République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7514
23. Projet de loi de Mme et MM. Fabienne Bugnon, David Hiler et Max Schneider modifiant la loi en matière de chômage (J 4 5). ( )PL7514

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi en matière de chômage, du 10 novembre 1983, est modifiée comme suit:

Article 7, lettre b (nouvelle teneur)

Les prestations complémentaires cantonales de chômage sont:

b) les allocations de réinsertion au travail et, à titre subsidiaire, les emplois temporaires cantonaux;

Art. 8, al. 2, première phrase (nouvelle teneur)

2 Peuvent bénéficier de l'allocation de réinsertion au travail et, à titre subsidiaire, des emplois temporaires cantonaux, les chômeurs ayant épuisé leur droit aux indemnités fédérales. Il en est de même pour les indépendants ayant renoncé à leur statut, aptes au placement et disponibles pour une activité lucrative dépendante.

CHAPITRE III

Allocation cantonale de réinsertion au travail et emplois temporaires cantonaux

(Les articles 22 à 26 anciens sont abrogés et remplacés par les dispositions ci-après.)

SECTION 1

Bénéficiaires, conditions et durée

Art. 22 (nouvelle teneur)

Peuvent bénéficier de l'allocation de réinsertion au travail ou des emplois temporaires cantonaux:

a) les ressortissants genevois domiciliés dans le canton de Genève;

b) les Confédérés ainsi que les étrangers domiciliés sans interruption depuis une année au moins dans le canton de Genève au moment de l'ouverture du droit à l'allocation de réinsertion ou à l'emploi temporaire.

Art. 23 (nouvelle teneur)

1 Pour bénéficier de l'allocation de réinsertion au travail ou d'un emploi temporaire, le chômeur doit:

a) avoir épuisé son droit aux indemnités fédérales;

b) être apte au placement;

c) ne pas avoir subi pendant le délai-cadre d'indemnisation fédérale de suspension du droit à l'indemnité de plus de 30 jours pour refus d'acceptation d'un emploi convenable proposé par l'autorité compétente ou pour manque de recherches personnelles d'emploi.

2 Pour bénéficier de l'allocation de réinsertion, le chômeur ne doit pas bénéficier de l'offre d'un emploi accompagné d'une allocation de réinsertion au travail.

3 Pour bénéficier d'un emploi temporaire, le chômeur ne doit pas:

a) avoir refusé l'offre d'un emploi accompagné d'une allocation de réinsertion au travail, sauf lorsque le salaire proposé était inférieur au gain assuré précédemment par l'assurance-chômage fédérale ou que l'emploi proposé ne tenait pas compte des capacités personnelles;

b) être sans travail en raison d'une résiliation par sa faute d'un contrat accompagné de l'octroi d'une allocation de réinsertion au travail.

Art. 24 (nouvelle teneur)

1 Les allocations ou les emplois temporaires ne sont fournis, dans la règle, qu'à l'issue d'un délai-cadre sur deux d'indemnisation fédérale.

2 Leur durée correspond à la période nécessaire à l'ouverture d'un nouveau droit aux indemnités fédérales. Les deux mesures peuvent être combinées pour atteindre cette durée.

3 En cas de chômage prononcé et persistant, le Conseil d'Etat peut prévoir des exceptions à la règle de l'alinéa 1.

SECTION 2

Allocations cantonales de réinsertion au travail

Art. 25 (nouvelle teneur)

1 L'autorité compétente verse pour les chômeurs ayant épuisé leur droit aux indemnités fédérales une allocation permettant la réinsertion au travail dans une entreprise privée.

2 L'allocation est destinée à favoriser l'engagement en réduisant les coûts salariaux pendant une période déterminée.

3 Au sein de l'administration cantonale, un service de promotion des allocations de réinsertion au travail est chargé de rechercher des emplois pour les bénéficiaires potentiels et de les aider dans leurs démarches personnelles.

Art. 26 (nouvelle teneur)

1 Les allocations de réinsertion au travail couvrent le 20% du coût salarial total, y compris la part patronale des charges sociales. Elles sont versées mensuellement à l'employeur.

