République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 26 janvier 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 3e session - 4e séance
PL 7290-A et objet(s) lié(s)
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Le Conseil d'Etat a déposé le 29 août 1995 un projet de loi tendant à la modification de la loi d'application de la loi fédérale du 16 décembre 1983 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger.
Ce projet a été renvoyé par le Grand Conseil à la commission de l'économie qui l'a examiné sous la présidence de Mme Micheline Spoerri lors de ses séances des 2 et 16 octobre 1995.
Ont assisté aux travaux de la commission, M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat chargé du département de l'économie publique, M. Jean-Claude Manghardt, secrétaire général dudit département, Mme Catherine Rosset, cheffe du service juridique, et Mme Isabelle Rey, juriste; les procès-verbaux ont été tenus par Mme Jacqueline Meyer et M. Bernard Deshusses.
Que ces personnes soient remerciées pour leur participation et leur collaboration.
EXPOSÉ DES MOTIFS
I. Introduction
Le 25 juin 1995, les Genevois ont approuvé à une très large majorité les modifications de la loi fédérale sur l'acquistion d'immeubles par des personnes à l'étranger (ci-après LAIE), modifications que le peuple suisse dans son ensemble a, par contre, rejetées.
Ce texte, au destin malheureux, proposait d'assouplir la loi actuellement en vigueur, et qui l'est restée suite au vote du peuple.
Les autorités du canton, Grand Conseil et Conseil d'Etat, n'ont pu, bien sûr, que prendre acte de la décision majoritaire prise par les citoyens de notre pays, mais l'ont dans une très large mesure regrettée, puisqu'à plusieurs reprises Grand Conseil, Conseil d'Etat et des députés genevois aux chambres fédérales ont demandé l'assouplissement des dispositions d'une législation qui contient des relents de xénophobie et de repli sur soi.
Compte tenu de la volonté exprimée à réitérées reprises par les autorités du canton et de celle manifestée très clairement par le souverain genevois lors de la votation du 25 juin 1995, le Conseil d'Etat a décidé qu'il convenait d'utiliser au mieux les compétences susceptibles d'être données au canton par la LAIE en vigueur et de proposer de nouvelles adaptations de la loi genevoise d'application de la LAIE en en supprimant dans la mesure du possible les dispositions par trop restrictives. C'est en ce sens que le Conseil d'Etat a saisi le Grand Conseil d'un projet de loi en date du 29 août 1995, dont les principales innovations sont les suivantes:
- suppression du séjour préalable d'un an imposé actuellement à une personne physique avant qu'elle ne puisse solliciter l'autorisation d'acquérir un bien immobilier pour se loger;
- assouplissement des dispositions concernant l'acquisition de logements d'utilité publique, afin de faciliter l'investissement dans le logement social.
Toutes adaptations qui répondent aux besoins qui se sont fait sentir dans la pratique depuis plusieurs années, et ce, dans le strict respect du droit fédéral.
II. Travaux de la commission
Ainsi qu'il l'a été exposé, la commission de l'économie a examiné ce projet lors de ses séances des 2 et 16 octobre 1995.
Les débats de la commission ont été relativement brefs, dans la mesure où il s'agit d'un domaine technique, qui ne laisse que peu de place à la législation cantonale.
D'une manière générale et dans leur majorité, les commissaires ont estimé qu'il y avait lieu de profiter de toute la latitude (hélas limitée pour l'instant !) donnée par la législation fédérale, afin d'assouplir la loi genevoise d'application.
En effet, pour des personnes physiques étrangères domiciliées à Genève, il est inutilement chicanier de les obliger à résider un an sur le territoire du canton, avant de leur permettre d'acquérir qui un appartement, qui une villa.
Pour ce qui est du logement social, il est apparu que les dispositions relatives notamment au réemploi constituaient un frein inutile à l'investissement dans ce secteur par les personnes physiques ou morales sises à l'étranger (voir infra, commentaire article par article).
C'est autour de ce point que s'est cristallisée la seule opposition au projet de loi, émanant de l'Alliance de gauche qui considérait qu'il fallait maintenir l'obligation de réemploi afin de démultiplier, le cas échéant, l'effort en faveur du logement social.
La majorité de la commission n'a pas suivi l'Alliance de gauche, estimant que la suppression de cette notion était susceptible de contribuer à la relance et à l'investissement dans le secteur aujourd'hui sinistré de l'immobilier, ainsi qu'à la construction de logements sociaux.
La dernière modification importante a trait à l'élargissement de la notion d'immeuble de construction récente, ce qui n'a pas posé de problème particulier.
C'est à l'unanimité toutefois que l'entrée en matière a été acquise sur le projet de loi, à l'exception d'une abstention émanant du représentant du groupe des écologistes, lequel s'estimait insuffisamment informé pour se prononcer.
III. Commentaire article par article
Article 3, lettre b, chiffres 2 et 3
Acquisition de logements d'utilité publique
Il est rappelé que Genève est le seul canton à avoir, dans le cadre de la LAIE, introduit comme motif d'autorisation l'investissement dans le logement social. Cet investissement fut important dans les années 1960, diminua dans les années 1970, se raréfia en 1980, pour devenir quasiment inexistant actuellement. Aussi est-il essentiel d'assouplir, dans la mesure permise par la LAIE, les dispositions relatives à l'acquisition de logements d'utilité publique.
Pour plus de clarté, le chiffre 2 de l'actuel article 3, lettre b, a été scindé en deux parties (chiffres 2 et 3). C'est le chiffre 3 qui comporte l'essentiel des modifications proposées qui résultent de la pratique et visent à stimuler ce type d'investissement par le biais des deux assouplissements suivants:
1. Sont désormais assimilés à des immeubles de construction récente ceux qui ont subi une rénovation lourde. Dans la pratique de l'administration, lorsque tous les locataires ont quitté leur logement afin précisément qu'une telle rénovation puisse être effectuée, l'immeuble a été considéré comme étant de construction récente et, partant, susceptible de faire l'objet d'une autorisation d'acquérir.
