République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 1 décembre 1995 à 17h
53e législature - 3e année - 2e session - 52e séance
M 1028
LE GRAND CONSEIL,
vu les graves difficultés rencontrées par les activités industrielles à Genève, qui constituent un secteur important de notre économie;
vu la mise en faillite de l'entreprise Tavaro, la demande d'ajournement de faillite de la SIP, dont la situation paraît désespérée;
vu la fermeture intervenue ces dernières années de diverses entreprises industrielles telles que Tarex, Hispano Suiza, Motosacoche, Technicair, Cuenodtherm, Sarcem, ainsi que les diminutions d'activités d'autres entreprises telles que Les Ateliers des Charmilles, ABB Sécheron, Gardy, Kugler, etc.;
vu la nécessité de mener une politique active pour préserver l'industrie genevoise et l'importance que revêt à cette fin le maintien des zones industrielles et artisanales,
invite le Conseil d'Etat
- à lui présenter un rapport sur sa stratégie de préservation et de développement du secteur industriel à Genève et des moyens mis en oeuvre à cet effet;
- à lui présenter un rapport sur sa politique de préservation et de valorisation des zones industrielles et artisanales avec un inventaire des terrains de réserve destinés à des activités industrielles et artisanales ainsi que la liste des entreprises industrielles et artisanales à la recherche de terrains ou de locaux et l'inventaire des locaux commerciaux et administratifs inoccupés, en cours de construction ou susceptibles d'être construits sur des terrains destinés à cet effet;
- à encourager, notamment par une intervention active de la FIPA et en recherchant une collaboration avec les communes, la construction et l'aménagement de locaux industriels et artisanaux bon marché pour des petites et moyennes entreprises;
- à créer un fonds pour le développement de l'industrie genevoise, financé par l'Etat, les communes et la Banque cantonale.
EXPOSÉ DES MOTIFS
L'industrie genevoise est en péril. L'une après l'autre, un certain nombre de grosses entreprises traditionnelles de la métallurgie ont cessé ou fortement diminué leurs activités. Indépendamment des actions qui auraient pu être menées pour sauver tout ou partie de leurs activités, il est primordial - tout en restant dans un cadre raisonnable - de mener une politique active permettant le maintien - et si possible le développement - du secteur secondaire à Genève, afin de bénéficier d'une économie aussi diversifiée que possible.
Face à cette situation et à l'importante mutation que connaît l'industrie genevoise, aux restructurations des entreprises, il convient que l'Etat mène une politique active dans le cadre d'une stratégie industrielle qui ait des objectifs clairs, connue par les principaux intéressés et par la population. L'Etat doit aussi se doter des moyens permettant de mener une telle politique et favorisant les reconversions.
A cet égard, la création de nouvelles entreprises, notamment de petites entreprises qui résistent mieux à l'évolution du secteur industriel dans notre pays, ainsi que le développement des petites entreprises existantes constituent une priorité. Une des conditions essentielles, c'est que ces entreprises puissent bénéficier de terrains et de locaux bon marché ainsi que d'un appui en matière d'investissements.
Or, un des obstacles majeurs auxquels se heurte toute nouvelle industrie ou entreprise qui a besoin de locaux supplémentaires, c'est précisément de trouver des locaux ou des terrains bon marché. A ce sujet, les zones industrielles et artisanales jouent un rôle déterminant grâce à un prix du terrain qui reste bas comparé à celui des autres zones, pour autant que ces zones restent effectivement affectées à des activités industrielles ou artisanales. Dès que des terrains situés dans une telle zone - du moins s'ils sont en mains privées - peuvent être affectés à d'autres activités, telles que des activités commerciales ou administratives, le prix du terrain dans ces zones connaît de fortes hausses et devient incompatible avec des activités industrielles ou artisanales, comme on l'a vu, par exemple, dans les zones industrielles des Acacias ou de la Susette, au Grand-Saconnex, ce qui a, du reste, amené le découpage de cette dernière zone en différents secteurs affectés à des activités différentes afin de réserver un secteur aux seules activités industrielles et artisanales. Ces expériences malheureuses ont démontré le leurre que constitue la mixité, préconisée par d'aucuns, dans des zones industrielles et artisanales, les activités dégageant la plus forte rentabilité fixant le prix du terrain pour toute la zone, avec les conséquences désastreuses qui en résultent pour les activités industrielles et artisanales.
C'est dire l'importance de veiller au respect des normes applicables aux zones industrielles et artisanales et de conserver des terrains de réserve dans ces zones pour permettre de répondre aux besoins de nouvelles entreprises.
C'est pour cette raison que le déclassement de terrains industriels au profit d'autres types d'activités est préjudiciable à l'avenir de notre industrie et il convient de veiller à la conservation de ce patrimoine industriel. Souvent, ces modifications de zones résultent du désir de tirer profit de terrains acquis bon marché ou ayant fait l'objet d'opérations spéculatives, à savoir leur achat à des prix incompatibles avec des activités industrielles ou artisanales, ce qui amène leur propriétaire à rechercher d'autres activités commerciales ou administratives susceptibles de payer une rente foncière plus élevée, comme cela a été mis en évidence dans le cadre de la procédure de déclassement d'une zone artisanale à Thônex (route de Jussy) au profit d'activités administratives ou commerciales (PL 7250), laquelle constitue un «cas d'école».
Le département des travaux publics et de l'énergie a mis à l'enquête publique trois autres projets de déclassement de terrains industriels, à savoir:
- un terrain de plus de 10 000 m2 au chemin de l'Etang, commune de Vernier, en bordure de la route de Meyrin, dans le but d'y construire un bâtiment administratif et commercial ayant une surface de 18 000 m2 de plancher;
- un terrain de 16 000 m2, situé dans la zone industrielle de Meyrin (ZODIM) entre le chemin du Grand-Puits et la route de Meyrin, dans le but d'y réaliser un centre commercial et des locaux administratifs;
- un terrain à la rampe du Pont-Rouge à Lancy, afin de réaliser un bâtiment administratif et commercial.
