République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7049-A
a) Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudierle projet de loi du Conseil d'Etat sur l'encouragement à la culture (C 3 7). ( -) PL7049
Mémorial 1993 : Projet, 7077. Commission, 7098.
Rapport de Mme Claude Howald (L), commission de l'enseignement et de l'éducation
M 1061
b) la proposition de motion de Mmes et MM. Jacques Boesch, Claude Howald, Roger Beer, Janine Berberat, Liliane Charrière Urben, Erica Deuber-Pauli, Mireille Gossauer-Zurcher, Henri Gougler, Janine Hagmann, Elisabeth Häusermann, Vérène Nicollier, Nelly Guichard, Pierre-François Unger et Pierre Vanek sur la Fondation de Genève sur les arts, la culture et la science. ( )M1061

18. Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier :

La Commission de l'enseignement et de l'éducation est fière de vous soumettre le projet de loi PL 7049 sur l'accès et l'encouragement à la culture tel qu'il ressort des travaux qu'elle a conduits depuis le début de la présente législature et qui a été accepté à l'unanimité de ses membres le 13 mars 1996.

De juin 1994 à mars 1996, sous la présidence de M. P.F. Unger, de Mme C. Howald et de M. J. Boesch, la Commission a étudié d'abord le PL 7049, tel qu'il lui a été transmis par le Grand Conseil en novembre 1993; en septembre 1994, elle a chargé le Département de l'instruction publique de lui proposer une nouvelle version du PL 7049, qui est celle soumise à votre approbation aujourd'hui.

La Présidente du Département Mme M. Brunschwig Graf, MM. M. Ramuz et J.-P. Ballenegger ont accompagné les commissaires dans leurs travaux. Qu'ils soient ici remerciés de l'apport et du soutien qu'ils ont donnés à la Commission et qui ont permis à cette dernière de mener à bien ses réflexions.

Il faut encore souligner le fait que la Commission, au travers des nombreuses et riches auditions auxquelles elle a procédé, a pu se forger une opinion sans débat idéologique, de telle sorte qu'elle a pu se concentrer sur l'essentiel: la mise à disposition des acteurs de la culture, des partenaires qui la rendent possible et de ceux qui la consomment et la pratiquent, d'une loi-cadre sur l'accès et l'encouragement à la culture, qui affirme six principes de base:

1. L'éducation culturelle est encouragée, par l'éveil du goût, la naissance d'un intérêt, le début d'une pratique.

2. La formation artistique, l'entrée dans la vie professionnelle, l'essor des carrières sont soutenus, l'innovation et la recherche artistiques sont également mises en valeur.

3. Les grandes manifestations, qu'elles soient périodiques ou uniques sont aidées, car elles contribuent à l'essor et au renom de Genève.

4. Les institutions culturelles peuvent bénéficier d'une contribution de l'Etat pour que leur viabilité et la continuité de leurs activités puissent être assurées.

5. La création et la production artistiques sont encouragées dans une perspective de développement et d'échanges. Les dimensions aussi bien régionales, intercantonales qu'internationales sont prises en compte.

6. Le développement du mécénat est encouragé par des mesures fiscales incitatives.

Sur le plan de la technique législative, le PL 7049 proposé en 1993 par M. D. Föllmi est donc remplacé par le présent projet de loi sur l'accès et l'encouragement à la culture qui porte le même numéro PL 7049. Le PL 6599, qui remonte au mois de septembre 1990 et demande la création d'un Office de la culture, sera retiré par les députés qui l'avaient déposé, Mme E. Deuber-Pauli, M. J. Boesch et M. J. Spielmann.

Le PL 7049 nouvelle version répond aux M 735 et M 738, à propos desquelles le Conseil d'Etat avait rédigé un rapport en octobre 1992.(M 735-A et M 738-A)

(PL 7049)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Alors que le Canton de Genève est venu en aide à certaines institutions culturelles dès les années 1970, l'idée d'une loi définissant ses engagements dans le domaine de la culture remonte à 1990. Cette année-là, en effet, trois députés déposaient un projet de Loi instituant un office cantonal de la culture (C. 3.6). Cette initiative allait donner l'impulsion à une réflexion ponctuée d'étapes importantes. Citons les deux motions M 735 et M 738, la réponse du Conseil d'Etat à ces textes M 735 A / M 738 A, le projet de loi 7049, rédigé par un groupe de travail sur mandat de M. Dominique Föllmi et renvoyé en commission de l'enseignement et de l'éducation par le Grand Conseil.

Cette période de six ans a été également l'occasion d'approfondir la connaissance des besoins culturels grâce à deux études, l'une signée par l'IREC et traitant de «La politique culturelle d'une région urbaine: Le Canton de Genève», l'autre produite par l'IPSO et analysant les «Politiques et attentes culturelles de la population genevoise». Au fil des années, l'idée de légiférer sur le soutien à la culture s'est renforcée et, par conséquent, le rôle de l'Etat dans ce domaine s'est clarifié.

Pourquoi la culture?

Une première question peut être posée: pourquoi donner une telle attention, une semblable actualité à la culture? Les raisons sont nombreuses et mériteraient un long développement. Citons ici quelques fonctions de la culture en soulignant d'abord que celle-ci joue un rôle dans la société de plus en plus important et visible. Cet essor du «culturel» est lié à l'élévation du niveau d'éducation et de vie, au développement du temps libre et des loisirs, à l'essor des médias et du tourisme, à la recherche des valeurs et des racines dans un monde bouleversé par les technologies.

Dans un tel contexte en mouvement, la culture fournit des repères aux individus qui peuvent, grâce à elle, se situer, s'orienter dans leurs désirs tant d'apprendre que de se divertir, de s'engager que de se dépasser.

Pourvoyeuse de valeurs, la culture est la mémoire d'une communauté. Elle représente la continuité par rapport au passé dont elle met en valeur l'héritage. L' «Esprit de Genève» recouvre une réalité autant spirituelle que culturelle. Facteur d'intégration, la culture représente un espace où se partagent les références communes. Les organismes culturels forment un tissu qui permet non seulement des pratiques artistiques, mais également des rencontres, des expériences.

Héritage du passé, la culture est aussi un creuset d'expérimentations qui permet aux individus et aux collectivités de s'adapter aux évolutions contemporaines, voire à les infléchir. Elle est le lieu où s'inventent les valeurs, modes de vie et de pensée de l'avenir. Dans ce sens, la création artistique est comparable à l'innovation scientifique ou à l'innovation technique.

Dernier constat général: la culture est devenue une composante du développement. Dans une Europe des régions, basée sur des réseaux, des circuits, mais aussi des pôles d'attraction, des capitales, l'offre culturelle, l'agenda des événements artistiques, sont des atouts importants de promotion. Une culture vivante ne peut ainsi que consolider la présence de Genève sur le plan international.

Les arguments pour une Loi

Le rôle-pivot de la culture rappelé, on peut se demander quelle est la nécessité d'une Loi pour le champ culturel. Il s'agit justement de reconnaître le rôle essentiel de la culture qui n'est pas un domaine séparé, un champ clos, mais une réalité qui a des implications, non seulement artistiques, mais également sociales (tissu associatif, emploi) et économiques (tourisme, attrait pour les entreprises).

Alors que tous les cantons romands, à l'exception du Valais, ont déjà adopté une «Loi sur les affaires culturelles» ou «l'encouragement des activités culturelles», une Loi cadre prend en compte le travail déjà effectué. Il existe, en effet, un éventail d'actions en faveur de la culture, développés par des services de l'Etat, en particulier le Service des affaires culturelles du département de l'instruction publique. Ces engagements prennent des formes multiples:

Animation culturelle dans les écoles, formation artistique, subventionnement des institutions (subsidiairement à la Ville), aide à la création indépendante, participation et financement à de grandes manifestations (ex.: 100e de la naissance du cinéma, 50e anniversaire de l'ONU, Tricentenaire de la naissance de Voltaire), encouragement de la diffusion, collaboration intercantonale, mise à disposition de salles (ex: Alhambra), achats et commandes d'oeuvres de plasticiens (fonds de décoration), activités des archives publiques, protection des monuments, de la nature et des sites.

Une Loi est une réponse à la demande des milieux artistiques, mais aussi de la population genevoise, pour qui le statut de la culture, fragile, exposé en premier aux aléas de la conjoncture, a besoin d'être renforcé. Lors de la votation fédérale, le 12 octobre 1994, 76% des citoyens genevois étaient favorables à l'inscription d'un article sur la culture dans la constitution fédérale.

Légiférer est, par ailleurs, une manière de reconnaître les réalités économiques et les problèmes de gestion des institutions culturelles. Seule la mise en commun des ressources, un cumul d'apport de plusieurs partenaires, dont l'Etat, permettent à des organismes d'être viables, à des projets d'exister. Dans cette perspective, la coopération à l'échelon supra cantonal est à encourager.

Sur deux autres plans, une base légale peut avoir un effet bénéfique. D'une part pour professionnaliser les métiers de la culture. Il existe, en effet, une demande et une nécessité toujours plus fortes pour que les transmetteurs, les médiateurs et les gestionnaires culturels acquièrent des techniques, des savoir-faire propre à leur fonction. De telles formations sont données en France, par exemple. La question des formations artistiques, par ailleurs, est à reposer au niveau romand.

D'autre part, pour développer un projet culturel pour les jeunes, à travers l'école, mais aussi les Centres de loisirs et autres lieux de rencontre et d'expression. La culture est pour cette catégorie de la population, dont on relève le désarroi, voire la violence, tout autant un moyen de socialisation qu'une voie d'émergence de formes et de sensibilités nouvelles.

Les options du projet de Loi

Le présent texte, proposé par la Commission de l'enseignement et de l'éducation, remplace la version soumise au Grand Conseil le 5 novembre 1993. Destiné à être une Loi cadre qui préserve les initiatives ultérieures et le statut de partenaire des autres acteurs du domaine culturel, ce libellé présente les caractéristiques suivantes:

w Il met un double accent, dans son titre même, d'une part sur l'accès, d'autre part, sur l'encouragement de la culture. Sont donc en jeu la démocratisation, la demande culturelle d'un côté, le soutien, l'offre culturelle, de l'autre.

w Il relève certaines fonctions de la culture (transmission, renouvellement du patrimoine, expérimentation de l'avenir, rayonnement) et énonce quatre principes qui ont trait à la démocratisation, à la liberté d'expression, à l'origine des initiatives et à l'approche globale de la culture.

w Il précise que le Canton favorise le développement de la culture, qu'il en facilite l'accès ou la propagation. En aucun cas - et ceci devrait être valable de toute collectivité publique - il ne décrète, ni n'impose la culture. L'émergence des projets appartient d'abord aux acteurs du terrain.

w Il fait ressortir que l'engagement du Canton pour la culture se conçoit en rapport avec d'autres instances, soit qu'il est subsidiaire (Ville de Genève, communes) ou complémentaire ou, encore, coordonné (autre cantons, départements français). La pratique des conventions est affirmée pour développer des soutiens cumulés. Une capacité d'initiatives est toutefois reconnue au Canton dans certains domaines.

 Le projet de Loi souligne, également, la volonté d'établir des relations de partenariat avec les interlocuteurs culturels par la pratique des contrats. Déjà appliqués aux compagnies de théâtre et de danse indépendantes, ces conventions consacrent un projet artistique, une durée, un accompagnement et une évaluation au terme de l'expérience.

w Il ne dresse pas une liste des tâches qui incomberaient au Canton. Il mentionne, en revanche, que le soutien peut s'exprimer par des services. Concrètement, il peut s'agir de conseils, de prêts de matériel, de salles de répétition (ex.: aulas d'écoles), de bourses, etc.

w Il prévoit l'évaluation périodique de l'application du projet de loi dans le souci de rendre la plus opportune et efficace possible l'action menée. Cette évaluation, et la coopération avec les partenaires, pourrait mener à la création d'un observatoire culturel, démarche en Suisse aussi originale que nécessaire.

w Il attache une importance particulière à la création et à son soutien.

Les commentaires article par article

Art. 1

Généralités

1-3  Le rôle actif de la culture entre passé et futur, transmission du patrimoine et expérimentation de l'avenir est rappelé. De même est affirmé l'apport de la culture au développement et au rayonnement de Genève. Aucune définition-limitation de la culture n'est en revanche donnée.

1. Les expressions culturelles minoritaires sont évoquées (diversité de la communauté).

3. L'esprit d'ouverture désigne la capacité et la tradition d'accueil de Genève.

Art. 2

Principes

1. Sans aller jusqu'à reconnaître un droit à la culture, le projet marque le souci de faciliter l'accès aux productions culturelles.

2. La garantie de la liberté fondamentale d'expression artistique, littéraire et scientifique est inscrite.

3. La vie culturelle est alimentée par la base; ses acteurs principaux sont les individus, les associations, les fondations, les institutions privées et publiques.

4. Le canton peut apporter une contribution utile pour que la culture soit pensée dans le temps et comme un tout.

Art. 3

Compétences

1. Le Canton favorise le développement de la culture. Il ne s'agit pas de figer des compétences ou de conserver un état de la culture. Celle-ci est conçue de manière évolutive et la mission du canton est dynamique.

2. L'article met toutefois l'accent sur la subsidiarité, celle-ci étant déclinée sur trois niveaux: communes, cantons, Confédération. Le Canton peut prendre des initiatives pour des projets culturels (ex.:formation, innovation) d'importance cantonale, intercantonale, ou internationale. La dimension très large, au plan géographique, de la culture est ainsi soulignée.

Art. 4.

Orientations

Cinq principaux domaines sont cités:

1. L'éducation culturelle encouragée pour l'éveil du goût, la naissance d'un intérêt, le début d'une pratique.

2. La formation artistique. L'entrée dans la vie professionnelle, l'essor des carrières sont soutenus. L'innovation et la recherche artistiques sont également mises en valeur.

3. Les grandes manifestations, qu'elles soient périodiques ou uniques sont soutenues, car elles contribuent à l'essor et au renom de Genève.

4. Les institutions culturelles peuvent bénéficier d'une contribution de l'Etat pour que leur viabilité et leur continuité d'activité puissent être assurées.

5. La création et la production artistiques sont encouragées dans une perspective de développement et d'échanges. Les dimensions aussi bien régionales, intercantonales qu'internationales sont prises en compte (art. 4).

Art. 5.

Moyens

1. La forme de soutien est libellée en termes généraux. Il existe actuellement trois formes d'aide financière (subventions régulières, contractuelles et ponctuelles) et les services peuvent emprunter différentes modalités).

2. Le contrat permet de fixer les droits et les devoirs réciproques et d'instaurer une relation de confiance. Il rend possible le développement d'un projet artistique dans le temps, son accompagnement et son évaluation. Il valorise les créateurs les plus entreprenants et évite le risque - rare - de rente de situation. La pratique des contrats a été introduite en 1990 et correspond aux attentes des milieux artistiques.

3. L'adoption de convention est particulièrement importante lorsque l'Etat et un (ou plusieurs) partenaire(s) public(s) coordonnent leurs efforts pour assurer la viabilité d'une institution ou d'un projet culturels.

4. La combinaison ou la complémentarité de fonds publics et privés est préconisée. Le cumul de sources de financement étant la condition de faisabilité de certains projets.