Il convient à cet égard de souligner que la nécessité de limiter l'acquisition à un immeuble récent découle des exigences fixées par la loi fédérale (article 9, alinéa 1, lettre a, LAIE).
2. L'article 3, lettre b, chiffre 3, permet en outre de considérer un immeuble comme étant de construction récente lorsqu'au maximum cinq ans se sont écoulés à partir de la date d'entrée moyenne des locataires. Cette augmentation du délai de trois à cinq ans résulte également de la pratique. Il a en effet été constaté qu'un temps souvent très long s'écoule entre la date d'entrée moyenne des locataires, le bouclement des comptes de construction et la prise de l'arrêté du Conseil d'Etat mettant définitivement l'immeuble au bénéfice de la loi générale sur le logement et la protection des locataires.
Les modifications proposées ont été admises à l'unanimité, moins une abstention (Ve).
Article 4, alinéa 1, lettre c
Dépôt des actions de sociétés immobilières auprès d'un établissement bancaire
Cette modification est de nature formelle, elle résulte de la révision du droit des sociétés en vigueur depuis le 1er juillet 1992. La terminologie utilisée à l'actuel article 4, alinéa 1, lettre c, découle de l'ancien droit de la société anonyme; les termes utilisés sont en conséquence adaptés à la nouvelle teneur de l'article 633 du code des obligations.
Cette modification a été admise à l'unanimité, moins une abstention (E).
Article 4, alinéa 1, lettre d
Obligation de réemploi
Dans sa teneur actuelle, cette disposition prévoit l'obligation pour l'aliénateur, qu'il soit suisse ou étranger, d'un immeuble de construction récente comprenant des logements d'utilité publique, d'affecter le produit de l'opération à la construction d'autres logements d'utilité publique, lorsque l'acquéreur est une personne étrangère au sens de la LAIE.
Le projet de loi propose de supprimer cette obligation car, dans le contexte immobilier actuel, il n'est pas réaliste de vouloir soumettre un investisseur à une telle contrainte. Celle-ci a, aujourd'hui, un effet pervers dans la mesure où elle tend à dissuader bien des investisseurs à s'engager dans une opération de ce type.
Cette obligation a, du reste, posé de nombreux problèmes pratiques, et cela même lorsque l'économie immobilière était prospère. Il est ainsi fréquemment arrivé que le vendeur d'un immeuble comprenant des logements à caractère social ne puisse pas réinvestir le produit de l'opération dans des bâtiments récents ou dont la construction était sur le point de débuter, ainsi que l'actuel article 4, alinéa 1, lettre d, l'exige. Or, dans une période où les investissements immobiliers sont très à la baisse, l'obligation de trouver une opération remplissant les conditions précitées présente une difficulté encore accrue.
La solution appliquée dans de tels cas, qui consiste à bloquer le produit de la vente sur un compte bancaire dans l'attente d'un réinvestissement, n'est pas acceptable sous un angle économique. La situation est d'autant plus intolérable lorsqu'un tel blocage s'étend sur plusieurs mois, voire sur plusieurs années.
Par ailleurs, les grands investisseurs traditionnels dans ce type d'activité, tels que les grandes compagnies d'assurances, demandent plus de flexibilité, un allégement de leur portefeuille immobilier pouvant par exemple se révéler nécessaire au regard des réserves mathématiques obligatoires. Dans ce cas, l'obligation de réemploi constitue un frein sérieux, voire une entrave à l'investissement dans le logement social.
En outre, lorsque le vendeur se trouve dans une situation d'endettement qu'il cherche à assainir par la vente de son immeuble, le réinvestissement s'avère alors impossible.
Enfin, cette contrainte crée une inégalité de traitement en fonction de la personne de l'acheteur. En effet, elle n'est imposée au vendeur - suisse ou étranger - que dans la seule mesure où l'acquéreur est assujetti à la LAIE.
On relèvera, au surplus, que les cas de revente par des étrangers ayant dû solliciter une autorisation d'acquérir sont relativement rares.
L'abrogation de l'article 3, alinéa 1, lettre d, a été acceptée de la manière suivante:
- oui: 10
- non: 2 (AdG)
- abstention: 1 (Ve)
Article 4, alinéa 2
Cas de rigueur
La modification de cette disposition résulte de l'abrogation de l'article 4, alinéa 1, lettre d:
- oui: 10
- non: 2 (A)
- abstention: 1 (Ve)
Article 5, lettre a
Conditions d'acquisition par une personne physique domiciliée sur le territoire du canton
A teneur de l'actuel article 5, lettre a, un étranger assujetti au régime de la LAIE ne peut acquérir un bien immobilier en Suisse pour sa résidence principale qu'après avoir séjourné durant au minimum un an dans notre pays.
Cette restriction n'est pas imposée dans d'autres cantons et elle est inutile pour répondre au but poursuivi par la LAIE. En effet, il importe avant tout de s'assurer que l'étranger assujetti au régime de l'autorisation demeurera durablement en Suisse (article 5, lettre b, de la loi cantonale), peu importe le temps écoulé avant l'acquisition envisagée.
En conséquence, il est proposé de supprimer la condition d'un séjour préalable d'une année en Suisse. Cet allégement permettra à l'étranger assujetti d'acquérir un bien pour sa résidence principale dès le début de son séjour dans notre pays, respectivement dans notre canton.
Selon la nouvelle formulation de l'article 5, lettre a, l'administration devra toutefois continuer à vérifier que l'acquéreur a obtenu un titre de séjour lui permettant de se créer valablement un domicile en Suisse. Elle contrôlera également que la création du domicile est effective (voir article 5 de l'ordonnance d'exécution de la LAIE).
