publique est confinée au seul rôle d'appliquer les procédures administratives, ce qui n'est guère motivant. Sa mission doit donc consister à remplir les objectifs qui lui sont confiés avec beaucoup plus de liberté pour organiser les moyens d'y parvenir, dans le respect, bien sûr, de l'égalité de traitement de chaque citoyen.
2) Cela implique également une décentralisation aussi large que possible et, chaque fois que cela est opportun, la création de centres autonomes de gestion. Cela nécessite un décloisonnement aussi complet que possible. L'administration est en effet parfois soumise à une sorte de marquage territorial de certains services ou offices, ce qui réduit considérablement leur capacité à travailler de manière horizontale.
Or une administration organisée sur des objectifs a un besoin impératif d'assumer des fonctions transversales tant il est vrai que plusieurs services, avec leurs missions spécifiques, peuvent concourir à la réalisation d'un même objectif. La volonté de décloisonner l'administration n'aura cependant pas pour effet de faire disparaître son organisation en départements. Ils demeurent en effet nécessaires, pour assurer la cohérence et la visibilité de l'action. Une organisation en fonction d'objectifs remettra cependant en cause, pour partie, le découpage actuel.
3) Il est nécessaire, enfin, de mettre en place des procédures de contrôle efficaces. Le renforcement de prise de responsabilités et l'acquisition d'une grande autonomie impliquent la mise en oeuvre de mécanismes de contrôle mieux structurés. Le contrôle de l'administration comporte un double aspect. D'une part, il est destiné à vérifier, à intervalles réguliers, la pertinence et l'adéquation des objectifs retenus; d'autre part, son but est d'apporter à la population la sécurité qu'elle est en droit d'attendre dans l'utilisation des ressources confiées. Mais, dans son organisation, le contrôle doit davantage être orienté comme un outil d'aide à la gestion efficace que comme un moyen d'inquisition tatillonne.
Mesdames et Messieurs, la marge de manoeuvre pour procéder aux réformes souhaitées n'est évidemment pas extensible à l'infini. Il convient donc de préciser ici quelques limites qui s'imposeront d'elles-mêmes ou que les autorités imposeront :
- Ces limites peuvent être tout d'abord financières.
L'objectif de redressement des finances publiques ne doit en aucun cas être compromis. Les réformes à entreprendre devront donc impérativement tenir compte de cet objectif. Ainsi, certaines réformes proposées, impliquant la mise en oeuvre de ressources importantes dont nous ne disposons pas, seront différées, voire ne seront pas adoptées, sauf s'il est établi que les moyens qui y sont consacrés peuvent, par la réorganisation obtenue, dégager de réelles réductions de coûts, à relativement bref délai.
- Ces limites peuvent également être institutionnelles.
Nous constatons que certaines mesures proposées se heurtent à des barrières légales qui ne relèvent pas de la compétence cantonale, mais que seul le législateur fédéral peut permettre de franchir.
- Les limites aux réformes sont également de nature politique.
Certaines mesures préconisées pourraient être admissibles au regard d'un objectif de gestion plus rationnel, mais elles ne pourront cependant pas être retenues pour des motifs politiques prépondérants ou, à tout le moins, elles impliqueront au préalable l'ouverture d'un débat politique approfondi. C'est précisément ce débat politique approfondi, dans le cadre de cette première approche sur ce premier volet - qui est une approche institutionnelle - que nous entendons ouvrir avec la Cité.
Il est évident, Mesdames et Messieurs, que des réflexions, puis des réformes sur des thèmes aussi importants que le rôle de l'Etat, le fonctionnement du gouvernement et l'organisation de l'administration, ne peuvent pas être conduites en vase clos. Elles appellent la mise en place d'un vaste débat capable de susciter l'engagement du plus grand nombre.
Ainsi, au premier trimestre de l'an prochain, seront organisées, tout d'abord, la consultation des partis politiques, la concertation avec la fonction publique et les organisations la représentant - les commissions du personnel des départements étant appelées à jouer à cet effet un rôle moteur - la consultation des partenaires économiques et sociaux. Un groupe de projets est constitué, placé sous la responsabilité d'une personnalité extérieure à l'administration - dont le choix sera fait cette semaine encore. Bénéficiant par ailleurs de l'appui de l'université, elle sera ainsi en charge de l'organisation et du suivi des travaux.
J'en viens aux réformes sectorielles.
Indépendamment des questions institutionnelles, que nous venons d'évoquer et sur lesquelles le Conseil d'Etat a consacré ses premières réflexions, le Conseil d'Etat entend traiter les analyses sectorielles réalisées par le consultant. Il y a quarante-neuf rapports concernant onze domaines d'activités, qui ont été rendus et qui ont déjà donné lieu à une première analyse. Celle-ci nous permet de ranger ces rapports en trois catégories :
1) Certaines analyses se rapportent - on peut le constater - à des réformes déjà en cours et qui seront, par conséquent, poursuivies.
2) Certains rapports contiennent des appréciations utiles, des recommandations pertinentes qui feront l'objet de cette vaste concertation avec la fonction publique, et le suivi sera ainsi organisé.
3) D'autres rapports comportent des suggestions jugées non pertinentes ou non praticables; elles seront écartées.
Un premier rapport d'ensemble sera présenté pour la fin du mois de janvier, début du mois de février 1997 - nous entendons donc aller vite - au terme duquel le Conseil d'Etat arrêtera sa position sur les réformes sectorielles à engager ou à poursuivre et les délais accordés pour les mettre en oeuvre.
Mesdames et Messieurs, en réalisant les réformes sectorielles, susceptibles d'apporter des améliorations, pour certaines à bref délai, d'une part, et en ouvrant une discussion fondamentale sur le rôle de l'Etat et en mettant en oeuvre la réforme de l'organisation de notre administration, d'autre part, le Conseil d'Etat est conscient qu'il ne vous convie pas au rendez-vous de la facilité. Le succès de l'entreprise n'est d'ailleurs pas garanti. Il est cependant nécessaire de prendre le risque d'engager et de conduire ce débat. Ne pas le faire serait un acte de résignation. L'entreprendre marque au contraire la confiance que Genève est capable de susciter.