Art. 6

Evaluation

1. Tant les institutions subventionnées régulièrement (inscrites au budget du DIP) ou les compagnies financées contractuellement sont soumises périodiquement à une évaluation de leur fonctionnement et financement.

 Le recours à des experts extérieurs à l'administration est prévu, comme c'est déjà le cas actuellement pour les commissions préavisant les dossiers de requêtes de subventions ponctuelles.

2. Une politique publique doit être soumise à une évaluation périodique pour remplir au mieux ses objectifs. Cette évaluation pourrait permettre, entre autres, de donner des outils pour la recherche sur la culture, actuellement assez indigente.

Art. 7

Application

 L'application de la loi est attribuée au département de l'instruction publique en charge jusqu'ici de ce domaine. D'autres départements sont, bien entendu, aussi concernés par la culture. Citons celui des Travaux Publics et de l'Energie (la division Patrimoine et Sites), le DIAER (Archives cantonales). De nécessaires collaborations et coordinations doivent se développer entre ces différents niveaux de l'administration.

La culture a ses références, ses grandes figures. Mais elle s'adresse à tous, car elle crée le lien, le sens, le partage, le plaisir, le rappel et l'anticipation. Convaincue que la culture est essentielle et que le Canton en est un des acteurs, la Commission de l'Enseignement et de l'Education, unanime, vous propose d'examiner et d'adopter ce projet de Loi sur l'accès et l'encouragement à la culture.

HISTORIQUE

Il est à ce stade nécessaire de rappeler comment le PL 7049 sur l'accès et l'encouragement à la culture a vu le jour.

C'est une longue histoire que nous avons décidé de vous raconter de manière synthétique.

LE CHEMIN VERS UNE LOI

Un instrument manquait pour donner une légitimité de droit, et non de fait, à l'action culturelle du canton: une base légale. Les lois genevoises sont en effet muettes dans le domaine de la culture. Or, une politique sans loi pour la soutenir est comme un toit sans charpente. Seuls deux crédits pour les grandes manifestations et pour la diffusion avaient été soumis au Grand Conseil jusqu'alors.

Alors que d'autres cantons avaient déjà depuis longtemps légiféré, il fallut attendre l'automne 1990 pour que le débat soit ouvert avec le projet de loi de trois députés visant à créer un Office cantonal de la culture. A partir de cette initiative, le chemin vers la présente loi a été jalonné de plusieurs étapes qui peuvent se résumer comme suit:

Les PL 6599 et 7049, les M735 et 738 ainsi que le rapport du Conseil d'Etat aux deux motions sont annexés au présent rapport (annexes 1 + 2 +3 + 4)

LES ÉTAPES VERS LE PL 7049

sept.90

projet de loi instituant un office cantonal de la culture (initiative deMme E. Deuber-Pauli et MM. J. Spielmann et J. Boesch - PL 6599)

â

hiver 90-91

auditions de la commission de l'enseignement; propositions du DIP

â

mai 91

motion de la commission de l'enseignement sur la mission de l'Etat dansle soutien de la culture et motion de M. Lombard sur un concept culturel régional

M735 et M738

â

oct. 92

premier rapport du Conseil d'Etat en réponse à ces deux motions

â

nov. 92

rapport de l'I.R.E.C. sur «la politique culturelle d'une région urbaine:le Canton de Genève», contenant une première version de projet de loi

â

avril 93

synthèse des réactions au rapport de l'I.R.E.C. communiquée à la commission de l'enseignement

â

juin-sept. 93

rédaction par un groupe de travail «ad hoc» d'un projet de loi sur l'encouragement de la culture

â

sept. 93

rapport de la Commission de Contrôle de Gestion à la Commission des finances du Grand Conseil concernant «La répartition des tâches entre le service des affaires culturelles du DIP et le Département des affaires culturelles de la ville de Genève»

â

5 nov. 93

projet de loi 7049 élaboré par un groupe d'étude mandaté parM. D. Föllmi, chef du DIP; soumis au Grand Conseil et renvoyé en Commission de l'enseignement

â

juin 94 à mars 96

nouvelle rédaction du PL 7049 et travaux de la commission; vote à l'unanimité du PL 7049 le 13 mars 1996 et dépôt de la M... pour la création de la Fondation de Genève pour les arts, la culture et la science

Elaborée au cours de l'été 1993, par un groupe d'étude mandaté par le chef du DIP, la première version du PL 7049 définit un cadre. Si le projet de loi renforce ce qui a été fait, il ne fige pas pour autant des compétences, ni ne crée des chasses gardées. Situant la mission de l'Etat dans le long terme et dans une perspective dynamique, il donne à celui-ci «les moyens d'intervenir, de coordonner et d'entreprendre avec d'autres partenaires».

Le 20 octobre 1993, le Conseil d'Etat dépose devant le Grand Conseil le PL 7049 sur l'encouragement à la culture qui a été élaboré par le groupe d'étude mandaté part M. Dominique Föllmi, alors Président du Département de l'Instruction publique et dont faisaient partie:

- Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus, députée

- M. Jacques Boesch, député

- M. Armand Lombard, député

- M. Jean-François Rohrbasser, directeur du Festival de la Bâtie

- M. Roger Vuataz, directeur du Conservatoire de musique

- M. François Abbé-Decarroux, chercheur au département d'Ecopo de l'Université

- Mme Anne Héritier Lachat, avocate

- M. Jean-Pierre Ballenegger, délégué aux Affaires culturelles du DIP

- M. Michel Ramuz, directeur des Services administratifs et financiers du DIP.

Lors du débat parlementaire du 5 novembre 1993, M. D. Fölllmi présente le PL 7049 ainsi:

«Le projet de loi renonce à définir la culture; cette abstention est motivée par le fait que la notion est en soi floue et fluctuante, mais aussi par la conception du rôle du canton en la matière. Le canton n'exerce en effet qu'un rôle subsidiaire, même s'il a un pouvoir d'initiative; il n'est donc pas habilité à poser une définition de la culture. Le projet de loi fixe ainsi la mission de l'Etat, du canton dans le domaine; il s'agit d'une mission dynamique qui se situe dans le long terme, ce qui implique une approche évolutive de la culture.

Le projet de loi aurait pu être assorti d'une base constitutionnelle expresse, d'un nouvel article de la Constitution genevoise sur l'encouragement à la culture. Cette voie n'a pas été suivie, bien que la proximité de la consultation fédérale sur l'article 27 septies (encouragement de la culture) aurait peut-être conduit à rédiger un article constitutionnel à Genève aussi. Il est apparu que la compétence cantonale en matière culturelle est incontestable, ce qui permet de proposer une loi, concrète, d'application immédiate plutôt qu'un texte constitutionnel qui devrait encore s'incarner dans une loi.

Enfin, le projet est volontairement court, il se limite à l'essentiel et constitue le cadre dans lequel se développera une politique dynamique d'encouragement à la culture; il ne s'agit pas de contribuer à l'inflation législative, mais bien plutôt de marquer l'importance de la culture et la nécessité du soutien du canton.»

L'ESSENTIEL DU PROJET DE LOI PL 7049 DANS SA PREMIÈRE VERSION (octobre 93)

Le projet de loi définit la mission, les compétences, les activités et les moyens d'encouragement de la culture.

è les missions

Le canton

• encourage la vie culturelle

• assure la formation culturelle

• soutien la créativité artistique

• contribue à la pérennité et au renouvellement des valeurs du patrimoine

• veille au rayonnement de Genève

• favorise l'accès à la culture

• garantit l'expression des minorités et les libertés fondamentales

è les compétences

Le canton

• agit à titre subsidiaire

• peut prendre les initiatives (projet d'importance cantonale, relations avec l'extérieur)

• favorise la création d'un concept culturel régional

è les activités

le canton soutient

• la création et l'innovation

• l'éveil et l'éducation à la culture

• la formation artistique

• la relève

• l'échange, l'accueil, la diffusion

• la promotion du mécénat, du sponsoring

• la réflexion sur la culture

• les rencontres entre communautés

• la culture dans le développement économique et l'image de Genève

è les moyens

• financiers ou non pour accomplir ces tâches (ex: attributions de subventions, mises à disposition de locaux, etc.)

• contractuels avec les partenaires privés

• conventionnels avec d'autres autorités publiques

• structurels (interface) pour favoriser la coordination

• évaluatifs pour la réalisation des projets soutenus et pour l'application de la loi

Il faut ici rappeler que l'article constitutionnel sur la culture (art. 27 septies, encouragement à la culture), a été refusé par le peuple suisse lorsqu'il a été soumis à votation populaire en 1994, mais accepté par 76% des Genevois.

Le débat qui a eu lieu lors de la séance du Grand Conseil du 5 novembre 1993 (soir) et tel qu'il ressort du Mémorial est révélateur des préoccupations du Parlement d'alors, (annexe 5).

Nantie du PL 6599 instituant un office cantonal de la culture et du PL 7049 sur l'encouragement à la culture, la Commission de l'enseignement et de l'éducation a commencé ses travaux, dès le début de la présente législature, sous la présidence de M. Pierre-François Unger, puis de Mme Claude Howald, enfin de M. Jacques Boesch, pour les terminer en avril 1996, avec l'adoption du PL 7049 sur l'accès et l'encouragement à la culture, dans sa seconde version qui vous est proposée aujourd'hui, et la proposition de Mxxx sur la Fondation de Genève pour les arts, la culture et la science.

LES AUDITIONS

Le 25 mai 1994, une première discussion a eu lieu avec Mme M. Brunschwig Graf présidente du DIP. Les commissaires, d'entente avec Mme M. Brunschwig Graf, constatent que le PL 6599 et le PL 7049 premier libellé présentent des problèmes délicats tels que l'articulation des responsabilités entre la Confédération, le canton, la ville de Genève et les communes; les missions d'éveil, d'initiation et de mise en oeuvre des projets culturels; la répartition des tâches et du financement de la culture entre les différents acteurs, qu'ils soient publics ou privés.

C'est au cours des auditions ultérieures à ce premier débat que vont être examinés avec bien d'autres encore, ces aspects majeurs.

La Commission de l'enseignement et de l'éducation a reçu le 1er juin 1994 M. M. Ramuz, directeur des services administratifs et financiers, et a pris connaissance des travaux qui avaient été menés lors de la précédente législature, notamment en ce qui concerne les réflexions du groupe de travail du DIP sur l'aide à la culture (1990), le rapport du groupe de réflexion sur le financement de la culture (1992), les conclusions de l'étude de l'IREC (1992), de l'enquête IPSO (1993) conduite simultanément par le Service des affaires culturelles du DIP et le Département des affaires culturelles de la Ville de Genève, et le rapport de la Commission de contrôle de gestion mandatée par la commission des finances du Grand Conseil à propos de la répartition des tâches entre les services des affaires culturelles du DIP (SAC) et le Département des affaires culturelles de la ville de Genève (1993).

CE QUI PEUT ÊTRE RETENU DES DIFFÉRENTES ÉTUDES

è financement de la culture (Rapport déposé en novembre 1992,élaboré par le Groupe de réflexion sur le financement de la culture)

• une plate-forme d'information et de coordination entre les pourvoyeurs de fonds est à créer

• des modules de formation pour les acteurs culturels et les décideurs sont à mettre en place

• la communication entre créateurs et sponsors doit être améliorée

• la coordination entre pouvoirs publics gagnerait à être renforcée

• la loi fiscale doit être révisée pour encourager le mécénat

è pratiques et attentes culturelles (Sondage IPSO, août 1993, sur les «Goûts  et comportements culturels de la population genevoise»)

• une participation importante de la population aux manifestations culturelles (cinéma, musées, fêtes populaires, expositions viennent en tête)

• l'effacement du clivage entre culture institutionnelle et culture alternative

• des inégalités d'accès à la culture, persistantes en dépit des opérations d'initiation menées dans les écoles

• une appréciation positive de l'offre culturelle, mais des réserves quant à sa mise en valeur

è la politique d'une région urbaine (Rapport de l'IREC rendu en novembre 1992 à propos de la «Politique culturelle d' une région urbaine: le canton de Genève»)

• l'importance de la notion d'innovation qui ne se confond pas avec celle de «création»

• le savoir-faire de Genève pour gérer des flux de capitaux, de biens, de croyances, de visiteurs, etc.

• l'opposition entre culture élitiste et culture «laïque», rejetée par la plupart des responsables culturels

• la demande de coordination entre les autorités publiques, que cette collaboration soit pragmatique ou structurelle (interface)

• la préférence du milieu culturel à un soutien et à un subventionnement pluriels garantie contre un arbitraire

M. .

1) Le rôle de la culture: ses rôles multiples, l'esprit de tolérance, la diversité des cultures dans les différentes communautés, l'importance de l'activité qui peut être développée, les initiatives personnelles ou associatives.

 Le rapport de l'IREC relevait que Genève avait une particularité, à savoir une forte identité culturelle due surtout à la richesse des populations qui ont fait son histoire, donc une culture ouverte à la tradition humanitaire.

2) La culture est le fait de chaque individu. Elle est donc du domaine privé. C'est dans ce secteur que se déploie le rôle des pouvoirs publics: le rôle de la commune dans la diversité des activités, le rôle premier de la Ville de Genève puisqu'elle assume une part financière importante, le rôle du DIP par la formation et l'enseignement.

3) Dans ce PL figure l'idée du rôle que peuvent avoir les pouvoirs publics dans le développement de la vie culturelle comme une composante de la société (tourisme et économie). M. M. Ramuz ajoute que tout un ensemble d'acteurs professionnels agissent dans le domaine de la culture.

 Apparaît également l'élément de la production, dans le sens où les pouvoirs publics peuvent prendre des mesures pour garantir la création et la liberté d'expression, ainsi que la diffusion qui a son importance pour le rayonnement de la vie culturelle.

 La communauté genevoise et même romande est restreinte et diverse. Parfois la production - même lorsqu'elle est de qualité - rencontre des difficultés. Une remarque tirée de l'enquête de l'IPSO relève que le public genevois a certes des habitudes culturelles: cependant il est prêt à participer à des manifestations, aussi dans un cadre beaucoup plus large que celui du canton, à des d'expositions, de concerts, des festivals, par exemple.

4) Un autre aspect figurant dans le PL, c'est celui du contrat qui permet aux partenaires d'être assurés d'un soutien pendant une certaine durée. Le DIP favorise cet aspect en encourageant les spectacles pour les élèves.

5) Une autre réalité s'est imposée à Genève: celle de la prise en compte de la région.

 Les relations se sont développées depuis de nombreuses années sur le plan transfrontalier.

 Dans la dimension régionale, il faut également inclure une collaboration plus large au plan des cantons. La structure existante pour le théâtre et la danse, la CORODIS, est reconnue par les professionnels. Elle paraît être une réponse intéressante au travail de développement d'échanges régionaux et de besoin de diffusion.

6) Il faut mentionner encore le rôle déterminant que doit jouer le DIP sur le plan de l'initiation, depuis le moment où les élèves entrent dans l'école jusqu'au moment où ils la quittent. Il est indispensable de développer, avec la Ville de Genève, des modalités d'accès pour les jeunes aux activités culturelles, sans oublier le problème de la relève.

 Genève compte de nombreuse écoles de formation (Arts déco, Beaux-arts, conservatoires). Un certain nombre de questions se posent aujourd'hui en termes de collaboration intercantonale, si on veut conserver le haut niveau de formation atteint aujourd'hui.

