République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 6744-A
5. Rapport de la commission LCI chargée d'étudier le projet de loi de M. Hervé Dessimoz modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses (L 5 1). ( -) PL6744
 Mémorial 1991 : Projet, 4482. Renvoi en commission, 4489.
Rapport de M. Pierre Marti (DC), commission LCI

Petit historique

Le projet de loi déposé le 23 septembre 1991, envoyé à la commission de la LCI lors de la séance plénière du Grand Conseil d'octobre 1991, a fait l'objet de trois séances consécutives à fin 1991. Son étude a été abandonnée jusqu'au 24 septembre 1992. Mise dans le tiroir, elle réapparaît lors de2 séances en 1993 et s'endort jusqu'au moment où le président actuel de la commission, avec son énergie coutumière, le réveille définitivement pour qu'enfin la commission puisse présenter à vos suffrages le projet de loi ci-après, dont l'originalité, répondant aux demandes des projets de loi, est son caractère expérimental pour une durée de validité limitée, ne devenant définitive qu'après un rapport d'évaluation et une confirmation par le Grand Conseil.

Motif du projet

Ce projet de loi, motivé par le vote du Grand Conseil en mai 1991d'une loi visant à engager un ambitieux programme de construction de3000 logements HBM dans les huit années suivantes, demandait que des dispositions soient prises pour la diminution du coût de la construction, et plus spécifiquement de doter le Conseil d'Etat du pouvoir de déroger à certaines dispositions trop contaignantes de la loi sur les constructions et les installations diverses.

Ces dérogations (ascenseurs, parkings, vitrages, par exemple) ne devront pas affecter la salubrité et la sécurité des constructions ou les qualités minimales des appartements (art. 25 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires).

Auditions

Au fil des années passées, l'on peut constater, par les propos tenus par les diverses personnes auditionnées, que les obligations légales ne sont pas les seuls facteurs du coût élevé de la construction.

Les exigences de la population en matière d'isolation, de confort, de surfaces habitables, d'équipements sanitaires et de cuisine, ainsi que de la qualité des matériaux, ont suscité peu à peu de nouveaux règlements et dispositions légales et, par conséquent, font augmenter les prix au mètre cube.

Lors d'auditions en 1991 et 1992, M. Pierre Ischi, directeur de l'office du logement, et M. Grobet, conseiller d'Etat, sont tout à fait d'accord que nous sommes trop perfectionnistes; on construit de bonne qualité, même de très bonne qualité. Si on veut construire bon marché, il faut construire simple, avoir recours au préfabriqué et être capable de construire plusieurs immeubles pareils. Il est même envisagé de revoir la densité dans le cas de la construction d'HBM ou que la partie affectée aux HBM ne soit pas calculée dans l'indice, en fixant une proportion.

A l'étude de ce projet de loi, les commissaires constatent que, par le biais de dérogations, le département pourrait entrer dans l'arbitraire et le «passe droit». Faudrait-il édicter de nouveaux règlements pour réglementer les dérogations ? Le chien se mord la queue !

Il est alors envisagé que ce projet soit ou retiré ou transformé en motion, mais l'auteur demandant un temps de réflexion, c'est une commission LCI renouvelée par les élections qui en reprend l'étude une années plus tard.

Les mêmes constatations sont faites, mais avec la volonté de trouver une ouverture et de faire aboutir ce projet de loi.

Entre-temps, la situation a beaucoup évolué et M. Joye est très ouvert au problème de pouvoir mettre à disposition des logements bon marché.

Cependant, il faut constater que ce projet de loi doit s'inscrire dans une réflexion globale relevant également de la loi sur le logement et de la LDTR.

