République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 1 décembre 1995 à 17h
53e législature - 3e année - 2e session - 53e séance
PL 7385
LE GRAND CONSEIL,
vu l'article 160, alinéa 1, lettre a, de la constitution genevoise, du 24 mai 1847 ;
vu l'article 37, lettre a, de la loi sur l'organisation des Services industriels de Genève, du 5 octobre 1973,
Décrète ce qui suit:
Article 1
Budget d'exploitation
Le budget d'exploitation des Services industriels de Genève est approuvé conformément aux chiffres suivants:
a) recettes: 697 312 000 F,
b) dépenses: 722 902 400 F,
c) résultat: -25 590 400 F.
Art. 2
Budget d'investissement
Le budget d'investissement des Services industriels de Genève, s'élevant à 56 296 100 F, est approuvé.
Art. 3
Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1996.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le Conseil d'Etat vous transmet le projet de budget 1996 des Services industriels de Genève (ci-après SIG).
Les résultats prévisionnels laissent apparaître un déficit.
Les chiffres, commentaires et autres explications figurant dans le budget vous fourniront des informations détaillées.
Le budget qui vous est soumis témoigne de la détérioration de la situation financière des SIG. Cet état de fait conduit notre Conseil à attirer votre attention sur ce qui suit :
1. Analyse de la situation
L'augmentation régulière des charges de l'entreprise ne parvient plus à être compensée par une évolution suffisante des recettes. Cette situation relevée pour la première fois lors de l'exercice 1994, marquée par un résultat négatif de 4 466 971 F, se poursuit en s'accentuant. Ainsi, le budget 1995 prévoyait un déficit de plus de 4 millions de francs malgré une hausse des tarifs eau-électricité et en tenant compte de la recette supplémentaire résultant de la vente des terrains de la rue du Stand.
Les facteurs d'évaluation des charges
Il est manifeste que la dégradation de la situation financière s'accélérera si aucune mesure n'est prise. Trois éléments expliquent, pour l'essentiel, l'évolution des charges :
1. Les investissements consentis par l'entreprise au cours de ces dernières années, destinés à améliorer les outils de production et de distribution soit environ 1,3 milliard de francs de 1989 à 1995, ont conduit à d'importantes augmentations des charges.
Il faut savoir que, compte tenu de la situation financière, les SIG ont renoncé à porter à leur budget des crédits d'investissement pour d'importants travaux. Ce sont au total 15 300 000 F qui ont été supprimés.
2. L'augmentation des prix de l'énergie achetée à l'extérieur du canton, due pour l'essentiel à l'augmentation des tarifs EOS, s'est concrétisée sous forme d'un montant de 202 millions de francs en 1989, 257 millions de francs en 1994 pour enfin passer à 298 millions de francs inscrits au budget 1996.
3. L'augmentation des frais de personnel provenant, pour la majeure partie, de l'indexation des traitements et de l'évolution des charges sociales (141 millions de francs en 1989, 185 millions de francs en 1994, 197 millions de francs au budget 1995).
Le budget 1996 qui vous est présenté inverse cette tendance puisqu'il prend en compte des frais de personnel à hauteur de 188 millions de francs, avec une réduction de 17 postes par rapport au budget précédent. L'évolution des effectifs du personnel des SIG traduit l'effort engagé en vue d'accroître l'efficacité de l'entreprise. De 1 493 postes inscrits au budget 1994, l'effectif a passé progressivement de 1 467 unités au budget 1995 à 1 450 prévus en 1996.
Notre Conseil rappelle que les SIG sont tenus de répondre seuls de leurs engagements financiers. Ils ne reçoivent aucune subvention mais versent, au contraire, sous diverses formes, plus de 50 millions de francs aux collectivités publiques qui participent à leur capital de dotation.
Correctifs apportés à l'évolution des charges
Cette situation a conduit le Conseil d'administration à réagir rapidement en prenant les mesures suivantes :
1. Limiter le montant total des investissements à 500 millions de francs pour les cinq prochaines années.
2. Réduire les charges de fonctionnement d'environ 30 millions de francs au cours des quatre prochaines années, représentant ainsi 5% du chiffre d'affaires ou 10% du chiffre d'affaires, déduction faite des frais spécifiques (achats d'énergie).
Pour atteindre cet objectif, le Conseil d'administration entend réduire les effectifs, comprimer les frais généraux et revoir les conditions salariales.
Il est à noter que ces décisions s'inscrivent en complément aux mesures de blocage des effectifs et de report de certains investissements prises en 1992 déjà.