 Il y a de réelles difficultés à mettre en place un PL, attendu et répondant à un besoin, qui ne crée pas de conflit dans le domaine de la répartition des tâches. Les partenaires devront avoir chacun leur champ d'activité.

7) Le PL a donc pour but de mettre en évidence un certain nombre de principes et une volonté de rester dans une loi-cadre.

La Commission a entendu le 8 Juin 1994 les membres de la Commission de contrôle de gestion (CCG), soit MM. J. Lance, G. Sassi, D. Montant et G.-A. Cuendet, qui s'expriment sur le mandat qui leur avait été confié par la Commission des finances du Grand Conseil.

Pour apporter une contribution à l'étude de la répartition des tâches entre le Service des affaires culturelles du DIP et le Département des affaires culturelles de la Ville de Genève, la CCG avait reçu de la Commission des Finances du Grand Conseil, le mandat suivant:

- Dans qu'elles mesure le Service des Affaires culturelles que le DIP se propose de mettre en place, fait-il double emploi avec la section «Requêtes» du Service des spectacles et concerts de la Ville de Genève?

- Le nombre de poste prévus pour ce service (4) est-il justifié?

- Dans quelle mesure une procédure pourrait-elle être mise en place de façon à éviter que les activités culturelles subventionnées par la Ville et par l'Etat, ne fasse l'objet d'un double examen?

Pour remplir cette mission, la CCG a étudié une riche documentation et rencontré MM. D. Föllmi, Vaissade, Ramuz, Ballenegger ainsi que les chefs des affaires culturelles des cantons de Vaud et de Fribourg.

Le CCG conclut son rapport de 1993 ainsi:

Les tâches suivantes doivent incomber à l'Etat:

- initiation à la culture dans les écoles, en veillant à ce que les programmes culturels soient équivalents dans toutes les écoles du Canton et ne dépendent pas de l'intérêt particulier de tel directeur ou de tel maître,

- accompagnement aux créateurs en début de carrières;

- réflexion permanente sur la culture au niveau du Canton;

- appui aux communes et, le cas échéant, à la coordination intercommunale;

- coordination régionale:

- appel de subsides fédéraux ou régionaux en faveur d'institutions et de manifestations à caractère supra cantonal (par exemple: OSR, Grand Théâtre, Fondation Bodmer, Musée de la Croix Rouge ....)

Le 14 septembre 1994, Mme M. Brunschwig Graf, présidente du DIP, donne à la Commission de l'enseignement et de l'éducation son point de vue sur le PL 7049 (première version). Elle insiste sur la séparation à opérer entre la politique culturelle et sa réalisation par voie législative. Aujourd'hui; c'est un des rôles de l'Etat que d'être un partenaire dans la vie culturelle locale et régionale, ce qui implique, et le projet de budget 1995 le montre clairement (voir annexe 6) des autorisations de dépenses pour aider à la réalisation de projets culturels et une visibilité politique. Avec une loi cantonale, la légitimité politique sera donnée à la politique culturelle conduite par le canton, respectivement par le DIP.

En ce qui concerne le thème des grandes manifestations, le PL 7049 (première version) propose une vision plus globale de ce que pourrait faire l'Etat de Genève. Ce PL est un réaménagement de rubriques, permettant de dire clairement ce que peut faire l'Etat, notamment qu'il peut être partenaire dans certaines grandes manifestations.

Mme Brunschwig Graf donne l'exemple du Salon du Livre, auquel l'Etat participe, mais sans l'inscrire dans une politique véritable.

Elle cite en outre le Festival de la Bâtie et d'autres manifestations occasionnelles, telle la commémoration de la naissance de Voltaire.

Abordant le thème de la jeune création et de l'innovation, Mme Brunschwig Graf insiste sur la mission de formation des jeunes, notamment au travers des écoles professionnelles. Le rôle de l'Etat doit aussi apparaître dans le prolongement de cette formation et constituer un coup de pouce pour démarrer.

Sur le thème de l'interface entre culture et école, elle cite l'exemple du Musée d'art Contemporain, qui a ouvert une cellule pédagogique, ou l'opération STAIRS qui avait un intérêt pédagogique certain, mais qui a été ressentie comme un corps étranger par certains membres du DIP.

Sur le plan de la continuité, il y a des manifestations institutionnelles plus permanentes qui existent, mais où il n'y a pas encore de réelle volonté politique.

En regard du PL 7049 (première version), Mme Brunschwig Graf n'a pas le sentiment qu'il s'agit d'une loi-cadre tenant assez compte de la pluralité des points de vue. Il y a volonté de la subsidiarité qui est exprimée. Mais le tout est placé dans la lorgnette d'un seul acteur, le Canton. Elle ressent cette façon de légiférer comme démentant l'article 1er du projet de loi.

Elle constate en outre que c'est sur le terrain que l'on voit la réalité, qui est souvent bien différente de ce qui se trouve sur le papier. La guerre des territoires existe toujours.

Mme Brunschwig Graf invite à une réflexion sur le rôle du pouvoir politique par rapport à la culture. Elle affirme d'une part ne pas se sentir dans la peau d'un magistrat qui utiliserait la culture comme un instrument électoral, et d'autre part se sentir mal à l'aise en signant les octrois de subventions qui sont souvent suivis de lettre de remerciements.

La Présidente du DIP fait part de sa conception de la culture, qui doit échapper à la politique. Elle constate que le problème subsistera toujours et se demande s'il existe un système meilleur qu'un autre. L'Etat organisateur de la culture ne constitue pas une fin en soi.

La Commission constate que dans le PL 7049 (première version), un certain nombre de questions restent ouvertes, entre autres:

- l'articulation entre les autorités politiques (Ville, communes, canton)

- l'opportunité d'une loi cadre seulement

- la nécessité de dépasser les clivages de territoire qui empêchent les développements

- la collaboration public-privé

- la mission de l'état d'assurer la continuité

Le 21 septembre 1994, la commission entre tièdement en matière sur le PL 7049 (première version) comme suit:

Pour: 9

Contre: 1

Abst: 3 (Adg + Lib + Rad)

et décide, sur la base des nouvelles orientations discutées avec la Présidente du Département, de confier au DIP l'élaboration d'un nouveau PL qui tiendrait compte des questions soulevées ci-dessus et qui suivrait 5 axes:

s initiation à la culture

s aide à la relève

s aide à la création

s soutien aux institutions

s promotion des échanges

C'est le 21 juin 1995 que Mme Brunschwig Graf remet à la commission, le PL 7049 dans sa nouvelle version.

La volonté actuelle du canton est une volonté d'ouverture, celle d'un canton qui respecte ses partenaires. Il ne s'agit donc pas de régler la problématique des subventions ou des prises en charges, mais d'inventer de nouvelles formules et d'autres modes de collaboration.

Il faut relever entre autres que, dans le PL 7049 nouvelle version:

• l'art. 1 rappelle l'importance de la culture et le développement économique et social dans le rayonnement intellectuel de Genève;

• l'art. 2 fixe un certain nombre de principes. L'ouverture est facilitée et la liberté d'expression garantie;

• l'art. 3 traite des compétences de l'Etat. Il est rappelé que l'Etat est subsidiaire mais qu'il peut prendre des initiatives dans un certain nombre de domaines

• l'art. 4 traite de la manière d'aider les destinataires de l'aide de l'Etat. Les propositions ne sont pas nouvelles; elles ont déjà été formulées. Il est précisé que l'Etat soutient les institutions culturelles pour assurer leur permanence. Son rôle est également de favoriser l'éveil et l'aide à la relève ainsi que le développement de la production artistique et le soutien à des manifestations culturelles:

• l'art. 5 énonce les moyens mis en pratique dans le but d'un soutien artistique. La formulation est générale, afin de ne pas s'enfermer dans des listes. Le soutien prend des formes diverses. Tout est basé sur des contrats ou des conventions. La subvention contractuelle permet déjà d'accompagner une compagnie pendant 3 ans en contrepartie de certaines conditions. Le mécénat et le sponsoring devront être encouragés.

• l'art. 6 est consacré à l'évaluation qui permet de choisir et de suivre un projet artistique. C'est un moment de dialogue. Il est aussi question d'une autre évaluation: celle concernant l'application de la loi. Il est bon de faire un bilan entre les principes, les directions indiquées dans la loi et la pratique;

• l'art. 7 prévoit que le Conseil d'Etat est chargé d'appliquer la loi.

Dès lors, nantie du PL 7049 nouvelle version la Commission de l'enseignement et de l'éducation procède à une longue série d'auditions qui lui donneront les moyens de vous présenter une rédaction du PL 7049 qui réponde aux besoins manifestes des acteurs culturels, de ceux qui font la culture, de ceux qui la consomment, de ceux qui la financent.

Le 30 août 1995 M. Manuel Tornare, directeur du Collège de Candolle et responsable du service culturel du secondaire post-obligatoire, est auditionné par la Commission. Il fait les remarques préliminaires suivantes:

- il s'agit avant tout de préciser qui fait quoi.

- les budgets culturels pour les trois ordres d'enseignements sont importants

- la culture va de pair avec l'enseignement

- il est essentiel que le canton encourage l'accès à la culture non seulement pour les jeunes, mais pour toutes les couches de la population.

- les tâches doivent être clairement réparties entre les autorités politiques et les acteurs culturels.

- la production et la création artistiques doivent être encouragées

- le soutien aux manifestations culturelles doit être découplé de toute ambition électorale qui pourrait être le fait de certains politiques.

Selon M. Tornare, le PL 7049 doit d'abord régler les questions du partage du pouvoir entre les communautés politiques et culturelles et ne sera efficace que s'il est appliqué! Il répondra à sa mission si l'accès à la culture est démocratique, donc encouragé et voulu pour tous les partenaires. Seule la réunion des volontés et des idées rendra possible le mise en oeuvre des principes que préconise la Commission de l'enseignement et de l'éducation en proposant une loi-cadre cantonale.

Le 13 septembre 1995, la Commission reçoit M. Vaissade, conseiller administratif de la Ville de Genève chargé de la culture, M. Vaissade rappelle qu'il ne s'agit pas là du premier projet de loi sur la culture et qu'il concerne les affaires culturelles du DIP. Entre ces dernières et son département (comprenant 900 personnes), il existe de nombreuses interactions, dont une réunion annuelle des magistrats.

Il relève que l'Etat privilégie particulièrement les champs d'intervention suivants: les écoles d'art (dont le Conservatoire), l'Orchestre de la Suisse Romande, le Fonds de décoration et les archives cantonales. Puis il évoque la difficulté de déterminer ce qu'est la culture. Cette dernière comprend trois domaines principaux:

• la conservation (musées, bibliothèques, monuments), domaine ne figurant pas dans le PL 7049

• la communication (formation, diffusion, animation/promotion)

• la création, domaine dans lequel le DIP est notamment actif

M. Vaissade, distribue la publication présentant les activités de son département et affirme que le PL 7049, s'il n'obscurcit pas la question de la subsidiarité, ne l'éclaire pas non plus.

Il estime important que son département ait un rôle d'incitateur en mettant en oeuvre des projets, après consultation des intéressés. De plus, il considère qu'il faut encourager les projets qui ont du succès. C'est au public de déterminer ses attentes et non aux pouvoirs publics de les lui imposer.

En ce qui concerne la décentralisation de la culture, M. Vaissade rappelle que dans le contexte actuel de redressement financier, le budget consacré à la culture a diminué, sans pour autant fermer les portes. De ce fait, il s'est rendu à l'Association de Communes Genevoises (ACG) pour expliquer la situation aux responsables de ces dernières. Ainsi, il se prononce pour une décentralisation, mais précise que celle-ci dépend notamment de ce que veulent développer les Communes. Il relève que la culture est un facteur de stabilisation pour les Communes. Ce n'est que lorsque l'intérêt s'élargit au niveau cantonal qu'intervient la subsidiarité.

M. Vaissade déclare que l'Etat étant un partenaire, il n'y a pas de problème de compétences. A titre d'exemple, la Journée du patrimoine 1994 ayant été un succès, le DTP est devenu un partenaire financier

M. Vaissade note que le PL 7049 n'empêche rien, mais qu'il ne concerne que l'encouragement à la culture. Il rappelle que c'est l'histoire qui a fait que la Ville de Genève s'est substituée à l'Etat et qu'elle poursuit son rôle de gestion d'un département cantonal. Pour lui, son département est autonome. La situation est donc claire pour lui.

Le 13 septembre 1995, la Communauté de travail pour l'accueil et l'intégration des étrangers présente son point de vue sur le PL 7049 Mmes Gillet, Bernasconi et Kessler précisent en premier ce qu'est leur Communauté.

La Communauté de travail pour l'accueil et l'intégration des étrangers a notamment pour mission de favoriser une meilleure connaissance et une meilleure compréhension réciproques entre les Suisses et les étrangers dans la perspective d'un enrichissement mutuel. Elle se réjouit du projet de loi sur l'encouragement à la culture.

Le PL 7049 ne met pas assez en évidence l'intérêt d'une culture pluraliste, issue de la diversité culturelle des différentes communautés vivant à Genève, et ouverte sur le monde. Cette dimension nous parait importante d'une part pour la promotion d'une vie sociale harmonieuse et d'une vie culturelle riche, d'autre part pour le rayonnement de Genève. Les invitées donnent quelques pistes de réflexion.

a) Des précisions pourraient être apportées aux art. 1 et 2, afin de préciser

• que la diversité culturelle fait partie du patrimoine de la communauté genevoise, qu'elle est un élément dynamique pour son renouvellement et qu'elle est encouragée. Cette diversité issue notamment de l'expression culturelle de l'immigration, constitue un des intérêts majeurs de ce « laboratoire » qu'est la culture;

• que la vision d'ensemble dont sont garantes les collectivités publiques est une vision pluraliste et ouverte sur le monde, et qu'elle implique la garantie des libertés fondamentales et notamment la garantie d'expression des minorités, notamment des minorités culturelles issues de l'immigration, comme des majorités.

• que le canton a la responsabilité d'assurer la formation culturelle et de permettre à chacun d'avoir accès au développement culturel. En ce sens, l'action auprès des jeunes ne devrait pas être envisagée comme une des formes possibles de la contribution du canton, mais comme une responsabilité permanente (même si celle-ci peut être partagée). La créativité artistique (comportement dynamique et stratégie heuristiques) devrait être encouragée et non seulement la création en tant que produit fini.

b) Certaines formulations du projet de loi comme des commentaires nous font penser à une conception limitative de la culture. La démocratisation de la culture pourrait impliquer culture héritée ou élitiste. Tous n'y ayant pas nécessairement accès, la culture est perçue comme une composante du rayonnement «intellectuel», le « droit à la culture » n'étant pas reconnu. Au moment où le Conseil de l'Europe engage de nombreux travaux relatifs aux droits culturels afin d'être en mesure de répondre aux besoins des minorités anciennes et nouvelles, peut-être conviendrait-il d'élargir explicitement les perspectives du projet.

c) Le projet de loi fait allusion au rayonnement intellectuel de Genève et à sa réputation. une formulation plus large et plus positive serait plus heureuse. C'est le rayonnement culturel de Genève, en tant que cité, que canton ouvert sur le monde qui est primordial. En ce sens, s'il importe assurément que le canton favorise l'échange dans l'espace transfrontalier et intercantonal, l'espace européen et international devrait être pris en compte dans une égale mesure.

d) Des suggestions ou orientations pourraient être utiles quant à la forme des services que le canton pourrait assurer. En effet la Communauté de travail dans le cadre des activités qu'elle a déployées durant ces 12 dernières années, a constaté que les communautés immigrées vivant à Genève étaient souvent démunies, voire prétéritées, notamment en matière de mise à disposition de locaux, d'équipement et de biens culturels. C'est pour cette raison qu'elle a présenté un projet, dont elle a eu l'occasion de parler, de mise sur vidéotex de l'inventaire des salles et des locaux à disposition de toute association résidant sur le canton qui pourrait se réaliser en collaboration avec l'Agence genevoise d'information AGI et Foyer handicap.