La CIA ayant organisé un concours pour la recherche de solutions afin de diminuer le coût de la construction dans le respect des lois en vigueur, la commission auditionne M. Stampfli, qui présente les résultats de cette étude. Dans ce cas de logements subventionnés, diverses propositions sont formulées qui corroborent celles déjà énoncées plus haut. M. Stampfli fait également allusion au financement du logement et au système genevois des plans localisés de quartier trop drastiques ainsi qu'à nombre de normes quelquefois contradictoires, lesquelles renchérissent la construction. Il cite encore d'autres obligations comme celle d'équiper les appartements en installations électrique et au gaz qui sont des luxueuses demandes. Il conclut en rappelant que les logements construits il y a 50 ans, selon des plans et des normes plus rationnels et économiques, répondent avec satisfaction aux locataires. Les normes étaient bien moins contraignantes ! Faut-il vraiment deux salles de bains et un W.-C. séparé, une place et demie de parking par appartement ? Pourquoi ne pas pousser plus avant la standardisation et la préfabrication ?

De la discussion finale des commissaires, il en ressort que ce projet de loi est destiné à lancer le débat sur les moyens de faire baisser les coûts de la construction. Il ne s'agit pas de déréglementer et de déroger dans le non-respect des lois. Des règles solides doivent interdire l'arbitraire. Cependant, ce projet de loi pourrait être une porte ouverte sur l'imagination dont pourraient bénéficier les architectes et les constructeurs.

Il paraît alors judicieux à la commission de proposer que ce projet de loi soit adopté à titre expérimental pour une période restreinte et limitée.

Votes

L'entrée en matière est acceptée par 5 oui, 1 non et 1 abstention.

La proposition de transformer ce projet de loi en loi expérimentale est adoptée par 6 oui et 3 abstentions.

Lors de la séance suivante, après l'audition de l'Association des promoteurs-constructeurs genevois qui, outre quelques remarques, soutient le projet, la commission, par 7 oui 2 non et 2 abstentions, vous propose le projet de loi suivant:

PROJET DE LOI

modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses

(L 5 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, est modifiée comme suit:

Art.12 A (nouveau)

Logementssociaux

Le département peut déroger aux dispositions de la présente loi pour permettre d'abaisser le coût de construction des logements sociaux. Ces dérogations ne doivent pas affecter la sécurité et la salubrité des constructions ni les qualités minimales des logements fixés à l'article 25 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du4 décembre 1977.

Art. 12 B (nouveau)

L'article 12 A est applicable dès son entrée en vigueur aux demandes en cours d'instruction.

Art. 12 C (nouveau)

Durée de validité

Les dispositions des articles 12 A restent en vigueur pendant 3 ans à dater de la promulgation de la présente loi. A l'échéance d'une période expérimentale de deux ans, le Conseil d'Etat devra établir un rapport d'évaluation qui devra être communiqué au Grand Conseil dans un délai de six mois. Si, à l'échéance d'un nouveau délai de six mois dès réception du rapport du Conseil d'Etat, le Grand Conseil n'a pas adopté l'article 12 A de manière définitive, les arti-cles 12 A et suivants seront automatiquement abrogés.

Premier débat

M. Pierre Marti (PDC), rapporteur. Après plusieurs années de «stabulation», ce projet, enfin présenté, est destiné à lancer le débat sur les moyens d'abaisser le coût de la construction. Il ne s'agit ni de déréglementer ni de déroger aux lois, des règles rigoureuses devant interdire l'arbitraire. De plus, ce projet ouvre un espace à l'imagination des architectes et des constructeurs.

Toutefois, il paraît judicieux à la commission qu'il soit adopté à titre de projet expérimental, pour une période limitée de validité. Sa caducité est d'ailleurs précisée à l'article 12 C, pour le cas où le Grand Conseil renoncerait à l'adopter définitivement. Je n'ai rien d'autre à ajouter, Monsieur le président.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Article unique (souligné)

Mis aux voix, l'article 12 A (nouveau) et l'article 12 B (nouveau) sont adoptés.

 Art. 12 C (nouveau)

M. Christian Grobet (AdG). Nous ne sommes pas opposés au principe d'une loi expérimentale, quoique nous ayons quelques doutes à son sujet.

