République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1074
7. Proposition de motion de M. Pierre Marti et Mme Claude Howald sur l'introduction d'une convention collective de travail (CCT) dans les établissements médico-sociaux (EMS). ( )M1074

Débat

Mme Claude Howald (L). Les libéraux savent bien qu'environ 190 millions de subventions par an sont versés aux établissements médico- sociaux, et qu'un contrôle strict doit être exercé sur leur utilisation.

Cependant, ils émettent des doutes quant à la pertinence de l'introduction obligatoire d'une convention collective de travail - ou d'un système analogue - dans les EMS publics et privés pour que ceux-ci continuent à recevoir leurs subventions.

Le projet de loi, promis par le chef du département - il se fait attendre ! - nous donnera peut-être des explications suffisamment convaincantes.

Il n'en demeure pas moins que ce projet - annoncé pour très bientôt - constitue la première raison d'être de la motion, outre celle de demander comment s'articulent l'introduction d'une convention collective de travail et le droit au subventionnement sur le plan juridique.

Nous n'acceptons pas que le système des salaires, qui sera imposé aux EMS, soit calqué sur les mécanismes de l'Etat. Cela entraînera une augmentation des charges salariales, qui mettra en danger l'existence même de certains EMS et alourdira singulièrement le budget de l'Etat.

Cette volonté d'étatiser le secteur social ne nous convient pas, ce qui n'étonnera personne. Le dialogue entre les partenaires sociaux, auquel nous croyons sincèrement, serait, dans le cas précis, des plus précaires en raison de la faible syndicalisation - à peine 10% - des collaborateurs et collaboratrices des EMS.

Alors que veut-on ?

Nous sommes certains que d'autres solutions peuvent être trouvées, ce d'autant plus que la volonté de collaborer entre EMS privés et publics existe et qu'elle doit être saluée ici.

En réponse à cette motion, il reste au Conseil d'Etat à déposer, dans les plus brefs délais, son projet de loi sur les EMS. A ce moment-là, notre Grand Conseil pourra statuer, en gardant à l'esprit, comme le dit la motion, que la mission première des EMS est : «...d'assurer la sécurité, le confort et les soins aux personnes âgées».

M. Olivier Lorenzini (PDC). Ayant dû s'absenter ce soir, M. Marti, cosignataire de la motion, m'a chargé de lire le texte qu'il a rédigé :

«Monsieur le président, les reports successifs des points de l'ordre du jour font que je ne puis être présent pour défendre la motion 1074, et je remercie mon collègue, etc.»...

Une voix. Allez, dis-nous tout  !

M. Olivier Lorenzini. C'est trop flatteur pour être divulgué ! (Rires.) Vous voulez vraiment l'entendre ?

Le président. Non, non, ne recommencez pas !

M. Olivier Lorenzini. Je reprends donc la lecture du texte de M. Marti : «Tout d'abord, au dépôt de la motion, nous n'avons pas voulu écrire l'exposé des motifs. C'est que nous savions que le problème de la convention collective dans les établissements médico-sociaux évoluait rapidement et que le projet de loi sur les EMS devait être incessamment présenté au Grand Conseil. Cependant, le diktat inacceptable du conseiller d'Etat, chargé des affaires sociales, tant sur une date butoir que dans l'élaboration de certaines exigences telles que le mécanisme des indemnités et des primes de fidélité analogues à celles de l'Etat, bloquait toute discussion. De plus, au moment où nous recherchons une maîtrise des coûts de la santé, la mise en vigueur immédiate de la convention collective, telle que voulue par les syndicats appuyés par le Conseil d'Etat, aurait représenté, par année, une charge supplémentaire pour l'Etat de Genève de 11 à 15 millions de francs.

»Il est également aberrant de faire un tel forcing sur les établissements de l'Association genevoise des établissements médico-sociaux sans tenir compte des autres données EMS et, de plus, en les menaçant de supprimer leurs subventions; surtout sans avoir, au préalable, présenté au Grand Conseil pour étude le projet de loi cadre des EMS qui, entre autres, exige la signature de la convention collective de travail.

