République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 12 septembre 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 10e session - 32e séance
IU 234
M. Olivier Vaucher (L). Mon interpellation urgente s'adresse à deux conseillers d'Etat, MM. Jean-Philippe Maitre et Gérard Ramseyer, qui l'ont déjà reçue. Elle s'intitule : «Lutte contre le travail au noir, que font les autorités ?».
Depuis plusieurs années, l'économie souterraine est en augmentation un peu partout. La Suisse et Genève n'échappent pas à ce phénomène. Certains économistes n'hésitent d'ailleurs pas à affirmer que sa croissance serait supérieure à celle de l'économie officielle. Selon les pays, les estimations montrent que le travail au noir représente plusieurs milliards de francs, soit plusieurs pour-cent du produit intérieur brut qui échappent aux impôts, aux institutions sociales, AVS, prévoyance professionnelle, etc. et aux caisses d'assurance accident, CNA, et maladie.
D'une façon générale, les secteurs durement éprouvés par la récession économique, tels que la restauration, l'hôtellerie et aussi l'industrie de la construction, figurent parmi les principaux «contributeurs» de l'économie souterraine. Dans la construction, les partenaires sociaux ont mis sur pied des missions paritaires de contrôle afin de réduire au minimum les infractions aux dispositions légales et conventionnelles pour sauver les conventions collectives de travail. Il s'agit de réduire au minimum les distorsions de concurrence entre les entreprises et les inégalités de traitement entre les travailleurs soumis à ces conventions.
Les missions de contrôle sont assurées à Genève par deux surveillants de chantier chargés d'effectuer des visites de tous les chantiers, travaux et activités du bâtiment de notre canton. Les employeurs et les travailleurs ne possédant ni titre de séjour ni permis de travail exigés par la loi sont dénoncés aux autorités compétentes via les commissions paritaires des métiers concernés. Ces missions de surveillance paritaire sont subsidiaires à l'action de l'Etat qui a pleinement reconnu l'initiative prise par les partenaires sociaux, et cela dès les années 80.
Vous l'avez compris, le travail au noir met sérieusement à mal les solidarités fiscales et sociales de notre société, et l'action déterminée des partenaires sociaux vise à maintenir la paix sociale. Il ne s'agit donc pas d'une chasse aux sorcières. A titre d'exemple, entre le 1er janvier 1990 et le 31 décembre 1995, le contrôleur des chantiers du gros et second oeuvre a dénoncé mille trois cent cinq cas dont trois cent huit concernaient le travail au noir, deux cent quatre-vingt-deux, le travail clandestin, cent quatre-vingts, les entreprises étrangères non autorisées, et cent neuf des permis non valables.
Ces contrôles ont permis de mettre le doigt sur un certain nombre de situations inadmissibles, telles que chômeurs frontaliers touchant des indemnités des ASSEDIC, mais travaillant au noir à Genève, rentiers AI exerçant des travaux de réfection d'appartements, travailleurs clandestins de diverses provenances employés à des travaux de transformation et de rénovation de villas, personnes touchant des prestations de l'assurance-maladie pour perte de gain, surprises à effectuer des travaux de réfection d'appartements.
D'une façon générale, la collaboration avec les autorités est satisfaisante, notamment avec le service de main-d'oeuvre étrangère de l'office cantonal de l'emploi. Toutefois, un cas récent a montré que les décisions d'expulsion de travailleurs clandestins n'avaient pas été exécutées, avec toute la rapidité voulue, par l'office cantonal de la population. Plusieurs ressortissants polonais, surpris à effectuer sans autorisation des travaux de construction d'une villa pour un de leur concitoyen résidant à Genève, ont continué pendant plusieurs semaines à exercer leur activité, alors qu'ils faisaient l'objet d'une mesure d'expulsion.
Il ne sert donc à rien que les partenaires sociaux essaient de lutter contre le travail clandestin si les autorités ne montrent pas leur ferme volonté d'agir rapidement et sans faiblesse lorsque des cas de clandestins leur sont dénoncés.
En ce sens, je souhaite savoir si les départements concernés, notamment le département de justice et police, ainsi que les organes de police, sont conscients de la gravité de la situation et de la nécessité d'une action rapide pour soutenir la lutte entreprise par les partenaires sociaux contre l'extension de l'économie souterraine.
Ne serait-il donc pas approprié d'intervenir conjointement plutôt que successivement entre l'OCE et l'OCP ? Et ceci dans un délai beaucoup plus bref en ne laissant pas la possibilité de terminer l'ouvrage exécuté entièrement illicitement ?
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente au point 34 septies de notre ordre du jour.