République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7175-A
19. Rapport de la commission législative chargée d'étudier le projet de loi de MM. Pierre-François Unger, Bénédict Fontanet, David Hiler, Bernard Lescaze et Michel Balestra concernant la législation expérimentale (A 2 10). ( -) PL7175
Mémorial 1994 : Projet, 5256. Renvois en commissions, 5260, 5699.
Rapport de M. Claude Lacour (L), commission législative

Un projet de loi concernant la législation expérimentale (A 2 10) a été déposé le 21 octobre 1994. Il a été examiné en séance de préconsultation par le Grand Conseil (Mémorial du Grand Conseil 1954, pages 5256 et suivantes). Il a été envoyé à la commission des finances. Il a été repris à la séance du 8 décembre 1994 et renvoyé à la commission législative (Mémorial du Grand Conseil, page 5699).

1. Auditions de la commission

Dans sa séance du 16 juin 1995, la commission a procédé à l'audition des professeurs A. Auer, G. Malinverni et C.-A. Morand. Ceux-ci étaient entendus tant en ce qui concerne le présent projet de loi qu'en ce qui concerne le projet de loi 7118 relatif à l'évaluation législative.

Après avoir remis au président diverses publications, les professeurs ont donné quelques réponses aux questions des commissaires.

En ce qui concerne la problématique du référendum en matière de législation expérimentale, le professeur Malinverni a laissé entendre qu'il serait envisageable de soustraire ces lois au référendum, du fait de leur durée limitée, le référendum n'étant pas manifestement utile, cela par analogie avec le droit fédéral et ses arrêtés urgents.

Le professeur Morand semble être d'un avis quelque peu différent: il pense au contraire que la loi doit être soumise au référendum, étant précisé que le référendum risque de ne pas être demandé à l'encontre d'une telle loi. Le professeur Morand a souligné qu'il était déjà possible d'adopter des actes expérimentaux sous forme d'arrêtés législatifs, lesquels sont limités dans le temps.

Le professeur Malinverni souligne qu'il faut absolument décider si l'on veut introduire un nouveau type d'acte législatif dans la constitution, ou au contraire si l'on veut maintenir une seule catégorie de lois. Pour lui, le projet de loi ne vise pas à créer une nouvelle catégorie d'acte.

2. Travaux de la commission

Les débats se sont poursuivis lors des séances de la commission législative des 5 mai 1995, 16 juin 1995 et 6 octobre 1995. Ils ont porté sur les points principaux suivants :

a) Nécessité d'une législation expérimentale

D'une manière générale, les commissaires ont considéré qu'il s'agit d'une nouveauté à étudier dont le principe est bon. Le projet témoigne de la vie de la démocratie. Il semble néanmoins nécessaire de trouver un moyen de mettre cette législation en oeuvre sans trop de paperasserie et de garder en vue le fait qu'il doit s'agir d'une législation spéciale, à application relativement limitée. Ce système doit permettre de construire une loi définitive de meilleure qualité, plus attractive, plus positive, voire plus économique compte tenu des leçons de l'expérience.

b) Forme de la nouvelle législation

Doit-il s'agir d'une loi spéciale non soumise à référendum, ce qui nécessiterait une modification de la constitution ? Peut-on se contenter d'un arrêté législatif du Conseil d'Etat à titre transitoire ? Ou, enfin, doit-il s'agir d'une loi habituelle, soumise à diverses conditions ?

Après discussion, les commissaires entendent renoncer à la solution du règlement du Conseil d'Etat transitoire, car l'expérience a montré qu'il est rarement remplacé par une loi d'application, ou qu'il ne l'est que fort tardivement. Par ailleurs, les commissaires considèrent qu'une loi ne doit pas échapper au référendum, même si, pour certains, il semble préférable que la possibilité du référendum n'apparaisse qu'après l'expérimentation.

Les auteurs du projet de loi ont confirmé à la commission qu'il n'était pas question pour eux de soustraire le projet de loi 7175 au référendum.

La commission rejette l'idée de mettre en oeuvre ce projet de loi par une modification constitutionnelle ou par voie de réglementation.

c) Caducité de la loi expérimentale

La commission relève que l'organe responsable de l'évaluation n'a pas forcément de pouvoir législatif, de sorte qu'il appartiendra au Grand Conseil de décider s'il veut laisser tomber la loi dans la caducité, ou au contraire présenter un projet de loi destiné à transformer cette loi expérimentale en loi permanente.

