République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 28 mars 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 5e session - 10e séance
M 984-A
Sous la présidence de Mme Geneviève Mottet-Durand, la commission a consacré une séance à cette proposition. Assistaient aux travaux, M. Jean-Pierre Rageth, directeur du département de l'action sociale et de la santé, et M. Albert Rodrik, directeur de cabinet du département de l'action sociale et de la santé.
Historique
C'est le 30 mars 1995 que le Grand Conseil renvoyait en commission cette motion 984. Lors des débats de préconsultation, Mme Claire Torracinta-Pache avait souhaité traiter conjointement sa proposition avec celle de MM. Philippe Schaller, Bénédict Fontanet et Pierre-François Unger concernant les emplois à domicile, motion 963 (voir texte en annexe). Or, M. Daniel Ducommun, président de la commission fiscale, dans une lettre du 31 mai 1995, informait la commission des affaires sociales qu'il préférait (en accord avec les auteurs) lui renvoyer la motion 963, afin qu'elle soit un outil de référence à la motion 984.
Travaux de la commission
Après un premier tour d'horizon, les députés ont constaté que les deux motions étaient fondamentalement différentes:
- la motion du PDC demande à étudier l'opportunité d'une déduction fiscale pour les contribuables employeurs à titre privé concernant les emplois à domicile;
- la motion socialiste consiste à demander une simplification nécessaire à la déclaration des personnes employées partiellement à des activités familiales ou domestiques (femmes de ménage - jardiniers - gardes d'enfants); elle soulève un problème de forme, de procédure administrative.
La commission des affaires sociales constate que les deux motions ne sont pas liées. C'est pourquoi elle a décidé d'étudier prioritairement la motion socialiste, car il est urgent de simplifier les formalités de déclaration des emplois à domicile.
En effet, force est de constater qu'aujourd'hui elles constituent un véritable parcours du combattant. Tout d'abord, l'employeur s'adresse à la caisse cantonale de compensation qui lui envoie un questionnaire à remplir, il le renvoit dûment rempli. En réponse, il reçoit trois ou quatre brochures avec tous les renseignements sur les taux des diverses cotisations à payer ainsi que les frais administratifs y relatifs.
Chaque employeur doit faire lui-même les calculs tous les trois mois. Ainsi, tous les trimestres, il refait les calculs en fonction du nombre d'heures et du salaire horaire afin de s'acquitter des charges sociales dues au moyen des bordereaux de versements adéquats. En outre, en fin d'année, l'administration exige un résumé récapitulatif et, le cas échéant, l'employeur doit remplir une attestation supplémentaire pour les allocations familiales, sans parler encore du contrat d'assurance-accident à conclure. Et tout cela... pour quelques heures de travail par semaine ! C'est tout à fait dissuasif.
La commission estime que la procédure est trop compliquée et qu'il est nécessaire de changer le système. C'est un problème de pure technique administrative qui ne peut pas être résolu dans une commission parlementaire.
Conclusion
Il est étonnant que le Conseil économique et social fasse exactement la même proposition au Conseil d'Etat, ce d'autant plus qu'il ne doit pas ignorer les travaux parlementaires et que cette proposition de motion date du 2 mars 1995.
En espérant que sa requête renforcera cette démarche politique, la commission souhaite une rapide simplification de procédure de déclaration des emplois à domicile pour que les employés puissent bénéficier des droits qui sont les leurs (notamment les prestations sociales).
Dans cet objectif, c'est à l'unanimité que la commission vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette proposition de motion, dans sa rédaction initiale, au Conseil d'Etat.
ANNEXE
(M 963)
PROPOSITION DE MOTION
concernant les emplois à domicile
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- le taux de chômage élevé qui subsiste dans notre canton;
- le fait que le chômage touche plus particulièrement les personnes peu ou pas qualifiées;
- qu'il faut tout mettre en oeuvre pour créer des emplois;
- que certains pays voisins se sont essayés avec succès à la création d'emplois de proximité par le biais notamment d'incitations fiscales;
- qu'il existe de nombreux salariés à domicile en situation non déclarée;
- que ces situations créent un certain nombre d'inégalités tant au niveau de la protection sociale que des relations de travail;
- qu'il est souhaitable de créer des emplois familiaux, notamment dans le cadre de gardes d'enfants ou de personnes âgées,
invite le Conseil d'Etat
- à étudier l'opportunité d'une déduction fiscale pour les contribuables employeurs à titre privé;
- à déterminer le type d'emploi susceptible d'être pris en considération;
- à fixer, le cas échéant, le montant maximum pouvant être déduit;
- à évaluer l'impact d'une telle mesure sur les finances publiques, la création d'emplois et la protection sociale.