Mesdames et Messieurs les députés, notre canton dispose d'atouts remarquables. Notre devoir est de le doter d'instruments régénérés; pour faire entrer pleinement dans le XXIe siècle une Genève fidèle à son identité : une Genève qui entreprend, qui crée; une Genève solidaire; une Genève reconnaissante de ce que l'histoire lui a donné et fière de ce qu'elle est capable de transmettre.
M. Pierre-Alain Champod (S). En préambule, je précise que le parti socialiste n'a pas terminé l'étude du document de l'audit et n'a pas pu réaliser une synthèse des analyses détaillées, d'autant plus que les députés qui en ont commandé ne les ont reçues qu'au début de la semaine dernière. Mon intervention porte donc essentiellement sur le rapport final de l'audit.
Les socialistes, comme la majorité de ce parlement, n'étaient pas favorables à cet audit. En effet, il est difficile, voire impossible, d'analyser une structure aussi importante et diversifiée que l'Etat. Mais le peuple a voté et nous avons reçu cet audit. Il convient donc de l'étudier.
Je ferai des remarques sur trois aspects de ce document :
- Premièrement, la démocratie.
- Deuxièmement, les constats d'Arthur Andersen.
- Troisièmement, ses propositions.
Premièrement, la deuxième partie du rapport final d'Andersen comporte plusieurs pages consacrées à la restructuration de l'Etat. Le constat qui se dégage de ce chapitre est le renforcement de l'administration au détriment du politique. A force de vouloir donner de l'autonomie au service, Andersen réduit le rôle du politique. Nous trouvons ce constat inacceptable. Nous sommes attachés à la démocratie, au fait que le peuple choisisse ses élus au plan communal, cantonal et fédéral. Des élus qui, contrairement aux hauts fonctionnaires, ont des comptes à rendre à la population. Nous estimons que le Conseil d'Etat et notre parlement doivent conserver leur rôle. Le parlement doit pouvoir continuer d'exercer ses tâches de législateur et avoir les moyens de contrôler l'exécutif. Nous continuerons à nous battre pour renforcer le parlement, améliorer ses conditions de travail. En renforçant l'administration, Andersen va à l'encontre de notre vision de la démocratie, ce qui pour nous n'est pas acceptable.
Dans sa déclaration du Conseil d'Etat, M. Maitre nous parlait d'une réforme de la constitution en vue de modifier le rôle du Conseil d'Etat et de donner plus d'autonomie à l'administration. J'espère que le Conseil d'Etat ne va pas aller dans le même sens qu'Andersen.
En second lieu, Arthur Andersen a fait un certain nombre de constats sur les dysfonctionnements existant dans certains services. En l'état de mes lectures, la plupart de ces constats concernent des problèmes que nous connaissons. Je dirai même que l'audit n'est pas très sévère avec les problèmes qu'ont connus et que connaissent l'administration fiscale ou l'office cantonal de l'emploi. Il serait faux aussi de tomber dans la caricature traditionnelle qui veut que : «l'Etat = bureaucratie = inefficacité» et que «le privé = bonne gestion et efficacité». Il existe des services d'Etat très bien gérés et des entreprises privées qui ne le sont pas.
Cependant, nous partageons certains des constats d'Andersen. Nous reconnaissons certains dysfonctionnements pour lesquels il convient de trouver des solutions. Par exemple, la complexité du système de calcul et de distribution des aides sociales est connue et reconnue par l'ensemble des acteurs du social. De plus, comme l'a relevé le Conseil d'Etat, la qualité des analyses détaillées n'est pas homogène. Si certaines traduisent une bonne connaissance de la problématique et des services, ce n'est hélas pas le cas de la totalité des analyses détaillées.
Troisièmement, certaines propositions du rapport sont pertinentes, mais pas forcément nouvelles; par exemple le fait qu'à l'office cantonal de l'emploi chaque chômeur soit suivi par une seule et même personne ou encore la création d'un guichet unique où le citoyen peut faire toute démarche vis-à-vis de l'administration. D'autres sont plus discutables et certaines sont inacceptables.
Le parti socialiste reste farouchement opposé à la notion de salaire au mérite, dont les effets pervers commencent à être reconnus par ceux-là mêmes qui, il y a quelques années, faisaient l'apologie de cette méthode. En effet, pour être efficaces la majorité des employés doivent être récompensés, d'où une économie quasiment nulle. D'autre part, la bonne marche d'un service dépend plus de la cohésion des collaborateurs que du mérite d'un collaborateur particulier.
Un autre point concerne la nouvelle gestion publique et les contrats de prestations qui en découlent. Andersen est peu explicite sur la manière dont un parlement peut formuler un contrat de prestations, notamment lorsqu'il s'agit d'entités aussi importantes que le secteur des hôpitaux ou celui de l'instruction publique et il est muet sur les méthodes et les critères d'évaluation de ces contrats de prestations. L'évaluation est pourtant la clé de voûte du système des contrats de prestations. Si des contrats de prestations peuvent parfois être une bonne solution, notamment pour des petites associations sans but lucratif, fortement subventionnées, il convient de ne pas en faire un dogme ou une recette miracle. De même, si l'étude du budget telle que nous la connaissons ligne par ligne n'est pas satisfaisante, l'enveloppe budgétaire n'est pas sans poser des problèmes «trapus» en matière de contrôle parlementaire. Les socialistes sont également opposés à la privatisation de nombreux services publics, selon la recette bien connue : privatiser les bénéfices et socialiser les pertes.
En ce qui concerne les économies proposées de 180 millions, il conviendra d'examiner chaque proposition en détail, afin de se rendre compte de leur possible réalisation et si elles sont génératrices d'autant d'économies que ce que l'on nous prétend, ce d'autant plus que certaines propositions d'Andersen, comme celle d'engager des collaborateurs plus qualifiés à l'office cantonal de l'emploi, entraîneront des dépenses supplémentaires qui n'ont pas été comptabilisées dans leur rapport.
