République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 26 janvier 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 3e session - 4e séance
I 1959
M. René Longet (S). Ce sujet est lié au débat qui vient d'avoir lieu. L'ordonnance sur la reconnaissance de la maturité est un des textes fondateurs en matière d'instruction publique. La révision de cette ordonnance, sur le plan fédéral, a été un processus lent et difficile qui, après plus de vingt ans, a abouti à la nouvelle ordonnance entrée en vigueur l'été dernier.
Cette réforme implique une restructuration en profondeur des grilles horaires dans le degré gymnasial. Parallèlement à cette réforme, une autre se poursuit, à savoir celle de l'école primaire. Aussi je voudrais savoir si une réflexion de fond est menée pour relier ces deux réformes, notamment par rapport à l'évolution du cycle d'orientation placé entre ces deux ordres d'enseignement. Plus généralement, existe-t-il un concept d'ensemble de l'évolution de notre école genevoise, ou se contente-t-on d'examiner chaque situation séparément ?
La controverse, qui s'est maintenue tout au long du débat sur l'ORRM, a notamment porté sur la durée - trois ou quatre ans - du parcours gymnasial. La question demeure pendante, puisque du côté de la CDIP, la volonté serait de ramener le parcours gymnasial à trois ans. Or renoncer à une année peut paraître séduisant, mais cela signifie que le programme sera comprimé, donc rendu plus sélectif, et que les élèves qui devraient être aidés connaîtront encore plus de difficultés. La démocratisation des études serait atteinte. Je demande donc au Conseil d'Etat s'il entend confirmer une durée de quatre ans pour le parcours gymnasial.
Tout comme M. Dupraz, je suis préoccupé par le statut des langues nationales. Je partage son avis que proposer, au choix, l'allemand ou l'italien est hautement problématique. Je crains qu'un tel choix accroisse, à terme, la difficulté de la communication entre la Suisse romande et la Suisse alémanique. Je sais que vous avez déjà répondu à M. Dupraz, Madame la présidente, mais de nouvelles précisions de votre part seraient bienvenues.
D'autre part, vous savez que la maturité unique laisse une latitude importante aux cantons. Dès lors, comment envisagez-vous cette marge de manoeuvre, autrement dit comment vous situez-vous par rapport à elle ? Quelle est votre analyse ? La jugez-vous importante, moyenne, insuffisante, et sur quoi porte-t-elle, à votre avis ?
Nous sommes tous conscients des difficultés que représente une telle restructuration. Une remise à plat d'habitudes et de titres reconnus est impossible sans l'adhésion des enseignants. Bien que sceptiques de prime abord, ces derniers sont d'accord, aujourd'hui, d'entrer en matière et de participer à la réussite de cette réforme importante, pour autant que soient admis les postulats qu'ils revendiquent à juste titre. Ces postulats sont les suivants : cette restructuration doit correspondre à des besoins précis; elle doit représenter une amélioration réelle, qu'il s'agisse de remédier aux insuffisances constatées ou de permettre un approfondissement et une extension des expériences déjà faites (par exemple au collège Rousseau); une réelle démocratisation des études doit être garantie; elle n'est pas un gadget dépassé !
Vous avez certainement conscience, Madame la présidente, qu'une remise à plat des types de maturité risque d'inciter les élèves à des choix minimalistes. Il faut donc veiller à ce que les options proposées garantissent une équivalence, en tout cas au niveau de la qualité des choix. Malheureusement, les enseignants se sont vu confrontés à des situations regrettables. Des instances de concertation ou de participation ont été mises sur pied pour travailler à la structuration du plan d'études, des enseignants ont été élus dans chaque école pour fonctionner dans une commission technique consultative. Celle-ci avait bien commencé et rendu un premier rapport. Cependant, les participants à cette commission ont été déçus...
Le président. Je vous rappelle, Monsieur Longet, qu'une interpellation est une question posée oralement au Conseil d'Etat sur sa politique. Alors, posez votre question !
M. René Longet. J'y arrive, Monsieur le président ! Je dois quand même décrire la situation, sinon on m'accuserait d'être superficiel.
