République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1049
12. Proposition de motion de Mme et MM. Christian Ferrazino, René Ecuyer et Anita Cuénod sur l'aide aux sans-abri. ( )M1049

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- le nombre croissant de personnes n'ayant pas les moyens de s'offrir un logement;

- le nombre croissant de logements inoccupés (plus de 2 000 selon les dernières statistiques) qui ont été retirés du marché locatif;

- la loi approuvée par le peuple visant à permettre la réquisition d'appartements restés inoccupés sans juste motif;

- que cette loi, devenue exécutoire en 1993, après le rejet de recours dont le Tribunal fédéral avait été saisi, n'a sauf erreur pas fait l'objet d'applications concrètes à ce jour,

invite le Conseil d'Etat

à appliquer les mesures prévues dans la LDTR visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs, notamment par l'expropriation temporaire de l'usage des appartements locatifs laissés abusivement vides (articles 8 B et suivants).

EXPOSÉ DES MOTIFS

A l'occasion de l'examen par une commission du conseil municipal de la Ville de Genève de l'usage de la villa Freundler, à la rue de Carouge, propriété de la Ville de Genève, les auditions de divers organismes sociaux, notamment du responsable de «La Coulou», ont mis en évidence le nombre croissant de sans-abri, notamment de femmes en détresse, et l'insuffisance des logements d'accueil à disposition.

Au moment où la fracture sociale s'aggrave à Genève, que de nombreux citoyens et citoyennes vivent dans des conditions de précarité, sans possibilité de se payer un logement, alors que le droit au logement est consacré dans notre constitution cantonale, le maintien de logements vides, dont le nombre va croissant, provoqué souvent par des motifs de spéculation immobilière, est intolérable.

En France voisine, les autorités ont su faire usage des moyens légaux à leur disposition pour mettre des logements, maintenus abusivement inoccupés, à la disposition des personnes dans le besoin. Le Conseil d'Etat se doit de suivre cet exemple, ce d'autant plus que le peuple a voulu que les moyens nécessaires pour mener une telle politique soient introduits dans notre législation.

Nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que cette motion recevra un bon accueil de votre part.

Débat

M. Christian Ferrazino (AdG). Il peut paraître insolite que le parlement doive adopter des motions invitant le Conseil d'Etat à appliquer des lois votées.

Dans le cas particulier, le parlement a adopté un certain nombre de mesures pour mettre un terme au fléau que constituent les logements vides dans notre canton. Malheureusement, ces dispositions n'ont pas trouvé à ce jour, sauf erreur de ma part, de cadre d'application.

Depuis le dépôt de cette motion, au début de cette année, deux faits nouveaux sont intervenus... (Brouhaha, intervention de M. Pierre Kunz.)

Le président. Un peu de silence !

M. Christian Ferrazino. Je sais, Monsieur Kunz, que le problème du logement ne vous intéresse guère, mais laissez-moi m'exprimer !

Le premier fait nouveau a trait au nombre des logements vides qui a fortement augmenté. Les statistiques du mois d'avril 1996 viennent d'être diffusées. Elles font état, pour 1995, de deux mille trois cent septante-huit logements vides, alors que ce chiffre était de deux mille pour 1994 et de mille cent dix-huit il y a cinq ans. Durant cette période, le nombre de logements vides a donc doublé pour atteindre quasiment le chiffre de deux mille quatre cents. Monsieur Haegi, je ne parle pas des logements vacants offerts en location, mais ne trouvant pas preneur. Je parle des logements vides, soustraits volontairement du marché locatif par les propriétaires. En effet, selon un communiqué de la «Feuille d'avis officielle», rédigé d'après l'un de vos discours, sinon de celui de M. Maitre, seuls 27% des logements vides font l'objet d'une demande officielle de permis de construire en cours.

Le deuxième fait nouveau est la récente modification de la LDTR par ce parlement. Lors de débats nourris, nous avons examiné minutieusement la révision de cette LDTR. Néanmoins, tout un chapitre a été ignoré, car il n'est venu à l'idée de personne de le remettre en cause. C'est le chapitre concernant les dispositions prévues pour mettre un terme à la situation précitée. Avec la systématique de la loi, seuls les numéros des dispositions ont été modifiés : soit les articles actuels 26 à 38, la section II du chapitre 7 de la LDTR, qui constituaient les articles 8 et suivants de l'ancienne LDTR. Mais les dispositions elles-mêmes n'ont pas varié d'un iota.

C'est dire que le parlement a voulu confirmer sa volonté de mettre en application les dispositions qu'il avait adoptées quelques années plus tôt, soumises, je vous le rappelle, au vote populaire en 1992.

Il est donc temps d'appliquer des dispositions :

1. votées par le peuple;

2. réaffirmées par le parlement dans le cadre de la révision de la LDTR, il y a quelques mois seulement, ce d'autant plus que le nombre de logements vacants n'a fait qu'augmenter ces derniers temps.

Monsieur Haegi, j'aimerais entendre de votre bouche que le Conseil d'Etat est enfin prêt, à l'instar des pays qui nous entourent, notamment la France, à appliquer ces mesures légales qui n'ont pas encore été mises en pratique, sauf erreur de ma part, afin que cesse, une fois pour toutes, cette situation particulièrement scandaleuse des logements vides.