Enfin, je ferai deux remarques concernant ce rapport Andersen. Premièrement, le but de cet audit n'est pas d'avoir une meilleure administration, mais de faire des économies. Or ceci biaise quelque peu l'analyse. (Brouhaha.)
La présidente. Vous n'avez plus qu'une minute, Monsieur Champod !
M. Pierre-Alain Champod. Deuxièmement, ceux qui ont effectué cet audit ne sont pas des experts neutres. Si, par exemple, le mandat avait été confié à des économistes marxistes, nul doute que les conclusions auraient été profondément différentes. (Brouhaha.) Le fait que les experts ne soient pas neutres est quasiment inévitable. Toutefois, il est gênant qu'ils n'avouent pas clairement leur subjectivité, leur idéologie et leur conception de l'Etat qui transparaît à chaque page du rapport. Visiblement, la société Andersen n'a pas la même conception du rôle de l'Etat que les socialistes.
Pour nous socialistes, l'Etat ne doit pas être comparé à une entreprise. Il est le seul garant de l'intérêt général, de la solidarité sociale. Il doit traiter de manière égale l'ensemble des habitants du pays... Toutes ces valeurs sont en contradiction avec les lois du marché qui régissent la vie des entreprises. Les socialistes n'ont pas les mêmes valeurs qu'Andersen, c'est pourquoi ils ne peuvent pas souscrire à certaines de leurs propositions.
Cependant, nous sommes favorables à une réforme de l'Etat, comme, par exemple, une plus grande participation des collaborateurs et des usagers. Mais les réformes doivent respecter les spécificités de l'Etat, son rôle de redistribution, de régulateur, d'arbitre.
Malgré les critiques que nous formulons à l'égard de cet audit, il nous semble important que les analyses détaillées d'Andersen soient discutées au sein des commissions spécialisées du Grand Conseil. Toutefois, il ne nous semble pas judicieux que seule la commission des finances traite ce dossier au cours des prochaines séances. Nous ferons donc une proposition pour que les commissions spécialisées du Grand Conseil puissent mener cette réflexion.
M. Pierre Vanek (AdG). Je ne répondrai pas à chaud au discours de M. Jean-Philippe Maitre. Je me bornerai à quelques réflexions sur cet audit.
Nous n'en avons pas fait, à ce jour, une analyse exhaustive et formulé les critiques qu'il mérite. Je salue l'avance prise par certaines organisations syndicales - le SIT, le Cartel intersyndical du personnel de l'Etat - qui ont travaillé probablement plus vite et mieux que nous, en collaboration avec le personnel des secteurs concernés. Ils ont délivré une appréciation sévère de cet audit que je partage très largement.
Maintenant, quelques remarques liminaires :
Quand on consulte le document résumant l'audit global de l'Etat de Genève, on y trouve en page 1 la signature de M. Martyn Scrivens d'Arthur Andersen...
M. John Dupraz. Tu parles bien l'anglais !
M. Pierre Vanek. Je parle très bien l'anglais ! Merci, John ! Je ne connaissais de l'auteur que sa signature. Aujourd'hui, j'ai vu sa photo dans la «Tribune de Genève», illustrant un article intitulé : «Jurg Stäubli a su s'entourer d'hommes qui comptent». Il s'agit de cet affairiste douteux actuellement emprisonné. Et qui comptait ? Devinez ! C'était la société Arthur Andersen chargée, à l'époque, de vérifier les comptes du holding de Jurg Stäubli et de quelques-unes de ses sociétés. (Applaudissements.)
On peut trouver le fait anecdotique, mais il faut quand même s'enquérir, comme l'a souligné mon collègue socialiste, de la source d'un certain discours. En l'occurrence, il émane de gens qui trempent dans ce genre d'affaires.
Autre remarque liminaire : j'ai consulté Internet - et M. Segond voudra bien reconnaître que je suis «smart» en la matière ! - afin d'en savoir plus sur les activités, l'historique, les qualifications et les compétences d'Andersen. La recherche par mots clés m'a pris du temps. Mais je recommande aux «branchés» de se connecter ! Le seul document relatif aux collectivités publiques que j'ai trouvé dans les pages du Web d'Arthur Andersen est intitulé «Propositions and services». Ce sont deux pages d'un discours introduit par cette phrase que je traduis en simultané : «La privatisation a émergé comme la voie royale de l'efficacité gouvernementale.» Le reste est à l'avenant. On lit, entre autres : «Une industrie, une compagnie, sont à même, en contrôlant la sphère commerciale de l'Etat, d'engendrer la richesse et la prospérité d'une nation et de ses citoyens.» C'est le catéchisme de l'Eglise néolibérale et c'est sur ces prémisses qu'est basée l'étude Andersen !
Andersen agit dans le domaine de la privatisation - c'est sa carte de visite. L'avoir choisi est donc paradoxal, car la seule privatisation tentée par le gouvernement monocolore a été refusée par le souverain. Toute une série d'arguments d'Andersen sur la logique de la privatisation, la nouvelle gestion publique, la flexibilité et le salaire au mérite, ont déjà fait l'objet d'un débat, à une échelle réduite, certes, mais significative, dans le cadre du projet de privatisation du bureau des autos. Le tout avait été présenté, par le gouvernement, comme une expérience pilote. Celle-ci a échoué, le souverain n'en ayant pas voulu. Il faut en tirer les conséquences.
A la veille d'un débat budgétaire, je citerai un élément positif figurant à la page 57 du rapport. Je cite : «Car c'est bien du côté des recettes que le bât blesse. Les dépenses sont, elles, sous contrôle. L'Etat a d'ailleurs dépassé ses objectifs en la matière, puisqu'il a dépensé 192 millions de moins que prévu par le premier plan financier quadriennal. Malheureusement, ce bonus est plus qu'épongé par un manque de recettes de 326 millions de francs.» C'est une remarque pertinente dans le rapport Andersen, et ces messieurs de l'Entente feraient bien d'en prendre acte, eux qui proposent de diminuer encore les ressources fiscales de l'Etat pour l'étrangler.