»Que cela soit clair ! Nous désirons qu'une convention collective soit rapidement signée, mais en tenant compte de tous les paramètres et en incluant tous les établissements médico-sociaux, cela dans un esprit de concertation constructive et non sous la contrainte.

»Nous avons nous-mêmes agi pour que les deux associations, l'AGIEMS et l'ADEG, travaillent de concert et poursuivent ensemble la discussion avec les syndicats. Il est cependant certain que la convention collective, dans ce secteur, ne saurait être l'application du système de l'Etat.

»Comme je l'ai déjà dit, cela provoquerait de très fortes hausses des prix de pension que l'Etat devrait assumer, les privés ne pouvant plus payer le coût réel de telles prestations.

»Et que l'on ne nous dise pas que les conditions de travail dans ces établissements sont absolument déplorables et que l'on trouve de très nombreux clandestins dans leur personnel ! Je demande que l'on nous apporte la preuve de tels faits avant de colporter de telles assertions.

»Arguer de la nécessité immédiate de la convention pour éviter les clandestins démontre une certaine démagogie et l'ignorance des conditions de travail dans ces établissements et, surtout, de la surveillance constante que l'Etat lui-même exerce à tous les niveaux - soins, conditions sanitaires, sécurité, encadrement - ainsi que sur les budgets et comptes pour l'obtention de subventions.

»Du côté des établissements médico-sociaux, la volonté d'aboutir à un accord est certaine, ce d'autant plus que les deux associations collaborent et que cette convention touchera alors l'ensemble du personnel.

»Il est un peu regrettable que les Commis de Genève ne discutent plus en ce moment, et qu'à la séance de septembre seuls le SIT et la VPOD étaient présents. On peut se poser la question de la représentativité de ces deux syndicats, puisque les quatre syndicats réunis ne représentent que 9,78% du personnel.

»En résumé, Mesdames et Messieurs les députés, nous demandons au Conseil d'Etat de nous présenter, dans les plus brefs délais, son projet de loi sur les EMS, afin que le Grand Conseil puisse se déterminer et donner des lignes directives, ainsi qu'un cadre à l'établissement d'une convention collective de travail pour le plus grand bien des collaborateurs et collaboratrices et surtout - ne l'oublions pas - pour la qualité de l'accueil et de l'encadrement de nos aînés. Je vous remercie.»

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Cette motion et les considérations de M. Marti nous plongent dans la plus grande des perplexités.

Sur la forme, nous ne comprenons pas pourquoi la motion a été déposée, alors que tout le monde attend le projet de loi du Conseil d'Etat qui donnera véritablement lieu au débat de fond sur les droits et devoirs des EMS.

Quant à vouloir la suspension immédiate des négociations, c'est vraiment vouloir freiner l'escargot ! Voici des années qu'elles ont commencé et elles se trouvent dans une impasse totale, due à l'opposition des EMS à la demande du Conseil d'Etat de l'établissement d'une convention collective de travail.

D'ores et déjà, je me permets d'aborder le fond sur lequel nous reviendrons plus tard. Pourquoi ce blocage ? Poser la question c'est y répondre en partie. Si les EMS sont opposés à cette convention c'est qu'ils n'en ont pas et qu'ils ne respectent probablement pas les normes salariales en vigueur dans la branche, parce qu'employant beaucoup d'étrangers (dont j'ai été heureuse d'apprendre qu'ils étaient tous déclarés !).

La condition posée par le Conseil d'Etat est parfaitement légitime. Quand des établissements sont subventionnés à concurrence de 190 millions, il est normal d'exiger un droit de regard sur leur gestion et la protection de leurs travailleurs.

Notre groupe rejette cette motion totalement inopportune. En revanche, il reprendra volontiers la discussion lors du dépôt du projet de loi.

M. Pierre Kunz (R). Pour les radicaux, il convient de renvoyer la motion au Conseil d'Etat, nonobstant les quelques inexactitudes de ses considérants.

