République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 14 décembre 1995 à 17h
53e législature - 3e année - 2e session - 55e séance
PL 7389
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur le service de l'emploi et la location de services, du 18 septembre 1992, est modifiée comme suit:
Article 1 (nouvelle teneur)
Dispositions applicables
Le service de l'emploi, la location de services, les licenciements collectifs et fermetures d'entreprises sont réglés par:
a)
la loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services, du 6 octobre 1989 (ci-après la loi fédérale);
b)
les articles 335 d et suivants du Code des obligations.
Art. 12, al. 1, dernière phrase (nouvelle)
al. 2, lettre f (nouvelle)
Conseil de surveillancedu marché de l'emploi
Compétence
(...) Le conseil est également désigné en qualité de commission tripartite au sens de l'article 85c de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (ci-après loi fédérale sur l'assurance-chômage), du 25 juin 1982.
f) le directeur de la caisse cantonale genevoise de chômage, ou son suppléant, représentant la caisse publique, avec voix consultative, conformément à l'article 85c de la loi fédérale sur l'assurance-chômage.
CHAPITRE III A
Licenciements collectifs et fermetures d'entreprises
(nouveau, comprenant les articles 23 à 24 B,le chapitre III A abrogeant les sections 3 et 4)
SECTION 1
OBLIGATION DE L'EMPLOYEUR EN GÉNÉRAL
(nouvelle)
Art. 23 (nouvelle teneur)
Principe
1 Tout employeur doit annoncer les licenciements collectifs et les fermetures d'entreprises dès lors qu'ils touchent au moins 6 travailleurs dans une période d'un mois civil.
2 L'annonce doit parvenir à l'autorité compétente le plus tôt possible, mais au plus tard au moment où les congés sont donnés.
3 L'annonce comprend:
a)
le nombre, le sexe et la nationalité des travailleurs touchés;
b)
le motif de la fermeture;
c)
la branche à laquelle appartient l'entreprise qui licencie des employés;
d)
la date de la fin des rapports de service.
SECTION 2
OBLIGATIONS DE L'EMPLOYEUR EN VERTU DU CODE DES OBLIGATIONS
(nouvelle)
Art. 24 (nouvelle teneur)
Obligation
de notifier
1 Dans les cas prévus aux articles 335 d et suivants du Code des obligations, l'employeur doit en outre notifier par écrit à l'autorité compétente tout projet de licenciement collectif.
Contenu
2 Cette notification, dont une copie est transmise à la représentation des travailleurs ou, à défaut, aux travailleurs, comprend les résultats de la consultation des travailleurs et tous les renseignements utiles concernant le projet de licenciement collectif.
Art. 24 A (nouveau)
Renseignements utiles
1 L'autorité compétente, afin de trouver des solutions aux problèmes posés par les licenciements collectifs, peut, en plus des indications mentionnées à l'article 23, alinéa 3, exiger notamment les renseignements utiles suivants:
a)
le nombre total des employés de l'entreprise, le nombre et la liste nominative des travailleurs concernés, avec des renseignements d'état civil complets, la fonction exercée, le nombre d'années de service ainsi que le dernier salaire annuel réalisé dans l'entreprise;
b)
les dispositions envisagées par l'entreprise en faveur du personnel licencié;
c)
la situation économique de l'entreprise.
Convocation de l'employeur
2 Elle peut également convoquer l'employeur ou toute personne dont elle juge la présence nécessaire en vue de trouver des solutions.
Art. 24 B (nouveau)
Non-respect de
la procédure
1 En cas de non-respect de la procédure, notamment en l'absence de consultation de la représentation des travailleurs ou, à défaut, des travailleurs, l'autorité compétente peut en faire état par écrit à l'employeur avec copie à la représentation des travailleurs ou, à défaut, aux travailleurs.
SECTION 3 (section 4 actuelle)
ANNONCE DES LICENCIEMENTS, DES MISESÀ PIED ET DES RÉDUCTIONS D'HORAIREÀ DES FINS STATISTIQUES
(comprenant l'art. 25)
EXPOSÉ DES MOTIFS
I. Observations générales
Le 1er mai 1994, de nouvelles dispositions du Code des obligations instituant une réglementation spécifique en matière de licenciements collectifs et de transferts d'entreprises sont entrées en vigueur.
Rappelons qu'elles ont été adoptées par l'Assemblée fédérale le 17 décembre 1993 et qu'elles sont issues du projet Eurolex, repris sous l'expression Swisslex à la suite du rejet de l'accord sur l'Espace économique européen.