Malheureusement, cet extrait est une citation du journal «Le Courrier» et, pour obtenir cette indication, nul besoin n'était de dépenser 5,5 millions ! Il suffisait de s'abonner au «Courrier», ce que je vous recommande d'ailleurs de faire.
En contrepoint de cette remarque positive du «Courrier», l'introduction présentant la démarche de l'audit précise : «En d'autres termes, la question posée revient à savoir si l'Etat peut faire mieux avec moins de moyens.» Cette interprétation, hors du mandat conféré, constitue un préjugé de base tendant à diminuer les recettes de l'Etat pour le comprimer peu ou prou. C'est un des présupposés figurant dans l'audit. Il n'est pas acceptable et ne peut, en aucun cas, justifier une démarche qui ait tant soit peu de rigueur.
Outre la privatisation, ce rapport insiste sur l'orientation «New Public Management», qu'il privilégie pour le développement de l'Etat. M. Vodoz, sauf erreur, a déclaré dans un débat récent que tout le monde était d'accord sur ce point. Non, nous ne sommes pas du tout d'accord ! Cette orientation veut que l'Etat se comporte comme une entreprise. Nous prétendons, nous, que l'Etat a d'autres priorités et doit se comporter tout différemment. Il est particulièrement choquant de retrouver toutes les ixièmes pages la référence à une «clientèle» de l'Etat. Cette référence n'est pas de mise, s'agissant de citoyens et d'usagers.
Quand on parle de clients, on trie ceux qui sont solvables et ceux qui ne le sont pas. Les clients sont traités en fonction du contenu de leur portefeuille ! Ce critère est inadmissible pour l'Etat. Nous en discuterons dans le cadre de notre ordre du jour, par exemple en ce qui concerne la suppression de la gratuité du parascolaire. Un certain nombre de services publics sont essentiels et ils doivent être financés par une fiscalité suffisante, donc augmentée. Ceci sort complètement de la logique mercantile proposée par l'audit.
Je conclus avec le salaire au mérite, fréquemment évoqué, implicitement et explicitement, dans ce rapport. Lorsque je défendais notre rapport de minorité ou plutôt de majorité populaire sur le SAN, j'avais dit que cette notion avait été remise en cause, notamment par les spécialistes en la matière, issus des milieux d'affaires et universitaires. Je vous renvoie au «Courrier» du week-end des 23 et 24 novembre qui, dans un excellent article sur la question, faisait état de l'avis d'une personnalité émérite, M. Michel Tromblet, professeur agrégé à l'Ecole des HEC à Montréal, observateur privilégié du Nouveau Monde d'où nous vient tout ce bazar. M. Tromblet affirmait catégoriquement que le salaire au mérite ne «marche» pas et qu'il faut trouver d'autres solutions.
C'étaient là quelques observations préalables aux débats qui se dérouleront au cours des prochains mois sur le sujet de l'audit Arthur Andersen et du sort qu'il y a lieu de lui réserver.
M. David Hiler (Ve). D'emblée, je tiens à relever que l'audit est un travail de type universitaire. Je n'ai donc pas goûté, lors de certaines interventions, le procès d'intention fait à ses auteurs.
Je n'ai - mais est-ce nécessaire de le préciser ? - aucun atome crochu, sur le plan politique, avec les gens d'Andersen qui sont des néolibéraux.
Mais nous devons discuter le contenu de l'audit. Il représente un document important dont j'ai lu ce qui m'intéressait au premier chef.
S'il débouche sur un débat traitant de la réforme de l'Etat - un débat public et suffisamment prolongé pour que chacun puisse abandonner ses postulats idéologiques - peut-être aurons-nous eu tort d'appeler nos électeurs à rejeter l'audit en son temps. Pour le moment, notre groupe est peu rassuré par la déclaration préliminaire du Conseil d'Etat.
L'audit relève que les collaborateurs de l'Etat sont consciencieux et loyaux, mais qu'on ne leur confie pas assez de responsabilités et que ce manque de confiance peut les démotiver. M. Vanek peut-il nous dire s'il est en désaccord total avec cette considération ?
L'audit parle aussi de la grande complexité de l'organisation de l'Etat, de la pesanteur excessive de la hiérarchie et de la dispersion des responsabilités. Les Verts sont, en toute bonne foi, d'accord avec ce constat.
Nous admettons également que les outils de gestion sont obsolètes, que les procédures de contrôle - nous l'expérimentons quotidiennement en tant que députés - sont insuffisantes et que l'endettement de cette République est problématique.
Il est vrai, comme l'ont dit les précédents orateurs, que l'audit comporte des points forts et des points faibles. S'agissant de tout ce qui est administratif, des procédures, des services d'autorités, de la police, des tâches de contrôle, l'audit est bien fait, parce que réalisé par des spécialistes.
En revanche, s'agissant de l'instruction publique, la fiduciaire Andersen s'est révélée incompétente. C'est comme si un inspecteur d'école primaire avait procédé à l'audit du département des travaux publics ! Ses propositions, des plus faibles, sont bien en deçà de la vaste réforme qui s'accomplit aujourd'hui.
Il en est de même pour le social, notamment la santé : le rapport ne décolle pas des généralités.
En réalité, la question fondamentale concerne le noyau dur de l'Etat, à savoir l'administration des services de contrôle. A nous de savoir si nous sommes pour ou contre les mesures proposées.
En ce qui concerne les privatisations, je veux bien, Monsieur Champod, que vous les refusiez. Mais le nombre de privatisations proposées par l'audit n'est pas considérable et les seuls projets que je connais, et qui ont échoué lamentablement, sont l'oeuvre d'un conseiller d'Etat socialiste qui nous les a laissés en héritage : c'est celui du SAN et celui concernant les contractuels.
Pourquoi sont-ils aussi mauvais ? C'est parce que l'on ne privatise jamais des «morceaux» d'autorité. C'est absurde et cela attire des ennuis.
Quand on privatise une entreprise automobile, on reste logique de bout en bout. Jusqu'à maintenant, nous n'avons eu que de mauvaises propositions quant aux privatisations prônées par un magistrat socialiste.
En fait de privatisations, l'audit n'en suggère que de mineures. En revanche, il est principalement axé sur une nouvelle gestion publique.