En effet, le projet du gouvernement - tendant à forcer les EMS privés à se conformer aux conditions de la convention collective applicable aux EMS publics - est plus qu'un simple épisode dans la fonctionnarisation du monde paramédical. Il renforcerait, par ailleurs, le caractère profondément injuste du système actuel d'aide aux personnes âgées, un système éthiquement discutable à cause des coûts astronomiques qu'il induit auprès des vieillards. Il incite des gens, on le sait bien, à se dépouiller pour bénéficier de l'assistance publique dans leur grand âge.

Un de mes bons amis, habitant la Champagne, a été contraint de placer sa mère impotente dans un EMS. A ce moment-là, des places étaient disponibles dans les excellents établissements publics de Vessy et d'Onex, et il aurait aimé faire accueillir sa mère par l'un deux. Finalement, il s'est résigné à la placer dans une pension à Presinge, fort éloigné, vous en conviendrez, de la Champagne.

Pourquoi ce choix tout sauf pratique ? Parce qu'à Presinge - La Louvière autre excellent établissement mais privé - le prix de la pension est inférieur de près de 2 000 F à celui d'Onex ou de Vessy, soit 7 500 F contre 9 500 F par mois, grosso modo. Et cela parce que la mère de mon ami n'est pas à l'assistance publique et qu'elle paie sa pension avec les économies qu'elle et son mari ont faites durant un demi-siècle de travail !

Dès lors, je vous pose la question, Mesdames et Messieurs : est-ce cela la justice sociale ? Est-ce mettre sur pied un système dans lequel les maisons les plus chères, les mieux dotées en personnel, les mieux situées pour les familles, sont réservées de facto à ceux qui se trouvent à l'assistance publique ? Est-ce forcer ceux qui paient leur pension de se contenter, dans les faits, des maisons les moins luxueuses, les moins agréables, les moins pratiques, jusqu'à ce que ruine s'ensuive et pour qu'ils puissent alors, aux frais de la collectivité, demander leur admission dans les EMS que M. Saurer refuse de qualifier de publics ?

Que se passerait-il si le projet du gouvernement trouvait sa concrétisation ? En premier lieu, le coût de la pension de la mère de cet ami et de tous les vieillards dans sa situation...

Une voix. On ne dit plus «vieillard» !

M. Pierre Kunz. ...augmenterait de 2 000 F par mois avec, c'est vrai, l'avantage paradoxal et, vous en conviendrez, discutable de traiter tout le monde à égalité, chacun payant le prix fort.

Pour l'Etat, il s'ensuivrait une dépense supplémentaire et malvenue, comme M. Lorenzini l'a mentionné, d'environ 15 millions par an. Pourquoi ces 15 millions ? A cause du coût additionnel de la pension des personnes âgées...

Une voix. C'est déjà plus respectueux !

M. Pierre Kunz. ...mises à l'assistance publique et logées dans les maisons non conventionnées, soit les deux tiers, et à cause de la prise en charge plus rapide qu'aujourd'hui des pensionnaires payants qui, bien évidemment, seront ruinés plus rapidement qu'ils ne le sont aujourd'hui.

Rien d'étonnant, dès lors, à ce que nous nous posions un certain nombre de questions au sujet de ce qu'il n'est pas exagéré d'appeler «la dérive d'un système socialement injuste». Par conséquent, l'Etat ne doit plus exercer de pression dans l'immédiat en matière de convention collective dans ce secteur.

M. Andreas Saurer (Ve). Il faut rappeler que l'Etat verse environ 150 millions aux établissements médico-sociaux, à travers l'OCPA. C'est dire qu'il aide ces structures d'une manière très importante.

On peut comparer cette intervention pour les pensions avec celle de l'Etat pour l'aide à domicile. En effet, la loi sur l'aide à domicile, votée par le peuple et soutenue par les radicaux et les démocrates-chrétiens, prévoit pour le personnel des différents services d'aide à domicile des conventions collectives assimilées aux conditions de travail des établissements médicaux publics.