2 L'employeur doit payer les cotisations usuelles aux assurances sociales sur l'intégralité du salaire et prélever la part du travailleur.

Art. 27 (nouvelle teneur)

1 Le bénéficiaire des allocations est engagé sur la base d'un contrat de travail de durée indéterminée.

2 En cas de licenciement sans motif justifié pendant la période de versement de l'allocation, l'autorité peut exiger de l'employeur la restitution des allocations versées.

Art. 28 (nouvelle teneur)

1 La demande d'allocations est présentée par l'employeur à l'autorité compétente avant le début de l'emploi.

2 Les allocations ne sont versées qu'avec l'autorisation de l'autorité compétente.

3 L'autorité compétente statue après préavis d'une commission consultative tripartite, constituée des représentants de l'Etat et des partenaires sociaux.

4 La commission consultative veille au respect des conventions collectives ou, lorsque celles-ci font défaut, des usages professionnels ; elle veille également à ce que l'emploi proposé corresponde, dans la mesure du possible, aux aptitudes professionnelles.

5 La commission consultative s'assure que l'entreprise:

a) n'a pas procédé à un licenciement collectif au sens des articles 23 et suivants de la loi cantonale sur le service de l'emploi et la location de services du 18 septembre 1992, au cours de l'année qui précède l'engagement du chômeur;

b) n'a pas licencié un travailleur, dans le but d'engager un chômeur pouvant prétendre à l'allocation de réinsertion au travail;

c) n'est pas au bénéfice d'indemnités fédérales de chômage pour la réduction de l'horaire de travail.

SECTION 3

Emplois temporaires cantonaux (nouvelle teneur)

Art. 29 (nouvelle teneur)

1 L'emploi temporaire est une mesure subsidiaire à l'allocation de réinsertion au travail. L'autorité compétente propose un emploi temporaire, dans l'administration cantonale ou les établissements et fondations de droit public, aux chômeurs ayant épuisé leur droit aux indemnités fédérales et ne bénéficiant pas d'un emploi lié à une allocation de réinsertion au travail.

2 Les emplois temporaires doivent correspondre à des fonctions non permanentes. Une fonction non permanente est celle dont l'exercice permet l'accomplissement de tâches dévolues occasionnellement à l'administration ou aux établissements et fondations de droit public.

3 L'emploi temporaire correspond dans la mesure du possible aux aptitudes professionnelles. Le salaire est égal au minimum au gain assuré précédemment par l'assurance-chômage fédérale.

4 En cas de chômage prononcé et persistant au sens de la loi fédérale, le Conseil d'Etat peut également promouvoir l'emploi temporaire des chômeurs au sein des administrations communales, des administrations et régies fédérales ainsi que dans des associations à but non lucratif.

5 La charge financière des emplois temporaires est assumée par le budget de l'Etat.

Art. 30 (nouvelle teneur)

Les emplois temporaires ne peuvent s'effectuer dans des entreprises privées que dans le cadre de programmes collectifs soumis au préavis de la commission tripartite pour les emplois temporaires.

Art. 31 (nouvelle teneur)

Durant la période d'emploi temporaire, les travailleurs sont assurés auprès des assurances sociales, y compris pour la perte de gain en cas de maladie.

Art. 32 (nouvelle teneur)

1 Une commission tripartite est formée de représentants de l'Etat, des associations d'employeurs et des syndicats de travailleurs du secteur privé et public.

2 La commission surveille et contrôle les emplois temporaires, elle s'assure notamment qu'ils ne correspondent pas à des tâches permanentes au sens de l'article 29.

Les articles actuels 27 à 46 sont renumérotés à la suitedu 32 (nouvelle teneur)

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'un des principaux facteurs de l'exclusion économique et sociale est la mise à l'écart de longue durée du marché du travail. Le chômage en est l'une des causes les plus importantes. Et si l'assurance-chômage est là pour remédier aux effets financiers les plus néfastes, elle n'est pas illimitée dans le temps. Genève avait su mettre sur pied un dispositif permettant aux chômeurs en fin de droit de faire repartir un nouveau droit en acquérant une nouvelle période de cotisations grâce à des occupations temporaires fournies par l'Etat. Ce dispositif est unique en Suisse.