Les termes de la nouvelle gestion publique sont relativement clairs. Des objectifs doivent être fixés; les enveloppes budgétaires nécessaires doivent être accordée pour les atteindre; leur réalisation doit être confiée aux services ad hoc.
Contrairement à ce qui a été dit, il ne s'agit pas de savoir si on est pour ou contre la nouvelle gestion publique, mais de se prononcer pour un type de nouvelle gestion publique. Et dans ce cadre la participation du personnel est un facteur déterminant.
C'est précisément là où nous divergeons d'Arthur Andersen, quand il préconise le salaire au mérite pour responsabiliser les gens. Selon Andersen, ce critère est le seul valable dans ce bas monde et nous, nous n'y croyons pas.
Même si le peuple schaffhousois en a accepté le principe dimanche dernier, nous disons qu'il est impossible d'évaluer, à partir de bases objectives, le mérite d'un enseignant par rapport à un autre, parce que cela dépend des classes qu'il a.
De même, nous ne voyons pas à partir de quel critère objectif un travailleur de l'hôpital pourrait être jugé.
Le salaire au mérite dans l'administration ne serait, aujourd'hui, que la récompense de la soumission et de rien d'autre.
En revanche, nous sommes pour une vaste responsabilisation afin de briser ce que l'on doit bien appeler le taylorisme administratif. Pour rappel, le taylorisme est le partage du travail entre ceux qui le conçoivent et ceux qui l'exécutent. L'audit le souligne vigoureusement et, ce faisant, vise notamment - vous l'avez lu, Monsieur Maitre ! - l'office de l'emploi. C'est à son propos, sauf erreur de ma part, qu'Andersen a utilisé le mot «taylorisme».
Si c'est cela que l'on vise, il faut le faire et le faire tout de suite. Il faut tout d'abord organiser des assemblées de services pour en discuter, en la présence d'Arthur Andersen. Cette discussion entre tous les interlocuteurs dégagera ce qui est bien et ce qui ne l'est pas.
C'est aujourd'hui, nonobstant les clivages habituels, que le débat sur la nouvelle gestion publique commence. Ce débat est fondamental, parce que la nouvelle gestion publique n'est pas le fruit du hasard; elle est rendue nécessaire par la taille de l'Etat et ses tâches de plus en plus difficiles à énumérer.
Une éventuelle autonomie des services ne nuirait en rien au contrôle de ce parlement. Il connaît les montants affectés, la loi à appliquer, et il pourrait avoir ce qu'il n'a pas aujourd'hui, à savoir des rapports d'efficacité. Par conséquent, affirmer que nous perdrons des prérogatives que nous n'avons jamais eues est particulièrement absurde. J'ignore si vous, miliciens députés, avez l'impression de contrôler ce qui se passe dans l'administration. Pour ma part, j'avoue n'en rien savoir et je n'en saurai jamais rien dans les conditions qui sont les nôtres.
C'est pourquoi notre position est claire. Nous accepterons d'aller dans le sens d'une nouvelle gestion publique, pour autant qu'il n'y ait aucune remise en cause globale de ce que fait l'Etat aujourd'hui. Cette gestion devra prendre appui sur l'utilisation et la participation du personnel; elle devra aboutir rapidement à la suppression des postes de petits chefs, de cadres intermédiaires, de cadres moyens et supérieurs, etc., dont certains d'entre vous, Messieurs les conseillers d'Etat, se montrent experts à en nommer un nombre invraisemblable.
Je ne vous inclus pas, Madame Brunschwig, car vous dirigez un département relativement peu hiérarchisé. D'ailleurs, une procédure de la nouvelle gestion publique n'aurait pas de sens pour des enseignants qui, ayant des élèves en face d'eux, remplissent déjà une responsabilité pleine et entière et assument, d'ores et déjà, cette nouvelle gestion publique !
J'en viens à la terminologie. Nous utiliserons toujours le terme «usager», même si cet usager est un client, parce que payant des impôts. Vous seriez bien inspirés, comme je l'ai dit récemment à M. Hensler, de supprimer cette terminologie fort désagréable, qui met tout le monde sur ses «pattes arrière», car l'Etat, quoi qu'on en dise, ne sera jamais une entreprise. Nous devons simplement être effi-ca-ces ! Toutes les entreprises ne le sont pas, mais l'Etat peut espérer l'être d'ici dix ou quinze ans.
M. Daniel Ducommun (R). Nous avons apprécié le message du président du Conseil d'Etat... (Rires.) ...c'est vrai, à tête reposée, nous aurons l'occasion de l'apprécier plus encore ! (Rires.)
Si le Conseil d'Etat est optimiste, nous le serons aussi. Mieux vaut exploiter, en effet, les données du rapport que d'en faire une feuille de bonne conscience reléguée dans un tiroir.
Notre groupe, je le rappelle, était plutôt réservé quant à l'initiative, à son coût et à sa durée. Aujourd'hui, il est plutôt positif, le travail lui paraissant bien fait.
Toutefois, nous remarquons que les deux tiers des observations du rapport Andersen ont été, à un moment ou à un autre, consignées dans un procès-verbal de la commission des finances. Je cite, par exemple, les désengagements fonciers qui reviennent chaque année; le coût des remplacements auprès de l'instruction publique; le ciblage de l'aide sociale et même, Monsieur Haegi, l'hélicoptère ! Nous avons discuté de tout cela chaque année. Aussi espérons-nous que le rapport Andersen aura plus de poids que les avis issus de nos travaux en commission pour mettre en place différentes réformes.
Voilà ce que nous souhaitions dire concernant les nombreuses réformes structurelles qui devront être réalisées. Il faudra, bien sûr, toujours être conscient que l'Etat n'est pas une entreprise privée, qu'il est soumis à des contraintes légales et sociales. Il ne faudra pas trop s'exprimer en termes de rentabilité ou de profit. D'autres devront les remplacer, par exemple le terme d'efficacité évoqué par M. Hiler, ceux de productivité ou de faisabilité politique.
Moyennant tout cela, nous partagerons le travail avec vous. Voilà, en l'état, l'essentiel de mes commentaires.