Notre Conseil reconnaît les efforts déployés jusque-là par les SIG visant à réduire le déséquilibre financier et il partage les conclusions du Conseil d'administration des SIG qui estime qu'ils ne permettront pas de garantir, à moyen terme, une situation financière saine de l'entreprise, en regard de l'importance de leurs charges.
Afin d'améliorer globalement l'efficacité des prestations fournies, tant par l'Etat que par les SIG, dans le domaine de l'énergie, notre Conseil a engagé avec les SIG une réflexion dont le point de départ devrait porter sur la définition des rôles respectifs.
Pour remplir leur mission de service public, définie aux articles 158 et suivants de la constitution cantonale, les SIG doivent pouvoir s'appuyer sur :
- d'une part, un mandat politique clair et stable dans le temps, intégrant les grandes orientations de leur stratégie;
- une situation financière saine, garante de leur autonomie.
Notre Conseil relève l'importance des réformes qui ont été entreprises par les SIG depuis plus de deux ans déjà dont l'objectif est de mieux prendre en compte les besoins des clients et de répondre à leurs attentes légitimes tout en améliorant l'efficacité et la productivité.
Quant à l'engagement des programmes de maîtrise de l'énergie, qui demandent des investissements très importants, il est de la compétence de l'Etat et des SIG. L'Etat devra affecter les montants nécessaires à leur mise en oeuvre. A cet effet, des propositions concrètes seront présentées dans un très proche avenir.
3. Discussions Conseil d'Etat - SIG
Le projet de budget 1996 des SIG comportait des demandes de hausses des tarifs et des droits de raccordement auxquelles le Conseil d'Etat n'a pu souscrire que pour les droits de raccordement, et ceci pour le budget 1996 exclusivement. Il désire en effet que certains points du budget, et notamment la question des réserves latentes, soient traités à fond lors des discussions qu'il va mener d'ici au 1er mars 1996 avec la direction des SIG, avant de statuer définitivement sur ces hausses de tarifs demandées.
Au bénéfice des considérations qui précèdent, le Conseil d'Etat vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, l'approbation du présent projet de budget.
Préconsultation
M. Roger Beer (R). Comme chaque année, à pareille époque, le budget des Services industriels de Genève est cause d'une certaine fébrilité au sein de la commission de l'énergie et des Services industriels.
Ce budget doit être formellement approuvé par ce Grand Conseil. Pour ce faire, il est examiné par la commission de l'énergie et cristallise, en la matière, toutes les positions des groupes représentés dans cette enceinte.
Ce n'est que la semaine dernière, conformément à une exception accordée par le règlement du Grand Conseil, que la commission de l'énergie s'est mise à l'étude de ce budget qui, aujourd'hui, nous est soumis formellement.
La mauvaise humeur de la commission était à peine contenue, et c'est son président qui vous le dit avec une certaine retenue. Une fois de plus, le Conseil d'Etat nous a présenté ce budget à la dernière minute, en avançant des arguments entendus à maintes reprises ces dernières années. Il est vrai qu'il est difficile, pour les députés, de savoir ce qui se passe exactement entre la transmission du budget des SI au Conseil d'Etat et l'aval de celui-ci, avant de nous le présenter. Evidemment, les députés ne sont pas dupes et comprennent que des problèmes difficiles se règlent entre les deux entités que sont les SI et l'Etat.
Cette année, le problème s'aggrave avec la présentation d'un budget déficitaire d'environ 25 millions. Des solutions sont proposées par les SI, notamment l'augmentation des tarifs. Et c'est sur ce point que le Conseil d'Etat n'a pas du tout la même politique que celle adoptée par le Conseil fédéral pour les tarifs postaux. On ne lui en voudra pas, étant donné qu'en matière de monopole la hausse des tarifs ne représente pas une solution miraculeuse.
Malgré tout, le problème demeure, et les députés auraient bien aimé disposer d'un peu plus de temps pour étudier ce budget et la politique énergétique des SI.
Ce soir, nous devons renvoyer formellement ce projet de loi à la commission de l'énergie. Celle-ci se réunira le 8 décembre prochain pour essayer d'entériner la proposition du Conseil d'Etat.
Aux dernières nouvelles, il semblerait que la grande majorité des députés tient à exprimer sa mauvaise humeur en s'abstenant. Nous verrons bien ! Une bonne raison de n'être pas entrés en matière et de n'avoir pas terminé l'étude du budget en commission, c'est-à-dire de voter, a été de vouloir attendre la réunion du personnel prévue le 4 décembre, réunion qui doit accepter les propositions en matière de politique du personnel et de politique salariale. Ces négociations ont abouti et doivent être ratifiées. Elles ont permis de dégager une économie réelle de 8 millions. Rappelons que cette économie s'est faite avec les charges salariales en diminution de 3% et la suppression de dix-sept postes de travail. Il s'agit là de départs à la retraite et de postes non repourvus.