Enfin, l'administration continuera à examiner si le requérant dispose des revenus suffisants pour financer les charges hypothécaires liées à l'acquisition envisagée. Un manque de ressources financières pourrait en effet obliger l'acquéreur à revendre l'immeuble, l'acquisition pouvant alors être assimilée à un placement de capitaux prohibé par la loi; demeurent à cet égard réservés les cas de rigueur qui surviendraient ultérieurement.
La modification proposée a été admise à l'unanimité, moins une abstention (Ve):
Article 7, lettre b
Dépôt des actions de sociétés immobilières auprès d'un établissement bancaire
Il s'agit d'une modification purement formelle (voir commentaire sous article 4, alinéa 1, lettre c).
Elle a été admise à l'unanimité, moins une abstention (Ve).
IV. Conclusion
La commission a étudié avec soin le projet de loi 7290 qui, dans les limites imposées par la LAIE, apporte, compte tenu de la situation actuelle du marché immobilier, des assouplissements bienvenus concernant l'acquisition d'immeubles par des étrangers.
Au vote d'ensemble, ce projet a été adopté de la manière suivante:
- oui: 8
- non: 2 (AdG)
- abstention: 1 (Ve).
Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, la commission vous prie de bien vouloir accepter le projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission.
RAPPORT DE MINORITÉ DE L'ALLIANCE DE GAUCHE
Le projet de loi modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger, dite Lex Friedrich, rencontre, pour l'essentiel, l'accord de l'Alliance de gauche. Notre opposition porte cependant sur une disposition: celle prévoyant de ne plus obliger l'aliénateur d'un immeuble de construction récente comprenant des logements d'utilité publique de réinvestir dans des logements du même type.
La loi fédérale prévoit d'autoriser l'acquisition d'un immeuble comprenant des logements d'utilité publique afin de favoriser les investissements dans le logement social lorsqu'il y a pénurie de logements, comme c'est le cas dans le canton de Genève. A cet égard, il convient de relever que le parc immobilier à caractère social n'a cessé de se restreindre: il est passé de 40 373 logements subventionnés en 1980 à 27 677 en 1994. Les logements subventionnés ne représentent plus que le 14,2% des logements existants au 31 décembre 1994 contre 23% en 1980.
En proposant de supprimer la disposition prévue à l'article 4, alinéa 1, lettre d, la modification de la loi va à l'encontre du but recherché, à savoir maintenir, voire développer, les investissements dans le logement social. En effet, l'aliénateur d'un immeuble de construction récente comprenant des logements d'utilité publique ne sera plus contraint au réemploi de ses fonds dans des logements de même catégorie. Ainsi la vente à des personnes à l'étranger ne créera pas un seul logement social de plus.
Lors des débats en commission il nous a été objecté qu'il n'y avait que peu d'acquisitions de logements sociaux en raison de cette disposition, laquelle serait trop contraignante. S'il est exact que ces acquisitions sont rares elles ne dépendent pas des dispositions légales mais bien du marché immobilier. En effet, de 1987 à 1991, période de forts investissements dans l'immobilier, aucun immeuble de logements sociaux n'a été acquis au titre des dispositions de la Lex Friedrich alors que de 1992 à 1994 nous en totalisons cinq. Dans la période du boom immobilier les investisseurs s'intéressaient peu aux logements sociaux, alors qu'avec la crise les logements de ce type sont presque les seuls à trouver preneur et à garantir un rendement normal.
Les partisans de la suppression de l'obligation de réemploi prétendent, à tort, que le vendeur d'un immeuble de logements sociaux peut se trouver en difficulté lorsqu'il s'agit pour lui d'assainir sa situation d'endettement. C'est oublier la disposition de l'alinéa 2 de l'article 4 qui prévoit que l'obligation de réemploi peut être levée dans les cas de rigueur.
L'exemple des compagnies d'assurance ou de prévoyance qui seraient contraintes de revoir la répartition de leurs investissements n'est pas pertinent non plus. Ces compagnies se doivent de prévoir une part d'investissements dans l'immobilier à moyen et à long terme. Ce ne sont pas les dispositions d'application cantonales de la Lex Friedrich, touchant un nombre restreint de leurs opérations, qui sont susceptibles de modifier leur politique de placement, ce d'autant qu'il s'agit, dans le cas d'espèce, d'immeubles de construction récente.
Pour toutes ces raisons nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de maintenir la disposition de la lettre d de l'alinéa 1 de l'article 4 ainsi que l'alinéa 2 du même article telS qu'ils existent dans la loi actuelle. C'est pourquoi nous vous soumettons l'amendement suivant au projet de loi 7290:
Art. 4, al. 1, lettre d
d) obligation pour l'aliénateur d'un immeuble de construction récente comprenant des logements d'utilité publique, d'affecter le produit de l'opération à la construction d'autres logements d'utilité publique sur un fonds dont il dispose et équipé pour la construction. Cette obligation prend effet dès la date d'entrée moyenne des locataires dans l'immeuble aliéné.
La réintroduction de cette condition nécessite de modifier l'alinéa 2 de l'article 4 pour tenir compte des cas de rigueur:
Art. 4, al. 2
2 Dans le cas de rigueur, les charges prévues souslettre b et d, peuvent être levées par l'autorité cantonale compétente.
Si cet amendement est accepté, l'Alliance de gauche votera le projet de loi proposé.
(R 308)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Lors de la votation référendaire du 25 juin 1995, le corps électoral suisse a rejeté les modifications de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (Lex Koller), qui visaient à permettre différents assouplissements à la loi actuellement en vigueur.
A cette occasion, un clivage s'est à nouveau manifesté entre la Suisse romande et le Tessin, d'une part, et la Suisse alémanique, d'autre part.
Tout en regrettant que ce cas supplémentaire vers l'eurocompatibilité, justifié par ailleurs au regard de la situation économique actuelle, n'ait pas pu être franchi, il convient de prendre acte du résultat de ce scrutin.