Il est prévu qu'un rapport d'évaluation devra être présenté au Grand Conseil au terme de deux ans et demi. A notre avis, il devrait l'être bien avant puisque, de toute évidence, plusieurs projets vont immédiatement être soumis à la loi. Dans le cadre de cette loi expérimentale, d'une durée limitée à trois ans, un premier bilan devrait être établi au terme de la première année déjà. En relation avec la durée maximale de la loi, un rapport présenté au Grand Conseil au bout de deux ans et demi serait trop tardif.

Nous aimerions aussi recevoir la garantie, de la part du chef du département des travaux publics, que les dérogations, accordées en vertu de la présente loi, seront publiées dans la «Feuille d'avis officielle», à l'instar de celles accordées en vertu de la LCI. Nous partons de l'idée que tel sera le cas, mais nous souhaitons en être assurés. Comme il paraît que cela va de soi, nous ne présenterons pas d'amendement si M. Joye nous confirme que, conformément aux autres dérogations, celles découlant de la nouvelle loi seront publiées dans la «Feuille d'avis officielle».

En conclusion, Monsieur le président, nous présentons l'amendement suivant à l'article 12 C (nouveau) :

«A l'échéance d'une période expérimentale d'une année,...»

en lieu et place de :

«A l'échéance d'une période expérimentale de deux ans,...»

M. Hervé Dessimoz (R). Je remercie M. Grobet d'avoir déclaré que son groupe ne s'opposait pas à ce projet de loi. Certes, la gestation fut longue et la ténacité dont j'ai dû faire preuve l'a été tout autant !

Monsieur Grobet, je ne pense pas que vous ayez raison en voulant limiter... (Interruption de M. Claude Blanc.) Il ne s'agit pas de combat, mais d'appréciation, Monsieur Blanc ! Je connais votre esprit vindicatif et vos prises de position caricaturales qui, parfois, bloquent les projets au lieu de les faire avancer. Ce délai de deux ans et demi me paraît nécessaire eu égard au manque de communication non seulement entre le Conseil d'Etat et les milieux privés mais aussi entre les milieux privés et le parlement.

J'en veux pour preuve qu'il y a quelques années la majorité du parlement - dont plusieurs membres appartenaient à la gauche - a imaginé une modification de la LDTR. Nous avions fixé des taux de rendement pour les fonds investis, afin de tenter une action de relance en matière de construction et, notamment, de rénovation d'immeubles.

Force est de constater que les milieux concernés, qui devraient au premier chef connaître les nouvelles dispositions, les ignorent, bien que l'adoption de la loi date de plus de trois ans. Nous avons affaire à des personnes qui ont des réflexes conditionnés, et il faudra un certain temps pour que les intéressés prennent leur destinée en main et innovent. C'est pourquoi le délai de deux ans s'impose, pour que nous puissions faire passer le message et que les attitudes se modifient.

Monsieur Grobet, je requiers votre compréhension, non pour des questions de principe mais pour le comportement réel de personnes que je connais bien et qui appartiennent aux milieux de la construction.

M. Christian Ferrazino (AdG). A la suite de l'intervention de M. Dessimoz, j'entends préciser le sens de l'amendement que nous avons proposé. En effet, je ne vois pas en quoi la communication du rapport au terme d'un an, plutôt que de deux, peut gêner M. Dessimoz. L'objectif d'une loi expérimentale étant de nous permettre d'en analyser les effets, nous serons à même de juger ceux de la présente loi au terme d'une année.

M. Grobet a rappelé que ce n'est pas tant les normes de construction qui sont à l'origine des problèmes de la branche. Chacun s'accorde à reconnaître, aujourd'hui, que si la construction est coûteuse ce n'est pas en raison des motifs évoqués, à l'origine, par ce projet de loi, mais du fait de la cherté des terrains. D'autres éléments, indéniables, entrent aussi en ligne de compte.

