République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 25 avril 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 6e session - 14e séance
PL 7389-A I
En séance plénière du 14 décembre 1995, le Grand Conseil chargeait la commission de l'économie d'étudier le projet de loi 7389 du Conseil d'Etat dans les plus brefs délais. Ce fut chose faite.
Sous la présidence de M. Pierre-Alain Champod, assisté de M. Jean-Philippe Maitre, chef du département de l'économie publique, de Mme Catherine Rosset - juriste au département de l'économie publique (DEP) - et de M. Bernard Gabioud - directeur auprès du secrétariat général du DEP, la commission de l'économie a étudié et statué sur ce projet de loi le 8 janvier 1996.
Introduction
Les dispositions fédérales en matière de licenciements collectifs sont:
1. la loi sur le service de l'emploi et la location de services (art. 29 et 39) et son ordonnance (art. 53);
2. la loi sur l'information et la consultation des travailleurs dans les entreprises (art. 10, lettre c);
3. le Code des obligations.
De nouvelles dispositions du Code des obligations (art. 333, 333a, 335d, 335e, 335f, 335g, 336 et 336a) entrées en vigueur le 1er mai (sic) 1994, instituent une réglementation spécifique en matière de licenciements collectifs et de transferts d'entreprises; ces dispositions fédérales ont introduit des principes nouveaux:
• le devoir de consultation des travailleuses et des travailleurs avant tout licenciement collectif;
• le développement du rôle de l'administration lors de la procédure de licenciement collectif.
Tant la loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services que le Code des obligations règlent de manière exhaustive la question des licenciements collectifs ne laissant pas de place à un droit cantonal contraire. Celui-ci devait être modifié afin de tenir compte des modifications et des nouvelles dispositions fédérales citées au points 1, 2 et 3.
D'autre part, la nouvelle loi fédérale sur le chômage entrant en vigueur le 1er janvier 1996 et introduisant le principe de la commission tripartite (art. 85c LACI) nécessitait l'adaptation de la loi cantonale sur le service de l'emploi et de la location de services.
Discussions
Le droit fédéral règle de manière exhaustive la question des licenciements collectifs; aussi, les échanges au sein de la commission de l'économie ont principalement porté sur la désignation de la commission tripartite et son rôle tels que prévus par la nouvelle loi fédérale sur le chômage. Le canton de Genève semble avoir été innovateur en matière de réorganisation de l'office de l'emploi puisque la mission de la commission tripartite, telle que voulue par la LACI, était déjà remplie avant même qu'elle soit inscrite dans le droit fédéral.
En effet, les tâches liées à l'application de la politique générale de l'emploi (par exemple l'équilibrage de l'offre et de la demande d'emplois dans le canton et les mesures visant la réinsertion professionnelle des chômeuses et chômeurs) étaient assurées par le Conseil de surveillance du marché de l'emploi (organe tripartite).
Ce Conseil se réunissait par le passé une fois par an, déléguant ses compétences à son bureau réuni lui aussi dans une composition tripartite. Le Grand Conseil a formalisé ce fonctionnement en modifiant la composition du Conseil en octobre 1995. Le bureau est devenu le Conseil de surveillance du marché de l'emploi. La mission de celui-ci sera encore élargie par le projet de loi 7389 qui lui confère celle de la commission tripartite tel que le prévoit la LACI. Ces modifications ont été approuvées par les partenaires sociaux.
La commission de l'économie a approuvé à l'unanimité l'entrée en matière du projet de loi 7389.
Commentaires article par article et votes
Article 1 (nouvelle teneur)
Il s'agit d'une modification formelle intégrant les dispositions relatives aux licenciements collectifs inscrites dans le Code des obligations.
Vote: à l'unanimité
Article 12, alinéa 2, lettre f
Quelques inquiétudes ont été exprimées sur l'intégration de la mission voulue par la commission tripartite à celle du Conseil de surveillance du marché de l'emploi. Les membres de la commission ont été informés que le Conseil siégeait actuellement une fois par mois et que des réunions intermédiaires seraient convoquées plus fréquemment si nécessaire.
Au vu de l'attribution du rôle de la commission tripartite au Conseil de surveillance du marché de l'emploi, la participation de la direction de la caisse cantonale genevoise de chômage aux séances du Conseil est indispensable.
Vote: à l'unanimité
Article 23 (nouvelle teneur)
La loi actuelle prévoit un délai d'annonce pour l'employeur, en cas de licenciements collectifs et de fermeture d'entreprises, de 20 jours, ce qui permet à l'autorité compétente de prendre les mesures préventives à l'égard des chômeuses et chômeurs. La disposition impérative de droit fédéral supprime le délai de 20 jours pour la formule restrictive «au plus tard au moment où les congés sont donnés», le droit cantonal doit s'harmoniser. Quel euphémisme !
La loi actuelle prévoit aussi une négociation entre l'autorité compétente et les partenaires sociaux lors de mesures à prendre pour la sauvegarde de l'emploi, le placement et le recyclage des travailleuses et des travailleurs. Le projet de loi 7389 ne peut reprendre le principe de la négociation puisque que le délai d'annonce des licenciements à l'autorité compétente (l'office cantonal de l'emploi) est réduit au moment où les congés auront été donné.
Vote: 10 pour
3 abstentions ( S, 2 AdG)
Article 24 A (nouveau)
Les articles 24 et suivants ressortissant du Code des obligations concernent des rapports de droit privé; un peu de souplesse est admise permettant des compléments. Les commissaires ont estimé que la profession exercée par les travailleuses et travailleurs licencié-e-s collectivement devait être mentionnée afin de donner à l'autorité compétente un maximum de renseignements utiles à leur reclassement.