Dans chaque cas, l'exposé des motifs des projets mis à l'enquête publique indique que la zone industrielle est maintenue, mais qu'elle est également destinée à des activités commerciales et industrielles. Il est évident, comme l'examen du projet de déclassement à Thônex l'a démontré, que les bâtiments futurs serviront exclusivement à des activités commerciales et administratives et que le prétendu maintien de la zone industrielle est une pure fiction. Les bâtiments sont conçus pour des locaux commerciaux et des bureaux et les loyers seront fixés en conséquence.
De fait, il s'agit de la perte de terrains non bâtis, équipés, d'une surface importante et d'un seul tenant, qui sont idéaux pour l'industrie et l'artisanat. Cette perte serait très grave pour le secteur secondaire, surtout que les terrains de Vernier et Meyrin devraient être bon marché, le premier ayant été hérité en 1950 par les propriétaires actuels et le second ayant été acquis par la multinationale Fiat il y a plus de 25 ans. On peut aisément imaginer à quel prix ils seront vendus en cas de déclassement et la plus-value qu'en retireront leurs propriétaires, plus-value qui ne sera même pas taxée à la suite de la récente réforme fiscale votée par la majorité du Grand Conseil !
Le déclassement de terrains industriels pour la construction de bureaux n'est pas admissible. Il y a actuellement pléthore de bureaux vides, de bâtiments administratifs en cours de construction (Charmilles, Minoteries, etc.) et de nombreux terrains destinées à des activités administratives. Il en est de même pour les locaux commerciaux. En ce qui concerne tout particulièrement le secteur de Cointrin, il y a plusieurs terrains de réserve qui permettraient d'accueillir les surfaces d'exposition des meubles Pfister qu'il est question de réaliser dans la partie inférieure du bâtiment de 7 étages projeté au chemin de l'Etang ou le centre commercial Jumbo projeté dans la zone industrielle de Meyrin. Nous pensons notamment:
- au périmètre de Blandonnet, juste au sud de l'actuel centre commercial Jumbo, dont le potentiel à bâtir porte sur 60 000 m2 de plancher affecté à des activités administratives et commerciales selon le plan localisé de quartier en force et dont seule une partie va être réalisée pour le futur centre TCS, ce plan pouvant être adapté pour permettre la réalisation de galettes commerciales au rez-de-chaussée des futurs immeubles;
- aux terrains non bâtis situés entre l'autoroute et la route de Pré-Bois, à l'est de la route de Meyrin, situés dans une 3e zone de développement inapte au logement, terrains que les propriétaires souhaitent valoriser depuis plusieurs années;
- aux terrains formant la pointe prolongeant le centre commercial de Balexert entre la route de Meyrin et l'avenue Louis-Casaï;
- aux terrains situés à la Renfile entre la route du Nant-d'Avril et les voies de chemin de fer, dont le projet de construction est en attente depuis plusieurs années.
Dans la mesure où des terrains existent dans une zone appropriée pour les deux projets de construction invoqués à l'appui des projets de déclassements de zones industrielles précités, que des projets de construction comme ceux de Blandonnet sont en souffrance, que des locaux administratifs en cours de construction risquent de ne pas trouver preneurs, avec les conséquences économiques qui en résultent, il est incohérent de procéder à des déclassements pour le seul motif que des propriétaires cherchent à valoriser leurs terrains de la manière la plus favorable et cela au détriment d'une politique cohérente d'aménagement du territoire.
De telles opérations, ainsi que les dérogations aux effets encore plus pervers consenties dans les zones industrielles (telles que la construction d'un restaurant drive-in McDonald dans une zone artisanale à Vernier, selon la récente publication de l'autorisation dans la Feuille d'avis officielle, ou l'affectation (autorisée?) d'un bâtiment industriel à Office World SA pour la vente de matériel de bureau dans la zone industrielle de La Praille-Acacias gérée par la FIPA) ont pour conséquence, outre de provoquer une distorsion dans la concurrence, de créer une pénurie de terrains industriels et artisanaux et surtout de faire augmenter le prix de tels terrains, de sorte qu'il faut ensuite déclasser des terrains agricoles, comme cela est proposé à La Pallanterie (encore 55 000 m2!), qui devront être équipés aux frais de la collectivité.
Afin que le Grand Conseil puisse mener une politique d'aménagement du territoire qui soit cohérente et non menée au coup par coup, sans vision d'ensemble et dictée par la facilité et le désir de valoriser certains terrains au lieu de rechercher d'autres solutions permettant d'éviter une politique menée au détriment de l'intérêt général et des besoins réels de l'industrie, il convient que le Conseil d'Etat rende publics l'inventaire des locaux commerciaux et administratifs vides et en cours de construction ainsi que l'inventaire des terrains aptes à accueillir de telles activités. Il importe également de connaître la liste des entreprises industrielles et artisanales à la recherche d'un terrain ou de locaux ainsi que l'inventaire des terrains industriels et artisanaux de réserve pouvant être affectés à des constructions nouvelles.
Quant au soutien des petites et moyennes entreprises, il conviendrait que la FIPA, s'inspirant de la réalisation exemplaire de la commune de Bernex dans la zone artisanale de Saint-Mathieu en bordure de la route de Chancy sur des terrains propriété de l'Etat, réalise, en utilisant à cette fin une partie de son bénéfice d'exploitation (8,5 millions de francs en 1994), des petits bâtiments légers et bon marché, d'un ou deux niveaux seulement, destinés à de telles entreprises et à des loyers avantageux, ce qui exige des terrains industriels ou artisanaux en suffisance. La mise à disposition de tels locaux, au lieu de bâtiments industriels sur plusieurs niveaux d'un coût de construction élevé, souvent inabordable pour les petites entreprises, constituerait un facteur non négligeable favorisant le développement de telles entreprises, tout en donnant du travail à l'industrie de la construction.