M. Jean-Pierre Gardiol (L). En résumé, cette proposition de motion vise à inciter le Conseil d'Etat à faire application de l'expropriation, la plus grave atteinte à la propriété privée.

Certes, Monsieur Ferrazino, votre but est louable, puisqu'il vise à mettre des surfaces habitables vides à disposition des sans-abri, mais la LDTR n'autorise pas l'expropriation en l'occurrence.

Je m'étonne que vous ne vous en soyez pas rendu compte en lisant la loi. En effet, l'expropriation temporaire obéit à des conditions très strictes; elle doit être prononcée conformément à la procédure d'expropriation pour des motifs d'utilité publique. Il ne s'agit donc pas de placer les SDF dans les logements que de méchants propriétaires auraient abusivement laissé vides.

L'article 8 K, futur article 35 de la nouvelle LDTR, prévoit que les logements expropriés sont destinés à des personnes solvables et payant un loyer. Or l'exposé des motifs explique bien que la fracture sociale empêche les sans-abri genevois d'acquitter le moindre des loyers. En clair, cela signifie que même si on expropriait les surfaces vacantes, cette mesure manquerait le but visé par les motionnaires, car on ne pourrait y loger les sans-abri.

De plus, en vertu de l'article 8 G, futur article 34 de la LDTR, l'expropriation doit être accompagnée du versement d'une indemnité au propriétaire, correspondant aux loyers qu'il est en droit d'attendre pour son immeuble. Dès lors, on ne voit pas pourquoi et comment l'Etat se mettrait à recruter des locataires solvables, en lieu et place des régies, pour des appartements qui ne trouvent pas preneur.

D'autre part, comme vous le savez, les centres spécialisés dans l'accueil des SDF sont actuellement - et heureusement ! - sous-occupés.

Vous aurez tous compris que cette motion est incompatible avec les articles de la LDTR. Une fois de plus, Me Ferrazino use d'une pirouette juridique, dont il a le secret, pour tenter de vous faire «avaler» son point de vue.

Ces raisons m'amènent, au nom du groupe libéral, à refuser d'entrer en matière sur cette proposition de motion. Je vous invite à en faire de même.

M. Michel Ducret (R). Genève dispose de lits en suffisance pour les sans-abri. Il est vrai aussi que même en hiver certains SDF n'en veulent pas. Et ce n'est pas la proposition de motion débattue ce soir qui changera quoi que ce soit à ce fait qui n'a rien à voir avec les places disponibles.

En réalité, au-delà de son titre, cette motion constitue une manoeuvre pour enjoindre le Conseil d'Etat d'appliquer l'expropriation prévue dans la LDTR, dans le cadre juridique que M. Gardiol vient d'évoquer, et sur lequel je ne reviendrai pas.

C'est la recherche désespérée d'un prétexte pour le plaisir de faire appliquer une loi qui, par elle-même, est d'ailleurs peu applicable en ce qui concerne lesdits logements vacants.

A priori, le groupe radical est fondé à dire non à cette proposition, mais comme nous ne voulons pas ignorer la détresse des plus mal lotis de notre canton, nous déposerons, tout à l'heure, un amendement par la voix de notre collègue Bernard Lescaze.

Si cet amendement est adopté, nous soutiendrons cette motion.

M. Christian Ferrazino (AdG). Je réponds à M. Gardiol qui a une manière toute particulière de lire la loi.

Monsieur Gardiol, vous aurez certainement lu l'article 35 des nouvelles dispositions que vous avez votées. Il stipule précisément que les mesures incitatives que nous avions adoptées, pour permettre justement la location forcée des appartements laissés abusivement vides, devaient être appliquées aux locataires inscrits à l'office du logement social.

Comme, apparemment, vous avez eu de la peine à comprendre la teneur dudit article, je vous la cite : «L'appartement exproprié est mis à disposition d'une personne régulièrement inscrite à l'office du logement social et désignée par ce dernier.» L'alinéa 2 de cette disposition précise : «Le bénéficiaire de l'appartement est redevable envers l'Etat d'une indemnité d'occupation des locaux qui est fixée par le département.» C'est en quoi la loi s'applique précisément aux locataires qui ont particulièrement besoin d'un logement, notamment à ceux qui se sont inscrits auprès de l'office du logement social pour en obtenir un.

Monsieur Ducret, comme vous n'avez pas notifié votre amendement, nous attendrons donc l'intervention de M. Lescaze pour nous déterminer. Vos propos ont été plus nuancés que ceux de M. Gardiol.

Le nombre des sans-abri augmente et, selon les dernières statistiques, près de deux mille quatre cents logements sont laissés abusivement vides. Cela étant, Monsieur Gardiol, comment pouvez-vous dire que ce problème ne mérite pas notre attention, et qu'il ne vaut pas la peine que le Conseil d'Etat applique la loi pour le traiter ? Or vous l'avez votée en février dernier, dans le cadre de la modification de la LDTR. Certes, à cette occasion, vous avez manqué de courage pour évoquer ce chapitre qui vous dérange. Mais je vous rappelle, quitte à vous déplaire, que l'ensemble des dispositions ne sont pas le fruit d'un vote du parlement, mais celui de la volonté populaire.