 Un effort similaire a été réalisé par la Communauté sur le plan des bibliothèques publiques et privées afin que les langues des communautés immigrées soient prises en compte dans l'acquisition et le prêt d'ouvrages.

e) L'idée de la mise en place de structures d'interface serait utile afin d'assurer le dialogue entre les différentes instances concernées, et notamment entre les partenaires se référant à des cultures différentes. Ce mandat pourrait être confié à la Communauté de travail (qui a déjà un rôle de liaison), en coordination avec d'autres instances.

f) Par ailleurs, la Communauté souligne le rôle déterminant que peuvent jouer les communes (rôle qui dépasse les objectifs décrits à l'art 5.3) par une intégration des immigrés dans les activité culturelles communales. C'est dans cet esprit que la Communauté de travail a interpellé les communes en date du 4 mai 1994 en s'inspirant des recommandations de la Commission fédérale des étrangers dans son recueil «L'étranger dans la commune)

Le 27 septembre 1995, M. B. Zumthor, directeur de l'Ecole supérieur d'arts visuels, exprime sa satisfaction à propos du PL 7049 notamment parce qu'il ne propose pas de définition de la culture, qui pourrait être limitative, et qu'il a réellement une dimension transfrontalière. Il dit les espoirs que lui donne le PL 7049 notamment en terme de mission de formation de l'école donc de l'éveil à la culture et à la pratique culturelle. M. Zumthor apprécie la notion d'expérimentation, qui donne le choix à l'élève, c'est-à-dire le droit au risque, ainsi que la personnalisation du partenariat par des contrats soumis à l'évaluation régulière. Quant au principe de la subsidiarité, largement établi, il restera à le faire comprendre et pratiquer dans les termes que préconise le présent projet de loi: il s'agit de mettre au point la méthode plutôt que de marquer des territoires.

Le 27 septembre 1995, la Commission auditionne également M. Christian Bernard, directeur du Musée d'Art Moderne et Contemporain.La lecture du PL 7049 l'a surpris, car il y a découvert la non-complémentarité de la Ville de Genève et du Canton.

De 1982 à 1985, il a été associé, en France, à la décentralisation de la culture dans la région Rhône-Alpes. Il a fallu alors créer des structures de dialogue. Cela s'est fait, la plupart du temps, à travers des conventions. C'était un mot-clé, car il y avait des gens qui n'avaient pas d'expérience dans ce domaine et qui se trouvaient confrontés à une foule de problèmes. Une politique d'ensemble a pu se mettre progressivement en place, avec des hauts et des bas.

Une chose particulièrement importante, c'est le dialogue. En France, au moment où de nouvelles institutions ont été développées, le Ministère de la culture était dépourvu de cadres. La période entre 81 et 85 a été une période très flottante. Il manquait partout des cadres compétents, aussi bien sur le plan administratif que juridique. Cette formation s'est faite «sur le tas» Les gens ont reçu une formation très empirique. Depuis 7 à 8 ans, la formation a profondément changé et l'on forme depuis lors des médiateurs culturels.

Dans la région Rhône-Alpes, des secteurs de formation préalable, permanente et continue se sont développés (ARSEC). Le défaut de formation dans le domaine de la gestion financière a conduit à des situations catastrophiques. C'est pourquoi il est persuadé qu'une telle formation est indispensable, au moment où les ressources publiques ont tendance à fléchir, les activités culturelles doivent être en mesure de résister.

Il est donc très important que les décideurs politiques prennent en compte l'urgence de disposer d'interlocuteurs, car le problème de la culture est déjà très politisé. Il ne faut pas laisser pour compte le secteur vivant de la création. On a tendance partout en Europe, à l'oublier un peu pour faire face aux problèmes de la vie publique, comme le chômage.

En France, l'école du patrimoine est une émanation des musées. Les formations sont très spécialisées. Elles comportent également une formation juridique et financière. Mais l'école forme des gens dans un moule très académique. Actuellement, on observe les premiers signes d'une certaine calcification de l'institution, parce que les personnalités qui résistent au moule préalable n'ont plus de perspectives d'emploi. Les écoles trop normatives ont des effets pervers. Il est d'autant plus nécessaire de prévoir une formation ouverte, car le domaine de la culture est porteur d'emploi.

M. Bernard évoque la création de MAMCO et les réactions qu'a suscitées ce dernier, la plupart des gens se trouvant dans l'embarras devant ce qui est montré. Or c'est l'art de ce temps et il constitue une clé de compréhension. Chaque interlocuteur potentiel qui ne trouve pas la réponse est un partenaire perdu.

Il faut investir sur les jeunes dans un dialogue constant avec les jeunes par le biais des écoles, et les enseignants. C'est un travail à long terme. Le but premier est de banaliser les musées, particulièrement lorsqu'il s'agit d'objets mystérieux et lointains. Le musée doit être un outil pédagogique. A Genève, il y a des enseignants d'histoire de l'art et de dessin qui sont très largement motivés. Tout ce qui a été tenté dans l'accueil vivant a donné des résultats passionnants. En ce qui concerne les expositions, il n'y a pas intérêt à co-produire ce qui se fait dans un bassin de 250 km. En revanche, il faut envisager des collaborations à un échelon plus grand (Espagne, Allemagne, USA). M. Bernard a proposé au Musée d'Art et d'Histoire ainsi qu'à certaines galeries de faire des expositions thématiques. En décembre 1996, il présentera une grande exposition qui voyagera ensuite. La collaboration avec des partenaires plus lointains se développe, mais c'est un travail de longue haleine. Des prêts sont envisagés avec le musée de Lyon, ainsi qu'avec le Centre Pompidou. Les accords de principe sont parfois très difficiles à obtenir. Le MAMCO a une notoriété internationale et les contrats avec les musées régionaux sont très nombreux.

M. Bernard pense que la question de l'espace transfrontalier ou intercantonal est une vraie question. Il a le sentiment que la collectivité aspire à faire disparaître les frontières et à nouer des liens. Les créateurs ont plutôt besoin de contacts et de dialogues avec le lointain. La scène artistique n'est pas négligeable à Genève. Les initiatives devraient favoriser le déplacement d'expositions. Il paraîtrait utile d'essayer d'attirer le maximum d'acteurs et de faire tout pour que les étudiants aillent au plus loin pour vivre une confrontation forte. Mais si un texte met trop l'accent sur cette dimension, cela pourrait être quelque chose de nocif.

M. Bernard pense que beaucoup de choses seront possibles grâce PL 7049. En ce qui concerne le MAMCO, il rappelle que la Ville a acheté un bâtiment puis s'est tourné vers une Fondation pour faire vivre ce musée. Or, la Fondation a toujours dit qu'elle ne poursuivrait pas seule. Une première année s'est déjà écoulée. La Fondation garantit les 2 prochaines années, mais souhaite à partir de 1998 partager les responsabilités avec la Ville et le Canton.

M. Bernard exprime un avis favorable à propos du mécénat et du sponsoring tels qu'ils sont évoqués à l'al. 4 de l'article 5,. Le sponsoring est souvent plus difficile que le mécénat. Il y a parfois des difficultés de dialogue. Il est persuadé que des dispositions fiscales incitatives favoriseraient le dialogue.

La loi sur la dation en paiement est bienvenue, compte tenu des trésors qui dorment au Port-Franc et parce que les enfants n'ont pas forcément le goût de parents. Une telle loi est de nature à enrichir considérablement le patrimoine de Genève.

En France, une loi sur les dations avait été faite pour le musée Picasso, puis la loi a dormi et a ensuite été remise en vigueur. Cela ouvre au public des oeuvres que jamais la collectivité n'aurait pu s'offrir.

Pour rappel, la loi sur la dation en paiement a été votée en décembre par notre Grand Conseil. Ses objectifs et son mécanisme sont décrits ainsi dans le rapport établi par Mme Vérène Nicollier à propos du PL 7251 et de la M 52

Le Conseil d'Etat propose en substance que désormais les contribuables puissent, dans des circonstances particulières, payer certains impôts non pas en espèces, mais sous forme de biens culturels,.

De quels contribuables s'agit-il? Il s'agit des héritiers dans le cas de succession; il s'agit de donataires en cas de donation entre vifs.

De quels impôts s'agit-il? Il s'agit des droits de succession ou de donation uniquement

Dans quelles circonstances ce système se justifierait-il? Il se justifierait lorsque le de cujus laisse des biens culturels présentant un intérêt majeur et que ceux-ci sont susceptibles d'enrichir valablement les collections publiques où elle seraient déposés. «La notion est évidemment imprécise, mais elle correspond à une intention très nette du législateur de faire de la dation en paiement, une procédure exceptionnelle destinée à faire entrer (dans les musées) des pièces de tout premier rang» (Chatelain, Jean: Droit et administration des musées, Paris 1993)

A l'initiative de qui la dation en paiement pourrait-elle avoir lieu? Un héritier ou un donataire qui doit s'acquitter de droits de succession ou de donation, pourrait demander à l'Etat de régler ceux-ci sous forme de biens culturels. Inversement, l'Etat, dans la mesure où certaines collections de grande valeur lui sont connues, pourrait proposer à un tel héritier ou donataire de lui remettre certains biens culturels en paiement des droits de succession ou de donation dus.

Précisons que, pour exercer la dation, un héritier ou donataire pourrait utiliser des biens culturels qu'il possède déjà et qui sont indépendants de la succession ou de la donation.

Comment la valeur de ces biens culturels serait-elle déterminée? C'est là le point crucial du système. Le projet prévoit la mise sur pied d'une «commission d'agrément» composée de spécialistes en matière culturelle et finances publiques. Cette commission pourrait faire appel à des experts spécialisés.

Quid si la valeur d'un bien culturel dépasse celle des droits de succession ou des droits de donation dus? Il est exclu dans un tel cas que l'Etat paie une soulte. La dation en paiement ne pourrait alors avoir lieu que si l'héritier ou le donataire font don de la différence.

Comment cela se passerait-il dans la pratique? A Genève, contrairement à la plupart des autres cantons suisses, les musées n'appartiennent pas à l'Etat mais aux Communes, notamment la Ville de Genève, ou à des Fondations privées. Les biens culturels ainsi acquis par l'Etat seraient destinés à être montrés au public ou mis à disposition des chercheurs. En conséquence, l'Etat conclurait des contrats de dépôt avec les musées ou institutions dépositaires.

Le 18 octobre 1995, sont reçues Mmes Liliane Fluck, Danièle Vaney et Christiane Marfurt maîtresses et inspectrices dans l'enseignement primaire pour les branches suivantes:

- Mme L. Fluck musique, rythmique, psycho-motricité, spectacles

- Mme D. Vaney inspectrice responsable de l'expression plastique artistique

- Mme C. Marfurt maîtresse spécialiste pour les activités créatrice sur textile

Après avoir expliqué chacune ce qu'elles font dans leur domaine, ces pédagogues commentent le PL 7049:

- elles apprécient l'accent mis sur la collaboration entre les divers acteurs publics et privés de la culture

- l'aspect régional que met en évidence le PL 7049 leur paraît primordial.

- elles considèrent que leur mission est avant tout l'éveil des enfants à la culture, que cette dernière fait partie intégrante du programme scolaire et qu'un budget plus généreux pour les activités organisées serait bienvenu, même si le PL 7049 n'a pas à entrer en matière sur le financement des activités culturelles du primaire!

Le 22 novembre 1995, la Commission se rend à la Fondation de L'Arc à Romainmôtier où elle rencontre Mme Anne Biéler, directrice. Cet organisme accueille de jeunes artistes qui viennent pour y travailler et créer, dans un cadre propice et accueillant. Elle est ainsi un lieu d'animation culturelle pour Romainmôtier et sa région, et est sur le chemin d'acquérir une renommée internationale. La Fondation est financée par le pourcent que la Migros consacre à la culture et établit des partenariats avec les acteurs culturels au sens large du terme.

Mme Biéler a pris connaissance avec grand intérêt de ce PL. Elle estime qu'il est indispensable de donner le plus large accès possible à la culture aux jeunes créateurs entreprenants qui ont du talent.

Elle évoque les problèmes auxquels elle est confrontée en permanence en temps que membre du Fonds culturel du DIP qui doit étudier un très grand nombre de dossiers de demandes de subventions ponctuelles. Il y a une réelle demande. Le PL 7049 lui paraît contenir tout. Il aborde la culture comme élément primordial de développement d'une société. Elle travaille depuis 20 ans sur les terrain et considère qu'un tel PL est absolument nécessaire.

Mme Biéler souligne le fait que le terme de subsidiarité est un terme qui joue sur deux tableaux. Il faut faire attention à ce qu'il ne soit pas être uniquement une contrainte.

Elle signale par ailleurs qu'on commence à voir une volonté de collaboration pour le développement de projets en commun. La Ville et l'Etat ont tout intérêt à développer des projets en commun qui contribuent d'ailleurs au développement de la Ville, du Canton et de la région.

Mme Biéler considère que la loi sur la dation en paiement, contribue à aller dans le chemin de la complémentarité qui incite à innover et à rechercher de nouveaux partenariats. Il faut tout faire pour que cette subsidiarité débouche sur l'envie de développer et de faire.

Mme Biéler relève d'autre part que la pratique internationale est difficile à appliquer, parce qu'il n'y a pas de base légale. Elle serait d'avis d'inscrire «de dimension internationale», car le terme «transfrontalier» fixe une limite géographique dans l'espace.

En ce qui concerne l'opportunité du PL 7049, Mme Biéler pense que le fait de n'avoir pas eu de base légale a aussi stimulé la capacité d'inventer, d'innover. Les personnes convaincues n'ont pas forcément attendu une base légale. Mais le point d'équilibre est très fragile. Un article de loi pourrait aussi s'avérer être démobilisateur. Il faut donc veiller à ne pas légiférer autrement que par une loi-cadre, ce qu'est en fait le PL 7049.

Le 29 novembre 1995, la Commission auditionne M. David Streiff, directeur de l'Office fédéral de la culture, qui dépend du Département fédéral de l'intérieur.

M. Streiff a lu le PL 7049 attentivement et l'a fait lire à d'autres collègues juristes. Il peut dire qu'aussi bien ses collègues que lui-même estiment qu'il s'agit d'une véritable loi-cadre qui indique les directions mais ne fixe pas tout et permet donc une très grande flexibilité dans l'application.

M. Streiff relève que, dans un système moderne de subventionnement, on donne quelque chose contre une prestation. Dans le domaine des Beaux-arts, il y a des commissions de l'Office fédéral de la culture qui prennent des décisions. Lorsqu'il y a des experts, il n'est pas possible de dire que les choix sont arbitraires.

M. Streiff explique ensuite que les subventions se répartissent comme suit dans le système de subsidiarité fédéral, la contribution la plus importante est celle des communes.