Le Conseil d'Etat devrait rechercher une association avec des communes dont certaines seraient prêtes à faire un effort financier dans ce domaine. Cette collaboration pourrait également porter sur le rachat et la transformation de certaines grandes halles industrielles désaffectées pour les adapter à bon compte pour les besoins de petites entreprises, comme une société industrielle l'a fait avec succès dans l'ancien bâtiment Tarex à Lancy.
Enfin, face aux graves problèmes d'investissements auxquels les entreprises industrielles et artisanales sont confrontées, il serait souhaitable que les pouvoirs publics, en cette période de crise, apportent - moyennant des garanties - un appui financier aux investissements requis par ces activités, comme ils le font déjà dans d'autres secteurs de l'économie, tels que l'agriculture, le tourisme (notamment avec Palexpo), les transports, la construction de logements sociaux et de bâtiments pour les organisations internationales, etc. Un tel fonds pourrait être alimenté par des contributions annuelles provenant de l'Etat, des communes et de la Banque cantonale, qui sont directement concernés par la prospérité de notre économie, et jouerait certainement un rôle très positif à cet égard.
Pour toutes ces raisons, les motionnaires vous prient, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accueillir favorablement la présente proposition.
Débat
M. Christian Ferrazino (AdG). Cette motion fait suite au débat avorté, lors de notre dernière séance, M. Joye ayant pris l'initiative de retirer, au dernier moment, le projet de loi relatif au projet de mixité de la zone industrielle sise à Thônex. Le fait de retirer ce projet de loi après que la commission l'eut étudié durant plusieurs séances, en raison des problèmes importants et controversés qu'il soulevait, a eu pour conséquence d'éluder le débat. Or, ce débat doit avoir lieu, vu la portée desdits problèmes visés par notre motion.
Au passage et en aparté, je relève que le président Joye a fustigé l'attitude de l'Alliance de gauche dans cette affaire. Aussi je rappelle que si nous n'étions pas intervenus, avec d'autres députés, pour démontrer ce qui justifiait réellement ce projet de déclassement à Thônex, il aurait été certainement voté par la majorité de ce Grand Conseil.
Que voyons-nous aujourd'hui ? Grâce à l'intervention de certains députés qui ont poussé le Conseil d'Etat à retirer le projet de déclassement qu'il proposait, une activité industrielle pourra se déployer dans cette zone industrielle de Thônex. C'est dire que notre intervention était tout sauf inutile !
Néanmoins, le problème demeure, ce Grand Conseil étant saisi, de temps à autre, de projets de déclassement. Nous nous inquiétons de voir les zones industrielles disparaître les unes après les autres et de la tendance du Conseil d'Etat à vouloir nous proposer des déclassements de zones industrielles ou des mixités, sous couvert d'une prétendue souplesse dans l'aménagement desdites zones, ce qui revient à peu près au même. En effet, nous avons vu que dans plusieurs cas, dont celui de Thônex, la mixité, en tant que telle, n'est pas réalisable, car, lorsqu'on veut affecter des zones industrielles à une activité commerciale, le projet commercial est souvent d'un seul tenant et se développe sur l'ensemble de la surface concernée.
Pendant longtemps, le gouvernement a voulu conserver ces zones dont notre industrie avait grand besoin, et agissait dans ce sens. Maintenant, nous avons la nette impression que ce n'est plus cas, comme le démontre plusieurs projets, dont celui de Thônex.
Un autre aspect de la question est celui des dérogations abusivement accordées dans les zones industrielles. Il est vrai que le Conseil d'Etat a élargi la notion - ce que nous pouvons comprendre - de l'activité industrielle, qui n'est plus uniquement de production ou de valeur ajoutée à un produit. Mais nous n'admettons pas que l'on accorde des autorisations en zones industrielles pour des activités purement commerciales et administratives. Pour illustrer mon propos, je vous donne deux exemples pris dans la zone des activités de La Praille-Acacias :
Le premier concerne un bâtiment datant, sauf erreur, d'une dizaine d'années. Ce bâtiment, à plusieurs niveaux, a été construit sur la route des Acacias pour densifier cette zone industrielle. Or, aujourd'hui, nous trouvons dans ce bâtiment les bureaux de la compagnie d'assurance Sécura. Il s'agit donc d'une activité typiquement administrative, qui n'a rien à voir avec une activité industrielle ou commerciale. Ce changement d'affectation ne correspond pas du tout aux normes de la zone concernée et il aurait fallu une double autorisation pour y procéder, puisqu'il s'agit d'une zone sise aux Acacias et gérée par la FIPA, que vous présidez, Monsieur le conseiller d'Etat. Il aurait fallu, premièrement, l'autorisation de la FIPA et, deuxièmement, celle du département en vertu de la loi concernant le changement d'affectation de l'utilisation de la zone.
Le deuxième exemple concerne les halles industrielles qui ont été converties en bureaux de vente de matériel de bureau. Là encore, il n'y a plus de similitude entre cette activité typiquement commerciale et une activité industrielle.
Ce genre de situation entraîne une double conséquence : les halles pourraient bien être utilisées à des fins industrielles et remplir ainsi le rôle pour lequel elles ont été créées. En lieu et place, on autorise une multinationale à pratiquer une activité typiquement commerciale. Cela n'est pas acceptable.