Loin de contester que des sensibilités différentes puissent s'exprimer sur un tel sujet, il convient au contraire de les respecter. C'est dans ce contexte que l'on doit se demander si un traitement rigoureusement uniforme de cette matière sur l'ensemble du territoire de notre pays se justifie encore.
Nous croyons que tel n'est pas le cas et que le moment est venu de redonner à ce propos aux cantons davantage de marge de manoeuvre.
Dans sa teneur actuelle d'ailleurs, la Lex Friedrich, donne - mais dans une trop faible mesure - certaines compétences aux cantons. Ceux-ci peuvent en effet disposer de motifs supplémentaires d'autorisation (art. 9) ou, au contraire, prévoir des restrictions plus sévères (art. 13).
L'objet de la présente motion est de demander un pas de plus en créant la délégation de compétences nécessaire pour permettre aux cantons qui le souhaitent de prendre les dispositions législatives autorisant les personnes à l'étranger à bénéficier d'une procédure très simplifiée, pour autant qu'elles remplissent certaines conditions.
Il s'agirait ainsi d'autoriser l'inscription directe au Registre foncier de l'acquisition d'un immeuble par une personne étrangère pour autant que cette dernière prouve qu'elle est valablement domiciliée dans le canton du lieu de situation de l'immeuble et cela conformément aux règles de la police des étrangers.
De la même manière, l'acquisition d'un immeuble par une entreprise régulièrement inscrite au Registre du commerce du canton du lieu de situation de l'immeuble devrait pouvoir être directement inscrite au Registre foncier; en pareille hypothèse cependant, le notaire devrait requérir du Registre foncier l'inscription d'une mention à teneur de laquelle l'immeuble en question est obligatoirement affecté aux besoins propres de l'entreprise.
Enfin, il s'agit de donner plus de marge de manoeuvre aux cantons à vocation touristique, s'agissant de l'acquisition de logements de vacances ou d'appart-hôtel, en autorisant ces cantons à bénéficier d'un contingent supplémentaire de réserve auquel ils pourraient faire appel lorsque leur situation économique l'exige.
Il doit être, pour le surplus, souligné que l'élargissement des compétences cantonales par le biais d'une délégation législative figurant expressément dans la Lex Friedrich ne devrait pouvoir être concrétisé par les cantons qui le souhaitent qu'à la suite d'un processus offrant les garanties démocratiques nécessaires, c'est-à-dire une procédure législative cantonale ordinaire.
La Conférence des gouvernements de Suisse occidentale, constatant cet échec et désireuse de trouver une solution qui permettrait aux cantons qui le désireraient d'élargir le champ d'application de la Lex Friedrich, a pris la décision de recommander aux cantons membres et au Tessin d'agir par voie d'initiative cantonale auprès de l'autorité fédérale compétente.
Différentes interventions ont été développées aux Chambres fédérales, réclamant également davantage de compétences cantonales en la matière. Alors que le Conseil des Etats a accepté un élargissement de la marge de manoeuvre des cantons, tel n'a pas été le cas du Conseil national. C'est dire que des initiatives cantonales, tendant au même but, n'en sont que plus actuelles.
Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un accueil favorable à cette résolution.
Premier débat
M. Bénédict Fontanet (PDC), rapporteur de majorité. L'heure tardive ne m'empêchera pas de psalmodier les qualités de la proposition de résolution 308 !
Il y a eu la lex von Moos, la lex Furgler, la lex Friedrich, toutes adoptées, puis modifiées dans la foulée des initiatives xénophobes de la fin des années 60 et du début des années 70. A cette époque, sous la pression de la droite ultra-nationaliste, on a voulu limiter le nombre d'étrangers travaillant en Suisse, de même que la soi-disant mainmise étrangère sur le sol national que d'aucuns craignaient.
Rappelons que cette législation sur l'acquisition d'immeubles par des étrangers est extrêmement stricte et qu'elle n'a vraisemblablement pas son équivalent ailleurs, puisqu'elle interdit, à quelques exceptions près, à tout étranger domicilié à l'étranger d'acheter en Suisse. Seules les sociétés en main étrangère, ayant leur siège ou une succursale dans notre pays, peuvent acquérir un immeuble pour y pratiquer leurs propres activités.
Dans le but d'assouplir cette législation, dans un esprit d'ouverture, d'eurocompatibilité et, dans une certaine mesure, pour relancer le secteur immobilier par l'investissement étranger, le conseiller fédéral Koller a proposé de modifier cette loi, afin qu'après MM. von Moos, Furgler et Friedrich, l'on puisse avoir une lex Koller. Cette loi a été refusée lors de la malheureuse votation populaire du 25 juin 1995, sous la pression de la majorité alémanique, alors que les cantons romands et le Tessin l'avaient largement acceptée.
Le présent projet de loi a pour objectif de profiter, autant que faire se peut, de la marge de manoeuvre très limitée dont disposent les cantons à teneur de la lex Friedrich. S'agissant de la législation genevoise d'application, il vise à permettre aux étrangers d'acquérir qui une villa, qui un appartement, dès leur première année de séjour. S'agissant de l'investissement étranger dans le logement social, il vise, dans le respect de la loi Friedrich, à assimiler aux immeubles nouvellement construits ceux ayant fait l'objet d'une rénovation importante et récente, de façon que les assurances et les caisses de pension étrangères puissent investir dans l'achat, le cas échéant, la rénovation de tels bâtiments. Il vise enfin à supprimer une obligation de la loi cantonale qui veut que, lors de l'achat d'un immeuble social par une institution d'assurance étrangère, une société étrangère ou un particulier domicilié à l'étranger, le vendeur, suisse ou étranger, soit obligé de réutiliser le produit de sa vente dans une opération immobilière du même type. A l'époque ou les investissements sont très mobiles, cette obligation entrave l'investissement étranger dans le domaine du logement social.