Voilà la base du raisonnement qui, je crois...

Une voix. Il croit souvent !

M. Andreas Saurer. ...d'une part, découle des subventions très importantes versées par l'Etat à ces établissements et, d'autre part, permet d'instaurer une certaine mobilité entre le personnel hospitalier, le personnel d'aide à domicile et le personnel des pensions pour personnes âgées.

Vous direz que cela coûtera très cher. Alors soyons précis : 70% de ces établissements sont d'accord de signer la convention collective et 30% y sont opposés, parce que proposant des salaires inférieurs. Quel sera ce coût, en définitive ? Environ 5 millions ! Est-ce beaucoup ou peu? Je n'épiloguerai pas, mais l'adhésion de la totalité des EMS aux conventions collectives coûtera 5 millions, et c'est tout.

Nous devons aussi parler de la qualité des prestations, et je cite un exemple :

Une pension a changé récemment d'adresse. Son directeur a déclaré à la presse : «Nous pouvons fournir des journées d'hospitalisation bon marché, car n'étant pas liés par une convention collective, nous versons des salaires inférieurs.» Une de mes patientes loge dans cette pension, et je puis vous assurer que les prestations sont loin d'être brillantes ! Je n'utiliserai pas ce cas particulier, qui m'a frappé et ému, pour extrapoler par rapport aux autres pensions qui n'ont pas signé la convention collective. Il n'en demeure pas moins que la qualité des prestations et les conditions de travail sont étroitement liées et que les prestations de qualité ont un prix !

La gestion des pensions est souvent le reflet d'une gabegie scandaleuse. Les prix sont encore plus fantaisistes que les primes des caisses maladie, ce qui n'est pas peu dire ! L'Etat doit y mettre de l'ordre et s'inquiéter des conditions de travail, mais aussi de l'ensemble de leur gestion. Il est inadmissible que les coûts mensuels soient de 4 000 F ou de 6 000 F ou encore de 9 000 F pour des prestations pratiquement similaires !

Comme il importe que l'Etat intervienne et que les conditions de travail soient de qualité, cette motion est totalement inadéquate. Je vous propose donc de la refuser.

M. Gilles Godinat (AdG). Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit.

Notre groupe ne s'étonne pas de cette proposition de motion. En revanche, l'absence d'exposé des motifs l'a surpris; sans doute une omission à mettre en relation avec la transparence des comptes de certaines EMS !

Le premier considérant a notre entière adhésion, mais les autres nous posent des problèmes. Il est faux de dire que : «...l'obligation faite par le département aux EMS de transformer les lits de classe B en lits de classe C, ce qui entraîne...». J'ignore si nous sommes mal informés, mais le fondement de cette affirmation doit être vérifié.

J'en viens au troisième considérant. Après en avoir défini le cadre en mars 1992, le département souhaite, en effet, une convention collective dans les EMS qu'il subventionne, et c'est logique ! Des témoignages sur la place publique ont révélé des conditions de travail inacceptables dans ces EMS; certains ont même été fermés pour abus de gestion. Par conséquent, un contrôle et une exigence de transparence me semblent des plus légitimes, surtout quand des subventions sont accordées.

Les négociations ont lieu entre les partenaires. N'étant pas partie prenante, l'Etat n'y participe pas directement. Par contre, il a élaboré les conditions de travail dans les EMS par analogie à la loi sur l'aide à domicile, ce qui est souhaitable.

Je n'entrerai pas dans la polémique de M. Kunz qui, à mon avis, confond les prix de pension avec les conditions de travail. Il mélange le tout pour faire l'apologie d'une gestion sans transparence. Le jour où nous aurons une vision claire de la répartition des charges salariales dans les EMS privés, nous pourrons débattre plus sereinement.

Le cinquième considérant précise que les négociations actuelles ne tiennent pas compte des EMS privés. Et pour cause ! Ce sont les EMS privés eux-mêmes qui les ont rompues en 1994.

