République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 28 mars 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 5e session - 10e séance
I 1963
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Etant donné l'heure tardive, j'essaierai d'être brève pour traiter d'une question latente... (Chahut.)
La présidente. Un peu de silence, s'il vous plaît, afin que la députée puisse être précise, concise et efficace !
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus. J'essaierai, Madame la présidente ! Je vais donc traiter d'une question latente, voire ringarde : y a-t-il, oui ou non, pénurie d'infirmières ? C'est pourquoi je voudrais m'adresser au chef du département.
Dans un canton qui forme autant de médecins que d'infirmières; où il existe, de fait, un numerus clausus sur la formation d'infirmière; où les effets conjugués des postes non pourvus avec ceux des longues absences alimentent le paradoxe de la pénurie et du chômage des infirmières, les effets des restrictions budgétaires vont-ils suffire pour trouver une solution remédiant à la pénurie d'infirmières ?
Cette pénurie est souvent exploitée dans la discussion commune. Elle sert d'excuse, de légitimité et à d'autres choses encore.
Or nous sommes dans un canton, voire dans un pays, qui utilise des diplômées en provenance de tous pays. Les cantons de Genève et de Vaud accueillent plus de 50% d'infirmières diplômées étrangères. En disant cela, je ne leur dénie pas le droit de travailler chez nous, mais signifie qu'elles ont été formées dans leur pays d'origine et qu'elles ont été attirées par le nôtre qui en avait besoin et disposait des moyens matériels pour les inciter à venir.
Est-ce une bonne politique ou devons-nous souscrire à des directives d'organisations internationales, dont le Conseil de l'Europe, qui préconisent l'autosuffisance de chaque pays en la matière, quitte à ce que les personnes puissent circuler librement ?
Quelques restrictions budgétaires ont semblé apporter une solution au manque chronique de personnel soignant. Par conséquent, continuerons-nous à nous appuyer sur des perspectives budgétaires pour remédier à la situation ou entreprendrons-nous une réelle planification du personnel de santé ?
En effet, comment faut-il faire pour maintenir au travail des personnes qualifiées en la matière, compte tenu de l'augmentation de la durée de vie diplômée et professionnelle des femmes, souvent conduite en deux étapes, soit avant la naissance des enfants, soit après ? Oui, comment faut-il faire, compte tenu des conséquences de la prédominance féminine dans les métiers de santé; de l'attitude des femmes par rapport à leur travail d'intérieur et leur carrière professionnelle; de l'astreinte à des horaires de vingt-quatre heures sur vingt-quatre, six jours sur sept; de la dévalorisation des prestations du fait de la nouvelle loi sur le travail ?
Pour autant qu'elle existe, la pénurie de personnel infirmier doit être discutée, à mon avis, selon trois critères :
1. Le nombre de diplômés. Il est à relever que dans ce canton on a ouvert un plus grand nombre de places dans les écoles de soins.
2. L'organisation du travail. Peut-elle attirer le personnel diplômé de ce canton ? Le canton de Fribourg, confronté, il y a quelques années, à un manque de personnel soignant, a résolu le problème en ouvrant son organisation du travail dans son hôpital, avec différents horaires à choix.
3. La valorisation de la profession. Pour ce faire, il ne suffit pas de supprimer les indemnités de formation pour obtenir un soi-disant statut d'étudiant. Il faut valoriser la profession en élevant la formation et les salaires.
La planification du personnel de santé doit préoccuper le canton, à l'instar de la planification des lits et de la planification des prestations offertes.
Y a-t-il pénurie ? Y a-t-il une pénurie détournée, résolue par l'engagement de personnel étranger, lequel prive des pays de leurs professionnels qualifiés ? La Suisse emploie des infirmières de quarante nationalités différentes; la plupart viennent des pays frontaliers, étant donné qu'il nous faut des personnes parlant nos langues. Le quatrième pays étant l'ex-Yougoslavie, on peut se demander s'il n'a pas besoin des infirmières qu'il a formées ?
La planification du personnel de santé est-elle prise en compte dans celles des lits et des établissements mis en réseau ? Autrement dit, la politique de planification va-t-elle devenir une planification intercantonale ? Dépassera-t-elle le stade de tentatives sporadiques ?
Le nombre de professionnelles non actives dans ce canton est-il connu ? Serait-il judicieux d'étudier les conditions auxquelles elles réintégreraient leur profession ?
L'insuffisance chronique de personnel soignant et le recours tout aussi chronique à des diplômées étrangères, sans réciprocité, sont-ils recommandables ?
La réponse du Conseil d'Etat à cette interpellation figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.