Voulez-vous dire ce soir, publiquement, que vous demandez au Conseil d'Etat de ne pas respecter la volonté populaire ? Parce que votre intervention revient exactement à cela.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Dans sa dernière intervention, M. Ferrazino mélange deux problèmes distincts.

Le premier est celui des sans-abri. On observe, à Genève, le développement important d'une société à deux vitesses : des citoyens réduits à ne plus avoir de logement sont devenus des SDF. C'est absolument inadmissible, et c'est contre quoi nous devons lutter.

Les dispositions de la LDTR, auxquelles vous faites référence, ne visent pas, à mon sens, ce cas de figure : le logement des sans-abri est du ressort de l'aide sociale. Je n'aurai pas le front de vous expliquer ces dispositions, puisque vous avez largement contribué à leur élaboration et à la campagne qui a mené à leur adoption par le peuple. Je rappelle simplement qu'elles visent à mettre à disposition des locataires, qui ne trouvent pas d'appartement, des logements qui seraient soustraits, de manière indue, au marché locatif.

Dont acte, ces dispositions existent. Elles ont été votées par le peuple, mais je ne crois pas qu'elles s'appliquent à la problématique des sans-abri et de ceux qui, en raison de leur situation, sont dans l'incapacité de payer un quelconque loyer.

Par conséquent, je ne crois pas que ces problèmes soient identiques, mais il se peut que je vous aie mal compris.

Cela dit, le parti auquel j'appartiens est particulièrement sensible à la problématique des sans-abri. Nous sommes disposés, nous aussi, à ce que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat, moyennant l'amendement, à propos duquel le suspense dure encore, de notre collègue Bernard Lescaze... (Interruption de M. Christian Grobet.) Monsieur Grobet, je ne veux pas voler son amendement à M. Lescaze, sinon il me fera une scène. En outre, vous aurez remarqué, Monsieur Grobet, avec la sagacité et l'oeil vif qui vous caractérisent, que cet amendement a été déposé sur votre table, et connaissant l'attention que vous portez à nos débats, je suis certain...

M. Christian Grobet. Je ne l'ai pas eu !

M. Bénédict Fontanet. M. Lescaze n'a donc pas fait son boulot !

Le président. L'amendement a été distribué, Monsieur le député.

M. Bénédict Fontanet. Si M. Grobet ne l'a pas, c'est qu'il est victime d'un ostracisme scandaleux ! Plus sérieusement, nous accepterons cette motion dans la mesure où elle sera modifiée par l'amendement que M. Lescaze développera, puisque le hasard des prises de parole a voulu que je m'exprime avant lui.

Cela n'implique pas, selon nous, l'approbation de l'exposé des motifs, à savoir que des logements, dans des buts de pure spéculation, seraient soustraits au marché locatif. S'il y a beaucoup de logements vides, c'est aussi en raison, Monsieur Ferrazino, de la crise immobilière et de la crise économique qui sévissent dans notre canton. Il y a eu peut-être de la spéculation, voici cinq ou dix ans, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. Par voie de conséquence, si nous approuvons en partie les buts qui sont les vôtres, nous n'approuvons pas en revanche les motifs, du moins en totalité, que vous évoquez à l'appui de votre motion.

Le président. Je vous dois des excuses : en effet, l'amendement n'a pas été distribué.

M. Bernard Lescaze (R). L'amendement a été déposé sur votre bureau. Etant fort simple, il ne vous causera pas une énorme surprise. Néanmoins, il peut aider ce Grand Conseil à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, bien que ce ne soit pas la procédure habituelle. Cela ne veut pas dire que nous approuvions la motion, mais cela signifie que nous sommes intéressés à connaître la position du Conseil d'Etat sur le problème des sans-abri. Encore que nous sachions parfaitement qu'il y a actuellement plus de lits que de sans-abri, le conseiller d'Etat chargé de la prévoyance sociale nous l'ayant affirmé à plusieurs reprises.

Néanmoins, une chose est certaine : contrairement à votre premier considérant, une partie plutôt défavorisée de la population, à savoir les étudiants, trouve actuellement plus facilement des logements qu'il y a quelques années. Cela ne veut pas dire, pour autant, que la pénurie a disparu, nous en sommes bien d'accord.

J'en viens à l'amendement. Il consiste simplement à arrêter l'invite à «appartements locatifs.» :

«à appliquer les mesures prévues dans la LDTR visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs.»

de façon à ne pas faire référence à l'un ou l'autre article de la LDTR.

Nous sommes tous conscients du problème des sans-abri. Mais nous affirmons qu'il est moins urgent que vous ne le prétendez. Nous sommes prêts à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour obtenir des chiffres précis, afin de vous convaincre, nous l'espérons du moins, de l'inutilité de cette motion. Néanmoins, si les chiffres vous donnaient raison, la motion sera en main du Conseil d'Etat pour qu'il agisse.