M. Christian Grobet (AdG). Avant de formuler mes remarques sur le rapport Andersen, j'estime devoir rappeler que celui-ci découle de l'acceptation, par le peuple, de l'initiative 100 à laquelle s'était opposée la majorité des partis de ce Grand Conseil.
Bien que ce rapport énonce des faits intéressants, il n'en demeure pas moins que ce que nous disions s'est révélé exact, à savoir qu'il n'était pas nécessaire de procéder à cet audit.
En voici les raisons :
Un audit doit relever les dysfonctionnements et quelques-uns de ceux cités dans le rapport avaient déjà été évoqués dans ce Grand Conseil, plus particulièrement sur certains bancs, dont le nôtre. Nous constatons qu'Andersen a procédé - et c'est le B.A.-Ba de sa mission - à une lecture attentive du Mémorial. Ce faisant, il a trouvé toute une série de pistes à explorer, plusieurs dysfonctionnements, notamment ceux de l'administration fiscale et de l'office de l'emploi, ayant été longuement débattus dans ce Grand Conseil. Il n'y a donc rien de nouveau.
D'autre part, le peuple a voté cet audit pour qu'il fasse ressortir des économies, le comité «Halte aux déficits» ayant souhaité, par le biais de l'initiative 100, trouver un remède miracle aux pertes de l'Etat. Et là, il faut bien le dire, le rapport Andersen, c'est la montagne qui a accouché d'une souris ! Il parle de 138 à 180 millions d'économies éventuelles.
Plus étonnant encore : cette fiduciaire, de renom international, a mélangé allègrement les investissements et les dépenses de fonctionnement... (Exclamations.) Non, je ne crois pas que ce grossier mélange soit fortuit et il serait intéressant de lire les rapports d'Arthur Andersen sur la société Stäubli qui n'ont pas révélé ce que beaucoup avaient déjà deviné.
En l'occurrence, nous avons des propositions d'économies dérisoires, principalement sur les investissements. Or nous nous trouvons en pleine politique économique et le Conseil d'Etat, non sans raison, a dit que la politique des investissements serait maintenue pour relancer l'économie.
Par conséquent, je ne pense pas que le Conseil d'Etat préconise des économies dans le domaine des investissements. Ces investissements pourraient, certes, être mieux gérés. S'ils l'étaient, de l'argent serait dégagé pour d'autres projets et non pour être économisé.
Au niveau des budgets de fonctionnement, ce ne sont que quelques misérables millions d'économies qui nous sont proposés. De plus, diminuer de 20 ou de 25 millions le budget affecté à la gestion du patrimoine financier signifierait tout simplement que l'Etat vendrait une grande partie de ses biens immobiliers. Le rapport ne le précise pas clairement, mais il s'agit bien de cela. Nous ne pouvons pas accepter un appauvrissement aussi grave.
En définitive, nous constatons que non seulement le rapport Arthur Andersen ne propose quasiment pas d'économies, mais qu'il n'a même pas chiffré les dépenses supplémentaires occasionnées par les mesures qu'il recommande !
Par voie de conséquence, nous estimons que ce rapport va bien au-delà de ce que stipulait l'article constitutionnel voté par le peuple. Cela répond vraisemblablement au mandat donné par le Conseil d'Etat. Je précise que le Grand Conseil ne s'est pas prononcé sur le mandat, mais qu'il a seulement libéré le crédit nécessaire à l'audit.
C'est là que le rapport Andersen devient fortement critiquable, parce qu'il outrepasse le travail d'une fiduciaire, d'où des propositions légères et, dans certains domaines, inacceptables. En effet, une fiduciaire n'est pas l'institution à même de proposer des réformes véritables et cohérentes au niveau du fonctionnement d'un Etat.
L'Alliance de gauche, dans son ensemble, tient à relever que les services de l'Etat fonctionnent bien et que la très grande majorité des collaborateurs de la fonction publique s'acquittent correctement des tâches qui leur sont confiées. Il ne se justifie donc pas de réorganiser complètement les services publics et de modifier totalement leurs méthodes de travail sous prétexte de les rendre plus performants, selon l'objectif d'Arthur Andersen. Nous ne pouvons pas accepter le flot de critiques contenues dans ce rapport, d'autant qu'à travers elles Arthur Andersen semble justifier ses honoraires de 5,5 millions, des honoraires beaucoup trop élevés pour la tâche accomplie. De plus, comme il n'y a pas de petits profits, Andersen aurait fait imprimer son rapport à Londres, ce que M. Vodoz pourra peut-être nous confirmer. Il n'a donc pas fait travailler une entreprise de la place, et pourtant il aurait pu confier ce travail à un petit imprimeur genevois.
En dehors de ces considérations, nous estimons qu'Arthur Andersen a surtout cherché à justifier l'ampleur de ses honoraires en dressant une liste excessive et fausse de critiques particulièrement démotivantes pour l'administration.
Certes, des dysfonctionnements existent. Le rapport les met en évidence, dont certains que nous ignorions. Il n'est pas inutile qu'ils aient été identifiés par une institution extérieure. Evidemment, c'est avec satisfaction que nous avons lu des critiques que nous avions nous-mêmes formulées tant à l'égard du fonctionnement de certains services qu'à celui de certaines propositions du Conseil d'Etat, ne serait-ce que l'idée aberrante de privatiser les contractuels qui relèvent, par excellence, d'un service d'autorité. Même Andersen, qui prêche le libéralisme, a estimé cette idée complètement farfelue.
Néanmoins, nous constatons que les principales critiques d'Andersen s'adressent à la gestion actuelle du Conseil d'Etat. C'est donc à lui de remédier à ses erreurs de gestion ou aux dysfonctionnements relatés dans le rapport. Nous avions d'ailleurs déjà demandé une prise de mesures à cet effet.
Toujours à propos des économies, je relève qu'Arthur Andersen parle de la gestion des dossiers fiscaux. Il ne s'agit pas d'une économie mais d'une rentrée fiscale. Je rappelle que, là encore, nous avions dénoncé les importantes pertes fiscales actuelles de l'Etat, dues aux dysfonctionnements et surtout au manque de personnel. Demain, nous présenterons des propositions en vue d'augmenter le personnel et récupérer la substance fiscale qui, aujourd'hui, nous échappe d'une manière inacceptable.