Pour réduire le coût de la construction, d'autres mesures seraient plus efficaces que celles préconisées par ce projet de loi. Ce serait donc la moindre des choses que de pouvoir analyser les effets dudit projet, en fonction de son objectif. C'est pourquoi nous maintenons qu'un an suffit pour pratiquer cette analyse sur la base des projets qui seront présentés entre-temps.

D'autre part, nous attendons que vous nous répondiez, Monsieur le président, au sujet de la publication des dérogations qui seront attribuées. Si votre département est d'accord avec cette manière de procéder, à savoir que toute dérogation autorisée sera mentionnée, lors de la publication de l'autorisation de construire, dans la «Feuille d'avis officielle», nous n'estimerons pas nécessaire de présenter un deuxième amendement.

M. Hervé Dessimoz (R). Peut-être ai-je mal saisi la formulation de votre amendement, Monsieur Grobet. En réalité, la durée de cette loi intermédiaire - qui serait validée au terme de deux ans et demi - est déterminée par la date du rapport du Conseil d'Etat sur ses effets. Si celle-ci était ramenée à une année, dans le libellé actuel de l'article 12 C, cela signifierait que le Conseil d'Etat devrait se prononcer après dix-huit mois et le Grand Conseil trancher, quant à la validation de la loi, après vingt-quatre mois.

J'accepte volontiers que le Conseil d'Etat fasse un rapport annuel. Une telle information peut dynamiser les acteurs de la construction et les inciter à faire davantage usage de la loi. Dans ce contexte, votre proposition réduit le délai à deux ans.

J'accepte également le libellé d'un article indépendant à propos de la publication des dérogations accordées par le Conseil d'Etat, pour autant qu'il n'influe pas sur la durée de validité de cette loi provisoire.

M. Michel Balestra (L). Nous assistons, ce soir, au même débat que celui mené en commission. Certains disent que ce projet de loi expérimental n'apportera rien, qu'il ne diminuera pas les prix. D'autres affirment, en revanche, qu'il peut favoriser l'imagination des nouveaux architectes arrivant sur le marché et qu'il faut l'expérimenter pendant deux ou trois ans, avec un rapport annuel, etc. Peu importe ces délais, pourvu que l'on ait le temps de voir qui a raison de ceux qui dénient à ce projet toute influence sur les prix et de ceux qui disent qu'il stimulera l'imagination et modifiera les manières de construire et donc qu'il améliorera les conditions des locataires. Il n'y a pas d'intérêt politique à ce que des normes renchérissent les prix des loyers. Personne n'a un intérêt politique et ce projet de loi est typique de ceux qui doivent entraîner notre consensus ! Au contraire, il sert l'intérêt général en appelant à l'imagination pour diminuer le coût de la construction.

Nous accepterons, nous aussi, un amendement raisonnable pour laisser une chance à cette loi.

M. Christian Grobet (AdG). Peut-être notre amendement n'a-t-il pas été formulé clairement ? Nous ne préconisons pas de réduire la durée d'expérimentation de la loi. En revanche, il nous semble essentiel de disposer d'un rapport intermédiaire au terme d'une année, afin de pouvoir juger concrètement des effets de cette loi.

Nous ne nous opposerons pas à ce projet de loi, bien qu'il ne nous convainc pas. Monsieur Dessimoz, vous savez que la cherté de la construction, à Genève, n'est pas due à la loi sur les constructions. Elle découle de tout autre chose. En tant qu'architecte, vous pourriez proposer que nous nous inspirions de l'exemple donné, dans les années 60, par un grand bureau d'architectes. Il avait construit des milliers de logements HLM qui, aujourd'hui encore, donnent entière satisfaction à la population. Et s'il a pu les faire bon marché, c'est parce qu'il a repris, systématiquement, le même module.

