République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 26 janvier 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 3e session - 3e séance
IU 148
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. De quoi s'agit-il ? De faire démarrer la construction pour cette société dans des délais, non pas records mais normaux, compte tenu de la concurrence.
Pour illustrer mon propos je vous donne trois exemples :
1. L'usine Bosshard à Zoug : quatre cents emplois, 260 millions de chiffre d'affaires; le déclassement de la zone agricole a duré neuf mois de la première lettre au syndicat des agriculteurs, à la bourgeoisie, à la commune, au canton au premier, coup de pioche.
2. Le Centre de recherche technologique ABB du côté de Birsfelden. Son directeur Suisse, M. Sommer, déclarait au séminaire de formation pour conseillers d'Etat, à Gerzensee, qu'il avait obtenu le permis de construire en trois mois, sans opposition; mille huit cents personnes sont concernées.
3. Le World Economic Forum a indiqué que s'il ne trouvait pas une solution rapide à Genève, un terrain est disponible à Boston à 130 dollars le m2 à 300 mètres de Harvard Square à Boston, à côté de MIT et de Harvard.
On ne parle pas de délai ni de chiffres - d'ailleurs les chiffres que vous donnez, Monsieur le député, sont faux, à savoir 60 000 F contre un million - mais de l'implantation à Genève d'un centre de back up genevois de haute technologie de 90 millions avec plusieurs dizaines d'emplois. Je n'avais pas le choix. Auriez-vous préféré qu'appliquant l'esprit d'un juridisme étroit - dont les relents et les miasmes ont hanté le département à la rue David-Dufour - je vous annonce que Reuters renonçait ?
Le recours de M. Falquet a été retiré le 13 novembre 1995. Le chantier a été ouvert la même semaine - je reprends la chronologie de votre interpellation. La parcelle vaudrait un million, selon une affaire jugée au Tribunal administratif. Vous avez évoqué une affaire foncière au Petit-Saconnex qui n'est pas comparable, car la parcelle dont vous parlez est en zone de développement 3, avec un indice de 1,2 potentiel, alors que l'affaire qui nous intéresse à la rue de Bourgogne est en zone villa, avec un indice de 0,2. La valeur d'un terrain en zone de développement est différente de celle d'un autre terrain en zone villa !
Le «petit chalet» que vous mentionnez sur cet autre terrain est, en fait, un bungalow de style maison américaine, d'un volume important et en très bon état. En effet, des travaux d'entretien ont été effectués en 1978 et le toit a été refait en 1988. En août 1990, le Conseil d'Etat a fait usage de son droit de préemption, estimant que le prix de la transaction était trop élevé. Le Tribunal administratif a estimé que l'état du bâtiment sur cette parcelle justifiait ce prix de vente. C'est la preuve qu'entre les intentions juridiques et la réalité économique il y a des pas que l'on ne veut pas toujours franchir !
De plus, pour mémoire, et pour ceux qui ne sont pas vraiment au courant, je vous rappelle que les prix des terrains d'aujourd'hui sont très nettement inférieurs à ceux pratiqués en 1990.
Ce terrain a été déclassé le 24 avril 1995, passant de la zone agricole à la zone 4B, destinée à des activités sans nuisances. Le périmètre déclassé est de 44 236 m2, dont 40 000 m2 appartenaient à l'Etat; le terrain était cultivé par un agriculteur. Une superficie de 3 527 m2 appartenait à M. Falquet. Après un important aménagement, le terrain était loué au Moulin de la Pallanterie pour y parquer les camions.
Afin d'avoir la maîtrise de ces 3 527 m2, un échange foncier a été effectué, à la demande du propriétaire privé, qui désirait conserver son patrimoine foncier. S'agissant d'un échange lié à une opération d'aménagement du territoire, cette opération foncière est de la compétence du Conseil d'Etat au sens de l'article 80 A de notre constitution. Durant la précédente législature, l'Etat avait, du reste, échangé des appartements situés au boulevard de la Tour, estimés à 10,3 millions, contre un immeuble de 33 millions, appartenant à la CEH, au boulevard de la Cluse. Une soulte de 22,7 millions se dégageait ainsi en faveur de la CEH, dont 9,5 millions ont déjà été payés et 13,2 millions devront l'être, d'ici fin juin 1998. Je tiens à dire que j'approuve cette manière de faire qui est logique, puisqu'elle protège les intérêts de l'Etat.
En ce qui concerne le terrain de Collonge-Bellerive acquis par l'Etat, la direction générale estime que le terrain vaut moins de 15 F le m2, car il était situé en zone agricole avant son déclassement. Je vous rappelle, en vertu de l'article 65 de la loi fédérale sur le droit foncier rural, que l'Etat, qui n'est pas un exploitant agricole, ne peut acheter un terrain en zone agricole que pour l'exécution d'une tâche publique ou pour une prestation de réemploi. L'Etat n'aurait donc pas pu acheter ce terrain tant qu'il était situé en zone agricole.