L'autre conséquence, qui n'est pas des moindres, est que ces dérogations n'interviennent pas seulement au détriment de l'industrie mais créent une inégalité de traitement entre les entreprises d'une même branche, ce que les commerçants n'ont pas manqué de relever dans un article de presse que j'ai lu au début du mois. Il s'agit bel et bien d'une concurrence déloyale dans le sens que le gouvernement autorise une activité commerciale sur un terrain industriel où les locaux sont loués meilleur marché que ceux situés dans une zone destinée à des activités commerciales. Ce faisant, on aboutit à une inégalité de traitement pour des commerçants d'une même branche. Voilà la double conséquence néfaste créée par cette situation !
Je me suis borné à citer ces deux exemples suffisamment éloquents, mais il y en a d'autres ! D'une part, nous avons une compagnie d'assurances qui a les reins suffisamment solides pour occuper des locaux dans une zone destinée à l'activité qui est la sienne. D'autre part, nous avons une multinationale qui se porte plutôt bien. Dès lors, on ne voit pas comment légitimer ces privilèges accordés par le biais de dérogations parfaitement injustifiées.
Notre motion pose ces problèmes. Nous espérons pouvoir y répondre dans le cadre des travaux de la commission. A titre préventif, dirais-je, nous nous sommes demandé quelle commission serait la mieux à même de traiter les sujets abordés par la motion, certains étant liés à l'économie et d'autres relevant de l'aménagement du territoire.
En relation avec les discussions que nous avons déjà eues en son sein, il nous semble préférable de transmettre cette motion à la commission d'aménagement qui pourra, le cas échéant et dans un deuxième temps, l'adresser à la commission de l'économie.
M. Armand Lombard (L). Cette motion pour une stratégie industrielle à Genève ne nous a pas paru d'une absolue nécessité, du fait de nos nombreuses discussions préalables à la commission d'aménagement, comme l'a dit M. Ferrazino, et à la commission de l'économie.
Il est vrai que nous assistons au jeu du chat et de la souris entre le parti socialiste et l'Alliance de gauche. Le premier dépose, le deuxième suit ! Cela a été le cas pour les occupations temporaires, avec une motion de l'Alliance de gauche, suivie d'un projet de loi socialiste. Maintenant, on discute, depuis plusieurs semaines, d'une motion socialiste... et, paf, voilà que l'Alliance de gauche, vaguement dépassée, fait surface !
Les discussions ayant eu lieu, le plus simple serait de rejeter cette motion. Mais ce serait aller trop loin, et l'on peut, effectivement, en rediscuter, ces deux partis n'ayant pu s'entendre pour présenter un projet commun.
M. Ferrazino a parlé plus de zones que de stratégie industrielle. Il a traité le sujet en juriste chevronné qu'il est, arguant de concurrence déloyale, d'inégalité de traitement, de sociétés qui devraient se trouver ailleurs, etc. Il s'agit de faits dont il est bon que les juristes s'occupent, mais, en l'occurrence, ce genre de développement ne crée ni emplois, ni industries à Genève. Ce n'est donc pas véritablement le problème dont nous avons à débattre ce soir.
Par contre, la première invite de la motion me semble intéressante, puisqu'elle traite de stratégie de préservation et de développement du secteur industriel. Messieurs les motionnaires, votre question a été posée, voici trois semaines, à la commission de l'économie. Nous sommes en passe d'y répondre, de la discuter, de procéder à des auditions. Je vous rappelle que nous ne sommes pas totalement «dans le bleu» et que vous n'avez pas inventé les termes de «stratégie industrielle». A plusieurs reprises déjà, le Conseil d'Etat vous l'a expliquée, à savoir que la stratégie d'un développement genevois passe par les forces reconnues du canton : Genève, place internationale; Genève, place de formation; Genève, place financière; Genève, place de technologies de pointe. En fait de stratégie industrielle, nous sommes déjà dans les grands axes du développement genevois.
De plus, dans le domaine des technologies de pointe, le Conseil d'Etat a fait quatre choix particuliers pour lesquels il entend consacrer toute son énergie, sans prétériter, bien sûr, les autres branches. Il s'agit de la santé, des télécommunications, de l'informatique et de la recherche et du développement.
Par conséquent, stratégie industrielle, il y a ! Je crois savoir que les discussions à la commission de l'économie ne sont pas terminées, mais je puis vous affirmer qu'elles sont bien parties et qu'elles sont très intéressantes.
Je relève encore que la première invite de la motion cite simultanément la préservation et le développement, que la deuxième parle en même temps de préservation et de valorisation. Cela me semble un peu contradictoire, car je ne crois pas que la stratégie industrielle est, a priori, une stratégie de préservation. A l'évidence, les entreprises existantes doivent poursuivre leur vie, sinon elles tomberaient du fait d'un mûrissement prématuré. Il leur faut donc des structures de soutien. Mais l'obligation absolue, à la fois majeure et parallèle, est d'investir dans la création innovatrice, laquelle sera suivie de la création d'emplois. C'est à cette obligation que nous nous attacherons le plus. Nous en discutons à la commission de l'économie pour voir dans quelle mesure nous pouvons soutenir la création d'emplois, l'innovation dans son intégralité, c'est-à-dire de la recherche fondamentale aux frais de l'entreprise : achat des brevets, capital de départ, suivi de l'entreprise, puis, après quatre ans, suivi de son financement.
La discussion doit porter principalement sur ces points, et je me retrouve, tout en concédant que c'est ennuyeux, Monsieur Ferrazino, à proposer le contraire de ce que vous préconisez. En tant que commissaire à la commission de l'économie, je vous suggère de renvoyer cette motion à la commission de l'économie pour le rapport principal ou à la commission d'aménagement pour le traitement des invites 2 et 3. C'est une alternative dont je privilégie le premier terme, du fait des discussions en cours, au climat nettement plus positif et créatif que celui d'échanges juridiques sur les zones industrielles.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Le groupe radical a pris connaissance, avec intérêt, de la motion 1028, car il est très soucieux des problèmes économiques de notre République.