A l'occasion de cette discussion, les commissaires estiment qu'il va de soi que la loi devient caduque dès qu'il est constaté que les buts ne sont pas atteints. Ils considèrent qu'il n'est pas nécessaire de le préciser dans la loi. Par contre, ils considèrent comme évident que la loi expérimentale portera elle-même sa date d'autodestruction, et insistent pour que cette appréciation figure expressément au présent rapport.

d) Objections au principe même de la législation expérimentale

Dans le cadre des discussions de la commission, certains commissaires ont mis en évidence les points suivants:

- Il semble possible d'adopter des législations expérimentales sans avoir besoin de créer une nouvelle base légale.

- Par définition même, une législation expérimentale fragilise la sécurité du droit en créant deux catégories de lois et en plaçant les personnes concernées par la loi dans une catégorie spéciale et dans une situation instable et précaire.

- Ce projet pourrait susciter une tentation de faire passer une loi à titre expérimental, sachant que le législatif n'en voudrait pas à titre définitif. On pourrait aussi craindre qu'il pousse à renvoyer aux suivants les problèmes délicats.

3. Analyse des dispositions de l'article unique du projet de loi 7175

Alinéa 1

Que faut-il entendre par un acte législatif ? S'agit-il aussi d'un acte réglementaire ? La loi doit-elle s'étendre aux arrêtés législatifs ?

Après discussion, il est proposé de remplacer le terme d'«acte législatif» par le mot «loi», pour éviter toute confusion. Les termes de «loi expérimentale», de «loi test» sont rejetés.

Lettre a

Cette disposition constitue l'épine dorsale de la législation expérimentale. Elle limite dans le temps la durée de la loi, d'une manière formelle, en la conditionnant à la durée de l'expérimentation. Pour les commissaires, il va de soi que la loi devient caduque de plein droit à la fin de la période d'expérimentation. Elle pourra ensuite soit être remodelée sous la forme d'une loi permanente, non expérimentale, ou éventuellement aussi être prolongée.

Lettre b

La commission a examiné longuement ce qu'il fallait entendre par «situation complètement irréversible». Il apparaît rapidement aux commissaires que, puisque la loi cesse de produire ses effets à un moment donné, elle est par définition même non irréversible. Par contre, il est bien clair que, sur le plan pratique, il faudra veiller à ce que la loi expérimentale ne permette pas de mettre sur pied une situation provisoire dont la disparition viendrait à surprendre ses bénéficiaires, ou à obliger l'Etat à supporter le coût éventuellement très élevé d'une remise en l'état antérieure.

En définitive, tout au moins sur le plan théorique, il n'existe aucune situation matérielle qui ne puisse être défaite, et par définition même, une loi peut être remplacée par une autre. De sorte qu'il apparaît aux commissaires que l'on peut renoncer à cet alinéa.

Lettre c

Cette disposition constitue tout simplement la principale différence qu'il peut y avoir entre une loi provisoire ou transitoire et une loi expérimentale. En effet, ces premières lois deviennent caduques sans que l'on ait cherché à savoir ce qu'il fallait faire ensuite, ni à quoi ces lois ont bien pu servir. La loi expérimentale, au contraire, impose dès le départ la fixation des buts à atteindre, de sorte qu'à la fin de la période d'expérimentation il est possible de tirer des enseignements du fait de son application. Le législateur sera dans l'obligation de procéder à la comparaison entre les buts voulus et les buts atteints et aux adéquations entre les hypothèses posées et la réalité.

Lettre d

Il apparaît rapidement aux commissaires que toute loi devant être par définition «adéquate et nécessaire» pour être votée, il est inutile de le préciser à propos de ce projet de loi.

Lettre e

Cet alinéa prévoit une évaluation automatique et obligatoire dans un délai donné. Les commissaires ont considéré qu'il fallait encore préciser dans la loi la manière dont ces évaluations seraient effectuées dans la pratique.

Alinéa 2

Cette disposition définit d'une manière très complète ce qui doit figurer dans une loi expérimentale (type de données, démarche méthodologique, critères d'appréciation de l'expérimentation). Cet alinéa précise aussi que la loi doit prévoir expressément les organes responsables chargés de l'expérimentation. Il est accepté sans modification par les commissaires.

4. Votes

- L'entrée en matière a été votée à l'unanimité.