Les changements qui seront introduits prochainement (le projet d'ordonnance d'application préconise le 1er janvier 1998 - mais il n'est pas encore adopté) par la LACI (loi fédérale sur l'assurance-chômage et insolvabilité) rendent caduques ces dispositions. En effet, entre autres modifications, le temps nécessaire pour se reconstituer un droit ne sera pas, comme jusqu'à maintenant pour la majorité des cas, de 6 mois, mais de 12 mois.

On pourrait rapidement en conclure que ce doublement de la durée nécessaire conduirait à un doublement des coûts pour l'Etat si celui-ci entendait maintenir ce dispositif. Ce n'est probablement pas le cas. En effet, la nouvelle LACI introduit toute une série de mesures dites «actives» (allocations d'insertion, cours, occupations temporaires...), qui devraient permettre aux chômeurs d'être moins coupés du marché du travail. Il est possible que l'effet de ces mesures soit une diminution du nombre de chômeurs en fin de droit, même si le taux global de chômage ne devait pas diminuer.

Il faut à tout prix que soit mis sur pied rapidement un nouveau système, car, sinon, la situation des chômeurs de Genève serait détériorée à la suite de l'application de la nouvelle LACI.

Mais il ne nous semble pas judicieux de reconduire tel quel le dispositif actuel, soit pour des raisons financières, soit pour des raisons psychologiques. En effet, en plus de l'aspect du revenu de la personne au chômage, particulièrement au chômage depuis longtemps, l'exclusion durable des liens sociaux découlant de la vie au travail est l'élément primordial sur lequel il faut agir. L'occupation temporaire actuelle a pour mérite de fournir un revenu et de faire repartir des droits aux indemnités de chômage, mais aussi de «réapprendre» des habitudes de travailler qui vont au-delà des simples connaissances professionnelles. Cependant, l'occupation temporaire actuelle ne débouche en principe pas sur un emploi durable. C'est pourquoi nous nous inspirons des mesures contenues dans la loi fédérale et dans l'esprit de l'initiative 105 des syndicats de la CGAS ( Communauté genevoise d'action syndicale) «pour l'emploi, contre l'exclusion» (initiative invalidée par le Grand Conseil) pour promouvoir une idée nouvelle, qui consiste à créer une mesure de réinsertion au travail, sanctionnée par une allocation versée à l'employeur potentiel, qui permette au chômeur en fin de droits fédéraux de se retrouver sur le marché du travail par une mesure incitative. Au pire, si cette réinsertion est un échec, elle permettra au chômeur de se reconstituer une durée de cotisations suffisamment longue pour retrouver un droit aux indemnités fédérales.

Nous préconisons une participation de l'Etat à 20% de la charge salariale totale, y compris la part patronale des assurances sociales : ce calcul effectué sur l'ensemble de la charge salariale constitue en quelque sorte une «prime» pour les travailleurs les plus âgés (pour lesquels les coûts du IIe pilier sont élevés) et pour les employeurs dont les employés sont bien couverts par des assurances perte de gain. Cette prise en charge de 20%, on le comprend aisément, sera beaucoup moins coûteuse pour l'Etat que la prise en charge du salaire total dans le cadre actuel des occupations temporaires, même si c'est pour une période plus longue.

Cependant, il est probable qu'il ne soit pas possible - surtout au début de la mise en place de ce dispositif (il faudra du temps pour le roder et trouver des employeurs potentiels) - de trouver un nombre de réinsertions suffisant pour que chaque chômeur en fin de droit puisse bénéficier de mesures cantonales. C'est pourquoi nous proposons de maintenir à titre subsidiaire les occupations temporaires - que nous intitulons «emplois temporaires cantonaux» pour les distinguer des occupations temporaires fédérales. Les emplois temporaires seront donc proposés aux chômeurs pour lesquels une réinsertion n'a pu être trouvée, ou pour combler des trous dans les périodes nécessaires pour reconstituer un droit.

