République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 28 mars 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 5e session - 9e séance
R 312
EXPOSÉ DES MOTIFS
La situation de la famille Hosseini Madani mérite notre soutien.
A l'instar d'ailleurs du vaste mouvement de soutien qui s'est créé à Vernier, tant à l'école de Balexert qu'au jardin Robinson.
Les autorités exécutives de Vernier ont également fait une démarche et le Conseil municipal s'apprête à voter une résolution.
M. Hosseini Madani est arrivé dans notre pays en 1989. Il avait dû fuir l'Iran pour des raisons politiques. Des photos compromettantes pour le gouvernement avaient été saisies dans son atelier de photographie. Il a demandé l'asile dès son arrivée dans notre pays. Son épouse l'a rejoint en 1990 avec leurs trois enfants.
Les enfants ont été scolarisés dès la rentrée scolaire de 1991 et ils se sont très bien intégrés dans les écoles. Leur maman est décédée d'un cancer le 7 novembre 1993, à l'âge de 35 ans. Cette disparition dans des conditions tragiques a profondément atteint M. Hosseini Madani dans sa santé psychique et il suit actuellement un traitement médical.
Il s'occupe néanmoins de ses enfants avec l'aide de membres de sa famille établis en Suisse et au bénéfice de permis en règle.
Après avoir travaillé de manière très régulière au restaurant Frascati à Meyrin, M. Hosseini Madani a dû interrompre son activité professionnelle pour se consacrer à ses enfants très traumatisés par le décès de leur maman et afin de suivre son traitement médical. Il peut actuellement reprendre son activité, il a d'ailleurs trouvé un emploi, mais sa situation précaire l'empêche d'obtenir une autorisation de travail.
La demande d'asile de M. Hosseini Madani a été rejetée, ainsi que le recours en date du 8 novembre 1995, le départ ayant été fixé au 15 février 1996. Toutefois, eu égard à la santé de M. Hosseini Madani dûment attestée par un certificat médical, l'office fédéral des réfugiés a décidé de suspendre l'exécution de renvoi et d'impartir un délai au 25 mars 1996 pour la production de nouvelles pièces.
La santé de M. Hosseini Madani est un aspect. Les risques qu'il encoure en rentrant dans son pays en sont un autre que nous ne pouvons juger que de manière subjective, mais chacun a en tête le sort réservé aux opposants à des régimes totalitaires. Le troisième étant bien sûr l'aspect humanitaire de cette situation douloureuse, qui ne peut que sauter aux yeux, et auquel nous aurions souhaité un peu plus de sensibilité de la part de nos autorités fédérales. Les enfants ont droit après avoir vécu le drame de perdre leur maman à une vie sécurisante auprès de leur papa et dans un pays où ils sont intégrés et protégés, pays aussi où leur maman est ensevelie.
Nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir vous associer à ce très large mouvement de soutien en acceptant de renvoyer cette résolution au Conseil fédéral.
Débat
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je remercie le Bureau qui a accepté de mettre cette résolution au premier point de l'ordre du jour. Je salue également l'accueil extrêmement favorable de tous les groupes politiques. La situation étant connue, j'en profiterai pour faire une présentation relativement brève.
M. Hosseini Madani - qui assiste à cette séance avec son comité de soutien - a dû fuir l'Iran à la suite de la fermeture de son atelier de photographie et de la saisie, par le gouvernement, de photos compromettantes. Arrivé dans notre pays en 1989, il a déposé une demande d'asile. Il a été rejoint ensuite par sa femme et ses trois enfants, scolarisés à Genève depuis le mois de septembre 1991.
Mme Hosseini, déjà atteinte d'un cancer à son arrivée à Genève, a été soignée à l'hôpital de Genève. Sa famille a eu la douleur de la perdre en novembre 1993. Elle est ensevelie à Vernier, ce qui accroît le lien d'attachement de la famille Hosseini à notre canton.
Depuis son arrivée à Genève, M. Hosseini Madani a toujours travaillé, mais il a dû interrompre son activité au décès de sa femme pour s'occuper de ses enfants, traumatisés par le départ de leur maman. Il a maintenant obtenu un travail, mais pas d'autorisation, vu sa situation précaire. Il souffre actuellement d'une grave affection psychique, qui nécessite un traitement médico-psychiatrique de longue durée selon l'attestation du médecin.