Voilà ce que nous vous proposons. Nous sommes donc prêts à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, dans le cadre que nous vous avons indiqué, pour autant que l'amendement soit accepté.

M. Christian Grobet (AdG). MM. Gardiol et Ducret m'ont vivement étonné, pour ne pas dire plus. Ils semblent ignorer complètement certaines réalités sociales de notre ville.

Récemment, en quittant la gare de Cornavin le soir, j'ai vu une personne dormant devant l'entrée d'un bâtiment inoccupé...

Une voix. C'est facile de regarder !

Le président. Je vous en prie, pas de dérapages !

M. Christian Grobet. Si cela vous laisse indifférent, sachez que d'autres ont mal en constatant une telle situation. Par rapport à de tels problèmes, votre comportement, Monsieur Annen, et celui de vos amis politiques, est indigne de notre parlement ! Si nous ne sommes pas capables, nous députés de cette République, de nous occuper de trouver un toit pour des gens qui dorment dans la rue, nous n'avons plus rien à faire dans cette enceinte. Votre réaction est pitoyable, Monsieur ! Quant à moi, je réagis quand je vois des gens dormir dans la rue.

Si nous voulons nous occuper de ces personnes, nous devons mettre à leur disposition ces logements laissés vides sans raison pertinente, et dont le nombre est plus important aujourd'hui que jamais.

Cette motion s'adresse à deux catégories de personnes, comme M. Fontanet l'a fait remarquer à juste titre. L'une constituée de personnes totalement démunies et l'autre formée de gens, à revenus modestes, qui ne trouvent pas à se loger à la mesure de leurs moyens. Si vous contestez ce fait, c'est que vous êtes très éloignés des réalités sociales de ce canton. Vous ne connaissez pas la situation des gens au chômage, des gens en fin de droit, des jeunes qui...

Des voix. Arrête !

M. Christian Grobet. ...cherchent du travail. C'est une réalité ! A l'office social du parti du Travail, nous connaissons des gens à la recherche d'un logement à la mesure de leurs moyens financiers et qui n'en trouvent pas. De très nombreux logements vides pourraient être mis à leur disposition !

Par voie de conséquence, cette motion s'adresse aussi bien aux gens totalement démunis qu'à ceux de condition modeste qui ne trouvent pas de logement.

En outre, je serais curieux de savoir pourquoi l'on s'est fixé, Mesdames et Messieurs les députés, l'ambition de réaliser trois mille logements HBM ! Je suppose que le besoin s'en fait sentir, sinon nous ne serions pas en train de voter des crédits pour les construire ! Du reste, je me souviens que certains conseillers d'Etat disaient, non sans raison, qu'un moyen de satisfaire aux besoins en logements bon marché serait d'acheter d'anciens immeubles, ce qui serait moins coûteux que d'en construire de nouveaux. Cela prouve bien que le Conseil d'Etat a conscience des demandes et des besoins dans ce domaine.

Or, au lieu de construire des immeubles chers, l'on ferait mieux de récupérer des appartements laissés vides sans raison valable; cela coûterait moins cher ! Il ne s'agit pas, Monsieur Ducret, d'un prétexte pour appliquer une loi votée par le peuple, comme l'a rappelé M. Ferrazino. Il est vrai que vous vous êtes opposés, à l'époque, à ce projet de loi et que vous avez été étonnés que le peuple le vote. Mais le peuple a voulu cette loi que vous refusez d'appliquer.

Nous n'avons pas déposé cette motion pour avoir raison à tout prix, mais parce que nous connaissons les besoins. Je vous assure que si le Conseil d'Etat rendait publique, au cours d'une conférence de presse, la mise à disposition d'un certain nombre de logements pour les personnes de condition modeste, au prix de 300 ou 400 F par mois, vous verriez bien s'il y a preneur ou pas. Faisons la conférence ensemble, Monsieur Annen ! Nous verrons, après coup, combien de gens s'inscriront. Je parie qu'il y en aura beaucoup.

Mais ce soir, nous demandons simplement que les logements, laissés vides sans raison pertinente, soient mis en location, voire mis à disposition des personnes véritablement sans abri.

Nous ne ferons pas de juridisme à propos de ce problème social bien réel. C'est pourquoi, Monsieur Lescaze - étant donné que vous visez expressément la LDTR - nous ne nous attacherons pas à la reprise, dans le texte de la motion, des termes qui figurent dans la loi.

Monsieur Lescaze - vous qui m'avez rappelé vos connaissances juridiques que nous apprécions à chaque séance de la commission judiciaire que vous présidez avec distinction - vous savez, tout comme moi, qu'une expropriation ne peut avoir lieu sans un intérêt public suffisant. Pour que l'on puisse exproprier le droit d'usage d'un logement, il faut effectivement qu'il ait été laissé vide abusivement. Mais comme la loi le stipule, il n'est peut-être pas utile de le répéter dans la motion. Si ce petit plaisir suffit à faire accepter cette motion par vos amis politiques, c'est bien volontiers que nous voterons votre amendement.

M. Jean-Pierre Gardiol (L). Messieurs Grobet et Ferrazino, les SDF nous émeuvent aussi, nous les libéraux. Il est donc bon de vous rappeler que vous ne détenez pas le monopole du coeur.