Vote: amendement, alinéa 1, lettre a: « ... la profession et la fonction exercées...» approuvé à l'unanimité
Article 24 B (nouveau)
En cas de non-respect de la procédure de l'employeur, les commissaires admettent que les travailleuses et travailleurs ont le droit de recevoir d'office une attestation écrite de l'autorité compétente leur permettant d'actionner le Tribunal des prud'hommes.
Vote: amendement: «... l'autorité compétente en fait état par écrit...» approuvé à l'unanimité
L'ensemble du projet de loi 7389 est voté à l'unanimité.
Conclusion
Le droit fédéral impératif et exhaustif en matière de licenciements collectifs s'imposant aux membres de la commission de l'économie (et à l'ensemble des travailleurs !), les commissaires ont toutefois modestement contribué à garantir le déroulement de la procédure le plus équitablement possible. L'ensemble des membres de la commission de l'économie vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'approuver les propositions de ce projet de loi.
Premier débat
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S), rapporteuse. Je voudrais rappeler juste un point. La discussion a porté principalement sur la suppression du délai d'annonce de vingt jours, laissé à l'employeur lors de licenciements collectifs et de fermeture d'entreprise.
Ce point a suscité le mécontentement de commissaires qui ont néanmoins dû se soumettre au droit fédéral, au moment du vote.
Nous notons que cette restriction du droit des travailleurs s'inscrit dans le droit-fil de certaines décisions prises par le législateur fédéral.
C'est dommage parce qu'il reviendra aux cantons d'en assumer les conséquences.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7389)
LOI
modifiant la loi sur le service de l'emploiet la location de services
(J 4 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur le service de l'emploi et la location de services, du 18 septembre 1992, est modifiée comme suit:
Article 1 (nouvelle teneur)
Dispositions applicables
Le service de l'emploi, la location de services, les licenciements collectifs et fermetures d'entreprises sont réglés par:
a)
la loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services, du 6 octobre 1989 (ci-après la loi fédérale);
b)
les articles 335 d et suivants du Code des obligations.
Art. 12, al. 1, dernière phrase (nouvelle)
al. 2, lettre f (nouvelle)
Conseil de surveillancedu marché de l'emploi
Compétence
(...) Le conseil est également désigné en qualité de commission tripartite au sens de l'article 85c de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (ci-après loi fédérale sur l'assurance-chômage), du 25 juin 1982.
f) le directeur de la caisse cantonale genevoise de chômage, ou son suppléant, représentant la caisse publique, avec voix consultative, conformément à l'article 85c de la loi fédérale sur l'assurance-chômage.
CHAPITRE III A
Licenciements collectifs et fermetures d'entreprises
(nouveau, comprenant les articles 23 à 24 B,le chapitre III A abrogeant les sections 3 et 4)
SECTION 1
OBLIGATION DE L'EMPLOYEUR EN GÉNÉRAL
(nouvelle)
Art. 23 (nouvelle teneur)
Principe
1 Tout employeur doit annoncer les licenciements collectifs et les fermetures d'entreprises dès lors qu'ils touchent au moins 6 travailleurs dans une période d'un mois civil.
2 L'annonce doit parvenir à l'autorité compétente le plus tôt possible, mais au plus tard au moment où les congés sont donnés.
3 L'annonce comprend:
a)
le nombre, le sexe et la nationalité des travailleurs touchés;
b)
le motif de la fermeture;
c)
la branche à laquelle appartient l'entreprise qui licencie des employés;
d)
la date de la fin des rapports de service.
SECTION 2
OBLIGATIONS DE L'EMPLOYEUR EN VERTU DU CODE DES OBLIGATIONS
(nouvelle)
Art. 24 (nouvelle teneur)
Obligation
de notifier
1 Dans les cas prévus aux articles 335 d et suivants du Code des obligations, l'employeur doit en outre notifier par écrit à l'autorité compétente tout projet de licenciement collectif.
Contenu
2 Cette notification, dont une copie est transmise à la représentation des travailleurs ou, à défaut, aux travailleurs, comprend les résultats de la consultation des travailleurs et tous les renseignements utiles concernant le projet de licenciement collectif.
Art. 24 A (nouveau)
Renseignements utiles
1 L'autorité compétente, afin de trouver des solutions aux problèmes posés par les licenciements collectifs, peut, en plus des indications mentionnées à l'article 23, alinéa 3, exiger notamment les renseignements utiles suivants:
a)
le nombre total des employés de l'entreprise, le nombre et la liste nominative des travailleurs concernés, avec des renseignements d'état civil complets, la profession et la fonction exercées, le nombre d'années de service ainsi que le dernier salaire annuel réalisé dans l'entreprise;
b)
les dispositions envisagées par l'entreprise en faveur du personnel licencié;
c)
la situation économique de l'entreprise.
Convocation de l'employeur
2 Elle peut également convoquer l'employeur ou toute personne dont elle juge la présence nécessaire en vue de trouver des solutions.
Art. 24 B (nouveau)
Non-respect de
la procédure
En cas de non-respect de la procédure, notamment en l'absence de consultation de la représentation des travailleurs ou, à défaut, des travailleurs, l'autorité compétente en fait état par écrit à l'employeur avec copie à la représentation des travailleurs ou, à défaut, aux travailleurs.
SECTION 3 (section 4 actuelle)
ANNONCE DES LICENCIEMENTS, DES MISESÀ PIED ET DES RÉDUCTIONS D'HORAIREÀ DES FINS STATISTIQUES
(comprenant l'art. 25)