Les risques encourus, s'il doit rentrer dans son pays, sont difficiles à évaluer objectivement, mais ils existent. Plusieurs compatriotes ont fourni des témoignages dramatiques, et les nouvelles d'Iran confirment le sort réservé aux opposants au régime. D'ailleurs, le Parlement européen vient d'adopter une résolution, le 13 mars 1996, pour condamner fermement la violation des droits politiques et des droits de l'homme en Iran.
Malgré toutes ces raisons dûment exposées par la défense de M. Hosseini, l'Office fédéral des réfugiés a pris la décision de le renvoyer. Le recours présenté par son avocat a également été rejeté le 8 novembre 1995. La révision de la décision de recours se basant sur des faits nouveaux - la gravité de la maladie psychique notamment - a été demandée ensuite, car il est impossible de recevoir un traitement adéquat en Iran. En effet, cette maladie y est associée à une maladie mentale, assimilée à un déficit en la croyance divine et publiquement blâmable.
Cette nouvelle requête, également rejetée, a été transmise à l'Office fédéral des réfugiés pour un éventuel réexamen. La décision va être connue dans quelques jours. Le soutien du Grand Conseil genevois intervient à ce moment-là, et revêt toute son importance. Un très grand mouvement de soutien de parents d'élèves s'est créé autour des enseignantes des enfants Hosseini Madani, et une partie d'entre eux se trouve à la tribune ce soir.
Une résolution, semblable à celle que nous vous proposons, fut votée à l'unanimité par le Conseil municipal de Vernier le 12 mars. Le service social et les autorités exécutives de cette commune, la Ligue suisse des droits de l'homme ainsi que d'autres associations ont également manifesté leur soutien. En le remerciant d'avance, je demande au Grand Conseil de se joindre à ce grand élan de solidarité, en espérant que Berne nous entende, afin d'obtenir le geste humanitaire qui sauvera la famille Hosseini.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat ne peut que recommander le renvoi de ce texte à l'autorité fédérale. Nous souscrivons à l'exposé des faits. J'aimerais toutefois préciser qu'une demande de réexamen, fondée sur l'état de santé de M. Hosseini Madani, a été déposée devant la Commission suisse de recours en matière d'asile, la CRA. La cause a été renvoyée à l'Office fédéral des réfugiés, l'ODR, qui a demandé un dossier médical, en cours d'examen. Sa décision pourrait être présentée à la commission de recours prochainement.
L'exécution du renvoi a été formellement suspendue jusqu'à la décision de l'ODR. Et quelle que soit cette décision, l'autorité cantonale peut déjà assurer les auteurs de la proposition de résolution qu'une expulsion n'est pas envisageable avant la fin de l'année scolaire. Le Conseil d'Etat recommande donc le renvoi de ce texte à l'autorité fédérale.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
RESOLUTION
concernant le renvoi de la famille Hosseini Madani en Iran
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- que M. Akbar Hosseini Madani a déposé une demande d'asile, pour des raisons politiques, dans notre pays en 1989;
- que la décision des autorités suisses est négative, mais qu'elle est actuellement sujette à une suspension dans l'attente de pièces médicales;
- que les trois enfants de M. Madani sont bien intégrés dans les écoles genevoises, cela depuis 1991;
- qu'un vaste mouvement de soutien de parents et d'enseignants s'est constitué afin de permettre à cette famille de rester à Genève;
- que Mme Hosseini Madani est décédée des suites d'un cancer le 7 novembre 1993, et qu'elle est ensevelie à Vernier;
- que ce décès a largement traumatisé les enfants et qu'une stabilité est indispensable à leur développement;
- qu'un renvoi de cette famille aurait de très graves conséquences,
invite le Conseil fédéral
- à intervenir auprès de l'office fédéral des réfugiés, afin que le réexamen en cours de ce dossier, permette de lui donner une issue positive;
- à tout entreprendre afin que la famille Hosseini Madani puisse être mise au bénéfice d'un statut qui lui permette de résider dans notre pays.