République et canton de Genève

Grand Conseil

Q 3467
de M. Hervé Burdet : De l'énergie renouvelable ou des alluvions : il faut choisir ! ( )  Q3467

Q 3467

de M. Hervé Burdet (L)

Dépôt: 11 janvier 1993

De l'énergie renouvelable ou des alluvions: il faut choisir!

Le 28 octobre 1992, le Conseil fédéral, sur la base de l'article 18 A, 1er et 3e alinéas, de la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage (LPN), a approuvé l'ordonnance sur la protection des zones alluviales d'importance nationale, qui est entrée en vigueur le 15 novembre 1992. Conformément à ses articles 1 et 2, cette ordonnance dresse l'inventaire (Annexe 1) et brosse la description (Annexe 2) des objets retenus en tant que zones alluviales d'importance nationale.

Parmi les cinq objets inscrits à l'inventaire, pour le canton de Genève, figure le N° 218 Vers-Vaux, sur la commune de Chancy.

Le but visé par l'ordonnance de protection des zones alluviales est la conservation intacte des objets désignés, notamment la conservation ou le rétablissement de la dynamique naturelle du régime des eaux et du charriage (Art. 4, al. 1). L'ordonnance stipule encore que les cantons veillent à ce que les exploitations existantes ou futures, notamment l'utilisation des forces hydrauliques soient en accord avec le but visé par la protection (Art. 5, al. 2, lettre c).

Par ailleurs, les Services industriels de Genève (SIG) énumèrent, dans les observations d'ordre général qui assortissent la présentation de leur budget pour 1993, au nombre des études importantes à engager ou à poursuivre: le nouvel aménagement hydroélectrique de Conflan. Cependant les SIG ne font figurer sous la rubrique (0320.0800) de leur budget d'investissements pour 1993, que des crédits accordés avant fin 1992 pour un montant de 2 000 000 F, sans prévoir aucune attribution budgétaire 1993 pour l'engagement ou la poursuite, par le service de l'électricité, de l'étude préliminaire du nouvel aménagement hydroélectrique de Conflan.

Le Conseil d'Etat qui a été consulté à propos de l'Ordonnance sur les zones alluviales par l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage d'une part et qui, d'autre part est l'organe de tutelle des Services industriels de Genève, peut-il dire:

- si c'est par inadvertance qu'il a demandé ou approuvé l'inscription à l'inventaire selon l'Ordonnance sur les zones alluviales de l'objet 218 Vers-Vaux?

- s'il ignore que l'objet 218 Vers-Vaux, avec les zones-tampons qui ne manqueront pas de le compléter forme avec le palier de Conflan un seul et même site géographique?

- s'il a une recette miraculeuse et des plans pour réussir à construire une installation hydroélectrique sur un site qui doit être conservé intact au sens de l'ordonnance sur les zones alluviales?

- s'il a d'ores et déjà renoncé à capter un appoint bienvenu d'énergie électrique renouvelable à Conflan, malgré les 2 000 000 prévus et peut-être engagés pour étudier cette solution?

- si au cas où il aurait renoncé à l'installation hydroélectrique de Conflan, il ne vaut pas mieux économiser, par les temps qui courent, des études désormais inutiles et du même coup 2 000 000?

- s'il ne pense pas qu'en définitive le courage politique consiste à savoir choisir entre la «domestication de la chèvre et la culture du chou», soit en l'occurrence, entre la production d'un appoint non négligeable d'énergie électrique indigène renouvelable et la protection de 16 hectares d'alluvions sur les 210 qui figurent à l'inventaire de protection prévu dans l'Ordonnance sur les zones alluviales, sans parler de tous les hectares de zones alluviales qui sont d'ores et déjà protégées, ailleurs dans le canton par d'autres législations, règlements et arrêtés?

RÉPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT

du 8 mai 1996

Nous référant à la réponse de notre Conseil à une autre question (N° 3468) posée par M. Burdet, qui se demandait pourquoi les Teppes de Biolay n'avaient pas été prises en considération pour une protection fédérale, nous observons qu'à l'initiative du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, eut lieu, en date du 31 août 1990, une réunion en présence des experts fédéraux compétents qui devait notamment avoir pour conséquence l'inscription du site de Vers-Vaux dans l'inventaire des zones alluviales d'importance nationale.

Développement des ressources indigènes et protection de l'environnement

Comme indiqué dans le rapport de politique énergétique du Conseil d'Etat répondant à 5 démarches parlementaires liées à l'approvisionnement énergétique du canton, dont le Grand Conseil a pris acte lors de sa séance du 9 avril 1992, tout est mis en oeuvre pour rendre la valorisation de nos ressources hydrauliques conciliables avec les impératifs liés au respect des équilibres naturels des biotopes concernés. L'aménagement hydroélectrique de Conflan ne ferait pas exception à la règle, les études préliminaires entreprises jusqu'ici permettant de conclure que ce projet répondrait entièrement aux exigences liées à la protection du milieu naturel dans lequel il s'inscrit.

D'une puissance disponible et d'une production prévisible correspondant approximativement au tiers de l'usine hydroélectrique de Verbois, l'aménagement précité fait toujours partie des projets visant à répondre aux objectifs du droit fédéral et cantonal dans le domaine de l'énergie. Il aurait notamment pour effets favorables:

- d'accroître nos ressources d'énergie locales et renouvelables;

- d'élever le taux de couverture des besoins du réseau genevois, qui ne dépasse pas actuellement 30%, par la production d'électricité sur le territoire cantonal.

La réalisation de l'ouvrage de Conflan, qui représenterait un complément idéal à la revalorisation de Chancy-Pougny, optimaliserait ainsi l'utilisation de l'énergie hydraulique du Rhône genevois, tout en permettant d'atténuer les difficultés de nature géologique rencontrées dans cette région (glissement des berges et érosion du lit du Rhône).