Néanmoins, il relève que ses invites sont sensiblement proches de la motion 1006, qui a été soumise à notre parlement par le groupe socialiste. Cette dernière motion, traitée par la commission de l'économie, pose non seulement les problèmes des zones industrielles mais évoque aussi les différents soutiens nécessaires à la reprise économique. Cette approche plus en profondeur nous paraît plus conséquente et réaliste.
Pour la petite histoire, nous avons constaté, avec une très grande satisfaction, que l'Alliance de gauche soulignait la qualité de réalisation dans la zone artisanale de Saint-Mathieu, conçue par des radicaux, en l'occurrence nos collègues Daniel Ducommun, comme initiateur financier, et Hervé Dessimoz, comme architecte. Un très grand merci pour ce coup de chapeau !
Pour conclure, le groupe radical vous propose de renvoyer à la commission de l'économie cette motion 1028, en espérant très vivement qu'une passerelle se mettra en place avec la commission d'aménagement pour l'invite qui la concerne.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Notre groupe est intéressé par cette motion, parce que les problèmes qu'elle soulève sont très importants. Les Verts ont toujours été pour une vision globale et à long terme. Et, tout comme les motionnaires, nous sommes d'avis que l'aménagement du territoire ne peut se faire au coup par coup.
S'il est essentiel de venir en aide à une industrie malade, il l'est tout autant de prendre, en même temps, les mesures permettant de conserver les zones industrielles et artisanales existantes, cela pour plusieurs raisons :
D'abord, parce qu'il est difficile d'admettre des déclassements de terrains industriels au profit d'activités commerciales ou administratives, alors qu'il existe, à Genève, des dizaines de milliers de mètres carrés de locaux commerciaux inoccupés.
Ensuite, parce qu'il existe encore des terrains situés en zones à bâtir, susceptibles d'accueillir de nouvelles constructions de commerces. A cet égard, la proposition contenue dans la deuxième invite nous paraît être un outil de travail indispensable.
Le fait, également, que les terrains industriels permettent, grâce à leur prix, de répondre à une demande bien ciblée de notre économie, devrait aussi nous amener à ne pas sacrifier ces zones au profit de déclassements.
Une autre raison, peut-être la plus importante, qui nous amène à reconnaître la nécessité de conserver l'affectation des zones industrielles et artisanales existantes est notre crainte que l'on s'attaque, dans un deuxième temps, à la zone agricole. Il n'est pas difficile d'imaginer, en effet, qu'un jour viendra où, après avoir déclassé trop de zones industrielles, il nous sera proposé de déclasser la zone agricole pour créer les nouvelles zones industrielles qui feraient alors défaut. Et cela, nous ne le voulons pas !
La politique actuellement menée dans ce domaine ne nous satisfait pas, vous le savez. Nous aurons, sans doute, le loisir d'en reparler dans le cadre de la motion 1027.
Pour en revenir à la motion 1028 et à la discussion concernant son renvoi à telle ou telle commission, je sais, pour avoir récemment participé à ses travaux, que la commission d'aménagement a déjà engagé un débat sur diverses questions et, plus précisément, sur le devenir des zones industrielles.
Dans cette mesure, cette motion vient à point, et nous sommes favorables à son renvoi à la commission d'aménagement, même si nous sommes conscients qu'elle comprend également une problématique économique et qu'il est difficile de séparer ces deux aspects.
Cela dit, la commission d'aménagement pourra toujours, le moment venu - et c'est l'inverse de ce que propose M. Lombard - transmettre le résultat de ses cogitations à la commission de l'économie, laquelle traitera alors cet aspect spécifique du problème.
Quoi qu'il en soit, cela ne devrait pas empêcher le Conseil d'Etat de s'appliquer, d'ores et déjà, à répondre aux deux premières invites de la motion concernant les inventaires demandés, ce qui permettra de mieux cerner la réalité des problèmes posés.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Malgré quelques inexactitudes figurant dans les considérants, dont celle, regrettable, de faire passer Sarcem pour une entreprise morte, alors qu'elle a été reprise par le collectif des ouvriers sous le nom de Probotech SA, la motion 1028 présente l'intérêt de rappeler la nécessité de développer une politique industrielle offensive.
Reste à savoir si la FIPA, dans sa forme actuelle, constitue le moyen idéal pour mener une «intervention active», selon les termes des motionnaires.
Contrairement à l'Alliance de gauche, le groupe socialiste ne considère pas le secteur industriel comme un Jurassic Park. Il estime que Genève possède des atouts qui peuvent davantage être exploités. D'ailleurs, le groupe socialiste a fait des propositions concrètes, dans le cadre de la motion 1006, dont on a longuement parlé ce soir. Comme vous le savez maintenant, elle se trouve en examen à la commission de l'économie, et nous avons bon espoir de présenter des travaux constructifs au Grand Conseil. En conclusion, le groupe socialiste ne peut que soutenir une motion qui s'inscrit très largement dans la sienne.
Pour ce qui est de la mixité, l'Alliance de gauche postule le renvoi de la motion 1028 à la commission d'aménagement. Nous la suivrons, étant donné que les propositions économiques présentées dans sa motion sont déjà traitées dans la commission de l'économie.
M. Christian Grobet (AdG). Vous aurez remarqué, Madame de Tassigny, que nous ne sommes pas sectaires. Aussi, permettez-moi de vous dire que la réalisation, certes exemplaire, des bâtiments industriels sur les terrains de Saint-Mathieu, à Bernex, n'est pas le fait unique de deux personnes ou d'un parti. C'est la commune qui a décidé de cette politique, et l'on peut ajouter qu'elle s'est bien rachetée, puisqu'elle avait, en son temps, vendu le terrain adjacent à l'Etat qui, je crois, a aussi joué un rôle dans la réalisation que nous avons citée. Mais l'essentiel est de réaliser, et, sur ce point, nous saluons effectivement le fait qu'une commune ait décidé d'investir dans le tissu industriel.