La modification légale proposée à votre vote ne fera pas de miracle. Elle est limitée et résulte de la faible marge de manoeuvre dont disposent les cantons en matière d'acquisition d'immeubles par les étrangers. En revanche, elle apportera un assouplissement souhaité et nécessaire au secteur de l'immobilier genevois qui traverse une crise sans précédent.
Par conséquent, je vous invite à voter le projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission. J'interviendrai ultérieurement, le cas échéant et dans la mesure nécessaire, sur la proposition de résolution.
M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur de minorité. L'Alliance de gauche est favorable à cette loi, sauf en ce qui concerne le réemploi, s'agissant d'acquisition d'immeubles d'utilité publique. Nous assistons à une libéralisation dans les transactions immobilières, à l'instar de la libéralisation des capitaux qui, elle, est bien plus rapide que celle de la libre circulation des personnes. C'est pourquoi nous serions vraiment heureux que l'on accélère les procédures relatives, par exemple, aux saisonniers, qui doivent avoir la priorité sur celles touchant aux mouvements des capitaux.
Concernant le projet 7290, nous estimons que les dispositions actuelles faisant obligation à l'aliénateur de l'immeuble, qu'il soit suisse ou étranger, de placer le produit de sa vente dans un immeuble d'utilité publique, vont dans le sens du maintien de l'investissement social, lequel a considérablement baissé ces dernières années, le taux d'appartements subventionnés ayant passé de 23% en 1980 à 14% aujourd'hui.
C'est dans ce sens que nous vous demandons de voter notre amendement publié à la page 11 de notre rapport de minorité, à l'article 4, alinéa 1, lettre d) et, pour tenir compte de cas de rigueur éventuels, la modification de l'alinéa 2 du même article 4.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Il est inutile de rappeler à quel point le refus de l'assouplissement de la lex Friedrich, par le peuple suisse, handicape notre économie.
Ce projet, modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur les acquisitions d'immeubles par des étrangers, permet de sauver quelques meubles, si vous me permettez l'expression.
La LAIE admet quelques légères compétences cantonales, propices à l'adaptation de la loi genevoise. Il ne faut pas rater cette latitude. La suppression de l'obligation de séjourner un an, imposée au préalable aux personnes physiques avant qu'elles ne puissent acquérir un bien immobilier peut redonner des ailes au marché immobilier, de même que l'assouplissement de la loi en matière d'acquisitions de logements d'utilité publique facilitera l'investissement dans l'habitat social.
Ces modifications légales ne suffisent pas, mais elles auront le mérite de débloquer le marché du logement et de stimuler la construction immobilière.
C'est pourquoi l'amendement de l'Alliance de gauche ne doit pas être pris en considération, car, sous prétexte d'éviter des dérapages, il dépouille ce projet de loi, déjà minime, de ses modestes effets bénéfiques. Le groupe radical vous propose donc de voter le rapport de majorité.
La résolution, elle, obtient la totale adhésion du groupe radical. En effet, la votation fédérale du 25 juin a constitué une nouvelle démonstration du clivage existant entre la Suisse romande et le Tessin, d'une part, et la Suisse alémanique, d'autre part. L'électorat genevois a participé à cette fracture en approuvant l'assouplissement de la lex Friedrich. En Suisse occidentale, à l'heure où la situation économique est mauvaise, l'assouplissement de la lex Friedrich représente une des issues indispensables à la relance des investissements et à la lutte contre la montée du chômage. La résolution genevoise contribue à faire entendre la voix de notre canton au Conseil fédéral, associée à celles des autres cantons partageant les mêmes préoccupations. En effet, la prise en compte des différentes situations cantonales nous semble l'unique voie pour combler le fossé existant entre la Romandie et la Suisse alémanique.
C'est la raison pour laquelle le groupe radical vous demande de soutenir sans faille cette résolution, afin que les compétences cantonales soient reconnues et que nous puissions profiter de nouvelles impulsions pour la réussite de Genève.
M. Max Schneider (Ve). Après avoir écouté ces bonnes paroles, je n'interviendrai que brièvement.
Pratiquement tout a été dit. Il y a eu consensus au sein de la commission à propos de cette loi. L'Alliance de gauche a fait deux propositions qui sont vraiment minimes, puisque même dans les cas de rigueur, les charges prévues sous les lettres b) et d) peuvent être levées par l'autorité cantonale compétente.
Cela signifie que s'il y a un problème avec une entreprise ou un investisseur étranger, l'autorité compétente pourra lever les charges prévues. Cet amendement n'a pas grande importance, mais il constitue un message clair en faveur du logement social.
Voilà pourquoi le groupe écologiste votera le projet amendé dans le sens du rapport de minorité.
M. Jean Spielmann (AdG). Le projet de loi poursuit deux buts qu'il convient de distinguer clairement.
Il y a celui de l'acquisition d'immeubles par les personnes domiciliées à l'étranger ou domiciliées depuis moins d'une année dans notre pays. Dans ce cas, leur nationalité, suisse ou étrangère, importe peu. En revanche, il faut s'assurer que leurs opérations financières visent à satisfaire les besoins de la population et permettent à notre collectivité de mettre en place un certain nombre de cadres pour relancer l'investissement, notamment dans le domaine social.
Nombreux sont les exemples, dans ce domaine, qui ont motivé l'introduction de telles dispositions. Comme le relèvent les rapports de majorité et de minorité, elles concernent tous les investisseurs et pas seulement les étrangers. Je veux parler du deuxième but, à savoir le réemploi en matière de politique sociale.
Le problème est que vous avez profité de la première disposition pour en ajouter une autre visant à supprimer la notion de réemploi et toutes les obligations en découlant, notamment celle se rapportant à la durée et au maintien de l'investissement dans le logement social, permettant ainsi d'utiliser le capital pour des opérations à court terme. Le danger spéculatif est moindre aujourd'hui, à cause de la situation économique, mais il existe néanmoins. Par conséquent, la loi ne peut être modifiée à ce niveau.