- Alinéa 1: Les termes «acte législatif», figurant en note marginale dans le texte, sont remplacés par «loi» selon amendement approuvé à l'unanimité.

 Il en résulte qu'aux lettres a et b «il» doit être remplacé par «elle». Décision prise à l'unanimité.

- Lettre b: La décision de renoncer à cet alinéa est prise à l'unanimité.

- Lettre c: « Il » est également remplacé par «elle» par la commission moins une abstention.

- Lettre d: Cet alinéa est supprimé par décision unanime de la commission.

 Un amendement est proposé en ajoutant au texte la phrase «dans son rapport remis au Bureau du Grand Conseil» est accepté à l'unanimité.

- L'alinéa 2: est adopté avec une abstention (S).

Le texte dans son ensemble, tel qu'amendé au cours du deuxième débat, est accepté par 4 voix moins 1 abstention (S).

Le texte ainsi amendé vous est présenté dans sa rédaction telle que proposée par la commission. Dès lors, la commission, à la majorité, propose l'adoption de ce projet de loi tel que modifié par la Commission.

ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition de MM. Pierre-François Unger, Bénédict Fontanet, Michel Balestra, David Hiler et Bernard Lescaze

Dépôt: 21 octobre 1994

PL 7175

PROJET DE LOI

concernant la législation expérimentale

(A 2 10)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

Acte législatif

1 Un acte législatif peut être établi à titre expérimental à condition:

a) qu'il soit limité au temps strictement nécessaire à l'expérimentation;

b) qu'il ne crée pas une situation complètement irréversible;

c) qu'il fixe le but de l'expérimentation et les hypothèses qu'il cherche à vérifier;

d) qu'il soit adéquat et nécessaire;

e) que ses effets soient évalués au plus tard 3 mois avant la date prévue pour son expiration.

2 L'acte législatif tel que défini dans l'alinéa 1 doit déterminer le type de données à récolter, la démarche méthodologique, les critères d'appréciation de l'expérimen-tation et les organes pour l'effectuer.

Premier débat

M. Claude Lacour (L), rapporteur. Le parlement se trouve parfois confronté à des problèmes nouveaux et complexes, comme ceux qui sont dus aux progrès de la science, notamment en biologie, ou à des problèmes par essence conflictuels, tels l'IVG, les dons d'organes, etc.

Il en résulte que le parlement a parfois de la peine à mettre en oeuvre une loi risquant de mener à une situation inacceptable dans son application à terme ou dont les effets secondaires sont difficilement supputables. Le but de la législation expérimentale est de permettre d'éviter de telles situations de blocage et, par ailleurs, si, après son application, l'on constate que la loi conduit à des situations sans issue ou à des effets pervers, il est alors facile de mettre fin à l'expérience.

Ce projet de loi donne donc au parlement des moyens modernes et supplémentaires de bien légiférer. C'est dans cet esprit que la commission législative vous demande d'adopter ce projet de loi.

M. Laurent Moutinot (S). En commission, je m'étais abstenu sur ce projet de loi, car un débat avait lieu au sein du parti socialiste sur la position qu'il convenait de prendre.

Cette position est prise, et nous rejetons ce projet de loi pour les raisons suivantes :

1) Quant au fond, nous estimons que la législation expérimentale pose un grave problème de sécurité juridique et qu'elle conduit de la sorte à une certaine dévalorisation de la loi, puisqu'il y aura des lois de première classe, valables sans limites, et des lois de deuxième classe, valables provisoirement. Après la société à deux vitesses, nous aurons la législation à deux vitesses !

Sur le plan juridique le deuxième problème est que la brièveté de l'existence d'une loi rend son contrôle par les tribunaux relativement difficile et, notamment, le Tribunal fédéral ne pourra pas suggérer une jurisprudence dans ce genre de législation.

Enfin et toujours en ce qui concerne la sécurité du droit, je crains d'une législation expérimentale qu'elle ne soit pour la population l'aveu de la part de notre parlement qu'il n'est pas très sûr de ce qu'il fait. Or, il est important pour la République que le Grand Conseil donne, au moins, l'impression, à défaut d'en être convaincu, qu'il sait ce qu'il veut.