Ces textes se rapprochent des règles communautaires, même si la Suisse n'obéit à aucun engagement international. Ils introduisent dans notre législation, en matière de licenciements collectifs, deux principes relativement nouveaux: le devoir pour un certain nombre d'entreprises de consulter les travailleurs avant tout licenciement collectif et le rôle accru de l'administration, à savoir l'office cantonal du travail, lors de la procédure de licenciements collectifs, telle que précisée dans le Code des obligations.
Le droit fédéral, on le sait, lie le législateur cantonal. Selon le professeur Gabriel Aubert, consulté lors de la préparation de ce projet, la loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services, du 6 octobre 1989 (ci-après la loi fédérale) de même que le Code des obligations révisé règlent exhaustivement la question des licenciements collectifs. Cette réglementation ne laisse par conséquent pas de place à des dispositions cantonales qui lui seraient contraires.
Ce constat a deux conséquences sur notre législation cantonale. D'une part, les articles 23 et 24 de la loi sur le service de l'emploi et la location de services, du 18 septembre 1992 (ci-après la loi cantonale) dans leur teneur actuelle ne sont partiellement plus conformes au droit fédéral et doivent par conséquent être modifiés. D'autre part, le législateur cantonal peut apporter, par des dispositions d'application des nouveaux articles du Code des obligations, des précisions utiles et concrètes destinées notamment à clarifier la procédure.
Ainsi, les modifications qui vous sont proposées reprennent en les développant et en les précisant les termes du Code des obligations, notamment en ce qui concerne la procédure à respecter afin qu'elle soit claire pour les entreprises soumises.
Ces modifications s'inscrivent également dans l'application, en droit cantonal, de la loi fédérale sur l'information et la consultation des travailleurs dans les entreprises (loi sur la participation), notamment de son article 10, lettre c, votée le même jour par les Chambres.
Par ailleurs, la nouvelle loi fédérale sur l'assurance-chômage, qui entre en vigueur le 1er janvier 1996, exige l'adaptation de la loi cantonale sur le service de l'emploi et la location de services, s'agissant du rôle de la commission tripartite.
II. Commentaire article par article
Article 1
Dans sa teneur actuelle, l'article 1 fait uniquement référence à la loi fédérale. Il paraît indispensable de se référer également aux dispositions du Code des obligations. La référence à la loi et au règlement nous paraît inutile, ce d'autant plus que la loi cantonale prévoit à son article 29 que le Conseil d'Etat édicte un règlement.
Article 12, alinéa 1
La loi fédérale sur l'assurance-chômage prévoit que la commission tripartite est appelée à conseiller l'office régional de placement dans ses activités, ainsi qu'à donner son avis dans certains cas prévus par la loi.
En fait, il s'agit ici de l'application sur le plan cantonal de la structure ORP (office régional de placement) prévue par la loi fédérale révisée; s'agissant de la commission tripartite, celle-ci est liée précisément à cette structure, qui a eu l'agrément de l'OFIAMT en date du 9 novembre 1995.
Le conseil de surveillance du marché de l'emploi composé des représentants des partenaires sociaux genevois, à savoir l'union des sociétés patronales genevoise et la communauté genevoise d'action syndicale, est désigné en cette qualité.
Article 12, alinéa 2, lettre f
L'article 85c, alinéa 2, de la nouvelle loi fédérale sur l'assurance-chômage exige qu'un représentant de la caisse publique fasse partie de la commission tripartite avec une voix consultative.
Chapitre III A
Un nouveau chapitre remplaçant trois sections est créé pour bien clarifier les dispositions s'appliquant expressément aux licenciements collectifs et aux fermetures d'entreprises.
Article 23
Cette disposition reprend l'article 29 de la loi fédérale en précisant que, en droit genevois, les entreprises touchant au moins 6 travailleurs sont soumises à cette obligation. Le contenu des renseignements exigés dans la notification est repris de la loi fédérale.
Article 24
Cette disposition précise les obligations de l'employeur lorsque son entreprise est soumise aux dispositions du Code des obligations. Elle se distingue de l'article 23 en ce sens que la notification par écrit à l'autorité compétente se réfère à un projet de licenciement collectif qui a déjà fait l'objet d'une consultation des travailleurs. Cette consultation, selon le droit fédéral, a pour but d'éviter les licenciements ou d'en limiter le nombre ainsi que d'en atténuer les conséquences (art. 335 f CO).