C'est pourquoi nous avons déposé des amendements qui protègent l'investissement social. Les chiffres cités dans le rapport de minorité parlant d'eux-mêmes, il faut tout mettre en oeuvre pour favoriser ce secteur. Je vous invite, par conséquent, à voter les amendements de l'article 4 concernant la politique d'investissement dans le logement social. Vraiment, je trouve étrange que vous ayez tiré profit de l'assouplissement de la loi sur l'acquisition de biens immobiliers par les étrangers pour introduire cette disposition que nous refusons avec fermeté.
M. Bénédict Fontanet (PDC), rapporteur de majorité. Messieurs Spielmann et Schneider, renoncer à la modification des dispositions sur le réemploi, c'est vider la loi d'une partie importante de sa substance. Ce n'est pas faire la part belle aux spéculateurs, et vous êtes trop intelligent, Monsieur Spielmann, vous qui pratiquez la politique depuis si longtemps, pour ignorer les dispositions pertinentes appliquées en la matière !
L'investissement étranger, par des sociétés, des personnes physiques ou des institutions d'assurance établies à l'étranger est strictement limité au logement social.
Or, dans le domaine du logement social, les opérations et les prix de vente sont contrôlés, à Genève, par l'office financier du logement et, à l'occasion d'une revente, le bénéfice maximum, en période de contrôle, est fixé à 16% par l'administration. Il ne saurait donc être question de spéculation. Hors la période de contrôle, le département de l'économie publique dispose encore des moyens de s'assurer, à teneur des dispositions légales, des prix de vente pratiqués et il a à coeur, nul n'en doute, d'éviter des opérations de type spéculatif.
Il n'y a donc pas de spéculation possible dans ce domaine, en vertu des dispositions légales applicables, d'une part, et conformément à la pratique administrative des autorités cantonales, d'autre part.
C'est pourquoi ces amendements me paraissent devoir être rejetés. Aujourd'hui, on doit tout faire pour encourager l'investissement dans le logement social, et si vous voulez le favoriser, il vous faut supprimer cette obligation de réemploi. En effet, si vous expliquez à un investisseur établi à l'étranger et désireux d'acheter un immeuble en Suisse qu'il ne pourra pas disposer librement du produit de sa revente éventuelle et que ledit produit risque d'être bloqué sur un compte, qu'il y perdra ainsi tout attrait, il est certain qu'il renoncera à financer une opération à caractère social dans notre pays. Il investira dans le sien ou ailleurs.
Je vous invite donc à rejeter les amendements proposés par l'Alliance de gauche.
M. Laurent Moutinot (S). Nous connaissons pendant cette session nombre de décisions votées en commission et rejetées en plénière !
Le parti socialiste fait confiance aux députés qui le représentaient dans cette commission, et il soutiendra le projet de loi, tel qu'il ressort du rapport de majorité.
Nous partageons, bien sûr, les craintes de M. Spielmann s'agissant de la spéculation. Nous partageons aussi la volonté de M. Clerc de voir libéraliser la circulation des personnes de préférence à celle des capitaux. Mais là n'est pas le problème posé par ce projet de loi.
La limitation au réemploi a certainement pour effet de dissuader un certain nombre d'étrangers à financer notre logement social. Pour contrer les dérapages possibles d'afflux de capitaux étrangers, il nous faut compter sur la loi d'aménagement du territoire, sur la LGL, sur la LDTR et, au niveau communal, sur les PUS.
Nous estimons que les critères de domicile ou de nationalité n'ont pas à intervenir à ce niveau de la politique sociale.
M. Michel Halpérin (L). Le groupe libéral votera le rapport de majorité comme il est.
Hier et aujourd'hui, j'ai entendu plusieurs réflexions sur la décroissance du nombre d'immeubles subventionnés. Il n'y a rien d'extraordinaire à cela. Les immeubles subventionnés le restent pendant la durée prévue par la loi; au terme de celle-ci, ils sortent du marché des immeubles subventionnés, et, pour qu'il y en ait de nouveaux, il faut des investisseurs : ce sont ou des gens frappés par la crise qui ne financent plus rien, ou des institutions telles que des fonds de prévoyance, qui n'investissent plus à Genève, parce que découragées par la «réglementite», ou encore des investisseurs étrangers qui commettent peut-être l'erreur de croire que c'est mieux ici qu'ailleurs !
Avertis, ils ne placeront pas leur argent dans un marché captif. M. le rapporteur Fontanet a eu raison de dire qu'aucune personne n'investira si elle sait, outre les problèmes que nous connaissons déjà, que son investissement est voué à rester captif, en permanence, de cette République. En effet, personne n'investit plus de cette manière en période de faste et, à plus forte raison, en période de crise.
Voilà pourquoi les amendements proposés sont extraordinairement dangereux, car ils vont à l'inverse du but recherché par les auteurs du projet de loi. Il faut donc soutenir le rapport de majorité, et lui seul.
M. Jean Spielmann (AdG). Il me faut rectifier certaines argumentations, la première étant celle de M. Moutinot.
Je suis surpris de son intervention. En effet, je croyais qu'il était de ceux qui défendaient les locataires et le logement social.
Monsieur Halpérin, il ne s'agit pas de rendre les investissements dans le logement social captifs en permanence. Les dispositions prévues en matière de réemploi visent simplement à ce qu'un investissement dans le logement social ne soit pas retiré, quelques mois plus tard, pour être placé ailleurs. C'est là toute la politique du réemploi.
Il ne s'agit pas d'un état permanent, Monsieur Halpérin, vous le savez pertinemment. Le délai légal, que vous voulez supprimer, est de cinq ans.
L'obligation de réemploi est une garantie pour que les investissements dans le domaine social y demeurent et que le logement d'utilité publique ne soit pas qu'un prétexte pour justifier un déplacement de capitaux.