Mais les SDF, Monsieur Ferrazino, n'ont rien à voir avec la LDTR et son article 35 ! Par conséquent, il n'est pas nécessaire de renvoyer la motion en commission ou au Conseil d'Etat, parce qu'elle ne répond en rien à la législation votée il y a peu.

Si vous entendez vous occuper réellement des SDF, faites une motion sur ce problème. Je crois me souvenir qu'il y en a eu une, voici deux ou trois ans. La réponse du Conseil d'Etat, au regard de tous les groupes, avait été jugée tout à fait satisfaisante.

Il serait regrettable de perdre du temps avec une telle motion. Laissons les motionnaires en rédiger une nouvelle qui ne mélange pas les problèmes.

M. John Dupraz (R). Je serai bref. Le problème des sans-abri a été traité en début de législature, et le Conseil d'Etat a répondu. L'Alliance de gauche revenant à la charge avec cette motion, je me demande si elle ne prend pas les sans-abri en otages, à des fins purement politiques pour revenir... (Huées, protestation de M. Christian Grobet.) Voyons, Monsieur Grobet, vous n'avez pas le monopole de la mansuétude, de la bonté, dans cette République. Prenant le train aussi souvent que vous, il m'arrive aussi de voir des sans-abri dans la gare de Cornavin. Mais ces personnes refusent souvent d'être accueillies dans des maisons disposant de lits. (Protestation de M. Christian Grobet.) Mon cher ami, je suis issu d'une famille de paysans et non, comme vous, d'une famille de bourgeois. Quand un sans-abri passait chez nous, il avait une assiette et un lit ! Ça, c'est une tradition paysanne ! Alors, ne nous donnez pas de leçons à propos des sans-famille et des déshérités ! Vous vous en servez comme prétexte pour appliquer des dispositions de la loi sur la LDTR et pour rien d'autre !

Dans un esprit d'apaisement, notre collègue a déposé un amendement. Si vous le votez, nous renverrons cette motion au Conseil d'Etat qui vous répondra ce qu'il a répondu, il y a deux ans, sur une précédente motion.

M. Max Schneider (Ve). Le groupe écologiste n'avait pas prévu d'intervenir, car il lui semblait évident que le Grand Conseil accepterait cette motion. Mais comme ce sont les membres de l'Alliance de gauche qui la proposent, on les attaque, on leur fait des remarques du genre monopole du coeur, etc.

Il y a plus de cinq cent mille pauvres en Suisse. Aussi l'Alliance de gauche a raison de déposer cette motion, informée qu'elle est des problèmes de dénuement à Genève.

A l'adresse de ceux qui se permettent de ricaner, je rappelle que dans les sociétés africaines, souvent des plus misérables, ce problème se pose moins que dans notre société industrialisée. Nous pourrions peut-être prendre exemple sur elles.

Nous accepterons donc cette motion, avec l'amendement radical.

M. Michel Balestra (L). Quand j'entends de tels propos, je n'ai pas l'impression que nous parlons du même pays !

Nous avons une assurance-chômage des plus sociales et compétitives. Nous avons un Hospice général au budget en constante augmentation. Nous sommes le seul canton de Suisse à avoir mis en place un RMCAS. Nous poursuivons un objectif d'équilibre des finances publiques, sans augmentation de la fiscalité et sans diminution des investissements, et ce parallèlement à l'augmentation constante et importante du budget de redistribution sociale.

Si vous voulez résoudre les vrais problèmes, arrêtez de vous opposer à des investissements, tels ceux prévus pour la traversée de la rade, qui vont créer plus de mille emplois pendant cinq ans ! Arrêtez de vous opposer à des déclassements comme celui de la ZODIM qui aurait préservé cent quarante emplois à Meyrin !

Madame et Messieurs, votre motion est politique et polémique. Votre discours est insupportable, et même si l'amendement Lescaze rend votre motion plus acceptable, je la refuserai : je n'adopterai pas votre sensiblerie face aux mal-logés !

M. Pierre Marti (PDC). On peut parler des SDF, en faisant montre d'une certaine sensiblerie, pour amadouer les gens.

Actuellement, à disposition des SDF, il y a plus de lits libres que d'utilisés. En outre, la Ville de Genève mettra prochainement à disposition une structure d'accueil dans des appartements lui appartenant, en collaboration avec Carrefour et Le Caré. Ne prenons donc pas les SDF en otages !

J'en viens à l'intervention de M. Grobet. Effectivement, si nous offrons des appartements de quatre pièces à 200 ou 300 F par mois, en tant que preneur, je m'inscris le premier. Si l'on peut faire cela, tout le monde louera très bon marché un appartement mis à disposition. Malheureusement, cet appartement est introuvable ! Vous avez raison, Monsieur Grobet, et je suis donc étonné de vous voir revenir régulièrement sur le problème de la Pelotière. Vous savez très bien que la Pelotière est constituée d'appartements HBM pour les gens aux revenus modestes, et les conditions d'habitat y sont très bonnes...