J'en termine avec l'invite. Le Conseil d'Etat n'a pas le pouvoir de suspendre les négociations, celles-ci étant dans la «mélasse» depuis plusieurs années. Nous souhaiterions plutôt leur conclusion, afin d'avancer dans la politique de santé de ce canton !

Toutes ces raisons font que nous refusons cette motion.

M. Bernard Clerc (AdG). Je ne saurai laisser passer certains propos que je viens d'entendre.

On a déclaré injuste le fait que des personnes âgées doivent utiliser leurs économies pour acquitter le prix de leur pension. Je rétorque que l'injustice fondamentale, l'injustice première, est celle qui oblige de nombreuses personnes âgées à recourir, aujourd'hui, à l'assistance publique pour avoir été mal payées durant toute leur vie active.

On a l'habitude, dans ce pays, de vanter les conventions collectives. Elles constituent - quand certains les trouvent à leur convenance - le summum des relations entre partenaires sociaux, et il ne faut surtout pas que l'Etat intervienne !

Parlons de la convention collective débattue ce soir ! Les négociations ont duré quatre ans et n'ont pas abouti ! L'une des raisons de cet échec est le refus des directeurs de pensions de s'inclure, avec le personnel d'encadrement, dans la convention collective. Cette opposition à l'intégration du personnel d'encadrement est des plus curieuses ! Serait-ce que certains directeurs toucheraient des salaires élevés, situés bien au-delà de ceux que l'Etat, comparativement, pourrait assumer ?

La question de la convention collective ne peut être traitée hors du contexte des rapports sociaux ayant cours dans le canton. Vous commettez une grave erreur si vous pensez que la convention collective est d'une importance mineure et que l'on peut la «bazarder» sans autre. N'oubliez pas qu'elle relève des syndicats du secteur public !

Après le blocage des mécanismes salariaux et le dépôt d'un nouveau statut pour le personnel de l'Etat dont nous aurons l'occasion de reparler, le refus d'une convention collective, sous-entendu dans la motion, accumulera toutes les conditions pour que des mouvements sociaux se développent, y compris dans les établissements pour personnes âgées. Dès lors, il ne faudra pas vous étonner... (Rires.) Rigolez toujours ! Le mois dernier, alors que je vous mettais en garde quant aux mouvements dans la fonction publique, vous aviez rigolé, mais la grève vous l'avez eue, et la prochaine vous l'aurez aussi ! (Exclamations.)

M. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat. Ce dossier est délicat et d'une grande complexité. Il a suscité, ces six dernières années, une abondante correspondance du Conseil d'Etat.

Je regrette de dire que les différentes interventions des motionnaires démontrent qu'ils ne maîtrisent pas la question

L'intervention de M. Kunz - qui est un tissu d'inexactitudes - et le texte lu par M. Lorenzini n'ont aucun rapport avec la réalité.

Quelle est la réalité ? Quand je me suis trouvé à la tête du département de l'action sociale et de la santé, je me suis intéressé aux différents secteurs, notamment à celui des établissements médico-sociaux.

Quantitativement, le secteur des EMS est extrêmement important. Il offre plus de trois mille cinq cents lits à des personnes âgées et très âgées, soit plus que la totalité des lits hospitaliers. Il reçoit une aide importante de l'autorité cantonale. Chaque année, près de 150 millions environ sont reversés aux institutions.

Il y a six ans, quand je suis entré au Conseil d'Etat, personne n'a pu m'informer sérieusement des conditions salariales et de travail dans ces établissements.

J'en ai donc parlé, Monsieur Lorenzini, à mon collègue M. Maitre qui, à la tête du département de l'économie publique, est responsable des relations du travail dans notre canton. Les services compétents du DEP ont étudié la question et fait des recommandations pour la négociation d'une convention collective. Ils n'ont pas abouti, ce qui fait que l'office des relations du travail, puis l'office de conciliation, ont été saisis.

