République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 20 juin 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 8e session - 23e séance
IU 206
M. Luc Gilly (AdG). Mon interpellation s'adresse à M. Guy-Olivier Segond et à M. Olivier Vodoz. Elle pourrait s'intituler : «Quand l'armée assure l'ordre intérieur contre des civils et des chômeurs».
A plusieurs reprises, la presse s'est fait l'écho d'un exercice du bataillon de fusiliers territoriaux 121, composé en large partie de soldats genevois... (Interruption de M. Annen.) Monsieur Annen, laissez-moi parler ! Cet exercice a eu lieu au Day, dans le canton de Vaud, en date du 7 juin et sous les yeux de MM. Vodoz et Segond. Cet exercice simulait l'intervention de la troupe contre une manifestation de chômeurs devant l'Hôtel des finances.
Survenant un mois à peine après celui de Fontainemelon, au cours duquel des soldats cyclistes genevois devaient simuler une intervention contre des demandeurs d'asile tamouls refusant de se laisser renvoyer, cet exercice est particulièrement choquant.
Il est scandaleux non seulement scandaleux parce qu'il implique le recours à la troupe pour maintenir l'ordre public mais, surtout, parce qu'il transforme des chômeurs, se battant pour leurs droits, en ennemis à combattre avec toute la panoplie des techniques anti-émeute les plus modernes.
Choquant, il l'est également parce que les soldats désignés pour jouer les chômeurs ont été choisis au faciès, à savoir parmi ceux qui portent les cheveux longs. Et choquant encore, parce que, sur les pancartes arborées par les soi-disant séditieux, figuraient des slogans hostiles à la traversée de la rade.
Ces faits ayant indigné la majorité des Genevois, je me permets, en leur nom, de poser les questions suivantes au président du Conseil d'Etat, responsable des affaires sociales qui plus est, ainsi qu'au chef du département militaire cantonal :
1. Le Conseil d'Etat considère-t-il la troupe comme un moyen de répondre aux manifestations de citoyens ou exclut-il tout recours à la force armée pour le prétendu maintien de l'ordre ?
2. M. Vodoz est-il prêt, aujourd'hui, à condamner cet exercice, par ailleurs qualifié de «stupide» par Adolf Ogi lui-même, avant-hier, devant le Conseil national ?
3. M. Vodoz va-t-il demander, en tant qu'autorité militaire cantonale, que des sanctions soient prises à l'encontre du colonel Bommeli, responsable de l'exercice du Day ?
4. M. Vodoz aura-t-il la décence de s'excuser auprès des milliers de chômeurs genevois d'avoir parlé de «plaisanterie» à propos de cet exercice ?
5. Prépare-t-on la troupe pour un «remake» de 1932 à Genève ?
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente au point 46 bis de notre ordre du jour.