Article 24 A
Cette disposition précise les renseignements utiles que l'autorité compétente peut demander afin de trouver des solutions aux problèmes posés par le licenciement collectif. Il s'agit par conséquent de renseignements complémentaires à ceux qui sont exigés pour les entreprises, dès lors qu'elles licencient 6 travailleurs au moins (art. 23). Ces renseignements sont en réalité ceux que l'office cantonal de l'emploi demande actuellement aux employeurs et qui sont destinés à trouver des solutions pour, notamment, le reclassement des employés. L'alinéa 2 prévoit que l'autorité peut convoquer l'employeur. En réalité l'expérience à ce jour montre que l'employeur est en général disposé à rencontrer l'autorité compétente afin de trouver une solution.
Article 24 B
Le constat par l'autorité de l'absence de la procédure de consultation des travailleurs ou des représentants des travailleurs doit permettre à l'employé qui a reçu son congé, sans que la procédure de consultation prévue ait été suivie, de recourir au Tribunal des prud'hommes pour congé abusif afin d'obtenir un dédommagement. En effet, le Code des obligations prévoit que chaque employé peut individuellement s'adresser à une autorité judiciaire pour lui faire constater qu'il a été l'objet d'un congé abusif pour le motif que la procédure de consultation n'a pas été respectée.
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Au bénéfice des explications ci-dessus, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir approuver ce projet de loi.
Préconsultation
Une voix. Des lits de camp sont-ils prévus pour les députés qui, en raison de l'heure, ne pourront plus utiliser les transports publics ?
Le président. Non, nous n'avons pas prévu de lits de camp, Monsieur le député !
M. Pierre-Alain Champod. Demain, dès 8 h, nous aborderons le budget. D'après l'ordre du jour, nous avons une séance à 20 h 30 qui nous permettrait de traiter les points restants après la clôture du débat sur le budget. Je propose donc une motion d'ordre et demande l'interruption de la présente séance.
Le président. Monsieur le député, ces deux projets de lois devraient, en principe, être renvoyés en commission.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Ce projet et le projet 7390 ont une portée essentiellement technique. Préparés et étudiés avec les partenaires sociaux, ils peuvent être travaillés, sans autre, en commission.
Pour le surplus, je vous propose ce qui suit :
Une réponse à l'interpellation 1948 de M. Longet figure dans le chapitre de l'économie publique. Je peux très bien la donner demain, dans le cadre du budget, en deuxième débat, puisque, de toute évidence, des questions seront posées. Elle sera brève. Cette manière de faire permettra de liquider les problèmes du département de l'économie publique. Nous pourrons ainsi avancer.
Le président. Monsieur le député Longet, acceptez-vous cette proposition ? Oui ? Il en sera fait ainsi ! Maintenant, nous mettons aux voix la motion d'ordre de M. le député Champod.
Mise aux voix, cette motion d'ordre est rejetée.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Ce projet de loi appelle quelques remarques de la part du groupe socialiste. En effet, il élargit les compétences du conseil de surveillance du marché de l'emploi, puisque ledit conseil assumerait aussi le rôle de commission tripartite, tel que prévu par l'article 85 C de la loi fédérale sur l'assurance-chômage.
Le conseil de surveillance du marché de l'emploi fonctionne sur le mode du tripartisme et est chargé de donner un avis au Conseil d'Etat sur les questions relatives au marché de l'emploi et du chômage. Il est aussi consulté à chaque fois qu'une nouvelle mesure, touchant au marché de l'emploi et du chômage, est introduite.
Par conséquent, nous souhaitons savoir si ce conseil de surveillance est en mesure de reprendre les tâches incombant à la commission tripartite, au sens de la nouvelle loi LFAC.
Par ailleurs, dans son nouvel article 23, le projet de loi ne définit pas l'autorité compétente en matière de licenciements collectifs. S'agit-il de l'office cantonal de l'emploi ou d'un autre service de l'Etat ?
Toujours à l'article 23, alinéa 1, un stade de la procédure est supprimé, stade important s'il en est, puisqu'il s'agissait de la consultation des partenaires sociaux sur les questions de licenciements collectifs, de la sauvegarde de l'emploi, du placement ou du recyclage des travailleurs.
Une autre adaptation de taille concerne le nouveau délai accordé à l'employeur pour annoncer des licenciements collectifs à l'autorité compétente. Selon la modification proposée par le Conseil d'Etat, la définition de ce délai est reprise, mot pour mot, de la loi fédérale sur les services. A notre avis, c'est une vision restrictive.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons le renvoi de ce projet en commission.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.