M. Pierre Meyll. Sous les avions et entre les voies ferrées !

M. Pierre Marti. Monsieur Meyll, si les conditions étaient aussi mauvaises, il n'y aurait pas 75 à 80% d'appartement loués avant même la fin du chantier.

M. Bernard Clerc (AdG). Bien sûr, l'Entente se préoccupe des pauvres et des sans domicile fixe; elle aime faire la charité. Quand on a des biens, faire la charité est plus facile qu'appliquer la justice.

Un certain nombre de personnes, actuellement assistées, se trouvent sans logement. Ce ne sont pas des SDF, au sens strict du terme, que l'on voit dormir sous les ponts. Ce sont des personnes sans habitat, qui vivent dans des pensions de troisième catégorie; elles ont souvent été évacuées de leur logement, faute de pouvoir continuer d'en acquitter le loyer. Dès lors, les propriétaires et les régies refusent de leur accorder des baux, estimant n'avoir aucune garantie de solvabilité. Vous savez qu'il est extrêmement difficile de trouver ou de retrouver un emploi, à défaut d'un domicile fixe, d'une adresse privée, d'un lieu qui ne soit pas une pension ou un hôtel de troisième catégorie. L'absence de logement est un facteur aggravant qui contribue à la dégradation de la situation des personnes concernées.

Dès lors, cette motion est légitime. Plus encore, elle est juste. Si vous la refusez, vous légitimerez pleinement les tentatives faites par les squatters et les sans-abri d'occuper illégalement des immeubles vides.

M. Christian Grobet (AdG). La remarque de M. Clerc ne pouvait pas tomber plus à propos, puisque le Rassemblement en faveur d'une politique sociale du logement - auquel appartient le parti de M. Fontanet, sauf erreur - a lancé l'initiative qui est à l'origine de ce droit d'expropriation portant sur le droit d'usage des appartements, à la suite de quatre occupations d'immeubles survenues à la veille des élections cantonales de 1989. Cet événement avait fortement embarrassé la classe politique de ce canton, toutes tendances confondues. Lors des réunions extraordinaires tenues, à l'époque, par le Conseil d'Etat, avec le procureur général et les responsables de la police, d'anciens collègues venant des rangs de l'Entente se demandaient comment éviter la soustraction du marché, dans un but spéculatif, de logements parfaitement habitables et bon marché, une véritable provocation, selon leurs termes, vis-à-vis des jeunes à la recherche de logements.

Monsieur Fontanet, nous aurons l'occasion de reparler de la spéculation. Contrairement à ce que vous dites, elle est plus vivace que jamais, mais, ce soir, je n'ouvrirai pas le débat sur un certain nombre de cas concrets.

Je me contenterai de rappeler la mise en demeure adressée, à l'époque, par le Conseil d'Etat à l'Association des gérants immobiliers. Je me souviens de la lettre signée par M. Vernet, libéral, lui fixant un délai afin qu'elle propose des solutions pour que ces logements vides soient mis à la disposition de la population, et l'avertissant qu'à défaut le Conseil d'Etat saisirait le Grand Conseil du projet de loi repris, mot à mot, par l'initiative du Rassemblement. Ce projet était, en fait, un projet de loi du Conseil d'Etat.

Il était bon de rappeler ces faits pour que l'on ne laisse pas, aujourd'hui, sous-entendre qu'il s'agissait de «politicaillerie», alors que de réelles tensions sociales étaient à l'origine de cette législation.

Or ces tensions sociales existent toujours et quand vous dites, Monsieur Marti, que le problème des sans-abri est réglé, ce n'est pas vrai ! Effectivement, des SDF ne veulent pas se rendre dans les logements institutionnalisés, mis à leur disposition par des groupements, parfaitement honorables, que je respecte grandement.

Outre les sans-abri, il y a une importante catégorie de gens, aux revenus si modestes qu'ils ne peuvent même pas payer le loyer d'un logement HBM de la Pelotière. Je n'ai fait aucune critique à propos de ce projet de construction, Monsieur Marti. Je déplore seulement que le Conseil d'Etat ait fait une opération HBM pour sauver un promoteur, de plus député, qui pourra encore gérer ces immeubles ! Je n'ai jamais critiqué la construction de logements HBM, tant s'en faut !

Par ailleurs, vous n'avez pas parlé du montant des loyers de la Pelotière, à Versoix. Vous savez qu'il est trop élevé pour certaines personnes qui gagnent, dans cette République, 2 500 ou 3 000 F par mois. Ce sont là des réalités sociales ! Demandez aux vendeuses le montant de leur salaire et vous verrez bien si elles peuvent payer... (Interruption de M. Nicolas Brunschwig.) Je comprends votre gêne, Monsieur Brunschwig ! Vous n'aimez pas que l'on parle des vendeuses que vous exploitez, et je le comprends ! En attendant, bien des vendeuses ne peuvent acquitter le loyer d'un appartement HBM, à Versoix, et vous le savez ! Il leur faut des logements à 400 F par mois !

J'ose espérer, Monsieur Marti, que vous ne défendez pas certains régisseurs qui ne veulent pas de ce type de logements sur le marché.