M. Steiff rappelle que le fait que la Confédération s'occupe de politique culturelle est relativement nouveau.

Dans la comparaison communes-canton-Confédération, le rôle de la Confédération est donc le plus faible. Son budget est de 183 Mio, dont 120 à 130 sont distribués.

M. Streiff reconnaît que la situation de Genève est très spéciale, puisque la Ville prend en charge une assez large partie de la culture. Le problème se pose peut-être un peu différemment dans d'autres cantons.

M. Streiff considère que la collaboration évoquée dans l'idée d'une culture lémanique ou vers la France lui paraît une excellent idée.

M. .

- dans des lois et des ordonnances;

- dans l'argent mis à disposition. Les commissions doivent gérer cet argent et l'office de la culture doit surveiller ces attributions.

Dernièrement, il y a eu plusieurs discussions pour savoir si la Confédération ne devrait pas pouvoir décider elle-même où elle veut intervenir.

En ce qui concerne les contrats de partenariat, soumis à évaluation régulière et ne correspondant donc plus à une rente de situation, M. Streiff estime qu'ils appartiennent à la nouvelle optique. L'ancienne façon de procéder (réserver une somme, puis l'augmenter) n'est plus possible. Il y a des nouvelles associations qui voudraient également devenir bénéficiaires et qui ont le droit de recevoir quelque chose. Ces associations sont donc invitées à exprimer clairement leur but. Une année plus tard on regarde si le but est atteint ou sinon pourquoi il n'a pas été atteint. Une subvention ne doit pas être une chose automatique. Il faut travailler pour l'obtenir. C'est aussi un stimulant.

M. Streiff termine en disant que Genève est un des derniers cantons à prévoir une loi sur la culture. Une telle loi peut contribuer à mettre en valeur le champ culturel et doit permettre de résister à des forces qui voudraient que l'on fasse moins.

Le 17 janvier 1996, la Commission reçoit Mme E. Castellino, responsable de la Compagnie de danse 100% Acrylique, M. Dominique Catton, directeur du théâtre Am Stram Gram, et Mme Martine Paschoud, directrice du Nouveau Théâtre de Poche.

Mme CASTELLINO précise que la Compagnie Acrylique qu'elle dirige offre des spectacles de danse et de théâtre. Elle enseigne aussi à des jeunes et organise des ateliers de création avec des enfants ou des adolescents.

Avant de solliciter des aides, Mme Castellino a essayé de voir si le groupe tenait le coup. Etant donné que l'expérience a été positive, elle a commencé à faire des démarches pour obtenir des aides, tout d'abord du DIP (50%) puis d'autres sources. Le financement obtenu permet de fonctionner de façon presque permanente, les emplois ne sont toutefois qu'à temps partiel. Le contrat de confiance obtenu il y a 3 ans vient d'être renouvelé. Un tel contrat permet de travailler de façon beaucoup plus cohérente et dans un délai qui va au-delà de 3 mois, ce qui fait qu'il n'y a pas besoin de repartir à zéro tous les 3 mois. La collaboration a pu être organisée avec d'autres villes. Le contrat de confiance, apporte un peu d'oxygène et permet de travailler sur les promotions et sur les tournées. Le but c'est de se confronter à d'autres publics. Sa démarche touche beaucoup la jeunesse. Le contrat de confiance permet ce genre de travail.

Elle souligne que le contrat demande une bonne gestion et exige de tenir des dossiers. Mme Castellino estime que l'établissement de ces dossiers permet de faire le point au bout de 3 ans et de se repencher sur ce qu'on a envie de faire pour les 3 prochaines années si le contrat est renouvelé.

Mme Paschoud considère le PL 7049 très bien fait. Elle souhaite que ce texte conduise à un projet fédérateur. Elle n'a qu'une ou deux remarques à formuler. Elle pense qu'il y a parfois une certaine confusion au sujet du mot culture et regrette qu'il n'y ait pas plus de précision sur l'encouragement à la création; elle ne sait toutefois pas où il faudrait rajouter cette précision. La pratique artistique doit se différencier d'une pratique culturelle.

A propos des évaluations, tout ce qui est proposé convient. L'évaluation paraît néanmoins très difficile à faire car il faut réunir dans ces organismes d'évaluation des gens qui ont des compétences et une grande ouverture d'esprit.

Mme Paschoud craint que la pratique artistique ne soit pas un facteur d'intégration, et revendique plutôt la subversion.Toute position qui tendra à récuser une valeur dominante n'entrera pas dans cette définition. C'est pourquoi il est urgent d'inclure la notion de création dans le PL 7049 .

M. Catton estime que le mot culture apparaît trop souvent par rapport à celui de création. C'est une lutte de termes, mais il estime que l'encouragement et le droit à la culture existent déjà. C'est d'ailleurs le domaine de l'instruction publique et des communes. La création, c'est autre chose. C'est faire quelque chose à partir de rien alors que la culture est davantage une transmission des choses. M. Catton souhaiterait que la création soit plus présente dans le PL. La loi est importante pour l'avenir. Pour le présent, il y a des moyens financiers importants, mais ce qu'on ignore, c'est l'avenir. On ne sait pas ce que vont devenir les structures. Les contrats n'existaient pas il y a 3 ans. Peut-être que dans les 3 ans qui viennent, ils vont disparaître.

Mme Paschoud estime d'un PL est utile dans le sens où on peut espérer qu'il fera avancer les choses et améliorera la situation en général.

Le 7 février 1996, la Commission reçoit M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat chargé des finances, qu'elle souhaite entendre à propos des incitations fiscales au mécénat.

M. Vodoz souligne qu'il est indispensable de s'intéresser à la culture et d'avoir une politique culturelle afin d'arriver, dans les équilibres budgétaires, à dégager des fonds pour la culture.

Il cite Jack Lang, ancien ministre de la culture français, «Ni outrance, ni indifférence», car l'essentiel est de ne pas figer la culture dans une politique culturelle étatique. M. Vodoz relève que Genève, en particulier la Ville de Genève, affecte des moyens considérables à la culture. Mais il faut savoir comment les affecter. Il signale que certains pays ont des institutions dont les membres changent tous les 3 ans, ce qui évite que des habitudes s'installent.

Il considère que le mécénat met en phase trois éléments:

- des moyens financiers

- le goût ou l'amour du beau

- l'envie de se survivre

En 1989 déjà, M. Vodoz a estimé qu'il faudrait arriver à modifier les dispositions fiscales prévues à l'art. 21 u de la loi fiscale), dispositions qui sont peu utilisées.

A la suite d'une étude qu'il a fait effectuer, il est ressorti qu'aux USA et en France, on allait très largement plus loin que dans les autres pays européens.

M. Vodoz s'est cependant rapidement rendu compte du fait que si des dispositions fiscales étaient prévues en faveur de la culture, d'autres groupes sociaux désireraient bénéficier des mêmes dispositions. C'est pourquoi il s'est arrêté dans ses recherches pour étudier les possibilités offertes par la dation en paiement.

En ce qui concerne le sponsoring, les entreprises peuvent y consacrer des montants qui entrent dans leur budget de publicité. M. Vodoz évoque le cas d'une généreuse donatrice qui souhaitait effectuer un don substantiel pour la création d'un ascenseur au Musée d'Art et d'Histoire, pour autant qu'elle puisse déduire une partie de ce don de son revenu brut déclaré.

La création de MAMCO, par ailleurs, n'aurait pas été possible sans la participation financière de 5 ou 6 personnes qui ont accepté de prendre à leur compte le budget de fonctionnement, pour quelques années seulement.

M. Vodoz souligne qu'un certain nombre de personnes sont prêtes à faire des choses pour autant qu'elles bénéficient de déductions fiscales; c'est pourquoi il souhaite pouvoir disposer de mesures qui permettraient d'avoir une politique culturelle plus active et que l'argent de privés puisse compléter les fonds publics.

M. Vodoz signale que la Fondation de France a pour objectif de collecter des dons plus modestes mais nombreux, dons faits sans destination spéciale. Ensuite, la Fondation publie la liste des donateurs et précise à quoi sont affectés les montants qu'elle distribue. C'est la Fondation qui décide de l'affectation des sommes.

M. Vodoz signale un autre domaine où il a eu à intervenir: c'est la garantie donnée à l'exportation des oeuvres d'artistes «genevois» à l'occasion d'expositions. L'Etat donne sa garantie afin que les artistes n'aient pas à débourser d'argent avant de faire une exposition

M. Vodoz relève que la loi sur les contributions publiques prévoit qu'au niveau de la fortune les collections scientifiques et artistiques ne sont pas imposées. Genève est une ville de collectionneurs et les collections des musées ont été souvent constituées par des donations.

M. Vodoz estime qu'il faut prévoir une loi-cadre sur la culture fixant les axes, les dispositions en découlant étant prises dans d'autres lois, en sachant que le consensus rencontré pour l'établissement de la loi-cadre ne se retrouvera pas forcément dans les autres lois.

L'équilibre sera difficile à trouver. Dire qu'il faut favoriser le développement de la culture ne suffit pas: il faudra donner des pistes plus précises, dire ce que font canton et Ville et si c'est suffisant ou pas, dire que des mesures sont prises dans différents secteurs éducatifs de formation pour permettre la survie du principe que la culture est un élément fondamental. En matière culturelle, on ne peut pas se contenter de bons mots; il y a une réalité des artistes et une réalité financière.

M. Vodoz est d'avis que la création d'une structure permettant de recueillir les dons en général plus modestes permettrait de répartir les sommes vers différentes cibles. Par ailleurs, il y a des personnes qui ne souhaitent pas faire des dons à une collectivité publique. De plus, cela permettrait à une fondation de disposer d'une certaine somme pour faire des acquisitions occasionnelles.

M. Vodoz serait très heureux de recevoir une impulsion donnée par la commission, impulsion qu'il ressentirait comme un signe clair qu'il faut aller au-delà de ce qui existe en matière d'incitation fiscale. Il faut toutefois savoir qu'un certain nombre de difficultés peuvent être rencontrées, ne serait-ce que par le nombre de personnes qui souhaiteront bénéficier des dispositions prévues.

M. Vodoz relève qu'il y a beaucoup de cas différents qui se présentent. Chaque fois, il faut se demander ce qu'on peut faire. Genève ne peut plus être la capitale de tout.

Le 20 mars 1996, la Commission reçoit, M. Francis Charhon, directeur général de la Fondation de France.

M. .

- les fondations reconnues d'utilité publique;

- les fondations abritées (pas de personnalité juridique; quelqu'un fait un don et la fondation gère);

- les fondations d'entreprises, pour permettre aux entreprises de mieux gérer leur mécénat. Les entreprises ont le devoir légal d'engager des fonds pour 5 ans.

La Fondation de France a été créée par une volonté gouvernementale très forte, par André Malraux, dans les années 60. Par ses statuts, elle n'avait pas de caractère de spécificité. Elle embrassait tous les domaines. C'était une fondation reconnue d'utilité publique dont le Conseil d'administration se compose traditionnellement de:

• 1/3 de fondateurs

• 1/3 de représentants de l'Etat

• 1/3 de personnalités extérieures.

Aujourd'hui, la Fondation de France abrite 400 fondations reconnues d'utilité publique, qui ont été constituées selon de modèles très différents. On a toujours considéré que la Fondation de France était une pépinière de fondations, qu'elle était là pour développer la générosité.

La Fondation de France génère des programmes pour lesquels elle récolte de l'argent par des dons privés; puis des experts élaborent un programme et la décision est prise d'aider à développer tel ou tel projet. On fait ensuite un appel de projets. Les meilleurs d'entre eux sont retenus et sont subventionnés en vue d'une réalisation.

Une autre activité de la Fondation de France, c'est d'aider au développement des associations (il y en a 700 000 en France). Chaque fondation a son conseil d'administration auquel participe un représentant de la Fondation de France, qui a droit de veto.

Parfois des gens viennent avec très peu d'argent, d'autres avec des sommes énormes, et qui veulent mettre en oeuvre un projet précis. Les gens savent qu'à la Fondation de France ils trouvent une oreille discrète et une bouche silencieuse.

La Fondation de France bénéficie des revenus de la dotation de départ qui avait été fournie par le fondateurs (des banques). Chaque année, on reverse au capital l'équivalent de l'inflation. La Fondation dispose donc des revenus du capital ainsi que de dons venant de l'extérieur et parfois de legs relativement importants. La Fondation de France est la 3ème récipiendaire de France. Il arrive qu'on sache, avant le décès d'un donateur, qu'il va lui faire parvenir un legs. D'autres fois, la Fondation de l'apprend qu'après le décès. Or, s'il y a des choses très simples à régler, il peut aussi y en avoir de très compliquées. M. Charhon évoque les charges et obligations qui peuvent grever un héritage. La Fondation de France n'accepte, pour ainsi dire jamais, de patrimoine mobilier classé ancien (elle n'accepte pas non plus de châteaux qui coûtent trop cher à entretenir!)

La Fondation de France est une maison de services. En 1969, le Conseil d'administration

était constitué de: s 7 banquiers

 s 7 ministres (peu actifs au Conseil d'administration)

 s 11 personnalités extérieures, nommées pour 4 ans, avec un mandat renouvelable une fois.

Les statuts prévoient que les 11 membres de l'extérieur sont renouvelables par moitié tous les 2 ans. L'important, c'est de garder l'esprit de la chose et d'assurer un renouvellement régulier des administrateurs.

En matière de politique, la Fondation de France n'a pas beaucoup de problèmes car l'Etat considère qu'elle rend plutôt service. L'indépendance de la Fondation de France est très affirmée. La Fondation a des discussions avec l'Etat sur des projets conjoints. Elle ne prend pas toujours position en faveur de dispositifs que l'Etat veut mettre en oeuvre.

La Fondation de France n'est pas soumise à l'impôt et n'a pas de droits de mutation à verser. Elle n'est pas non plus soumise à la TVA. Mais elle paie des taxes sur les salaires et a les mêmes charges que les entreprises. 80 personnes travaillent à la Fondation, dont 70 à plein temps.

En matière de legs, en France, on ne peut recevoir que dans la quotité disponible. Pour les donateurs, sont déductibles de l'impôt 40% du don dans la limite de 5 % du revenu imposable. Les gens demandent que l'on passe de 40 à 60%.

Pour les entreprises, la déduction autorisées correspondent aux 3% du chiffre d'affaires. Pour les associations non reconnues d'utilités publiques, c'est 40% dans la limite de 1,25%.

Aujourd'hui, en matière de générosité, en France, les dons privés ont passé de 7 à 11 milliards entre 1990 et 1993. On peut donc dire que la générosité se développe. Mais quand on fait un partage entre l'Etat et le privé, chacun doit assumer une partie des responsabilités.

M. Charhon précise qu'en France le Conseil d'Etat n'accepte pas des fondations créées par le politique ou l'administration. Lorsqu'il y a plus de 30% de financement public, l'autorisation est refusée. C'est une jurisprudence qui est respectée.

On a poussé les gens à faire des fondations. Mais le contrôle doit être extrêmement clair. Si on devait faire quelque chose de public avec le privé, ce serait totalement insupportable, car l'Etat considérerait qu'il a un droit régalien sur tout.