Monsieur Lombard, rassurez-vous ! Nous n'avons aucune difficulté à nous accorder avec nos collègues socialistes pour rédiger des projets de motions. Cependant, dans le cas présent, nous ne les avons pas contactés.
Je m'étonne des propos de Mme Blanc-Kühn, et j'en profite pour dire à mes préopinants des bancs de l'Entente que l'approche de la motion 1006 diffère fondamentalement de la nôtre. Il suffit de comparer les textes pour s'en convaincre. Peut-être, Mme Blanc-Kühn n'a-t-elle pas relu sa propre motion ? Madame, si vous nous dites aimablement que nous tenons à conserver un Jurassic Park, nous éprouvons, nous, à la lecture de votre motion, le sentiment que vous êtes prête à brader les terrains industriels...
Des voix. Mais non... Arrête !
M. Christian Grobet. C'est notre sentiment, et nous souhaiterions vivement être détrompés ! Il n'en demeure pas moins que nous constatons dans votre métier un langage commun avec celui du département des travaux publics, quant à l'utilisation des terrains non bâtis dans les zones industrielles. Or, la préservation des terrains en zones industrielles, comme réserves pour les besoins industriels, est, de notre avis, un élément fondamental d'une stratégie industrielle. C'est pour cela que cette motion, qui propose des solutions concrètes, est avant tout axée sur les problèmes d'aménagement du territoire, parce que - M. Maitre le dira mieux que moi - il ne saurait y avoir d'industries sans mise à leur disposition de terrains bon marché.
Il est vrai que nous avons mené à Genève une politique que l'on pourrait qualifier d'exemplaire, dans ce domaine, et nous nous inquiétons, aujourd'hui, de ce qui paraît être un changement de politique. J'ignore la position de M. le chef du département de l'économie publique qui a sans cesse, et récemment encore, défendu la pérennité des zones industrielles et les affectations industrielles. Toujours est-il que le Conseil d'Etat - ou le département des travaux publics ? - a mis successivement à l'enquête publique des projets de modification de zones portant sur des terrains en zone industrielle. Ces opérations ont toutes l'air d'être inspirées par une politique du coup par coup, et nous pensons, aujourd'hui, que nous devons être parfaitement clairs sur la vocation des zones industrielles et la préservation des terrains industriels.
Pour nous, il n'est point de jachères en zones industrielles, pour reprendre les termes utilisés par certaines personnes, mais il y a des terrains à préserver pour assurer, à moyen et long termes, les possibilités constructives des entreprises industrielles.
En relation avec la zone industrielle de Sécheron, M. Maitre a déclaré récemment, au nom du Conseil d'Etat, que Sécheron SA allait chercher un autre site pour y construire des bâtiments de production. Je ne sais si ce site a été trouvé, mais cet exemple démontre la nécessité de conserver des terrains industriels.
Nous partageons la préoccupation des écologistes quant au déclassement possible de terrains en zones agricoles du fait de surfaces insuffisantes dans les zones industrielles existantes.
Dès lors, je ne sais pas s'il appartient, Monsieur le résident, aux deux commissions de se mettre d'accord quant au mode de traitement de notre motion qui comporte des propositions concrètes au niveau de la stratégie industrielle, notamment en ce qui concerne la création d'un fonds qui pourrait être alimenté par la Banque cantonale et diverses collectivités publiques, pour favoriser et aider de petites et moyennes entreprises dans le domaine de leurs investissements. Mais le volet de l'aménagement du territoire est aussi extrêmement important.
Certes, l'on n'apprécie guère de renvoyer des motions à deux commissions, bien que fréquemment des projets de lois, relevant de la commission des travaux, soient simultanément renvoyés à une commission ad hoc, s'agissant d'un bâtiment hospitalier, d'un bâtiment universitaire. Néanmoins, il nous semble logique que le volet «aménagement du territoire» soit traité par la commission d'aménagement et les autres volets par la commission de l'économie.
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). J'ai été surpris par les considérants de cette proposition de motion, qui révèlent une totale méconnaissance du tissu industriel genevois. En effet, dans ces considérants, on associe ce patrimoine industriel à des sociétés telles que la SIP, Tavaro, en oubliant, évidemment, quelques centaines d'entreprises de type industriel en pleine évolution, parfois positive, parfois négative, ou en phase de création ou vivant encore la cruelle expérience d'un dépôt de bilan ou d'une cessation d'activité.
Vous évoquez aussi la fermeture d'un certain nombre d'entreprises, durant ces dernières années. Vous mentionnez Tarex, Hispano Suiza, etc. L'on pourrait aussi parler de l'entreprise Picard et Pictet qui, au début du siècle, lança la «Pic-Pic», à l'époque où Genève représentait la capitale de l'automobile.
Vous évoquez encore la quasi-disparition de sociétés comme Les Ateliers des Charmilles qui sont devenus, aujourd'hui, Charmilles-Technologies, ou la société Sarcem, comme l'a relevé Mme Blanc-Kühn, qui, bien au contraire, est en pleine évolution. A titre d'information, sachez que Charmilles-Technologies, en 1995, a créé pas moins de cent nouveaux emplois à Genève.
Je relève dans votre exposé des motifs, je cite : «L'industrie genevoise est en péril. [...] Indépendamment des actions qui auraient pu être menées pour sauver tout ou partie de leurs activités, il est primordial [...] de mener une politique active permettant le maintien du secteur secondaire à Genève...», etc. Il est à noter que si l'industrie genevoise a subi de grandes mutations, celles-ci sont en cours depuis les années septante. Il est important de souligner que le département de l'économie publique n'ait pas attendu jusqu'à aujourd'hui pour mener une politique active ! Sinon, l'industrie aurait totalement disparu de Genève !