M. Christian Ferrazino (AdG). M. Dupraz s'étonnait, tout à l'heure, que l'on revienne, avec cette motion, sur des problèmes ayant été réglés à satisfaction, selon lui, par le Conseil d'Etat.

Monsieur Dupraz, en date du 20 janvier 1995, j'ai déposé une question sur cette problématique auprès du Conseil d'Etat. En date du 10 avril 1995, M. Joye m'a répondu ceci : «En attendant que le Conseil d'Etat y réponde formellement - j'attends toujours cette réponse, le Conseil d'Etat étant apparemment préoccupé par d'autres dossiers - j'ai pris l'initiative, d'ores et déjà, d'interpeller un très grand nombre d'intervenants, afin de connaître les motifs qui poussent leurs propriétaires à les - logements vides - maintenir hors du marché.» M. Joye conclut en promettant un rapport au Grand Conseil dès qu'il aura recueilli ces informations. Or nous n'avons eu aucun rapport, aucune réponse, et le nombre des logements vides ne fait qu'augmenter.

Croyez-vous que les citoyens et habitants de ce canton puissent comprendre que la loi qu'ils ont votée ne soit pas appliquée pour combattre ce phénomène qui va grandissant ? Comment M. Balestra peut-il être fier d'annoncer qu'il ne votera pas une motion demandant l'application d'une loi qu'il a lui-même votée ? J'ai peine à suivre sa gymnastique cérébrale !

En revanche, Monsieur Lescaze, votre proposition d'amendement est particulièrement bienvenue. Si vous ne l'aviez faite, je l'aurais formulée moi-même en raison du libellé de la motion. En effet, il n'est plus d'actualité, puisqu'il vise les articles 8 B et suivants qui n'existent plus. La LDTR ayant été modifiée, ils sont devenus les articles 26 à 38.

Nous soutiendrons votre amendement qui remet ce texte dans la justesse de la loi récemment modifiée.

M. René Ecuyer (AdG). Il ne faut pas fermer les yeux sur la détérioration très rapide de la situation, dans ce canton. Le chômage induit une baisse considérable de revenu pour certaines personnes. Des gens sont en fin de droit. Quand vous avez gagné 5 000 à 6 000 F pour faire tourner votre ménage et que vous vous retrouvez avec le minimum vital de 1 300 F pour une personne et un peu plus pour une famille, toutes sortes de problèmes se posent. Bien souvent les familles se séparent.

Actuellement, nous dirigeons énormément de personnes vers l'office du logement social, voire vers le secrétariat des fondations immobilières, c'est-à-dire celles qui gèrent les logements les meilleur marché.

C'est un fait : il manque des HBM dans ce canton, la demande en est très pressante et, parallèlement, il y a des logements vides qui pourraient être remis sur le marché.

Je ne vois, dès lors, pas en quoi cette motion est révolutionnaire. Elle demande simplement l'application de la loi.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat ne peut accepter l'analyse sociale faite, ce soir, au sujet des sans-abri. Il n'a jamais été fait référence aux prestations auxquelles ont droit les personnes se trouvant dans des situations désespérées. Nous y sommes aussi sensibles que d'autres.

Il faut de la méthode pour traiter les problèmes. De quoi parlons-nous ? D'une des applications de la LDTR ou d'une catégorie sociale confrontée à des difficultés ?

J'ai cru comprendre, d'après le titre de la motion, qu'il s'agissait de s'occuper de personnes sans abri.

Plusieurs d'entre vous ont rappelé, à diverses reprises, que le nombre des lits disponibles dépassait celui des demandes. M. le député Grobet n'a pas contesté le fait; il a simplement dit que certaines personnes n'y trouvaient pas de satisfaction. Il est vrai que ces problèmes sociaux sont parfois extrêmement complexes.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à examiner les problèmes dans l'ordre, et c'est pourquoi je me permettrai de compléter l'amendement de M. le député Lescaze. En effet, je désire, et le Conseil d'Etat aussi sans doute, traiter le problème des sans-abri à Genève. D'ailleurs, M. Grobet m'y invitait indirectement, tout à l'heure, en déclarant ce problème non réglé.

Si vous acceptez mon amendement, le Conseil d'Etat pourra s'exprimer à ce sujet. Il est nécessaire qu'il le fasse, ce débat en est la démonstration. Ensuite, il faudra voir les réponses que nous pourrons donner aux sans-abri, car il est vrai que les appartements les meilleur marché ne se trouvent pas dans les HBM, malgré l'allocation personnalisée de 100 F par pièce et par mois. Cette allocation ne suffit pas toujours.

Vous savez que ce sont souvent les personnes seules qui se trouvent dans des conditions sociales difficiles. Là encore, parlons de ce dossier, et, de grâce, de cas extrêmement précis ! Les fondations HBM disposent de logements et de studios. Il est donc faux de prétendre que nous n'avons pas de logements libres pour des personnes seules. D'ailleurs, les fondations HBM m'invitent, faute de demandeurs, à ne plus faire construire de petits appartements et des studios. Alors, acceptez de traiter ces problèmes dans l'ordre !