Une décision du juge Weber a reconnu la représentativité des syndicats, sur la base d'une analyse détaillée de leurs membres. Le juge Weber a également fait toute une série de recommandations pour des négociations en vue de conclure une convention collective, comme dans la plupart des secteurs de l'activité économique.

Les négociations entre les partenaires sociaux ont commencé il y a quatre ans. Elles ont été longues, difficiles, houleuses. Elles l'ont été à un point tel que les négociateurs, expérimentés, de la Fédération des syndicats patronaux ont fini par dire aux petits patrons des EMS qu'ils ne pouvaient plus rien faire pour eux : ils nous ont fait savoir qu'ils ne les représenteraient plus !

Aujourd'hui, quatre ans après le début des négociations, nous sommes dans une impasse totale. Et c'est à ce moment-là, et seulement à ce moment-là, que le département de l'action sociale et de la santé, qui n'est pas responsable des relations du travail, a indiqué aux petits patrons des EMS que le projet de loi, que nous déposerons devant ce Grand Conseil, prévoirait - dans les conditions de subventionnement des EMS comme dans celles de subventionnement de toutes les institutions privées qui reçoivent des subventions déterminantes de l'Etat - qu'ils poursuivent une politique salariale conforme aux conventions collectives ou, à défaut, aux normes appliquées, dans le canton, aux professions concernées.

C'est le texte que vous retrouvez dans toutes les lois de subventionnement qui accordent des subventions importantes.

Il est vrai que le DASS a annoncé cette exigence dans ce projet de loi. Cela a suscité une grande émotion chez ces directeurs d'établissements médico-sociaux, qui ont fait le tour de certains partis politiques. Les députés, qui sont intervenus pour déposer la motion, auraient dû se renseigner d'abord sur la chronologie des faits avant d'exprimer des opinions qui ne reposent que sur du vent. (Applaudissements de la gauche.)

M. Pierre Kunz (R), président du Conseil d'Etat. Monsieur le président du Conseil d'Etat, permettez-moi de noter au moins une exactitude dans ce qui a été dit : c'est le fait que la pension dans les maisons privées - celles que je connais - est 2 000 F moins chère que la pension dans les maisons que, pour faire plaisir à M. Saurer, je me refuserai, désormais, de qualifier de publiques ! C'est-à-dire 7 500 F contre 9 500 F !

Le président. Je mets aux voix cette proposition de motion.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Cette motion est adoptée par 46 oui contre 37 non et 2 abstentions.

Elle est ainsi conçue :

motion

sur l'introduction d'une convention collective de travail (CCT)dans les établissements médico-sociaux (EMS)

LE GRAND CONSEIL,

considérant que:

- la mission première des EMS est d'assurer la sécurité, le confort et les soins aux personnes âgées;

- l'obligation faite par le département aux EMS de transformer les lits de classe B en lits de classe C, ce qui entraîne une augmentation substantielle du prix de pension à charge de l'Etat, puisque le nombre de personnes âgées mises de facto au bénéfice de l'assistance publique augmente fortement;

- l'obligation faite par le département de l'action sociale et de la santé (DASS) aux EMS (publics et privés) de signer une CCT sous la menace de suppression des subventions en juin 1996;

- le projet de CCT qui est actuellement en négociation contient des exigences inacceptables (évaluation des postes, mécanisme des annuités et des primes de fidélité analogues à celle de l'Etat de Genève...);

- les négociations conduites actuellement avec les membres de l'AGIEMS ne prennent pas en compte les EMS privés;

- le Conseil d'Etat doit saisir prochainement le Grand Conseil d'un projet de loi prévoyant l'exigence d'une CCT dans les EMS pour que ces derniers puissent bénéficier du subventionnement cantonal et être reconnus comme prestataires au sens de la nouvelle LAMaL,

invite le Conseil d'Etat

- à suspendre immédiatement les négociations en cours jusqu'à ce que le Grand Conseil ait pris position sur le projet de loi annoncé par le DASS à propos de l'obligation pour les établissements médico-sociaux de signer une convention collective de travail.