Quand j'étais responsable du département des travaux publics, j'ai constaté que chaque architecte s'efforçait de construire différemment des autres, afin de personnaliser son oeuvre. En l'occurrence - et je n'ai pas à vous l'apprendre, Monsieur Dessimoz - on est confronté à un niveau supérieur de difficulté dans le calcul des honoraires d'architecte. Je vous le dis sans esprit de polémique.

Nous réaliserions d'énormes économies si nous nous en tenions à des plans-types sans, pour autant, tomber dans une uniformité peu attrayante. On pourrait recourir davantage à la préfabrication et limiter ainsi les honoraires d'architecte. Les entreprises, qui construisent elles-mêmes, le savent bien !

Ce projet de loi n'est pas fait pour combattre les véritables causes du renchérissement - considérable dans notre canton - de la construction, mais peut conduire, en revanche, à des applications néfastes. On a parlé de supprimer des ascenseurs dans des bâtiments de quatre étages, ce qui va à l'encontre de la volonté exprimée par ce Grand Conseil qui est de faciliter l'accès aux immeubles non seulement aux handicapés physiques, mais à toute personne pouvant être gênée par les séquelles passagères d'un simple accident.

Par voie de conséquence, nous ne savons pas comment cette loi sera appliquée. On nous propose une sorte de clause générale de dérogations qui n'est pas satisfaisante. Je suis au regret de le dire. Admettre que l'on peut déroger complètement serait, dans l'absurde, construire des pièces de 5 m2 pour des raisons d'économie. On pourrait quasiment tout faire, en théorie, avec la clause que vous prévoyez dans cette loi.

Face à cette possibilité d'appliquer, de manière extensive, des dérogations à des règles existant de longue date, qui ont voulu introduire des normes minimales de confort et d'hygiène dans les immeubles, un rapport intermédiaire au terme d'une année se justifie parfaitement, ne serait-ce que pour voir comment ces dérogations ont été appliquées et, subsidiairement, si elles ont permis des économies importantes du coût de la construction.

Pour lever l'ambiguïté de notre proposition, nous rédigerons notre amendement différemment. Je le dépose tout de suite, Monsieur le président. Il faudrait ajouter à l'article 12 C (nouveau) un alinéa 2 ainsi conçu :

«Le Conseil d'Etat présente un rapport annuel sur les effets de la loi.»

Ainsi, il n'y aura plus d'équivoque concernant le rapport final qui doit préciser la décision de reconduire ou non la loi au terme de trois ans.

Le président. Merci de déposer cette demande d'amendement sur le bureau du Grand Conseil !

M. Hervé Dessimoz (R). Je n'entends pas reprendre le débat sur la loi qui semble faire le consensus, mais voudrais préciser mon intention au moment où j'ai déposé le projet. J'ai été motivé par le processus qu'il sous-tendait et qui n'a rien à voir avec ce que pense M. Grobet, à savoir que les architectes cherchent systématiquement à produire des modèles nouveaux, partant du fait qu'ils leur rapportent plus d'honoraires. Je ne suis pas de ceux-là et la plupart de mes confrères n'en sont pas non plus. D'autre part, les conditions du marché actuel ont tellement évolué que ce projet de loi, déposé il y a quatre ans, est presque obsolète dans sa motivation initiale.

Par contre, au niveau des effets, vous devez considérer, Monsieur Grobet - et là, c'est l'architecte qui vous parle - que l'ouverture de portes ne saurait se faire, contrairement à ce que vous avez laissé croire, en dehors de toute réglementation. L'article 12 A prescrit que : «Ces dérogations ne doivent pas affecter la sécurité et la salubrité des constructions ni les qualités minimales des logements fixés à l'article 25 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires...»

Des cautèles, extrêmement strictes, ont été posées. Personnellement, j'aurais préféré les ignorer pour que l'effet stimulant sur les personnes, en quête de solutions nouvelles, soit plus fort. Il faut vraiment que le plus grand nombre d'entre nous se rallie à ce projet de loi pour que les gens y croient et que l'image - qui veut que d'un côté se trouvent les constructeurs spéculateurs et de l'autre les locataires exploités - soit modifiée.