Débat
M. John Dupraz (R), rapporteur. Je voudrais apporter quelques compléments. Tout d'abord, quel a été notre étonnement en constatant que le Conseil économique et social avait fait la même proposition que nous au Conseil d'Etat, alors que cette motion est pendante devant notre parlement depuis plusieurs mois. J'espère que le Conseil économique et social sert à autre chose qu'à répéter les actions de notre Grand Conseil ! (Rires.)
De plus, cette motion peut paraître anodine à certains, lesquels considèrent que la plupart des personnes ayant des emplois à domicile sont des personnes dont le conjoint travaille et bénéficie de prestations sociales, puisque régulièrement déclaré. Dans ces circonstances, la famille bénéficie notamment des allocations familiales, des prestations AVS, etc.
Mais il peut arriver, suite à un décès, à un divorce, que les personnes occupant ces emplois à domicile se trouvent seules à 50 ans, voire à un âge plus avancé, sans prestations sociales, puisqu'elles n'ont pas été déclarées. L'intérêt de cette motion réside dans la demande au Conseil d'Etat de mettre en place un système qui permette aux employeurs de déclarer leurs employés occupant ces emplois à domicile - ce sont souvent des emplois à mi-temps, à tiers-temps ou à temps partiel. Il est important de déclarer ces employés pour qu'ils puissent bénéficier de toutes les prestations sociales.
Et puis, Mesdames et Messieurs les députés, au moment où l'on parle de déréglementation, de dérégulation, de libéralisation, de concentration des entreprises, on supprime de plus en plus d'emplois. Avec le vieillissement de la population il y aura de plus en plus d'occasions de créer des emplois à domicile qui seront les bienvenus pour de nombreuses personnes. Il est donc utile de mettre en place un système reconnaissant le statut de ces employés pour qu'ils puissent bénéficier de la protection sociale qui leur est due.
Mme Claire Torracinta-Pache (S). Je remercie M. Dupraz de son rapport. Je remercie également le Grand Conseil de bien vouloir accepter de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.
Nous ne pensons pas que cette motion va permettre de faire sortir de l'ombre d'un seul coup toutes les travailleuses et les travailleurs, appelés «travailleurs gris». Ce n'est pas très joli, mais c'est l'expression consacrée pour désigner ces travailleuses et ces travailleurs non déclarés. Nous pensons qu'une simplification de la procédure, grâce à l'utilisation, par exemple, du chèque emploi service, devrait inciter un certain nombre d'employeurs et d'employés concernés à se mettre en règle, et cela pour le bien des deux parties.
Mais il est clair que pour atteindre ce but il ne suffira pas de simplifier la procédure. Cette simplification devra également être accompagnée d'une information aux deux milieux concernés. Comment ? Là est la question !
Côté employeurs on pourrait, par exemple, imaginer une circulaire envoyée à toutes les familles à partir d'un certain revenu. Côté employés, il faudrait imaginer une collaboration avec les syndicats.
Il reste certainement des réflexions à mener dans ce domaine, mais je pense que le Conseil d'Etat pourra s'appuyer sur l'excellent rapport fourni par le Conseil économique et social, même si sur ce point je partage l'étonnement de M. Dupraz. Quelle n'a pas été ma surprise, en effet, de découvrir en manchette, il y a quelques mois, que le Conseil économique et social avait trouvé une idée de génie : il préconisait l'emploi du chèque emploi service ! Je suis certainement très contente qu'il nous ait rejoints sur ce point. Mais il faudrait améliorer l'information et l'articulation des sujets traités dans les deux instances. Je me demande toutefois ce qui se serait passé, Monsieur le président du Conseil d'Etat, si nous étions partis dans des conclusions différentes ?
Je dirai encore que des mesures incitant à la déclaration facilitée d'emplois à domicile sont indispensables et urgentes. Actuellement, des femmes de ménage qui travaillent à plein-temps - pas à mi-temps ou à tiers-temps - mais chez une dizaine d'employeurs différents, ne sont pas déclarées et se trouvent sans aucune protection sociale, ce qui est inadmissible.
La première étape de ce processus est la simplification de la procédure de déclaration. C'est pourquoi nous espérons que le Conseil d'Etat pourra faire diligence et trouver rapidement un système qui corresponde à nos us et coutumes suisses.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
concernant la déclaration des emplois à domicile
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- le nombre de personnes travaillant à temps partiel dans l'économie domestique et non déclarées par leurs employeurs;
- le fait que ces personnes ne bénéficient par conséquent d'aucune protection sociale;
- la complication des démarches administratives à effectuer pour régulariser la situation de ces personnes, même pour des emplois de quelques heures par semaine;
- le côté dissuasif que peut avoir la procédure actuelle;
- la motion 963 renvoyée en commission,
invite le Conseil d'Etat
- à simplifier au maximum les formalités nécessaires à la déclaration des personnes employées partiellement à des activités familiales ou domestiques;
- à s'inspirer pour ce faire du système français du chèque emploi service.