Arthur Andersen insiste également sur la nécessité d'un meilleur contrôle des services de l'administration. Nous en sommes d'accord et avons déjà déposé un projet de loi dans ce sens. J'espère que, contrairement à d'autres, il sera favorablement accueilli par ce Grand Conseil. Il vise à instituer un véritable contrôle financier indépendant de l'Etat qui, pour être réellement opérationnel, rapportera directement devant ce Grand Conseil.
J'en viens aux remèdes évoqués de manière pertinente par Pierre Vanek pour lutter contre la démotivation du personnel de l'administration. De nombreuses causes sont à l'origine de ce découragement. Le Conseil d'Etat en est grandement responsable avec son absence de dialogue et sa philosophie de la pensée unique, sans parler de l'intimidation exercée sur le personnel au point qu'il n'ose plus exprimer son opinion; sans parler non plus de certaines pratiques apparues au cours des deux ou trois dernières années dans le fonctionnement du Conseil d'Etat et de faveurs qui demeurent incompréhensibles. D'où la perte de crédibilité du Conseil d'Etat qui a gravement perturbé le fonctionnement de l'administration.
Il ne s'agit pas de tout modifier, comme l'entend Arthur Andersen, de privatiser, de déréglementer : il faut rétablir des rapports de confiance et mettre en place d'autres méthodes de gestion étatique pour que les citoyens et la fonction publique retrouvent foi en leur Etat qui, jusqu'à présent, avait bien fonctionné. Il faut quand même le souligner !
M. Chaïm Nissim (Ve). Je regrette notre avant-dernier président du Conseil d'Etat qui avait du courage et une vision. Lorsque je me souviens des excellents discours qu'il prononçait, il me vient en mémoire celui dans lequel il parlait de la bourse et où il regrettait qu'elle soit à la hausse lors des licenciements. Ses dires sur la traversée de la rade étaient lucides : projet mammouth des années 80. En comparaison, notre président actuel ne prononce, hélas, que des «tartines» insipides ! Je suis désolé, Monsieur Jean-Philippe Maitre, votre discours était peu substantiel.
Mon collègue, David Hiler, a rappelé les côtés intéressants du rapport d'Arthur Andersen, ceux sur lesquels les experts consultés se sont penchés avec compétence; entre autres, l'informatique. Ces gens ont l'air de s'y connaître ! Je suis loin de leur niveau de connaissance et d'analyse, malgré que, depuis six mois, je chasse sur ce terrain privilégié de l'informatique. Ils ont fait un sacré bon boulot !
Eh bien, leur rapport est consternant et révèle une réalité que j'imaginais moins médiocre. Je constate qu'il règne une certaine gabegie, mais Mme Martine Brunschwig Graf, présidente de Symphonie, n'est absolument pas en cause. Madame, vous connaissez votre travail et vous le faites relativement bien... (Rires.) ...mais il semble que des gens incompétents travaillent dans votre entourage. En effet, si on lit le rapport d'Arthur Andersen, on est édifié ! C'est déchaussant, voire décapant ! On peut lire sur IAO : «Le planning et le budget réévalué ne sont pas régulièrement tenus à jour.» Cela signifie, en bref, qu'il n'y a pas de budget. Je cite encore : «A la fois en termes de planning et de budget, la comparaison - réalisations et prévisions initiales - est difficile.» Je traduis : pas de calendrier. Ensuite : «L'organigramme précis des responsabilités n'a pas été clairement établi.» Il n'y a donc pas de chef.
Cette situation s'apparente à celle du DJPT. On parle d'un rapport, numéro 38, me semble-t-il, de la commission de contrôle de gestion qui n'existe plus aujourd'hui, mais qui, à l'époque, avait critiqué assez durement l'informatique du DJPT. Or, quelle a été l'attitude de M. Ramseyer en recevant ce rapport? Eh bien, il a confié l'étude de son propre service informatique au chef de son service informatique pour savoir si tout allait bien dans son service. Vous devinez la réponse ! Ceci est dénoncé clairement dans le rapport d'Arthur Andersen. Mon avis est que nous devrions en prendre de la graine !
Une autre critique concernant IAO apparaît assez fondée. En effet, un des informaticiens de IAO m'a informé du fait que l'on y travaille sur trois systèmes informatiques : IAO qui est assez important, UNISYS qui permet de consulter les comptes et les débiteurs, et MAGIC qui rend possible la comparaison des numéros AVS par le service des rôles.
A mon avis, l'imbrication de ces trois systèmes obligeant les employés à sortir d'un système pour entrer dans un autre afin d'accomplir une autre partie de leur travail alourdit leur tâche, coûte cher et entrave le bon fonctionnement général. Face à cette désorganisation, nous devrions être attentifs à ce genre de remarque, afin de clarifier la situation de manière efficace.
M. Philippe Schaller (PDC). Il est curieux de constater que certains mots suscitent d'emblée blocages, interprétations négatives et oppositions. D'emblée, cet audit est assimilé par une partie de ce parlement - on peut le comprendre - à un programme en vue de démanteler l'Etat pour une plus grande privatisation.
Mesdames et Messieurs les députés, cet audit n'est rien d'autre, pour nous démocrates-chrétiens, qu'une analyse de l'activité de l'Etat, une vision extérieure, un document de travail nous permettant de réfléchir de manière critique sur le fonctionnement de notre Etat, sur ses chances et ses opportunités et, surtout, sur ses objectifs. Cet audit n'est pas une fin en soi, mais un moyen à notre disposition.