Projet Conflan - Les démarches

Dans cette optique, les Services industriels de Genève (ci-après SIG) ont engagé, en 1984, une étude préliminaire destinée à la préparation d'un dossier de demande de concession. Cette étude a démontré que la réalisation d'un ouvrage hydroélectrique à Conflan était techniquement réalisable et économiquement intéressante, compte tenu du niveau du prix de l'énergie électrique à cette époque.

L'ouvrage étant situé sur la frontière franco-suisse, des négociations avec les autorités françaises devait alors être entreprises. C'est ainsi que, le 18 février 1987, le Conseil d'Etat a décidé de:

- confirmer son accord de principe quant à la réalisation de l'aménagement de Conflan;

- intervenir auprès de la Confédération pour que des négociations soient entreprises afin que l'Etat français renonce à sa part d'énergie;

- désigner le président des Services industriels de Genève (SIG) comme représentant du canton pour participer à la première phase des négociations précitées.

Dans la foulée, le chef du département de l'économie publique, alors chargé de la politique cantonale en matière d'énergie, s'est adressé le 7 avril 1987 à l'Office fédéral de l'énergie pour:

- lui communiquer la décision du Conseil d'Etat;

- l'inviter à ouvrir des négociations avec la France en vue d'obtenir de cet Etat une renonciation à sa part d'énergie sur l'aménagement de Conflan, précisant que la contrepartie de cette cession de droit pouvait être une participation substantielle de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) à la réalisation de cet ouvrage.

L'objectif de cette démarche a été de définir les conditions préalables permettant aux deux partenaires, soit les SIG et la CNR, de poursuivre l'étude du projet en vue de:

- choisir une des deux variantes retenues (barrage et usine accolés dans le lit du fleuve, nécessitant l'exécution de l'ouvrage en deux phases, à l'abri d'enceintes, ou barrage et usine accolés en rive française, permettant la réalisation de l'ouvrage entier en terre ferme);

- préparer un dossier de demande de concession.

En 1987 et 1988, le président des SIG, conformément à la décision du Conseil d'Etat du 18 février 1987, a participé à deux séances réunissant les partenaires compétents de part et d'autres de la frontière, soit:

- pour la Suisse, l'office fédéral de l'économie des eaux;

- pour la France, la direction du gaz, de l'électricité et du charbon (DIGEC) du Ministère de l'industrie, des P & T et du tourisme.

Si la France n'a pas manifesté, dans ces discussions, d'opposition au principe d'une cession de sa part d'énergie, en revanche, certaines exigences formulées en contrepartie de cette session se sont avérées exagérées, aucun accord n'ayant pu être obtenu à l'issue de ces négociations qui, par conséquent, ont été interrompues.

En mars 1990, l'office fédéral de l'économie des eaux a fait savoir qu'il n'était pas exclu que la France soit prête à reconsidérer sa position. Avec l'accord des SIG, l'office susmentionné a donc indiqué à la DIGEC, en date du 2 mai 1990, que le canton de Genève était toujours intéressé par l'aménagement de Conflan, pour autant que la partie française réexamine, tout au moins en partie, les exigences formulées en 1988.

Il y a lieu de rappeler que la sécurité de l'approvisionnement énergétique constitue le principal objectif de politique énergétique tant à l'échelon cantonal que fédéral. Or, nul ne peut contester que la situation de Genève en matière d'approvisionnement électrique doit être qualifiée de précaire. En effet,

- la production locale (Verbois, Chancy-Pougny, Cheneviers) est inférieure au tiers de l'électricité consommée chaque année par les usagers du réseau exploité par les SIG;

- le réseau acheminant le courant apporté, qui repose sur la ligne à deux ternes 220 kV Romanel-Verbois, édifiée en 1967, fonctionne à la limite supérieure de sa capacité de transport. Sa marge de sécurité étant fortement réduite, d'importantes pannes peuvent survenir et affecter gravement la collectivité genevoise.

Enfin, du point de vue de la protection de l'environnement, il convient encore de souligner que le projet du barrage à Conflan est obligatoirement soumis à une étude d'impact.

Celle-ci permettra, en particulier, de fournir une appréciation précise sur la valeur écologique du Rhône dans ce secteur.

Si la pesée des intérêts entre la sauvegarde du site dans son état actuel et son exploitation à des fins de production d'énergie électrique, devait pencher en faveur de cette dernière, l'étude d'impact devra proposer des mesures de minimisation et de compensation dont les coûts seront intégrés au projet.

Conclusions

Au vu des considérations qui précèdent, Conflan constitue un ouvrage d'intérêt public prépondérant; son emplacement ne devrait pas empiéter sur le périmètre de la zone alluviale d'importance nationale de Vers-Vaux. Il devrait même être possible d'aller dans le sens d'une amélioration du but visé par la protection de cette dernière en réalimentant le bras de Vers-Vaux, comme prévu dans le «Livre Vert» du DIER - 1981.

Compte tenu de la prise de participation majoritaire des SIG dans la Sociétés des Forces Motrices de Chancy-Pougny (SFMCP) et du fait que la CNR est l'un des actionnaires de ladite société, les négociations avec la France doivent être reprises sous la conduite de la SFMCP en tant que futur maître de l'ouvrage et exploitant de l'aménagement, conformément aux voeux exprimés aussi bien par le Conseil de direction des SIG que par le Conseil d'administration de la SFMCP en date du 21 décembre 1994.

Le Conseil d'Etat estime enfin indispensable que la procédure relative au projet de Conflan se déroule en parallèle avec celle du renouvellement de la concession pour l'usine de Chancy-Pougny, en raison des délais de procédure extrêmement longs qui affecteront le projet binational de Conflan.