L'Etat, au-delà du rôle social qu'il a à jouer, a tout intérêt à ce que des réinsertions en nombre soient trouvées et proposées aux chômeurs. C'est le sens de la mise sur pied d'un service spécifique de promotion, qui accompagnera les chômeurs dans leurs démarches, interviendra auprès des employeurs, fera de la réclame pour ces mesures, allégeant d'autant la charge financière de l'Etat.

COMMENTAIRE DE QUELQUES ARTICLES

Article 8, alinéa 2, première phrase (nouvelle teneur)

Il doit y avoir une distinction très nette entre les mesures actives fédérales et les mesures complémentaires cantonales. Le canton doit déjà fournir un effort particulier dans le cadre des mesures fédérales, mais les mesures propres doivent l'être en plus de l'effort fait au niveau fédéral. Ce qui ne doit pas empêcher de «jouer» avec la loi fédérale en utilisant des mesures fédérales comptant comme période de cotisation (gain intermédiaire, allocation d'initiation au travail) pour réduire la part financière du canton.

Article 22 (nouvelle teneur)

Nous reprenons le sens de l'évolution de la jurisprudence actuelle en matière d'attribution de mesures cantonales, qui a considéré que la volonté du législateur n'était pas tant de fonder une discrimination sur la nationalité, mais sur la qualité de contribuable du demandeur. La condition est donc la résidence depuis un certain temps dans le canton, afin d'éviter un possible «tourisme» de chômeurs venant de cantons qui n'offrent pas telles mesures.

Article 25 (nouvelle teneur)

Il est capital que le chômeur ne soit pas laissé à lui-même dans ses démarches pour une réinsertion. La création d'un véritable office de promotion permettra de mettre à sa disposition des personnes qualifiées qui peuvent entretenir des contacts suivis avec le monde des entreprises.

Article 26 (nouvelle teneur)

Comme indiqué ci-dessus, la prise en charge d'une part de la totalité des coûts salariaux y compris la part patronale aux assurances sociales permet de constituer en quelque sorte une «prime» aux travailleurs les plus âgés, dont les coûts pour la LPP découragent souvent des employeurs potentiels, ainsi que de «récompenser» les employeurs qui ont pris soin de prévoir une bonne couverture sociale de leurs salariés.

Article 27 (nouvelle teneur)

Il ne paraissait ni souhaitable ni possible de prévoir qu'un contrat de durée déterminée soit fourni aux porteurs d'allocation, car on ne peut exiger d'un employeur qu'il se lie pour une telle période. Par contre, pour éviter des abus, il est prévu qu'un employeur licenciant sans motif justifié puisse être contraint de reverser les allocations perçues. Précisons qu'un motif justifié n'est pas assimilable à ce que la loi qualifie de juste motif: «Constitue un motif justifié tout motif qui, pour un employeur raisonnable et pondéré, ne permet pas d'éviter l'ultime solution que représente le licenciement, sans pour autant qu'il suffise à fonder une résiliation immédiate. C'est au juge qu'il appartient d'apprécier, de cas en cas et au vu de l'ensemble des circonstances, si le licenciement était fondé sur un motif justifié.» (Voir Brunner, Buhler & Waeber, Commentaire du droit du travail, éditions Réalités sociales 1996, page 204.) Il incombera donc à l'autorité compétente d'apprécier, un recours étant possible comme dans la procédure actuelle d'application de la loi genevoise.

Article 28 (nouvelle teneur)

La charge de cette mission de commission consultative pourrait fort bien être confiée à la commission tripartite du marché de l'emploi, chargée d'attribuer les permis de main-d'oeuvre étrangère, et qui a l'expérience en matière de respect des conventions collectives de travail et des usages locaux.

Article 31 (nouvelle teneur)

Les travailleurs qui bénéficiaient aujourd'hui d'occupations temporaires se trouvaient sans ressources en cas de maladie. Cette situation n'est pas normale.

Article 32 (nouvelle teneur)

Il s'agit ici d'une commission tripartite différente de celle mentionnée plus haut. En effet, sa fonction (un contrôle général) et son expérience (plutôt connaître le secteur public et parapublic) ne sont pas les mêmes.

Personne ne demande la parole en préconsultation

Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.

La séance est levée à 23 h 50.