Je souhaite que ce projet de loi soit accueilli favorablement par le Grand Conseil, parce que les effets de la crise, dans la construction, se répercuteront sur l'ensemble de la République en général et sur les locataires en particulier.

Il y a là une lucarne, une toute petite lucarne, qui s'ouvre sur une nouvelle orientation du processus de construction et du processus de concertation entre les constructeurs et les locataires.

J'accepte l'amendement proposé par M. Grobet et vous propose de voter cette loi.

M. René Koechlin (L). Monsieur Grobet plaide pour l'uniformité qui, selon lui, serait source d'économie. Monsieur, je résume votre plaidoyer ! L'architecte Grobet n'invente rien et travaille gratuit; qu'on se le dise ! Merci de nous l'avoir annoncé tout à l'heure !

Si on vous écoutait, on construirait aujourd'hui comme il y a trente ans, puisque vous parlez d'immeubles réalisés à cette époque. Depuis lors, la construction a fait d'énormes progrès, tant dans la conception du plan que dans les économies d'énergie dont votre groupe se fait le champion. Pour exemple, je ne prendrai que la qualité des vitrages. Comparez les façades actuelles avec n'importe quelle façade ancienne de trente ans, avec ses simples vitrages et ses bois menuisés. Je vous assure qu'elle ne soutient pas la comparaison. L'accroissement de la sécurité, lui aussi, s'est énormément développé. Alors comment pouvez-vous prendre en exemple des conceptions anciennes de trente ans et qui, aujourd'hui, sont désuètes à bien des égards ? C'est complètement ridicule, Monsieur !

Je vous fais observer que si l'on construit mieux aujourd'hui, c'est parce que des concepteurs se sont penchés sur une quantité de problèmes, leur ont apporté des solutions et amélioré la construction dans son ensemble, en la rendant plus efficace économiquement, dans le sens que l'on fait mieux pour moins cher.

Voyez l'efficacité du plan par sa relation entre les mètres carrés bruts affectés à la pièce. Aujourd'hui, on réalise des plans de grande qualité avec 23 ou 24 m2 la pièce. C'est tout à fait remarquable. Sur les plans que vous évoquez, cette même relation du mètre carré à la pièce évoluait entre 27 et 28 m2, ce qui augmentait le prix à la pièce. Et c'est ce prix, vous le savez, qui compte dans la construction d'immeubles locatifs !

Vous semblez ignorer superbement tout cela, cher Monsieur, et je le déplore. Mon groupe soutient la proposition de M. Dessimoz qui, indirectement, encourage une recherche dans le détail qui, peu à peu, fera progresser les choses pour que l'on construise mieux et meilleur marché.

M. Christian Grobet (AdG). Je ne voulais plus intervenir, mais je tiens quand même à répondre aux propos effarants de M. Koechlin. Monsieur, vous êtes complètement aveuglé par la défense de votre profession ! Vous n'avez même pas compris ce que j'ai dit !

Je n'ai pas proposé de reproduire les appartements d'il y a trente ans. J'ai simplement souligné le fait qu'à cette époque un grand bureau d'architectes a construit, pendant un certain temps, toute une série d'immeubles sur la base du même module. Il va de soi que ce module n'est pas immuable. Je voulais simplement faire comprendre que l'on pourrait s'en inspirer.

Dans vos propres bancs, vous avez voté, il n'y a pas si longtemps, des motions tendant à des économies sur le plan constructif, et vous savez aussi bien que moi, Monsieur Koechlin, qu'une diversité exagérée en la matière est une cause de renchérissement.

Il ne s'agit pas de remettre en cause les isolations thermiques, phoniques, ainsi que les améliorations apportées aux matériaux. Mais si vous tenez à refaire l'histoire, il vous faudrait noter que les immeubles construits avant-guerre comportaient des appartements d'une conception plus agréable que celle qui prévaut actuellement.