La culture à la Fondation de France est une vieille tradition qui a commencé avec le soutien au patrimoine. Puis des expositions, puis il y a eu l'époque J. Lang qui a distribué beaucoup de subventions.

La Fondation de France a pratiquement abandonné tous les soutiens à des expositions. C'est un choix. Certains diront que c'est une mauvaise idée. Mais il est difficile d'avoir une position molle.

La Fondation de France ne fait pas beaucoup de promotion. Pour la culture, elle dépense 3 Mio par an.

La Fondation, lorsqu'elle n'est pas intéressée par un legs, peut mettre le donateur en relation avec des gens qui pourraient être intéressés. Si le donateur est connu avant son décès, la Fondation peut étudier avec lui les conditions de sa donation.

M. Charhon souligne que certains mots utilisés dans le projet PL 7049 ne coulent pas de source: projet unique, ciblé et ponctuel... Il y a toujours des frais de gestion.

M. Charhon considère qu'il appartient à l'Etat d'affirmer l'existence d'une telle Fondation.

La création de la Fondation de France correspondait à une véritable volonté de l'Etat qui a forcé un certain nombre d'entreprises publiques où il était majoritaire à contribuer au capital de la Fondation. Mais il y a eu d'abord un volonté des pouvoirs publics de créer la Fondation en faveur de l'intérêt général.

Selon les formules lapidaires qu'utilise avec talent M. Francis Charhon:

- la Fondation de France est une pépinière de fondations

- elle gère des activités propres et lance des appels aux dons public

- elle accueille tous les dons et legs (du plus petits au plus grand) s'il n'est pas grevé de charges insupportables

- elle accompagne les gens dans leurs dernières volontés

- c'est une maison de services qui aide ceux qui veulent aider, ce qui a l'air d'aller de soi mais ne coule pas de source

- l'Etat doit baisser pavillon sur un certain nombre de prétentions

- l'Etat doit moins faire et mieux faire faire

- sa vocation est l'intérêt général et non pas un système d'évasion fiscale

- elle contribue à gérer les contradictions public, privé de manière très claire

- tout est rendu possible, mais tout reste affaire de marketing; l'incitation fiscale est un moyen majeur de rassembler des fonds

- le mécène en art et en culture est le ciment qui permet aux arts et à la science de se développer avec des contraintes consenties.

DÉBATS ET CHOIX DE LA COMMISSION

La Commission vous propose de la suivre dans les options qu'elle a choisies, parce que le PL 7049 nouvelle version institue une loi-cadre qui n'enferme pas, mais permet des développements nouveaux, ne menace pas, mais prévoit des relations de partenariat avec les acteurs culturels.

Certains aspects et caractères généraux de la culture sont clairement énoncés. Cependant, la Commission n'a pas voulu définir la culture.

La philosophie de collaboration institue des contrats avec les organismes et les artistes, et se borne à donner des directions à l'action culturelle.

Les commissaires ont voulu l'ouverture, plutôt que le risque d'enfermement qui fige au lieu de favoriser le mouvement, l'évolution, donc l'action.

Les aides financières qui seront servies ne font pas l'objet de ce projet de loi-cadre, ce qui permet une souplesse certaine dans leur attribution.

L'évaluation des activités culturelles soutenues par le canton garantit une approche évolutive de la culture, donc l'adéquation la meilleure possible entre les besoins, les attentes et les pratiques culturelles, la transmission et la création.

La Commission a décidé d'introduire la notion d'accès à la culture dans le titre du PL 7049 parce qu'elle entend aller plus loin que le seul encouragement à la culture. Elle mise sur la démocratisation de la culture non pas en termes de coûts, mais d'éveil et d'éducation.

En proposant -après avoir été convaincue par les arguments de M.O.Vodoz et les propos de M. F. Charhon- la création de la Fondation de Genève pour les arts, la culture et la science, la Commission entend, par l'incitation fiscale, donner des moyens nouveaux aux acteurs culturels, qui sortent de la gestion ordinaire et des subventions courantes de l'Etat et de la Ville.

C'est ainsi que pourra se créer une large mobilisation pour des projets nouveaux, ciblés et importants.

La Fondation prendra en compte le domaine de la science, car cet aspect de la culture représente des enjeux majeurs.

Le principe de subsidiarité est affirmé en priorité. Il marque le rôle essentiel des collectivités publiques, en particulier celui des communes et de la ville de Genève.

Ce principe doit être compris positivement, dans le sens de la complémentarité entre les actions et les projets des collectivités publiques. Il ne doit pas être l'argument pour constituer des territoires, des chasses gardées, car la subsidiarité préconise la cohabitation, la cohérence, et refuse donc l'exclusion.

Les débats de la Commission ont conduit à des choix qui sont marqués par la volonté de consensus et de service à la politique culturelle de Genève. Cette volonté est une évidence parce que la décantation du texte marque le terme d'une longue réflexion, et signifie le principe d'ouverture que les commissaires ont observé durant leurs travaux.

En résumé, le PL 7049 rassemble, définit le rôle du canton dans la politique culturelle genevoise et, dans l'Esprit de Genève, favorise la création, l'éveil, la transmission et la diffusion en matière de culture.

CONCLUSION

Mesdames et Messieurs les députés, les auditions riches et animées et les débats internes de la Commission l'ont conduite à vous proposer de soutenir avec enthousiasme le PL 7049 sous la forme qui est la sienne dans le présent rapport.

Le projet de loi-cadre PL 7049 (version du 07.05.96):

- détermine parfaitement la place de la culture dans le rôle que joue le canton par rapport aux communes et à la Confédération

- établit clairement des relations de partenariat entre les interlocuteurs culturels

- n'énumère pas les tâches du canton, mais mentionne clairement qu'il peut soutenir la culture de diverses manières, par exemple par des services

- prévoit l'évaluation périodique des contrats conclus avec les partenaires de la culture et celle de sa propre efficacité

- insiste sur la notion des valeurs qui fondent une communauté, parce celles-ci sont à la fois l'héritage du passé et le champ d'expérimentation du futur

- reconnait que la culture est une composante essentielle du développement non seulement régional et international, rappelant ainsi que «l'Esprit de Genève» recouvre une réalité sans bornes géographiques et correspond à des valeurs aussi bien spirituelles que culturelles.

Enfin, le PL 7049 entend fixer l'accès et l'encouragement à la culture non seulement par rapport au principe de subsidiarité largement pratiqué dans notre pays, mais aussi dans la perspective de l'éveil et de la création qui, comme dans un laboratoire, conduisent à la découverte, donc permettent d'avancer et de développer. Il y a une dialectique permanente entre création, conservation du patrimoine et projection dans l'avenir.

Une chose est certaine: le PL 7049 veut que le droit de chacun à la culture entre dans les faits et c'est dans ce sens que les membres de la Commission de l'enseignement et de l'éducation vous le proposent.

Les auditions l'ont montré: si le thème de la culture n'est pas conflictuel sur le plan politique, son financement reste problématique. Un des moyens d'encourager le mécénat est de prévoir des incitations fiscales pour motiver les donateurs et de créer une fondation qui gérerait les dons et legs, quel qu'en soit le montant et à condition qu'ils ne soient pas grevés de charges.

Dans cet esprit, la Commission unanime propose de voter avec la même conviction le PL 7049 et vous invite, à une très large majorité de ses membres, à renvoyer au Conseil d'Etat la motion qui figure ci-dessous et vise à la création de la Fondation de Genève pour les arts, la culture et la science.

(M 1061)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Aujourd'hui, comme hier, les arts, la culture et la science jouent des rôles essentiels. Ils sont quête et expressions de sens possibles à la vie pour les individus, les groupes, les communautés et la cité. Ils sont moyens d'intégration comme de distinction. Ils reflètent un état donné de la société comme ils expérimentent de nouvelles manières d'être, de faire, de savoir et d'exprimer. Plus prosaïquement, les arts, la culture et la science représentent un secteur économique non négligeable. Avec la mise en valeur de notre patrimoine, ils façonnent le génie du lieu, l'Esprit de Genève, et ils participent à l'attrait touristique de notre région. De subtils liens se sont toujours noués entre le politique, l'économique, le social, le culturel, le scientifique.

Ainsi, depuis plusieurs années, la culture est en débat devant le parlement genevois au gré de motions, de projets de lois et de l'examen des budgets successifs. Sur le terrain, de multiples projets éclosent: la vie culturelle reste toujours aussi dense à Genève. Des perspectives mobilisatrices s'ouvrent qu'attiédissent, malheureusement, les difficultés budgétaires des collectivités publiques. Des arbitrages et des initiatives nouvelles s'imposent.

La Commission de l'enseignement et de l'éducation propose une loi cadre sur les rôles et les initiatives de l'Etat dans le domaine de l'accès et de l'encouragement à la culture. Si une loi cadre légitime un champ d'activités et des missions pour les pouvoirs publics, c'est la volonté politique qui confère de la puissance, de l'intérêt et de la consistance aux dispositions légales. Cette détermination existe de la part du Conseil d'Etat et des députés.

En effet, l'intérêt d'adopter un cadre législatif ne peut être que renforcé par la mise en place simultanée de dispositifs tangibles qui en réalisent les objectifs. Il convenait dès lors de laisser se nouer les termes d'une dialectique finances publiques/développement d'une politique culturelle pour trouver des perspectives novatrices.

Avant de commenter par le détail notre proposition, nous voulons préciser les repères de base qui ont guidé l'élaboration de notre projet de motion.

· Le dégagement des ressources nécessaires pour le soutien aux arts, à la culture et à la science ne peut se solder par un simple transfert de charges au sein du budget de l'Etat, ni créer de nouvelles disparités à l'égard d'autres domaines (le social ou l'humanitaire, par exemple).

· Il s'agit de trouver des ressources nouvelles pour de nouvelles missions culturelles en sachant que la multiplicité de points d'appuis vient consolider l'équilibre du champ artistique, culturel et scientifique.

· Il s'agit également de penser à des solutions ouvertes, qui créent des synergies entre le public et le privé, et mobilisent la collectivité autour de projets d'envergure sur des scènes inédites.

· Enfin, notre projet doit s'inscrire dans le cadre de futures réformes fiscales fédérales qui, si l'on se réfère aux consultations actuelles, prévoient des taux de déductions fiscales allant jusqu'à 10%.

Nous avons choisi de proposer une motion plutôt qu'un projet de loi, parce que le Conseil d'Etat est mieux à même d'évaluer les implications complexes dans d'autres domaines, celui de la fiscalité par exemple. Il devra, par ailleurs, constituer le capital de base de 10 000 F et solliciter les contributeurs initiaux.

Nous avons délibérément opté pour la formule d'une fondation de droit public qui offre le plus de sûreté de par sa permanence et les systèmes de contrôles habituels. D'autre part, cette fondation est indépendante de l'Etat et peut être une bonne interface public/privé, commune/Etat, région/Confédération.

Notre première proposition s'intéresse aux ressources qui pourraient provenir de plusieurs origines:

· En priorité, les contributions les plus modestes, les prestations bénévoles des personnes physiques ou morales, déductibles des impôts dans des limites que nous avons étendues. Ensuite, les apports du mécénat et du sponsoring non obligataires.

· Les dons et legs, sans affectations, non grevés d'obligations ou de droits.

· Des contributions extraordinaires et volontaires des collectivités publiques, ou d'autres organismes d'intérêt public, sans autres destinations que celles fixées par la Fondation.

Dans notre seconde proposition, nous nous sommes attachés à utiliser des termes qui spécifient bien la nature des projets qui, à notre sens, pourraient être soutenus. Ainsi «uniques» et «ciblés» se réfèrent au fait qu'il s'agit d'objets précis, définis et non répétitifs.

«Subsidiaires» exclut tous les projets qui pourraient être normalement pris en charge, en tout ou partie, par les moyens ordinaires de financement des pouvoirs publics, c'est-à-dire les subventions régulières ou ponctuelles.

Il ne s'agit pas d'agir en transférant des charges, ni de se substituer aux mécanismes mis en place par des pouvoirs publics pour soutenir la culture et la science. «Subsidiaires» est relatif aussi bien au privé, au communal, au cantonal, voire au régional et au national. «Ponctuels» limite dans le temps. D'"envergure" implique de ne retenir que les projets essentiels au développement des arts, de la culture et de la science pour notre région.

Notre troisième proposition, pour assurer une gestion souple, efficace et dynamique, prévoit que le Conseil de fondation sera formé, dans sa majorité, de personnalités issues de milieux privés.

Notre quatrième proposition désigne un Comité d'attribution dont la composition permet d'accueillir un maximum de représentants des milieux artistiques, culturels et scientifiques et vise à garantir un dynamisme certain à cette structure. Il est nécessaire de prévoir une limite à la durée des mandats. Le président du Conseil de fondation assurerait le relais entre le Conseil et le Comité d'attribution.

Nos trois dernières propositions indiquent comment les projets seraient transmis, sélectionnés et soutenus. La liste des donateurs pourrait être publiée annuellement en même temps que le rapport d'activité. Il serait judicieux d'organiser, chaque année, une journée de la Fondation de Genève pour les arts, la culture et la science.

Afin de concrétiser ce projet, les membres de la commission de l'enseignement et de l'éducation vous recommandent, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat.

ANNEXE 1

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ANNEXE 6

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Premier débat

Mme Claude Howald (L), rapporteuse. Je vous prie d'excuser les quelques coquilles qui se sont glissées dans mon rapport.

A la page 1, motion 1061, dans la liste des signataires, le nom de Mme Mireille Gossauer-Zurcher est orthographié «Gassauer», et celui de M. Henri Gougler, «Gangler». J'espère qu'ils ne m'en voudront pas trop...

A la page 36, il y a lieu de corriger la citation de Jack Lang, faite par M. Olivier Vodoz lors de son audition. Elle doit être lue : «ni ingérence, ni indifférence».

Ces corrections de forme étant faites, je tiens à mettre en évidence les aspects majeurs du projet de loi 7049 et de la motion 1061, tels qu'ils apparaissent en tête et en fin de mon rapport.

Le projet de loi 7049 met l'accent sur l'accès et l'encouragement à la culture. Il met aussi en jeu la démocratisation, la demande culturelle d'un côté et l'offre culturelle de l'autre. A cet égard, permettez-moi de citer l'éditorial du «Journal de l'enseignement primaire» du mois de juin 1996, signé par la présidente du département : «L'univers culturel constitue un monde dans lequel chacun doit pouvoir entrer à sa façon, par goût, sans préjugé, sans fausse honte, muni de sa propre clé. C'est là que l'école intervient. Des activités d'éveil aux solides références culturelles, en passant par l'élaboration d'une véritable démarche pédagogique dans l'approche des institutions et des événements culturels, le champ d'action est large. C'est donc une addition d'efforts et de contributions au sein du département de l'instruction publique et des établissements scolaires, qui permet de mener une véritable politique d'accès à la culture, telle que définie par la nouvelle loi sur la culture.» C'est cette décision politique que je vous propose de prendre ce soir.

En outre, le projet de loi relève certaines fonctions de la culture, telles que la transmission, le renouvellement du patrimoine, l'expérimentation de l'avenir, le rayonnement. Il précise également que le canton favorise le développement de la culture et que son engagement se conçoit en rapport avec d'autres instances, soit par subsidiarité soit par complémentarité.

Il souligne la volonté d'établir des relations de partenariat avec les interlocuteurs culturels par la pratique des contrats. Enfin, il prévoit l'évaluation périodique de son application.