C'est la raison pour laquelle je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, y compris le groupe libéral, à voter la motion ainsi amendée :

«à lui présenter un rapport sur la situation des sans-abri et la nécessité d'appliquer les mesures prévues dans la LDTR visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs.»

Il est évident que, dans ce cas, nous vous donnerons une réponse complète, d'une part, sur la situation des sans-abri et, d'autre part, sur nos solutions pour résoudre les problèmes posés et la nécessité de pratiquer la LDTR sur le point évoqué tout à l'heure.

Monsieur le président du Grand Conseil, je vous remets cette proposition de texte. Elle ne devrait pas vous contrarier...

Une voix. J'en doute.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Comment j'en doute ? Mais attendez le rapport ! Je vous suggère de traiter les choses dans l'ordre et c'est pourquoi, Monsieur le président du Grand Conseil, je vous remets le texte de la nouvelle teneur de l'invite.

M. Christian Grobet (AdG). Je vois comment le Conseil d'Etat essaie de dévier le débat. Il est vrai, Monsieur Haegi, que le titre de la motion est «sur l'aide aux sans-abri», mais tous les titres de motions et de projets de lois sont relativement brefs et ne recouvrent pas l'intégralité des textes.

Or le premier considérant de cette motion commence par «le nombre croissant de personnes n'ayant pas les moyens de s'offrir un logement». Dans l'exposé des motifs, nous avons, effectivement, insisté sur le cas particulièrement douloureux des personnes sans domicile fixe, des personnes sans abri. Mais nous ne pouvons pas accepter que le but de cette motion se limite uniquement aux sans-abri et que l'on veuille, par là même, circonscrire le débat à une catégorie limitée de demandeurs.

Aujourd'hui, une partie de la population n'a pas les moyens de payer les loyers des appartements offerts sur le marché. Je persiste à affirmer que les loyers de la Pelotière, même assortis de l'allocation-logement, sont inaccessibles à beaucoup de personnes... (Brouhaha.) Oh, ça suffit ! Je viens de reconnaître l'intérêt de cette opération. Il n'empêche, et tout le monde le sait, que les loyers des constructions nouvelles sont d'un montant relativement élevé.

La motion vise d'autres catégories de personnes... (Intervention de M. Claude Haegi.) Ce ne sont pas uniquement les sans-abri que nous visons, Monsieur Haegi, si vous m'écoutiez !

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je ne fais que ça !

M. Christian Grobet. Nous avons indiqué, dans le premier considérant, «le nombre croissant de personnes n'ayant pas les moyens de s'offrir un logement». Lorsque nous invitons le Conseil d'Etat à appliquer les mesures prévues par la LDTR pour lutter contre la pénurie de logements locatifs, c'est dans le sens indiqué, tout à l'heure, par Christian Ferrazino : il s'agit de mettre les logements laissés vides à disposition de gens aux revenus modestes.

Nous ne pouvons donc pas limiter la motion, comme vous entendez le faire, uniquement aux sans-abri. Cette rédaction ne convient pas.

Le président. Nous allons voter l'amendement de M. Claude Haegi qui propose de remplacer l'invite de la motion par une invite dont la teneur est la suivante :

«à lui présenter un rapport sur la situation des sans-abri et la nécessité d'appliquer les mesures prévues dans la LDTR visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

M. Christian Grobet (AdG). Pouvons-nous présenter un amendement à l'amendement de M. Haegi ?

Le président. Un sous-amendement, Monsieur le député ?

M. Christian Grobet. Oui, je demande que l'amendement de M. Haegi soit complété comme suit :

«à lui présenter un rapport sur la situation des sans-abri et des demandeurs de logements ayant un revenu inférieur à 60 000 F...»

M. Pierre-Alain Champod (S). Nous avons eu à peine le temps de lire l'amendement qui a été voté. Il contient ces mots surprenants : «...la nécessité d'appliquer les mesures prévues dans la LDTR...». Jusqu'à maintenant, je croyais que dans un Etat de droit une loi s'appliquait en tant que telle et non par opportunité.

Le président. Nous votons le sous-amendement de M. le député Christian Grobet libellé ainsi  :

«à lui présenter un rapport sur la situation des sans-abri et des demandeurs de logements ayant un revenu inférieur à 60 000 F et la nécessité d'appliquer les mesures prévues dans la LDTR visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs.»

Mis aux voix, ce sous-amendement est rejeté.

Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

(M 1049)

MOTION

sur l'aide aux sans-abri

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- le nombre croissant de personnes n'ayant pas les moyens de s'offrir un logement;

- le nombre croissant de logements inoccupés (plus de 2 000 selon les dernières statistiques) qui ont été retirés du marché locatif;

- la loi approuvée par le peuple visant à permettre la réquisition d'appartements restés inoccupés sans juste motif;

- que cette loi, devenue exécutoire en 1993, après le rejet de recours dont le Tribunal fédéral avait été saisi, n'a sauf erreur pas fait l'objet d'applications concrètes à ce jour,

invite le Conseil d'Etat

à lui présenter un rapport sur la situation des sans-abri et la nécessité d'appliquer les mesures prévues dans la LDTR visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs. 

La séance est levée à 0 h.