Les enseignants estiment que leurs apports et leur travail n'ont pas été considérés à leur juste mesure. Ceux qui étaient prêts à participer à la mise au point de cette réforme se sentent écartés. D'où ma question : je ne vois pas la nécessité, moi, d'une marche forcée. Je souhaite que le débat soit conduit en profondeur. Je ne comprends pas pourquoi, alors que le délai pour l'introduction de l'ORRM est de sept ans, vous voulez, Madame la présidente, le ramener à cinq ans. Vous entendez imposer l'introduction de la nouvelle matu en 1997. Je ne voudrais pas d'un délai politique ou électoral, dont vous feriez votre affaire personnelle. Une telle réforme ne peut réussir sans la coopération de ceux qui doivent la mettre en oeuvre. Pour l'instant, la confiance n'existe pas et je vous demande, Madame la présidente, comment vous allez vous y prendre pour la rétablir, afin que cette réforme soit portée, librement, par ceux qui auront à l'appliquer sur le terrain. C'était là ma dernière question, mais vous m'accorderez, Monsieur le président, qu'il s'agit d'un projet dont je ne puis parler à la légère.
En conclusion, je répète que ceux qui étaient prêts à collaborer à ce projet s'estiment exclus de son processus et considèrent que leurs apports ne sont pas pris en compte.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Dire que je suis légèrement étonnée des propos de M. Longet serait un euphémisme ! Je n'accepte pas que l'on prétende, ici, que j'oblige à avancer à marche forcée pour des raisons électorales, alors que depuis août 1994 les affaires sont en travail ! Dans ce pays, nous sommes le seul canton à agir aussi démocratiquement !
La date de 1997 a été fixée à l'unanimité, d'entente avec mes cinq collègues romands.
Monsieur le député, une commission technique travaille depuis août 1994. A ma connaissance, elle n'a pas terminé ses travaux. Les propositions concrètes de son premier rapport ont quasiment été acceptées dans leur intégralité. Les enseignants sont majoritaires dans cette commission. Certains, qui se trouvent à la tribune, peuvent en témoigner. De plus, sur le terrain, dans les collèges et entre les collèges, des groupes de disciplines et de domaines d'études sont à l'oeuvre; les enseignants y font leur travail pédagogique.
Je réfute donc les propos de ceux qui prétendent que la concertation n'existe pas. C'est faux, Monsieur le député ! Aucun canton de Suisse ne consulte à ce point. Le printemps dernier, j'ai visité chaque établissement concerné, lui consacrant deux heures en moyenne. J'ai donc entendu longuement les enseignants !
Les travaux ne sont pas terminés, Monsieur le député, et je n'ai pas encore reçu le rapport les concernant.
Certains enseignants sont mécontents, je le sais, mais ne les associez pas, Monsieur le député, au corps enseignant tout entier, ce serait prétentieux !
En ce qui concerne l'ensemble de vos questions, je rappelle qu'une motion est actuellement à l'étude en commission de l'enseignement. Elle permettra à cette dernière de démontrer sa cohérence à traiter des problèmes inhérents aux réformes entreprises dans ce canton. Oui, Monsieur le député, il m'arrive d'y réfléchir, et je ne suis pas la seule ! Oui, Monsieur le député, il y a une cohérence et un sens dans tout ce qui est entrepris.
Vous évoquez le délai de quatre ans... Alors, permettez-moi de vous dire que vous venez comme la grêle après la vendange ! Ce canton est favorable aux quatre ans de parcours gymnasial, il l'a affirmé dans la procédure de consultation, l'a écrit aux enseignants avant le début des travaux, afin de préciser clairement ses intentions. Personnellement, je l'ai répété dans les douze établissements que j'ai visités durant un mois et demi. Cette affaire a été réglée en mai 1995 et il n'est pas question d'y revenir.
Quant à l'allemand, l'italien et les autres branches de cette nouvelle maturité, nous pouvons partir de l'idée que les élèves feront consciemment leur choix, que les professeurs les y aideront et les accompagneront en sachant pertinemment qu'ils sont doués d'intelligence et n'auront pas nécessairement opté pour un minimum. Certains prétendent que ces élèves, adultes dès 18 ans et reconnus en tant que tels partout, doivent être considérés comme des enfants par les autorités scolaires. Comme ils sont maintenant majeurs à 18 ans, je considère, pour ma part, que notre système doit s'apprêter, lui aussi, à leur faire confiance. (Applaudissements.)
Cette interpellation est close.