Je crois aussi que notre industrie subit les mêmes pressions que l'ensemble de notre économie, les effets d'une concurrence extrêmement difficile et ceux d'un franc suisse particulièrement lourd en ce moment. Sachez encore que nous avons le deuxième plus haut niveau de salaires au monde, ainsi que le deuxième plus haut niveau de prix au monde, juste derrière le Japon.
Mme Fabienne Bugnon ainsi que les motionnaires se plaignent d'une mixité qui pourrait constituer un risque pour les zones industrielles. Pour avoir travaillé dans ces dernières, durant une dizaine d'années, je puis vous dire la nécessité d'y inclure une certaine vie sociale. Le secteur industriel devrait pouvoir s'exprimer à ce sujet. Vous déplorez l'existence d'un «drive in» McDonald dans lesdites zones. En ce qui me concerne, je crois à l'utilité de construire plus de restaurants, une crèche, un tea-room. Je pense aussi à un kiosque où, chaque matin ou plus rarement, il serait possible de consulter la presse et prendre un café avant de remonter dans nos bureaux.
Mesdames et Messieurs les députés, si vous voulez réellement aider les entreprises - je l'affirme sans parti pris : je pense au commerce de détail, à l'ensemble des entreprises de la construction, aux entreprises industrielles, mais surtout à la création d'emplois - il vous faudra éviter l'installation de minorités de blocage, quand il s'agira d'oeuvrer rapidement aux réformes nécessaires de notre tissu économique.
M. Jean Opériol (PDC). Il n'est pas douteux que cette motion 1028 trouve une bonne partie de son origine dans le projet de loi 7250, retiré par le Conseil d'Etat, et qui avait trait à la diversification des activités admissibles dans la zone industrielle et artisanale de Thônex.
En tant que rapporteur de majorité de ce projet de loi, j'avais souligné le souci de la commission d'aménagement. Face à l'évolution socio-démographique de certains quartiers, face à l'évolution économique générale de ce canton, et tout spécialement de son économie industrielle, face à l'influence exercée sur Genève par des facteurs économiques non domestiques et, enfin, face aux besoins exprimés en termes de mixité par les industriels eux-mêmes, la commission se proposait d'approfondir son analyse, pour ne pas dire sa doctrine, en matière d'aménagement du territoire rapportée à la gestion des zones industrielles et artisanales.
Cette réflexion reste à faire, car elle revêt le double caractère de l'actualité et de l'urgence.
Notre groupe est donc d'avis que cette motion soit renvoyée à la commission d'aménagement qui aura ainsi l'excellent motif de se pencher attentivement sur les problèmes qu'elle rappelle et qui méritent réponse.
Il a paru à notre groupe que la commission d'aménagement était bien la destinataire de la motion. En effet, la «promotion d'une stratégie industrielle» ne peut être définie sans qu'au préalable les conditions-cadres les plus appropriées soient elles-mêmes déterminées. Au sein de ces conditions, l'aménagement du territoire, la gestion des zones et leur vocation figurent, à notre avis, en première place.
En fait, la tâche de la commission d'aménagement ne devrait pas être trop compliquée si ses travaux et sa réflexion se fondent sur les données objectives du problème posé. En l'état, il faut reconnaître que Genève dispose déjà d'une solide stratégie industrielle, entièrement tournée vers la recherche, l'accueil et le maintien de toutes les sociétés et entreprises qui honorent notre canton de leur présence.
En faveur et pour la promotion de cet accueil, Genève dispose de zones industrielles déclassées, dont l'occupation est loin d'être complète. C'est dans ces zones que l'emploi pourra être maintenu et développé, que la natalité industrielle pourra être favorisée. En matière d'aménagement de territoire, notre canton est en mesure de pratiquer une stratégie industrielle dynamique, ce à quoi il n'a jamais rechigné.
Cela acquis, la commission d'aménagement aura pour tâche essentielle de préciser la nature exacte de l'accueil industriel que notre canton doit désormais pratiquer, accueil qui comportera nécessairement le volet d'une certaine mixité. A ce sujet, il faut relever que la FIPA a déjà abordé ce chapitre en ouvrant les zones industrielles à des activités jugées non seulement compatibles mais surtout cohérentes avec la promotion industrielle que tout le monde appelle de ses voeux. Sur le plan de la gestion économique de terrains industriels, cette politique d'accueil et de promotion ne sera nullement aventureuse, contrairement à ce que craignent les motionnaires. En effet, la quasi-totalité des terres industrielles constructibles se situe à Plan-les-Ouates, à Meyrin-Satigny et à Mouille-Galland. Ces trois zones sont des zones industrielles de développement, et la loi du 13 décembre 1984, dans ses articles 10 à 12, ouvre à l'Etat un droit de préemption qu'il exercera en cas de spéculation ou d'affectation intempestive.
Enfin, il sera bon que la commission d'aménagement prenne en compte, dans son analyse, l'opinion et les besoins des industriels eux-mêmes qui déplorent, bien souvent, être trop seuls dans leur zone, désespérant d'y voir venir les activités dont ils ont besoin pour fonctionner, s'administrer et se développer, cela dans un environnement à composantes multiples mais homogènes, néanmoins.
Comme déjà dit, notre groupe accepte que cette motion parte à la commission d'aménagement.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Cette proposition de motion, comme de nombreuses interventions de même nature devant ce parlement, pose le problème de la stratégie de préservation et de développement du secteur industriel, en relation avec un certain nombre de leviers, tels que le rôle de la FIPA et, surtout, la gestion des zones industrielles : le principal ancrage de cette motion.
Je confirme ici ce que nous avons eu l'occasion de dire à plusieurs reprises : les zones industrielles représentent un des éléments absolument déterminants de la stratégie de développement industriel du canton, ce pour deux raisons majeures :
1. Les zones industrielles de développement sont les seules à l'intérieur desquelles, s'agissant du prix des terrains, les charges foncières sont compatibles avec l'exercice de l'activité industrielle.