En ce qui concerne l'usage, conforme ou non, je puis dire ceci : situé en bordure de la route de Thonon, ce terrain n'est pas utilisé pour l'agriculture, mais loué, depuis 1990, au Moulin de la Pallanterie pour le parcage de véhicules. Cela a été toléré par le département, et nous en avons même profité, puisque nous l'avons employé comme dépôt de chantier en 1987, durant la construction de la rampe de Vésenaz et en 1989, durant l'aménagement de la route de Thonon. Ce terrain n'a plus été affecté à l'agriculture depuis 1967, date à laquelle le propriétaire privé en avait hérité; il a effectué des travaux importants pour l'assainir et le mettre à niveau avec la route de Thonon.
Au sujet des acquisitions par voie d'expropriation, compte tenu du fait qu'il s'agit de la construction d'un centre administratif privé, les conditions légales pour exproprier ne sont pas remplies. Seule une acquisition de gré à gré est possible.
La valeur négociée de ce terrain déclassé est de 445 000 F, soit 126 F le m2, comprenant le prix du terrain et celui des travaux d'assainissement effectués depuis 1967. A ce montant s'ajoutent 50 000 F versés, à titre d'indemnité, au Moulin de la Pallanterie, qui louait ce terrain pour parquer ses véhicules - ce qui a permis d'entrer en jouissance de ce bien dès le 13 novembre, date prévue pour démarrer la construction des bâtiments de Reuters - ce qui porte le coût du terrain à 495 000 F, soit 140 F le m2, prix inférieur à la limite supérieure que j'ai appliquée pour tous les déclassements de la zone agricole, sur la base des recommandations de la commission de l'aménagement.
A l'origine, le propriétaire, M. Falquet, exigeait plus de 200 F le m2 en comparant son terrain à celui qu'il avait acquis en 1991-1992 de Patek Philippe SA, en zone industrielle de Plan-les-Ouates, terrain qui avant son déclassement en zone de développement industriel était en zone agricole.
Le droit de superficie négocié avec Reuters porte la valeur du terrain à 167 F le m2, valeur supérieure à celle payée pour son acquisition, soit 22 F le m2 pour le terrain acheté par l'Etat en 1972 et 140 F pour le terrain acheté à M. Falquet en 1995, qui est en zone 4B. La rente de superficie payée à l'Etat par Reuters est de 10 F le m2, ce qui représente une somme annuelle de 443 000 F; ce droit de superficie est sur le point d'être signé entre Reuters et l'Etat.
La parcelle, rue de Bourgogne, cédée par l'Etat, avec une villa en mauvais état, avait été acquise en 1974 pour 350 000 F. Contrairement à ce que prétend la D.G. cette parcelle n'est pas en zone de développement, mais en zone villa.
La villa avait été louée à un fonctionnaire, aujourd'hui à la retraite. Son premier bail qui était de 6 840 F, en 1979, a été porté aujourd'hui à 13 680 F. Le locataire a toutefois assumé la remise en état des drainages au pied de la façade pour des montants de l'ordre de 65 000 F et a supporté également tous les frais d'entretien courants de cette maison. Nous avons loué la maison brute et en l'état, ce qui était raisonnable pour un tel objet. Le bail a été résilié pour le 29 février 1996, le locataire acceptant d'être relogé dans une autre villa, plus petite, sous les avions, donc moins bien située à la condition que nous prenions en charge son déménagement estimé à 5 000 F et les travaux de rénovation d'une valeur de 50 000 F dans cette maison.
La parcelle cédée par l'Etat a été estimée à 400 000 F, soit 378 F le m2, y compris la villa, ce qui est un peu bas. Compte tenu du mauvais état de cette maison, 65 000 F ont été versés pour remédier aux défauts, dont le refoulement des canalisations et l'état du sous-sol, qui nécessite un assainissement.
M. Falquet a certainement tiré parti de la situation et profité de l'importance que représente pour Genève l'implantation de Reuters. Mais l'Etat n'y a rien perdu, vu l'importance du projet et le gain de temps réalisé dans la conclusion de toute l'opération. La rente de superficie négociée avec Reuters, à un montant de 170 F le m2 environ, fait que la parcelle acquise de M. Falquet rapporte à l'Etat bien davantage que le loyer de la villa cédée en échange.
Enfin l'échange intervenu, dans le but de permettre à l'Etat de maîtriser l'intégralité du périmètre déclassé par le Grand Conseil, en vue de l'implantation du centre de Reuters, entre dans le cadre des opérations de la compétence du Conseil d'Etat, comme prévu par l'article précité de la constitution genevoise.
Cette interpellation urgente est close.
La séance est levée à 19 h 55.