J'ai constaté des cas de groupes de trois ou quatre immeubles, réalisés par plusieurs architectes, et chaque immeuble avait son propre plan ! Vous n'allez pas prétendre que cette façon de faire ne renchérissait pas la construction !

Quand vous prétendez que le coût de la construction a diminué, je vous dis, moi, qu'il a quadruplé à Genève en quelque trente ans. Certes, il faut compter avec l'augmentation du coût de la vie. Néanmoins, la construction est très onéreuse, alors que l'on sait, au départ, que les coûts peuvent varier de beaucoup.

La réalité est que peu d'architectes - je suis navré de vous le dire, Monsieur Koechlin - ont présenté des projets bon marché. Aussi je tiens à préciser que mon discours ne s'adressait par à M. Dessimoz. En effet, je reconnais, Monsieur, que vous avez personnellement trouvé, dans un certain nombre de projets, des solutions économiques. Je vous en rends grâce. (Protestations.) Oui, je l'affirme, M. Dessimoz a cherché, au niveau du logement, des solutions de conversion et d'autres. Son cas, hélas, n'est pas courant, permettez-moi de le dire !

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Passant mon temps à rattraper des procédures et des délais enlisés au fil des années, je suis touché par cette volonté de résoudre rapidement d'autres problèmes.

Premièrement, j'accepte, et c'est normal, la notion de la publication des dérogations.

Deuxièmement, selon la modification de l'article 12 A, je ferai un rapport annuel.

L'architecture n'a pas d'âge. Des oeuvres, datant de deux siècles, sont parfaites; d'autres, contemporaines, sont absolument nulles. La conception des normes a énormément évolué. La notion de dérogation, dont M. Vernet disait qu'elle était considérée comme un crime par certains, peut remplir un rôle positif dans le cas qui nous occupe. La rénovation douce et le maintien des possibilités de logement, à des prix très bas, exigent de renoncer à certaines normes du type OFL qui conduisent à des prix de construction de 5 000 à 5 500 F la pièce, avant subvention.

Je conclurai en disant que, dès que la nomination d'un architecte cantonal sera autorisée, je ferai appel à M. Grobet pour qu'il démontre ses qualifications.

Le président. Nous votons maintenant l'amendement proposé par M. le député Grobet qui consiste à introduire, dans le projet de loi, l'alinéa 2 suivant à l'article 12 C (nouveau) :

«2 Le Conseil d'Etat présente au Grand Conseil un rapport annuel sur les effets de la loi et la nature des dérogations accordées.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 12 C (nouveau) ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses

(L 5 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, est modifiée comme suit:

Art.12 A (nouveau)

Logementssociaux

Le département peut déroger aux dispositions de la présente loi pour permettre d'abaisser le coût de construction des logements sociaux. Ces dérogations ne doivent pas affecter la sécurité et la salubrité des constructions ni les qualités minimales des logements fixés à l'article 25 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du4 décembre 1977.

Art. 12 B (nouveau)

L'article 12 A est applicable dès son entrée en vigueur aux demandes en cours d'instruction.

Art. 12 C (nouveau)

Durée de validité

1 Les dispositions des articles 12 A restent en vigueur pendant 3 ans à dater de la promulgation de la présente loi. A l'échéance d'une période expérimentale de deux ans, le Conseil d'Etat devra établir un rapport d'évaluation qui devra être communiqué au Grand Conseil dans un délai de six mois. Si, à l'échéance d'un nouveau délai de six mois dès réception du rapport du Conseil d'Etat, le Grand Conseil n'a pas adopté l'article 12 A de manière définitive, les arti-cles 12 A et suivants seront automatiquement abrogés.

2 Le Conseil d'Etat présente au Grand Conseil un rapport annuel sur les effets de la loi et la nature des dérogations accordées.