L'amendement est important. Il ne vise pas seulement les investissements étrangers, mais l'ensemble des placements dans le domaine social. Les chiffres que nous avons cités sont alarmants. Aujourd'hui, nous devons donner des impulsions à la construction de logements sociaux et empêcher que les investissements, pour ce faire, ne soient utilisés à d'autres fins.
Par le truchement de cette loi sur l'acquisition d'immeubles par des étrangers, vous essayez de vider de sa substance une disposition importante touchant au logement social. Je suis surpris de la conjonction ainsi faite entre M. Halpérin et M. Moutinot.
M. Michel Halpérin. Mais j'apprécie beaucoup M. Moutinot !
M. John Dupraz (R). Bien que partageant entièrement l'argumentation de M. Halpérin, je voudrais connaître le sens du mot «réglementite» qu'il a prononcé.
Une voix. Ça n'existe pas !
M. Michel Halpérin (L). Je vous signale, mon cher et estimé collègue et conseiller national, Monsieur Dupraz, que la «réglementite» est une maladie très grave... (Rires.) ...qui n'est pas encore au Larousse, parce que le Larousse ne sait pas encore qu'elle a sévi à Genève, comme la «vache folle» dans les plaines britanniques ! (Hilarité.) Vous qui êtes agriculteur, vous savez les dégâts commis par cette maladie. Moi, je vous apprends aujourd'hui que la «réglementite» nous a tous terrassés, et qu'il est urgent que quelques-uns en réchappent ! (Rires et applaudissements.)
M. Jean Spielmann (AdG). Le problème posé est grave. Il est vrai que la «réglementite» peut engendrer des problèmes... (Exclamations et quolibets. M. Dupraz s'agite.)
Le président. Un peu de silence ! Monsieur Dupraz, il ne vous reste plus que vingt minutes à tenir ! (M. Dupraz fait une remarque.) Ça, c'est du réchauffé !
Poursuivez, Monsieur Spielmann !
M. Jean Spielmann. Je voudrais simplement rappeler que notre société connaît de réels et graves problèmes, liés à toute une période de modification des habitudes. Un de vos amis, le professeur Aubert, disait, en parlant de la spéculation, qu'il n'est pas normal que certains s'engraissent de l'industrie des autres !
C'est un véritable problème de fond. Si notre société est en crise aujourd'hui et si des problèmes graves se posent au niveau du développement de notre société, c'est bien parce que de trop nombreuses personnes se sont engraissées de l'industrie des autres sans rien produire et sans rien apporter. Elles n'ont fait que profiter de la spéculation. La mise en place de quelques règlements et de quelques dispositions permettant de la limiter n'a pas été suffisante; preuve en est la situation dans laquelle vous avez mis notre pays qui subit une crise de fond. Nous ne sommes pas prêts de pouvoir redresser la barre ! Ce n'est pas le moment de corriger le tir pour favoriser encore davantage la «spéculite» ! Mettons quelques barrières et, surtout, ne touchons pas aux mesures qui la freinent, même si elles sont insuffisantes à compenser les nuisances que vous avez apportées à notre société.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Des différentes propositions contenues dans le projet de loi du Conseil d'Etat, une seule fait l'objet de discussions, les autres étant admises. Limitons-nous, par conséquent, à celle-ci, d'ailleurs déjà reprise dans le cadre de cette séance plénière. Il s'agit de savoir si les investisseurs étrangers, dans le logement social, autorisés à ce titre en fonction de dispositions spéciales de la Lex Friedrich et de la loi d'application cantonale, doivent être contraints, en cas de revente, de réaffecter impérativement le produit de cette vente dans un nouveau logement ou dans une nouvelle opération du même type. La réponse du Conseil d'Etat à cette question est négative et résulte de la pratique et des enseignements de la pratique.
En ce qui concerne les objectifs, je crois que nous sommes tous d'accord, aussi bien dans le cadre du rapport de minorité que de celui de majorité - ceux qui soutiennent ce dernier et avec eux le Conseil d'Etat - qu'il est nécessaire de favoriser, dans toute la mesure du possible, des opérations tendant à mettre de nouveaux logements sociaux sur le marché, le cas échéant par le biais d'investisseurs étrangers. La pratique nous enseigne - cette observation porte sur plusieurs années - que la contrainte de réinvestir obligatoirement, en cas éventuel de revente, le produit de cette vente dans des logements sociaux à l'exclusion de tout autre type de logement a, en réalité, dissuadé les investisseurs étrangers de réaliser des investissements dans le logement social, plutôt qu'elle ne les y a encouragés.
Je vais vous donner quelques chiffres en espérant ainsi rassurer M. Spielmann sur ce point. Lorsque ces dispositions ont été appliquées, dans les années 70 - et, plus particulièrement, les années 1975 et suivantes, plus significatives - le nombre d'immeubles sociaux acquis par des étrangers représentait à peu près 10%, par rapport au nombre des logements considérés. A partir des années 80, ce pourcentage a singulièrement diminué, alors que le nombre des logements sociaux, lui, restait à peu près constant.
Une voix. La moitié !
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Non, il n'a pas été réduit de moitié, Monsieur ! Il y a eu des fluctuations et, ensuite, le nombre de logements sociaux a effectivement diminué, mais, à ce moment-là, le nombre des logements sociaux acquis par des étrangers ou construits sur investissements étrangers est tombé à zéro ! A partir de 1985 - entre 1985 et 1990, nous étions en pleine période de spéculation - nous aurions dû avoir, si on vous écoute bien, des investisseurs attirés par le logement social pour réaliser des opérations dont les rendements étaient tout à fait satisfaisants.