Le projet de loi 7049 se limite donc à l'essentiel et constitue une loi-cadre, grâce à laquelle l'accès et l'encouragement à la culture sont garantis.

Comme vous avez pu le constater à la lecture du rapport, la commission de l'enseignement et de l'éducation, consciente de la nécessité de réunir des moyens supplémentaires pour réaliser certains projets culturels en faisant appel au mécénat et au sponsoring, vous propose la motion 1061 sur la Fondation de Genève pour les arts, la culture et la science. En agissant selon le principe de subsidiarité, cette fondation de droit public aura pour mission principale de mettre à disposition des milieux culturels les fonds qu'elle aura reçus pour permettre la réalisation de projets majeurs et ciblés.

Mesdames et Messieurs les députés, la commission de l'enseignement a travaillé de manière approfondie et sereine. Elle a procédé à de nombreuses auditions et trouvé une heureuse conclusion après le long chemin suivi par le projet de loi 7049 sur l'accès et l'encouragement à la culture avant qu'il n'arrive sur vos pupitres. Elle a assorti ce projet de loi de la motion 1061 proposant la mise sur pied d'une Fondation de Genève pour les arts, la culture et la science.

A l'unanimité de ses membres pour le projet de loi 7049 et à leur majorité, avec une abstention écologiste, pour la motion 1061, la commission de l'éducation et de l'enseignement vous propose d'accepter avec enthousiasme les deux actes législatifs qui vous sont soumis ce soir.

M. Pierre-François Unger (PDC). Personne n'oserait affirmer que la culture est un luxe dans le monde mouvant que nous connaissons, à l'heure des fantastiques progrès technologiques et de la mondialisation qui rendent si nécessaire la reconnaissance des identités culturelles des diverses communautés.

Voilà des années que l'inscription du fait culturel dans la législation est discutée par la quasi-totalité des groupes de ce Grand Conseil. Dominique Föllmi aura eu le mérite de lancer un projet ayant servi de base à l'élaboration de celui qui nous est soumis aujourd'hui. L'existence même de ce projet de loi confirme le rôle de la culture comme fondement d'une société dans ses racines, comme instrument de sa mouvance, comme acteur de son avenir et comme preuve de son ouverture.

Ce projet de loi cible les rôles spécifiques du canton dans le domaine culturel, qu'il s'agisse de l'accès à la culture, de la formation aux métiers de la culture trop souvent oubliés, du soutien subsidiaire aux manifestations et aux institutions culturelles, du développement de la création et de la production, ainsi que de la promotion des échanges culturels tant régionaux qu'internationaux.

Vous aurez constaté que ce projet de loi est, en réalité, une loi-cadre. C'est une force dans la mesure où une loi-cadre est souple par définition, mais c'est aussi - et il ne faut pas se le cacher - une faiblesse dans la mesure où sa valeur ne dépendra que de ce que l'on voudra bien en faire.

C'est pour cette raison que la commission stimulée, il faut le dire, par l'enthousiasme de M. Vodoz que nous avons auditionné, a décidé de vous présenter conjointement une motion destinée à créer une Fondation pour les arts, la culture et la science. Cette fondation aura pour but de récolter argent, biens ou services. Pour ce faire, elle déploiera une stratégie basée sur trois axes de réflexion : encourager les dons, même les plus modestes, par des incitations fiscales et les encourager inconditionnellement, c'est-à-dire sans qu'ils puissent être préalablement affectés.

La commission a longuement réfléchi sur cette fondation et, en particulier, sur les domaines qu'elle devait englober. Le groupe démocrate-chrétien est particulièrement heureux d'avoir pu convaincre la commission de la nécessité de lier, dans cette fondation, culture et science. En effet, si ce XXe siècle aura été, sans nul doute, celui des progrès, voire des révolutions technologiques, de la biologie, de l'informatique et, à ce titre, une réussite, il aura aussi été celui dans lequel les hommes n'auront réussi ni la paix, ni l'équité, ni le rapprochement du Nord et du Sud.

C'est à ce titre que nous avons symboliquement tenu à lier science et culture, afin que le XXIe siècle soit celui de la convergence des grands modes d'expression : science et culture, tendus vers un idéal qui donne à chacun dans le monde, sa place, son autonomie et sa liberté.

M. Armand Lombard (L). Nous saluons avec intérêt et satisfaction ce projet de loi et la motion. Ils constituent une remarquable base de travail pour ceux qui sont concernés par la culture. Le rapport complet et fouillé fait référence et exprime l'excellent consensus trouvé.

Je regrette que mon collègue d'en face, chef des «ineptitudes», ne parvienne pas à constater, maintenant, que les alternatives ne sont pas toujours de rigueur, et que l'on peut, consensuellement et intelligemment, aboutir à des résultats positifs. Celui-ci en est un.

Je voudrais insister sur le fait révélé par ce projet de loi. Beaucoup pensent que la culture se vit pour elle-même et que n'étant pas affaire d'Etat un projet de loi ne présente guère d'utilité. Cela est un peu vrai, mais incomplet. Et il est remarquable qu'il ait pu concrétiser l'idée d'un partenariat responsable réunissant tous les acteurs de la Cité, c'est-à-dire l'Etat, l'économie et la société civile.

L'Etat emploie plusieurs fonctionnaires aux archives, au fonds de décoration et surtout dans les écoles qui sont à la base de l'enseignement de la culture. A ce titre, l'Etat est un partenaire culturel puissant, qui investit d'importants moyens financiers.

Par conséquent, l'un des principaux apports de ce projet de loi est de stipuler que les trois partenaires précités doivent être associés.

La loi cadre aussi les fonctionnements de la société, par exemple ceux de la société économique. Elle peut également cadrer ceux qui relèvent de la société culturelle, et je m'en réjouis.

Pour terminer, je dirai que chacun doit lire ce projet entre les lignes pour y trouver ce qu'il souhaite. Ce projet de loi est un projet-cadre, dont on espère qu'il débouchera sur les nombreuses pistes à explorer, dans un partenariat actif et dynamique.

Je pense à un concept culturel régional, concept sur lequel nous n'avons pas encore suffisamment «planché». Vous connaissez la difficulté de l'Europe à en trouver un. Il serait bien que la Romandie ou Genève le lui propose. Il engloberait la connaissance des responsabilités de toutes les entités qui partagent ce partenariat : les communes, les associations, les entreprises qui, elles, se trouvent souvent en retrait dans la propagation de la culture. La rencontre de ces communautés, la définition et la promotion du civisme, de l'histoire civique, de l'histoire du partage : toutes ces tâches reviennent au département de l'instruction publique. La reconnaissance et la collaboration des familles, tout cela se lit entre les lignes du projet de loi.

Il sera utile de profiter de ce rassemblement et de la loi pour connaître l'effort financier global fait, en matière de culture, dans la République. Il faut organiser des assises régionales, des tables rondes, et tisser des réseaux culturels, pour faciliter les échanges entre les entités en vue et concrétiser des projets importants.

C'est donc de tout coeur que nous acceptons ce projet de loi et la motion qui lui est liée.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Nous reconnaissons que cette loi est le minimum légal dont un canton doit se doter pour soutenir, encourager et développer la culture. Elle concrétise fidèlement ce que fait notre canton en matière culturelle depuis des décennies.

Ce projet de loi a su conserver le caractère subsidiaire de l'intervention cantonale et se garder de définir la culture, afin de garantir la libre expression de toutes ses formes. Cela nous satisfait pleinement.

En revanche, nous regrettons que certaines tâches n'aient pas été mieux définies dans leur attribution au canton et aux communes, afin d'éviter les doubles procédures.

Enfin, s'il y a une réelle volonté de soutenir la culture à Genève, comme tout le monde le clame haut et fort, je ne comprends pas pourquoi l'amendement que j'avais proposé en commission n'a pas passé. D'ailleurs, je ne l'ai pas retrouvé dans le rapport.

L'article 5, alinéa 1, stipule que : «Le canton peut apporter son soutien sous forme d'aides financières, etc.», ce qui veut dire qu'il peut, aussi, ne pas l'apporter. Je proposerai donc un amendement, en deuxième débat, précisant que :

«Le canton apporte son soutien...»

En ce qui concerne la motion, contrairement à ce que Mme Howald a déclaré, nous ne nous sommes pas abstenus : nous avons refusé de la signer, car, si elle est intéressante sur le fond, elle ne l'est pas sur la forme, pour les raisons suivantes :

1. On crée une nouvelle fondation, alors qu'il en existe déjà beaucoup en matière culturelle. Les dons seront ainsi dispersés.

2. On la dote d'une lourde structure administrative qui engendrera des frais de fonctionnement important, d'où une perte directe pour l'aide aux artistes.

3. On propose des dégrèvements fiscaux aux donateurs à cette fondation. Qu'en sera-t-il pour les donateurs aux autres fondations ?

4. L'initiative de cette motion ne provient que de politiciens. Elle aurait dû être élaborée par des privés pour être plus crédible.

5. L'influence du domaine public sur le privé sera peut-être difficile à déterminer, certains choix pouvant être subjectifs, ce qui défavorisera certains milieux. La culture étant, par essence, subjective les donateurs n'auront pas droit à la parole quant à l'attribution de leurs fonds.

En un mot, cette motion présente trop de lourdeurs et d'incertitudes pour que nous l'acceptions en l'état, même si nous défendons l'idée d'allégements fiscaux pour encourager des dons à la culture.

M. Jacques Boesch (AdG). Je soulignerai les quatre idées fortes qui sous-tendent ces projets.

A l'heure actuelle, tout le monde s'accorde pour affirmer le rôle essentiel de la culture et des arts dans notre société. Ils constituent et renforcent l'identité des individus, des groupes et des collectivités, tout en favorisant les processus de distinction.

La nécessité de définir des rôles possibles à l'action des collectivités publiques, dans les domaines de la culture et des arts, s'impose progressivement. Cela passe naturellement par la clarification de la mission de l'Etat. Donner un cadre législatif pour assurer une pérennité au développement d'une politique artistique et culturelle des collectivités est un impératif évident. Genève est le seul canton romand à ne pas avoir de dispositif législatif en la matière.

Si nous voulons assurer de nouvelles missions, nous devons trouver de nouvelles ressources, sinon nous en resterons au stade des intentions, et nous ne serons pas crédibles.

Mais, auparavant, il nous faut revenir sur ces cinq années de travaux parlementaires. A l'origine, si on veut bien en retenir une en la matière, il y a un projet de loi, déposé par Erica Deuber-Pauli, Jean Spielmann et moi-même, en septembre 1990. Il proposait d'instituer un office cantonal de la culture, dont les buts étaient les suivants : étendre et coordonner le développement de la culture; la constitution d'une commission et d'un forum cantonaux de la culture; la mise sur pied d'un programme d'impulsion culturelle.

Si les intentions généreuses de ce projet initial ne se retrouvent que très partiellement dans les textes d'aujourd'hui, il n'en demeure pas moins qu'elles ont inspiré de multiples initiatives.

Il faudrait revenir, naturellement, sur tous les projets, tous les rapports, qui ont été déposés sur la création d'un certain nombre d'institutions, telle que Corodis, sur la concertation, le renforcement et la coordination des relations entre la Ville de Genève et l'Etat en matière culturelle, avec l'Office du tourisme, et les liens tissés progressivement avec la région transfrontalière.

Il faudrait relever les divers rapports, dont ceux du Conseil d'Etat au Grand Conseil concernant la mission de l'Etat en matière culturelle.

Il faudrait souligner le travail remarquable exécuté par le service des activités culturelles du DIP, depuis des années. Il concrétise parfaitement une politique active, volontaire et pertinente en matière de soutien au développement culturel de Genève.

De même, il faudrait souligner la stabilité des budgets de l'Etat alloués à la culture, demeurés constants depuis 1991. Ils ont progressivement permis à notre canton d'affirmer son rôle.

Ces multiples initiatives ont préparé le terrain à ce qui émerge aujourd'hui. La tendance fondamentale, que nous voyons se dessiner au sein du parlement, répond aux voeux du peuple genevois. En 1994, il indiquait clairement sa volonté de légiférer dans le domaine qui nous intéresse ici, puisque l'article constitutionnel fédéral sur la culture recueillait plus de 76% de suffrages positifs.

Je retiendrai le caractère délibéré de loi-cadre de votre projet. Je crois intéressant de ne pas donner une définition générale de la culture.

Tout le monde étant d'accord avec ce projet, je n'en dirai pas plus, mais je me félicite du consensus qui s'est progressivement dégagé au cours des longs travaux et des nombreuses auditions de notre commission.

En tant que président de la commission, je voudrais remercier toutes les personnes auditionnées, le rapporteur, MM. Ballenegger et Ramuz, le service des affaires culturelles et Mme Brunschwig Graf qui a suivi attentivement nos travaux. Enfin, je relèverai la qualité des débats qui ont présidé à nos activités.

M. Bernard Lescaze (R). Je m'empresse de déclarer que le groupe radical votera avec plaisir ce projet de loi adopté à l'unanimité par la commission de l'enseignement, même si, après tous ces beaux discours, il nous rappelle ce slogan de mai 68 : «La culture c'est comme la confiture, moins on en a, plus on l'étale !».

M. Claude Blanc. Il fallait que tu la sortes, celle-là !

M. Bernard Lescaze. L'Etat n'a pas beaucoup de culture... (Brouhaha. Exclamations.) ...ah, oui, il y a l'agriculture, ça vous connaît, Monsieur Blanc !

Je vous ai vu bâiller pendant le discours de M. Boesch ! L'apport culturel de l'Etat se monte à 1,2% de son budget, ce qui représente tout de même une somme respectable de 60 millions. La commune de Genève - un peu trop oubliée ces temps dans cette enceinte - consacre 22% de son budget, soit 160 millions, à la culture. Ce pourcentage, l'équivalent des grandes villes françaises, à l'exception de Paris, n'est atteint par aucune commune. Nous souhaitons que celles qui font un effort remarquable en matière culturelle, Meyrin ou Carouge, par exemple, atteignent cette proportion.

Il est question d'une loi-cadre, or le cadre est vide. Mais nous espérons qu'il sera rapidement rempli ! Ce projet doit rester en effet une première étape : aucun soutien ne se manifeste en faveur des grandes institutions culturelles qui font la réputation de ce canton. Ce n'est certes pas son but, mais il faut distinguer au moins trois volets en matière culturelle.

Relevons premièrement la conservation patrimoniale, c'est le rôle des musées et également du Grand Théâtre. Un opéra ne vit que s'il est joué. Or, au cours des trois derniers siècles, des milliers d'opéras ont été composés, mais le répertoire n'en conserve qu'une ou deux centaines au maximum.

Par ailleurs, ce projet de loi oublie en partie le volet très important de la consommation culturelle, devenue une industrie et englobant le cinéma également. On pourrait envisager des aides au cinéma pour certaines catégories de la population, par exemple.

Le troisième volet, bien représenté dans ce projet, est celui de la création, de l'avenir porteur de manifestations. De ce point de vue, ce projet de loi est tout à fait satisfaisant. En conséquence, nous regrettons les lacunes, et souhaitons qu'ultérieurement la vie culturelle du canton - l'effort cantonal est subsidiaire - se réalisera dans les étapes suivantes.