2) En deuxième lieu il y a des arguments tirés de la procédure référendaire. Dans le rapport de M. Lacour une grande hésitation se dégage sur le fait de savoir si la législation expérimentale doit être ou non soumise à référendum. Il semble bien que oui, mais sans que cela ait été affirmé de manière catégorique. Et même si cela était, le débat référendaire serait tronqué, parce qu'il n'aurait pas lieu sur le bien ou le mal fondé d'une proposition, mais sur la nécessité d'une expérience. Par conséquent, le débat au lieu d'être de fond serait de pure forme ou transitoire.

3) Le troisième défaut de ce projet de loi est qu'il pervertit, à mon sens, les débats parlementaires. Pourquoi ? Parce que - et le rapport le montre - nous allons nous trouver en situation de dire que nous ne voulons pas de tel projet à titre définitif, mais que nous sommes prêts à l'accepter à titre provisoire. En somme, le côté provisoire d'un projet est une manière de faire passer les choses. Mais vous savez que dans la République le provisoire dure longtemps, que les baraquements pour les collèges ou pour les cycles, construits il y a un quart de siècle ou davantage, sont toujours debout ! En définitive, je crains aussi une certaine déresponsabilisation du parlement et des citoyens. En effet, comme la loi, finalement, est expérimentale, à quoi bon s'y tenir avec tout le sérieux qu'elle mérite.

4) Le quatrième argument relève de la technique législative. De toute façon, rien ne nous empêche, s'il fallait vraiment le faire, de faire de la législation expérimentale en fixant simplement les conditions dans une loi. Nous l'avons déjà fait s'agissant du RMCAS, dont la validité est limitée dans le temps. Cela va probablement se faire avec le projet de loi 6744 ayant trait à la LCI et, par conséquent, une loi qui prévoit ce qu'est une loi expérimentale n'est pas nécessaire.

La législation évolue; l'AVS a été révisée dix fois. Je ne crois pas qu'il y ait eu neuf stades expérimentaux et un dernier stade. La vie veut que la législation évolue, mais pas sous forme d'expériences. En effet, Mesdames et Messieurs les députés, la vie en société n'est pas un laboratoire. Je ne souhaite pas que nous prenions nos concitoyens pour des cobayes et que nous nous transformions en Dr Jekill !

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Nous nous abstiendrons sur ce projet de loi amendé, bien que nous l'ayons cosigné et que l'intérêt du débat intellectuel sur cette proposition de lois expérimentales n'est pas contestable.

Il est quand même tout à fait paradoxal qu'un parlement, qui fait lui-même les lois, qui peut les modifier et les abroger en tout temps, se protège de ses propres créations en décidant que certaines lois comportent plus de risques d'erreurs et qu'il faut les essayer un certain temps avant de les adopter définitivement.

Cela peut créer un climat d'incertitude au sein de la population, et le problème du droit de référendum n'a pas été clairement résolu. Comme le disait M. Moutinot, tout à l'heure, la population ne doit pas être prise pour un cobaye.

Déjà, actuellement, la législation est extrêmement complexe. Alors, si, en plus, toutes les lois n'ont pas la même valeur juridique, personne ne va s'y retrouver. Il paraît beaucoup plus simple de demander des rapports d'évaluation quelques années après l'entrée en vigueur des lois complexes et dont les conséquences sont difficiles à évaluer exactement. De toute façon, actuellement, rien n'empêche de décider qu'une loi devra faire l'objet d'une réévaluation. Par essence, toutes les lois doivent avoir la même valeur et sont expérimentales, puisqu'elles peuvent être modifiées ou abrogées en tout temps.

Nous nous abstiendrons donc sur ce projet de loi.

M. Michel Balestra (L). Ce Grand Conseil a déjà voté des lois limitées dans le temps. Malheureusement cette limite n'avait pour but que d'aider à faire passer ces lois !

L'avantage de codifier la législation expérimentale est de définir les objectifs de ces lois expérimentales et la méthode d'évaluation de ces dernières. Et ce sera un plus par rapport à l'usage désormais courant de créer des lois limitées dans le temps.

Mesdames et Messieurs, je n'ai absolument aucun doute sur la sécurité du droit, par rapport à la législation expérimentale. Celle-ci ne deviendra pas la norme, mais elle sera un moyen de plus, un moyen moderne, pour permettre à notre parlement de tenter des expériences législatives et, surtout, d'avoir une raison de les évaluer et de les arrêter si elles ne sont pas positives.