Il est intéressant de constater que de 1985 à 1990, voire même 1991, au contraire, le nombre de logements sociaux résultant d'investissements étrangers était zéro. Ensuite, il est passé à 5, entre 1992 et 1994, ce qui est très peu. Les cautèles appliquées posaient un problème à chaque dossier et, de ce fait, l'objectif n'était pas atteint du tout, dans la mesure où il consistait à favoriser la construction de logements sociaux, le cas échéant, à lutter contre la spéculation - j'y reviendrai dans un instant. C'est exactement le contraire qui s'est produit.
Par définition, il ne peut pas y avoir spéculation sur ce type d'opérations, et cela pour deux raisons. D'abord, les logements en tant que tels, le loyer et l'ensemble du plan financier restent soumis au contrôle de l'office du logement social pendant toute la période de contrôle. Ensuite, le prix de vente, même si l'investisseur étranger n'est pas obligé de réinvestir dans un logement de même nature, est contrôlé par le département de l'économie publique. En effet, nous contrôlons que le prix de vente soit tel qu'il permette à l'acquéreur de respecter le plan financier imposé par le service financier du logement. En d'autres termes, si le prix de vente est exagéré, le rendement de l'objet n'étant pas compatible avec le plan financier approuvé par le Conseil d'Etat, la vente serait tout simplement refusée. Cela signifie qu'il n'y a aucun risque sur ce type d'objet - je ne dis pas que ce risque n'existe pas sur d'autres objets du marché libre - d'arriver à une opération spéculative.
Alors il faut savoir ce que nous voulons. Pour favoriser l'investissement dans le logement social, et en l'occurrence ne pas passer à côté d'opérations qui sont le fait d'investisseurs étrangers et qui peuvent être utiles pour le logement social, parce qu'elles conduisent à mettre des logements sociaux supplémentaires sur le marché, nous devons admettre - parce que tel est l'enseignement raisonnable de la pratique - qu'il faut faire sauter cette cautèle restrictive, puisqu'elle a été dissuasive par le passé.
Dans ce contexte il est raisonnable de voter le rapport de majorité tel qu'il résulte des travaux de la commission.
PL 7290-A
Le président. Nous sommes saisis d'une demande d'amendement émanant de M. le rapporteur de minorité. Nous allons voter sur cette proposition d'amendement qui figure en page 11 du rapport, article 4, alinéa 1, lettre d :
«obligation pour l'aliénateur d'un immeuble de construction récente comprenant des logements d'utilité publique, d'affecter le produit de l'opération à la construction d'autres logements d'utilité publique sur un fonds dont il dispose et équipé pour la construction. Cette obligation prend effet dès la date d'entrée moyenne des locataires dans l'immeuble aliéné.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur de minorité. Le deuxième amendement tombe du fait que le premier a été refusé !
Le président. Nous l'avions compris ainsi !
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
modifiant la loi d'application de la loi fédérale, du 16 décembre 1983,sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger
(E 1 7,1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi d'application de la loi fédérale, du 16 décembre 1983, sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger, du 20 juin 1986, est modifiée comme suit:
Art. 3, lettre b, 2o (nouvelle teneur)
Art. 3, lettre b, 3o (nouveau)
2o un immeuble en construction.
3o un immeuble de construction récente, ou qui fait l'objet d'une rénovation lourde, soit un immeuble de 5 ans au plus à partir de la date d'entrée moyenne des locataires.
Art. 4, al. 1, lettre c (nouvelle teneur)
al. 1, lettre d (abrogée)
al. 2 (nouvelle teneur)
c) en cas d'acquisition du capital-actions d'une société immobilière, dépôt des actions auprès d'un établissement soumis à la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne, durant la période d'interdiction d'aliéner.
Dans le cas de rigueur, la charge prévue sous lettre b peut être levée par l'autorité cantonale compétente.
Art. 5, lettre a (nouvelle teneur)
a) séjour durable de l'acquéreur, avec une autorisation de la police des étrangers, ou en vertu d'un autre droit;
Art. 7, lettre b (nouvelle teneur)
b) en cas d'acquisition du capital-actions d'une société immobilière, dépôt des actions auprès d'un établissement soumis à la loi générale sur les banques et les caisses d'épargne, durant la période d'interdiction d'aliéner;
Art. 2
Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
R 308
Mise aux voix, cette résolution est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
rÉsolution
Lex Friedrich: davantage de compétences cantonales
LE GRAND CONSEIL,
- considérant la résolution votée par le Grand Conseil, le 1er avril 1993, demandant l'abrogation de la Lex Friedrich;
- considérant que le corps électoral genevois a, le 5 juin 1995, approuvé la proposition d'assouplissement de la Lex Friedrich (Lex Koller);
- vu la décision du 17 novembre 1995 de la Conférence des cantons de Suisse occidentale;
- exerçant le droit d'initiative du canton de Genève, en application de l'article 93, alinéa 2, de la constitution fédérale et en vertu de la compétence que lui réserve l'article 156 de la loi portant règlement du Grand Conseil,
demande ce qui suit au Conseil fédéral:
Le Conseil fédéral est invité à soumettre aux Chambres fédérales un projet de modification de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger, du 16 décembre 1983, de manière à permettre aux cantons qui le souhaitent:
a) de prendre, par voie législative, les dispositions d'application nécessaires pour:
- faire inscrire directement au Registre foncier l'acte portant sur l'acquisition d'un immeuble par une personne étrangère, valablement domiciliée, conformément aux règles de la police des étrangers, dans le canton du lieu de situation de l'immeuble;
- faire inscrire directement au Registre foncier l'acte portant sur l'acquisition d'un immeuble par une entreprise, régulièrement inscrite au Registre du commerce du canton du lieu de situation de l'immeuble, avec mention que l'immeuble en question doit être affecté aux besoins propres de ladite entreprise;
b) de bénéficier d'un contingent supplémentaire de réserve, pour les logements de vacances ou appartements dans un appart-hôtel, contingent auquel ils peuvent directement faire appel lorsque leur intérêt économique l'exige.