Le groupe radical se félicite de la motion et l'approuve. L'idée n'est cependant pas entièrement nouvelle, les radicaux l'avaient défendue, voilà cinq ou six ans, au Conseil municipal de la Ville. A cette époque, M. René Emmenegger était conseiller administratif, mais il n'était pas favorable à ce projet.

Il s'agissait, d'une part, d'une fondation destinée à l'encouragement des arts et de la science, comme vous le proposez. L'autre fondation, d'autre part, aurait permis aux institutions culturelles de recevoir l'argent de sponsors ou de mécènes et de l'utiliser directement ainsi que les recettes. Le modèle de gestion prévu ne permet pas à une institution qui réalise de grosses recettes de pouvoir les utiliser directement. Elles retombent dans la caisse commune où beaucoup de gens se servent au passage.

Je suis heureux des propos de M. Unger; ils me mettent un peu de baume au coeur. Un bon pas a été fait, mais il faudra envisager à nouveau la création de cette fondation qui permettrait une gestion individuelle, selon le nouveau management public. C'est un nouveau défi que quelques modifications législatives permettraient de relever.

En conclusion, ces deux projets sont malgré tout à saluer avec confiance, ils deviendront ce que le Conseil d'Etat en fera.

Mme Liliane Charrière Urben (S). Ce projet de loi est effectivement une loi-cadre. Un cadre se remplit, Monsieur Lescaze, on ne va pas le laisser vide !

Je souhaite souligner la qualité des débats et l'intérêt qu'ils ont suscité : on ne constate aucun clivage gauche-droite, et tout le monde en est très heureux. J'aimerais remercier Mme Howald pour son rapport qui n'était pas facile à faire et M. Boesch pour la façon dont il a mené nos débats. Les différentes auditions nous ont beaucoup appris sur la culture à Genève, destinée aux enfants dès le plus jeune âge, grâce à diverses manifestations organisées par l'école. Les appuis reçus du DIP ont également contribué à la qualité des débats; ils nous ont montré les différents visages de la culture. Nous avons évité le piège qui consisterait à décrire la culture; nous nous serions embourbés. Cependant, Mme Howald a fort bien décrit nos intentions aux pages 6 et suivantes.

Nous nous félicitons tous de ce projet-cadre qui n'est qu'un point de départ. Même s'il dit des choses qui «vont sans dire», il vaut mieux les dire ! Nous attendons tous, Monsieur Lescaze, que vous déposiez motions, projets de lois, questions et interpellations à propos de culture ! Je suis d'accord avec vous pour le cinéma et d'autres domaines. Ce projet démontre que la culture est accessible à tous, qu'elle n'est pas un fait de classe. Elle est destinée aussi bien aux apprentis qu'aux personnes âgées, aux amateurs d'opéra qu'à ceux de rock.

La culture, ce n'est pas la cerise sur le gâteau ou la confiture qu'on étale. Dans certains cas, c'est le sel de la vie. Semprun, dans son dernier ouvrage «L'écriture ou la vie», explique que dans les conditions terribles des camps de concentration et l'état de délabrement épouvantable des corps qui n'étaient que plaies vives, la culture était le seul moyen de survivre. Certains récitaient des poèmes et des professeurs donnaient leurs cours dans un univers d'épouvante totale.

La période de morosité ne doit pas mettre la culture à l'écart. La culture, sel de la vie, prend des aspects différents : le folklore, l'opéra, la musique sérielle, la poésie ou la viole de gambe.

Le groupe socialiste se réjouit de ce projet de loi. Quant à la «subsidiarité» et à l'action de la Ville, j'aimerais dire à M. Lescaze et à d'autres que le représentant de la Ville nous a présenté un programme très important. Il est content de son sort et a toute liberté d'action. Nous avons perçu un certain nombre de subtilités dans sa déclaration concernant la «subsidiarité»; mais nous laissons le soin à ceux qui sont en charge dans ces domaines d'en discuter et de les régler. Le projet de loi sur la culture ne coûtera pas grand-chose, cela explique peut-être son succès. Je m'en réjouis et j'espère que nous pourrons discuter d'une multitude de propositions, lors des prochaines séances.

M. Jean-François Courvoisier (S). Je ne pensais pas soutenir ce projet, il me semblait trop vague et insuffisamment contraignant. Aujourd'hui, je pense le contraire. Dans une période de récession, il est particulièrement nécessaire qu'une loi défende la promotion culturelle dans notre canton.

Rien n'est plus difficile à définir que la culture. Chacun peut en donner sa propre définition. Pour moi, c'est un ensemble de connaissances permettant de développer notre personnalité, notre goût et notre sens critique. La nécessité de la culture est très bien exposée en page 6 de ce projet : la culture fournit des repères aux individus qui peuvent, grâce à elle, se situer et s'orienter dans leur désir d'apprendre ou de se divertir.

La culture est aussi la mémoire d'une communauté. Nos amis neuchâtelois l'ont très bien compris : 66% d'entre eux ont voté un crédit de 27 millions pour la construction d'un musée archéologique et universitaire. Dans le dernier constat exposé en page 6, il est écrit que la culture est devenue une composante du développement. Nous devons être particulièrement attentifs à ce constat.

Malheureusement, le commerce s'est emparé de l'art et de la culture. Par des magazines soi-disant culturels et la télévision, il a réussi à convaincre le public que seules quelques vedettes aux cachets astronomiques méritent d'être entendues. Le sponsoring publicitaire qui soutient avant tout le prestige, ne peut soutenir une culture de développement.

En dehors du Grand Théâtre, de l'Orchestre de la Suisse romande, de la Comédie ou du Théâtre de Carouge, il est nécessaire de pouvoir aider des associations d'amateurs, qui ont parfois besoin d'un petit coup de pouce financier pour se produire en public, et témoigner ainsi de leur amour pour un art qu'il pratique toute l'année en raison d'une à deux répétitions par semaine. Je pense aux troupes de théâtre, aux excellents choeurs folkloriques ou classiques de notre canton.

Je citerai aussi l'Orchestre symphonique genevois qui, grâce à un travail assidu dirigé par un chef plein de talent, Hervé Klopfenstein, réussit à donner des concerts de très haut niveau. Autrefois soutenu par la coopérative qui lui a retiré récemment son soutien, il voit son avenir compromis malgré les excellents concerts donnés cette saison. Même en jouant gratuitement, la location d'une salle et la publicité pour un concert restent très onéreuses. Pour un spectacle de théâtre, il faut encore ajouter les frais de décors et d'éclairage.

Pour toutes ces raisons, nous vous recommandons de soutenir le projet de loi 7049 et la motion 1061. Malgré leur imperfection, ils ont au moins le mérite d'exister. Une loi peut toujours être améliorée avec l'expérience.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je l'avais dit en commission - ce n'était un secret pour personne : j'étais réticente à l'élaboration d'une loi sur la culture.

Les membres de cette commission ont eu le mérite d'accepter que la loi, dont ils étaient saisis, soit fortement remaniée au cours de leurs travaux, et au gré des décisions qu'ils ont prises ensemble dans le but d'en faire une loi-cadre, afin que le canton pratique une véritable politique culturelle, et qu'une loi ne détermine pas la marche à suivre en la matière. Car la loi seule ne peut pas servir de base à la culture. D'ailleurs, la politique culturelle ne peut être cohérente que lorsque les différents groupes de ce parlement s'accordent sur ce sujet au plan cantonal.

Le principal mérite de cette loi est d'avoir provoqué un débat permettant d'y voir plus clair sur les moyens d'organiser des actions culturelles et de valider celles qui avaient été entreprises. Tout comme les intervenants, je remercie le président, le rapporteur et les membres de la commission, de l'important travail accompli pour trouver les meilleures solutions possibles à la création de cette loi.

Je souligne l'intérêt de cette motion à l'élaboration de laquelle, comme l'ont rappelé les députés, M. Vodoz a participé. Elle doit nous indiquer comment réaliser les voeux des députés, et mérite toute l'imagination et les connaissances que mon collègue lui apporte, afin que nous soyons à la hauteur de vos attentes.

Suite à l'intervention de Mme Leuenberger, je demande fermement à cette commission de ne pas modifier le texte écrit. Madame la députée, je pense que vous en conviendrez, le terme «apporte» au lieu de «peut apporter» signifie que le canton, tout comme la Ville ou les communes, peut choisir les cas où il apporte ou non son soutien. Par conséquent, il serait faux d'inscrire dans la loi que le canton est obligé d'offrir son soutien. Les termes sont explicites. Il s'agit d'une politique potestative liée à d'autres articles de cette loi qui prévoit des évaluations, des choix liés à une politique culturelle basée sur des attentes bien précises et des réponses à des objectifs bien définis.

Je m'adresse à M. Lescaze, momentanémant absent, pour lui dire qu'il a raison de vouloir que la politique culturelle, tout comme l'a souligné Mme Leuenberger, trouve une articulation entre la Ville et l'Etat. Toutefois, cela ne se règle pas en faisant une loi, mais au travers de nombreuses et lentes négociations qui laissent les partenaires libres de prendre leur décision; les solutions trouvées doivent pouvoir être admises par les deux partenaires.

Aujourd'hui, alors que l'on discute des grandes institutions de ce canton, il serait faux que le canton décide de manière arbitraire pour la Ville, avant qu'elle n'ait pu émettre une opinion. Je suis trop respectueuse des rapports entre les communes et le canton pour chercher à faire de cette loi un outil de politique intercommunale ou au service de la Ville de Genève.

C'est la raison pour laquelle je vous suggère d'accepter cette loi, telle qu'elle est proposée par ce parlement, et, donc, de refuser l'amendement proposé.

PL 7049-A

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les article 1 à 4.

Art. 5

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). J'ai bien compris les arguments de Mme Brunschwig Graf. Toutefois, ayant proposé cet amendement en commission, la loi a été légèrement modifiée. La formule : «apporte son soutien» prend la tournure d'une obligation. Le soutien peut être faible et modulé. En revanche, si l'on dit : «peut apporter son soutien», on imagine qu'en période de récession ou de gros problèmes budgétaires le canton peut refuser son soutien. Comme cette éventualité existe, je maintiens mon amendement.

La présidente. Je mets aux voix l'amendement de Mme Leuenberger à l'article 5, alinéa 1, dont la teneur est la suivante :

«Le canton apporte son soutien sous forme d'aides financières ou de services.»

Cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 5 est adopté de même que les articles 6 à 8.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble. (Applaudissements.)

La loi est ainsi conçue :

(PL 7049)

LOI

sur l'accès et l'encouragement à la culture

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

Généralités

1. La culture assure la transmission et le renouvellement du patrimoine de la communauté dans sa diversité.

2. Elle est un laboratoire où s'expérimentent les valeurs, les modes de vie et de pensée.

3. Elle est une composante du développement économique et social, du rayonnement et de l'esprit d'ouverture de Genève.

Art. 2

Principes

1. L'accès, le plus large possible, à la culture est encouragé.

2. La liberté d'expression artistique, culturelle et scientifique est garantie.

3. L'initiative en matière culturelle appartient, en premier lieu, aux particuliers et aux organismes privés et publics qu'il s'agisse d'associations, de groupements, d'entreprises ou de fondations.

4. Les collectivités publiques sont les garants de la continuité historique et de la vision d'ensemble de la culture genevoise.

Art. 3

Compétences

1. Le canton apporte un soutien à la culture pour favoriser son développement.

2. Il agit, par rapport aux communes et à la Confédération, à titre subsidiaire. Il peut prendre des initiatives, notamment pour des projets culturels d'importance cantonale, intercantonale ou internationale.

Art. 4

Orientations

La contribution du canton au rayonnement de la culture prend différentes formes, notamment:

1. l'action permanente auprès des jeunes favorisant l'éveil, l'éducation et la pratique culturels;

2. la formation, l'aide à la relève et à l'innovation artistiques;

3. le soutien à des manifestations culturelles contribuant au développement et à la réputation de Genève.

4. le soutien aux institutions culturelles;

5. le développement de la création et de la production artistiques en favorisant l'échange, la diffusion et la promotion, en particulier dans l'espace transfrontalier, intercantonal et international;

Art. 5

Moyens

1. Le canton peut apporter son soutien sous forme d'aides financières ou de services.

2. Il développe une pratique contractuelle avec les initiateurs de projets culturels et les organismes culturels dans un esprit de partenariat. Le contrat est limité dans le temps et soumis à une évaluation périodique. Il peut être renouvelé.

3. Il peut établir des conventions avec la Ville de Genève, les communes, les cantons et d'autres entités publiques ou privées.

4. Le développement du mécénat est favorisé par des mesures fiscales incitatives.

5. La mise en commun de fonds publics et privés est encouragée.

Art. 6

Evaluation

1. Les activités auxquelles le canton contribue font l'objet d'une évaluation. Celle-ci est périodique et peut être effectuée par des experts extérieurs.

2. L'application de la présente loi donne lieu à une évaluation périodique. Celle-ci peut servir à mettre au point des instruments d'analyse culturelle.

Art. 7

Application

Le département de l'instruction publique est chargé de l'application de la présente loi.

Art. 8

Disposition d'exécution

Le Conseil d'Etat est chargé d'édicter les règlements d'application de la présente loi.

M 1061

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

motion

sur la

Fondation de Genève pour les arts, la culture et la science

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

· que les arts, la culture et la science sont des éléments essentiels de notre société et qu'ils participent notoirement à son développement;

· le projet de loi sur l'accès et l'encouragement à la culture et la nécessité d'en concrétiser les orientations par des initiatives exemplaires et innovatrices;

· la nécessité de réunir des moyens supplémentaires et complémentaires pour réaliser certains projets culturels en faisant appel au mécénat et au sponsoring;

· la loi sur les contributions publiques, qui autorise les déductions fiscales en raison de prestations bénévoles (article 21, lettre u, D 3 1);

· la loi sur la dation en paiement;

· l'article 36, lettre a) de la loi sur les contributions publiques des personnes physiques (D 3 1);

invite le Conseil d'Etat

à étudier et à proposer la création d'une Fondation de Genève pour les arts, la culture et la science, de droit public, en tenant compte des propositions suivantes:

1. Les ressources de cette fondation devraient être constituées par:

· des prestations bénévoles de personnes morales ou physiques, qui pourraient être déduites de leur revenu net jusqu'à concurrence de 10%;

· tous dons, legs et autres cessions non grevés d'obligations, sans affectations et francs de tous droits;

· des contributions volontaires et extraordinaires des pouvoirs publics ou d'autres organismes.

2. Ces ressources seraient affectées à la réalisation de projets uniques, ciblés, subsidiaires, ponctuels et d'envergure, dans le domaine des arts, de la culture et de la science.

3. Cette fondation devrait être administrée par un Conseil de fondation en majorité constitué de personnes issues des milieux privés.

4. Un Comité d'attribution, représentatif des milieux artistiques, culturels et scientifiques, publics et privés, de Genève et sa région, donnerait des préavis sur les projets à soutenir.

5. Pour chaque exercice, des propositions de projets à soutenir pourraient être formulées par toute personne physique ou morale, particulier ou groupement.

6. Le Conseil de fondation, sur préavis du Conseil d'attribution, sélectionnerait les projets susceptibles d'être financés.

7. Le Conseil de fondation rendrait public ses choix en associant, autant que faire se peut, les contributeurs, le public, les milieux artistiques, culturels et scientifiques concernés et les autorités.

 

La séance est levée à 19 h 35.