M. Lescaze a parlé tout à l'heure de la guillotine; moi je parlerai d'une loi chinoise qui avait interdit les moineaux parce que ceux-ci mangeaient du grain. Cette loi chinoise interdisant les moineaux a conduit tous les Chinois à les tuer, puisqu'ils étaient payés pour chaque moineau ramené mort. Mais on s'est rendu compte qu'il n'y avait plus de grain pour la bonne et simple raison que les moineaux mangeaient la vermine qui tuait le grain. Il aurait été bénéfique pour la Chine à cette époque d'avoir une législation expérimentale ! (Rires.)

M. Bernard Lescaze (R). Mon préopinant a dit l'essentiel de ce qu'on pouvait répondre à M. Moutinot.

Monsieur Moutinot, j'aimerais vous signaler que non seulement nous avons voté des lois ayant une durée limitée dans le temps, mais nous en voterons une importante demain, comme nous le faisons dans cette République depuis cent cinquante ans, parce que la loi portant budget de la République est, bien entendu, valable pour une année.

Je dois également dire qu'il est évident, dans la sécurité du droit, qu'une loi dite expérimentale soit soumise à référendum. En réalité, le problème n'est pas l'expérience, mais, précisément, la possibilité d'évaluer les effets de la loi. Si on pouvait admettre que notre premier projet de loi sur l'évaluation ne fût pas retenu, ce projet, permettant dans des formes claires et nettes, désormais précises et codifiées, une évaluation des effets de certaines lois, lui, est tout à fait nécessaire.

D'ailleurs, votre quatrième argument renversait toute votre démonstration en prétendant que l'on n'en avait pas besoin, puisque cela s'était déjà fait. En effet, justement, lorsque nous avons voté le RMCAS, nous avons voulu en faire ensuite une évaluation, mais nous n'avions pas les critères, voire la codification de cette évaluation. Cela nous aurait peut-être simplifié les choses.

Enfin, je ne rappellerai pas à l'éminent juriste et avocat qu'est M. Moutinot que ce Grand Conseil vote constamment des modifications de lois concernant les tribunaux, la procédure judiciaire, etc. Et, généralement, le motif invoqué à l'appui de ces modifications constantes, qui pour le laïc conduisent à un manque de sécurité juridique, est la constatation d'effets pervers dus aux modifications précédentes. Certains aspects avaient échappé au législateur, et on ne s'est pas toujours aperçu à temps des effets induits par les précédentes modifications. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous recommande d'approuver ce projet de loi.

M. Claude Lacour (L), rapporteur. Je réponds à deux remarques de M. Moutinot.

Il considère qu'il suffirait d'une loi provisoire pour remplacer le but fixé par la loi expérimentale. Ce n'est pas exact. On ignore quand une loi provisoire prend fin, et il faut tout recommencer si elle s'arrête net.

En revanche, la loi expérimentale permet plus de souplesse. On peut décider soit de l'arrêter, soit de la modifier ou, simplement, de la prolonger.

M. Moutinot dit encore que les lois provisoires sont faites pour durer, parfois un quart de siècle, a-t-il ajouté. C'est précisément pour supprimer ce défaut que le projet 7175 a été proposé, toute loi expérimentale portant en elle - si vous lisez bien le règlement - sa date de caducité. Passé un certain délai, elle tombe automatiquement, et il n'est pas possible d'attendre un quart de siècle pour savoir ce que l'on va en faire.

Vous avez aussi dit qu'il suffirait d'insérer des conditions dans la loi normale. Je pense que cela ne suffirait pas. On examine les conditions, certes, mais, après coup, on ne sait plus qu'en faire. En revanche, la loi expérimentale fixe les critères et les buts à atteindre. L'application ou la non-application des conditions est dès lors analysée par rapport à ces éléments fixés par avance, ce qui ne serait pas le cas pour une loi provisoire.

Ce projet est adopté en trois débats, dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

concernant la législation expérimentale

(A  2  10)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

Loi expérimentale

1 Une loi peut être établie à titre expérimental à condition:

a) qu'elle soit limitée au temps strictement nécessaire à l'expérimentation;

b) qu'elle fixe le but de l'expérimentation et les hypothèses qu'elle cherche à vérifier;

c) que ses effets soient évalués dans un rapport remis sur le bureau du Grand Conseil au plus tard 3 mois avant la date prévue pour son expiration;

2 La loi expérimentale, telle que définie à l'alinéa 1, doit déterminer le type de données à récolter, la démarche méthodologique, les critères d'appréciation de l'expérimen-tation et les organes responsables pour l'effectuer.