Il est vrai que la classe politique n'a pas voulu de cet audit, ceci pour des raisons multiples et diverses que nous n'analyserons pas aujourd'hui, mais qu'il serait intéressant sur le plan sociopolitique de comprendre. La population a approuvé cet audit contre l'avis des partis politiques, car la conviction de nos concitoyens est que les problèmes généraux du canton appellent souplesse et initiative plus sûrement que centralisme et bureaucratie. La population a dit oui parce que l'aspiration de nos concitoyens est bien que l'Etat, et l'administration qui lui sert de relais, s'adapte aux contraintes du monde réel, qu'il trouve des solutions crédibles aux problèmes posés par la crise. C'est pour ces raisons que nos concitoyens ont dit oui à l'audit.
Nous craignons que, malheureusement, le clivage gauche-droite, figure épuisée mais toujours obligée de notre paysage politique, ne permette pas de répondre à ces aspirations. En effet, on constate que l'audit se trouve confronté à deux philosophies politiques rivales qui inspirent vos remarques : les étatistes se référant à une tradition volontariste, selon laquelle la société civile n'a pas d'existence propre, et les libéraux estimant que la société est une réalité autonome qui pourrait presque se passer de l'Etat. Ces clivages sont obsolètes, car l'histoire récente nous montre que l'Etat providence a ses limites, comme d'ailleurs l'exaltation en faveur d'une société libérale laissée aux seules règles du marché.
Cet audit doit nous permettre d'opposer aux tenants de l'étatisme ainsi qu'aux tenants des idées libérales un état d'inspiration social-démocrate, performant et adapté à l'accroissement des inégalités et à l'exclusion. L'Etat ne peut rester passif, mais c'est ensemble que nous réussirons.
Il faut accepter que l'Etat est dans une situation de grande faiblesse; coincé entre les attentes des revendications qu'il n'a pas les moyens de résoudre et les logiques d'action des forces économiques sur lesquelles il n'a guère d'emprise. Il nous faut aujourd'hui «un Etat fort contre l'argent fort», citation chère à Pierre Mendès France. Mais, pour restaurer l'autorité de l'Etat, et pour qu'il soit fort, il convient d'avoir une gestion publique plus concentrée, plus économe, plus transparente et plus morale. Mais pour réaliser tout cela et pour réformer, il faut s'appuyer sur un enthousiasme parlementaire, sur une participation de la fonction publique, sur une bonne communication et sur la population.
Nous sommes convaincus que cet audit peut être un moyen formidable pour réformer, pour faire de meilleurs choix politiques, pour mesurer la qualité de l'action, pour mieux nous adapter aux défis économiques et sociaux futurs, et ainsi, conduire les affaires publiques de manière plus participative.
Au PDC, nous n'avons pas beaucoup de sympathie pour l'arrogance technocratique qui prétend faire le bonheur des hommes malgré eux, ni pour la démission démagogique consistant à accepter telles quelles les propositions formulées qui donnent l'illusion de résoudre le malaise issu de la crise économique.
Le PDC sera attentif à ce que l'audit de l'Etat ne soit pas un simple moyen au service de toutes les fins possibles et ne devienne pas une caution à l'illusion de résoudre à court terme les problèmes posés à la société civile d'aujourd'hui, car si nous ne sommes pas attentifs, cet audit risque de nous enfermer dans un discours technocratique loin des demandes des plus faibles de notre société.
L'audit ne sera utile que s'il nous permet de comprendre et d'exprimer les attentes et les revendications de l'ensemble de la population de ce canton. Ce n'est qu'en ce sens que le parti démocrate-chrétien est favorable à cet audit.
Mme Micheline Spoerri (L). Les résultats de l'audit, vous l'avez commenté, sont là et sont réjouissants, même pour le parti libéral genevois qui, comme tous les partis de ce Conseil, s'était opposé à l'époque de la votation populaire.
Au moment de la votation, notre parti ne pensait pas qu'une telle entreprise était nécessaire dans la mesure où nous estimions que le gouvernement avait déjà entrepris nombre de réformes. Nous nous félicitons donc que le rapport d'Arthur Andersen souligne les efforts déjà entrepris, contrairement à toutes sortes de commentaires que j'ai entendus, en particulier de la part du député Grobet concernant les dysfonctionnements liés à notre Conseil d'Etat.
Le parti libéral genevois s'engage, d'ores et déjà, à soutenir toute démarche qui vise à mettre en place une administration organisée en fonction des missions, que ce soit par ses réformes structurelles ou par l'intensification des collaborations transdépartementales. C'est ainsi que notre administration pourra améliorer sa qualité de prestations et simplifier surtout les démarches auprès de nos concitoyens.
Les arguments et les prises de positions que l'on a pu lire ces jours ne sont, à notre avis, pas de mise. Monsieur Champod, le travail d'expert des auditeurs, tel qu'il a été demandé par le Conseil d'Etat dans le cahier des charges soumis à Arthur Andersen, n'a jamais supposé une analyse politique de l'Etat. Les auditeurs ne s'y sont pas trompés, puisque, à de multiples reprises, ils ont bien indiqué qu'ils n'avaient pas à se prononcer sur le fait politique de l'Etat. Accuser aujourd'hui l'audit de cette partialité et brandir une menace de conflits et de grève nous paraissent peu responsables.
Si l'on veut, à terme, éviter une augmentation irréaliste des impôts, ainsi qu'une diminution des prestations de l'Etat et si l'on convient que l'on ne peut pas non plus augmenter la dette de l'Etat que nos enfants auront à rembourser, il n'existe pas d'autres choix que d'améliorer l'efficacité - comme l'a si bien dit M. Hiler - de l'appareil administratif. La mise en oeuvre de la réforme ne va pas de soi; il faut en convenir ! Elle implique de surmonter des réticences individuelles, mais également des obstacles culturels et techniques. L'élément le plus important restera toutefois politique. Il n'est pas de réforme qui aboutisse sans une mobilisation politique pour assurer la conduite du changement. L'expérience montre que le changement ne se décrète pas, qu'il nécessite une véritable volonté politique. Cette volonté politique, le parti libéral la défendra.
Enfin, le principe de la croissance des prestations de l'Etat augmentant de manière parallèle à la croissance des recettes n'est objectivement plus de mise, et une réflexion globale sur le rôle de l'Etat devra donc être menée parallèlement aux réformes suggérées.
6. Correspondance.
La présidente. La correspondance suivante est parvenue à la présidence :