Cette diminution a déjà été intégrée dans la présentation du budget. Dès lors, les commissaires ont pensé qu'il était raisonnable d'attendre l'accord du personnel.
L'audition des SI nous a permis, une fois de plus, d'entendre que la situation actuelle était prévisible. Depuis plusieurs années, le conseil d'administration des SI propose et demande au Conseil d'Etat, avec le succès que l'on sait, une hausse des tarifs liée à sa politique de réduction des coûts. Cette situation appelle la réflexion suivante :
Ce Grand Conseil doit envisager, sérieusement et très rapidement, une résorption du déficit du budget des SI. Bien que les solutions ne soient pas nombreuses, quelques-unes peuvent être évoquées :
1. Les SI pourraient recourir à l'emprunt. Cela ne peut être recommandé, des intérêts venant charger, à terme, les comptes d'exploitation;
2. L'ajustement des tarifs reste effectivement une solution plus ou moins envisageable pour résorber une partie du déficit;
3. L'analyse et la compréhension plus fine du budget et de certaines réserves latentes pourraient peut-être amener un bol d'air salutaire;
4. Pourquoi ne pas envisager une couverture par les pouvoirs publics, sous forme de subvention, pour couvrir un déficit, à l'exemple des TPG ? Mais, d'ores et déjà, je vous laisse imaginer le tollé que soulèverait une telle solution.
Vous voyez que les propositions de discussion, à défaut de solutions, ne manquent pas. Elles feront l'objet de la séance de la commission de l'énergie et des Services industriels de la semaine prochaine.
Parallèlement à ces discussions parfois sereines, parfois tendues, mais toujours intéressantes, M. Ducor et M. Joye nous ont promis, d'ici la fin du mois de février, une étude et un rapport communs indiquant les pistes proposées pour résorber ce déficit dans les années à venir. Forts de cet engagement qui, nous l'espérons, ne sera pas qu'une promesse, les députés de la commission de l'énergie sont susceptibles d'accepter, donc de voter, ce budget déficitaire.
En l'état, je vous invite à renvoyer ce projet de loi en commission.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je remercie M. le député Beer de ses déclarations.
Le retard qu'il relève n'est pas du fait du Conseil d'Etat. Il est dû à une discussion extrêmement longue portant sur les tarifs et les droits de raccordement.
Après mûre réflexion, le Conseil d'Etat a décidé qu'il ne s'occuperait que des droits de raccordement. Cela a eu pour effet de déduire 4,5 millions du déficit de 25 millions que vous avez annoncé, Monsieur le député.
Nous avons jugé impossible de nous engager maintenant sur les tarifs. En effet, nous avons décidé, avec le conseil d'administration des SI - notamment avec M. Ducor et son conseil de direction que j'ai vus très longuement cette semaine - que l'on ne pouvait pas traiter la situation des SI uniquement par le biais des tarifs, et qu'il fallait étudier toutes les pistes possibles, comme vous l'avez fort justement dit. Je ne vous cache pas que le recours à l'emprunt n'enthousiasme guère mon président et collègue, M. Vodoz. Mais aux pistes mentionnées par vous, j'ajouterai celles de l'assainissement des finances des SI, d'une politique de diminution encore accrue des charges et de la prise en compte de l'ensemble des rapports CERA-LOGILAB qui jouent un rôle important pour l'avenir des Services industriels, en particulier pour ce qui est de la disponibilité d'énergie nucléaire future, d'une provenance extérieure au canton.
Ces études de fond, qui seront menées jusqu'au mois de février, ne constituent pas un voeu pie. Elles seront faites par une délégation du Conseil d'Etat, et non par le Conseil d'Etat du département des travaux publics et de l'énergie. Les nouveaux tarifs entrant en vigueur le 1er avril, le délai de février n'a pas été fixé par hasard. Si nous aboutissons à un certain équilibre, notamment en ce qui concerne l'augmentation des tarifs, cela nous donnera le temps de modifier ces derniers.
La problématique des SI est vaste et, tout en comprenant les réticences de la commission, je dirais que s'abstenir ne résout pas les problèmes. La transparence, dont nous avons fait preuve, depuis que j'appartiens à ce Conseil, devrait prouver à ce parlement que nous faisons tous nos efforts pour trouver des solutions. D'ailleurs, certains députés, qui ont voté contre le budget, m'ont dit être satisfaits de la manière dont nous les renseignions.
C'est pourquoi je serais heureux si vous renvoyiez ce projet de loi à la commission. D'ores et déjà, je remercie cette dernière de son accueil.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'énergie et des Services industriels.