République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 10 octobre 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 11e session - 38e séance
IU 242
M. Bernard Lescaze (R). Mon interpellation urgente doit en principe s'adresser à M. le conseiller d'Etat Haegi, puisqu'elle concerne le fichier des personnes refoulées de religion israélite pendant la seconde guerre mondiale. Ce fichier était déposé aux archives d'Etat et, d'après les déclarations de l'archiviste de l'Etat, à disposition depuis plusieurs années sans que personne ne l'ait jamais demandé.
Au moment où, sur le plan international, cette question porte un préjudice certain à notre pays, j'aimerais poser trois questions au responsable du département de l'intérieur, chef hiérarchique des archives d'Etat. Contrairement à ce qui a été dit, il n'en est fait aucune mention précise dans les rapports du service des archives d'Etat, publiés dans le rapport général du Conseil d'Etat. On lit simplement, en 1984, dans la liste «versements» : «versement du secrétariat général du département de justice et police : environ trois cents mètres linéaires d'archives de ce département, fin XIXe et XXe siècle».
Inutile de vous dire qu'une telle description rend la chose absolument inutilisable. Aussi serait-il opportun de modifier la loi sur les archives, de façon que de tels documents, n'ayant pas une nature hautement personnelle, soient consultables après trente et non cinquante ans. Mais, même après un tel délai, ils n'étaient pas disponibles en 1994-95.
Par ailleurs, pourquoi les archives d'Etat ne travaillent-elles pas rapidement pour mettre des inventaires, même sommaires, à disposition des historiens et des intéressés éventuels ? En réalité, ce fonds du département de justice et police a été déposé aux archives, mais personne ne savait de quoi il s'agissait, seul un inventaire plus que sommaire et strictement réservé aux fonctionnaires ayant été fait. Lorsque le service des Archives fédérales a posé la question, suite notamment à la découverte de quelques traces de fiches dans le Jura, on s'est souvenu à Genève qu'il y avait effectivement de nombreuses fiches dont on ne savait pas exactement ce qu'elles recouvraient, ainsi que des «tas» de noms à consonance juive. A ce moment-là, seulement, on les a examinées.
D'autre part, une équipe pourrait-elle se réserver le monopole au sujet de ces fiches ? C'est un avis personnel - et d'autant plus désintéressé que pour ma part je ne travaille pas sur ce sujet ou cette époque-là - mais il semblerait qu'une telle équipe se soit automandatée avec l'archiviste d'Etat et un ou deux enseignants d'histoire contemporaine pour travailler sur ces fiches et refuser à d'autres personnes le droit de les consulter. J'aimerais savoir si cela est vrai ou non.
Bien que cela ne soit pas directement lié au sujet de mon interpellation, mais afin de dérider cette assemblée qui a eu la patience de m'écouter, j'aimerais rappeler que le dossier de police concernant l'expulsion de Mussolini avait été déposé à l'époque aux archives d'Etat. Peu avant la guerre, on s'était effrayé et empressé de l'envoyer aux Archives fédérales à Berne, ce qui était déjà étrange. Mais, trente ans plus tard, les choses n'étant plus d'actualité, le dossier fut renvoyé. On pouvait consulter les copies aux Archives fédérales, mais pas à Genève, où l'on objectait que cela était ultrasecret !
Actuellement, il est encore très difficile d'avoir accès à ce dossier. Il y a donc un véritable problème à Genève, comme le révèle la mise à jour de ce fichier des personnes arrêtées à la frontière. Il ne s'agit pas d'archives genevoises : provenant de la police des étrangers et n'ayant pas été renvoyées à Berne après la seconde guerre mondiale, elles n'ont pas été détruites, mais conservées aux archives du département de justice et police pendant longtemps, puis déposées à Genève dès 1984.
Je remercie d'avance M. Haegi de sa réponse.
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente au point 28 bis de notre ordre du jour.