2. Ces zones industrielles bénéficient d'équipements. Par conséquent, les industries peuvent y être accueillies sans avoir à y réaliser de gigantesques travaux, dont le coût serait prohibitif pour elles en termes d'aménagement, de dévestiture, de jonction à des fluides - l'eau par exemple - ainsi que de raccordements électriques, si importants pour l'industrie.
On voit donc bien que ces zones industrielles de développement ont une mission spécifique qu'il serait extrêmement dangereux, pour ne pas dire coupable, de dénaturer. Car dénaturer la vocation des zones industrielles de développement, y compris la zone industrielle Praille-Acacias, c'est porter, d'ores et déjà, les germes d'une impossibilité, pour des industries nouvelles, de s'établir et de se développer valablement dans les secteurs de notre canton prévus à cet effet.
Quand on tient de grands discours sur la mixité, il faut ramener le canton à ce qu'il est, en fait de territoire. Nous avons un petit canton et pas une seule de ses zones industrielles n'est située à moins d'un quart d'heure de zones de services, de formation, de détente et de loisirs. Si nous comparons notre canton aux grands technopôles que nous connaissons dans le monde, nous constatons que Genève est quasiment un parc technologique avec un nombre d'emplois inférieur, bien entendu, à celui du domaine des services.
Je suis convaincu que la stratégie industrielle, pour ce canton, implique la définition la plus claire possible des zones de développement industriel. J'ai également la conviction que l'on se fourvoie en voulant promouvoir, pour ces zones, des concepts de mixité dont certains prévoient des logements - reste à savoir qui souhaiterait y habiter ? - et qu'à terme c'est un manque d'ambition pour notre industrie.
Contrairement à ce que l'on croit, nous avons, dans les zones de développement industriel, un certain nombre de mètres carrés de plancher à offrir, s'agissant de centres déjà construits, et c'est tant mieux, car nous pouvons proposer des mètres carrés disponibles dans le cadre de la promotion économique. Cela exerce également une pression, à la baisse, sur les prix. Mais si ces surfaces sont suffisamment dimensionnées, la demande étant aujourd'hui en dessous de l'offre, celle-ci, s'agissant des mètres carrés au sol, n'est pas hyper abondante, en l'état. Pourtant, les mètres carrés au sol sont parfois nécessaires à une entreprise qui, en raison des contraintes liées à sa production, ne peut pas travailler à l'étage d'un centre technologique, artisanal ou industriel déjà bâti. Cela dit, il est heureux que l'on puisse enfin valoriser la zone de développement industriel de Plan-les-Ouates dans son extension.
Je maintiens qu'il est nécessaire de développer des zones industrielles aux concepts clairs. Toutefois, nous devons admettre que nous avons un certain nombre de problèmes, s'agissant d'anciennes zones industrielles ou de zones industrielles portant toujours ce nom, mais situées dans un contexte urbain où les charges foncières se sont considérablement accrues. Il faut voir la vérité en face : à terme, nous aurons des problèmes pour maintenir un profil clair, industriellement parlant, à des zones telles que celles de Sécheron, d'Hispano ou - en dépit d'une situation totalement gelée pour des motifs que j'ai exposés ici - de Tavaro. Nous devrons nous poser la question de savoir s'il ne s'agit pas de zones appelées à davantage de mixité. En l'occurrence, le débat sur la mixité se justifie. D'ailleurs, il est déjà engagé à propos de Sécheron.
En revanche, il est indispensable de maintenir le profil le plus clair possible pour les zones de développement industriel Meyrin-Satigny, Mouille-Galland, FIPA et Plan-les-Ouates.
Bien entendu, il y aura toujours quelques exceptions. Nous avons cherché à ouvrir le jeu, de manière compatible avec le profil des zones industrielles, en adoptant, durant la précédente législature, des directives d'application aux dispositions de la loi générale sur les zones de développement industriel et aux dispositions de la loi d'application de l'aménagement du territoire, qui permettent d'accueillir, désormais, en zones industrielles des activités qui n'y étaient pas admises jusque-là. Ce sont les activités liées à l'informatique, dans la production de logiciels; les activités liées à la formation dans les métiers proches de l'industrie, en raison de synergies évidentes; enfin, les activités nécessaires à la vie même des zones industrielles, qu'il s'agisse de restaurants, de guichets de poste, de banque, etc.
Il y a encore quelques exceptions ponctuelles. Monsieur Ferrazino, vous avez cité deux exemples. L'un m'étonne, et nous allons vérifier ce qu'il en est. Une compagnie d'assurance ne devrait évidemment pas se trouver en zone industrielle. Vous avez cité le cas d'Office World, une entreprise spécialisée dans les aménagements de bureautique. Je revendique la responsabilité de l'installation de cette entreprise, à la rue Marziano, dans un bâtiment appartenant à Gardy. Cette entreprise, pour partie, exerce des activités qui ont leur place dans les zones industrielles, en ce sens qu'elle fait de la maintenance et de l'entretien. Ce sont des activités techniques d'appareils de bureau. J'admets que c'est une partie mineure de son travail qui, à elle seule, ne justifiait pas une exception.
Devant quel problème concret étions-nous placés ? Quand Gardy était à la veille de devoir déposer son bilan, nous étions en négociation avec des repreneurs, et c'est ABB qui a repris les activités de Gardy. Ainsi, Gardy va pouvoir redémarrer, certes, sur une base réduite, mais néanmoins assainie. Dans ce contexte, des surfaces, dans le bâtiment Gardy, devaient impérativement trouver preneur, dans des délais très courts. C'était une question de survie pour Gardy du point de vue de son aptitude à ne pas déposer immédiatement son bilan. Des locataires qui se proposaient, aucun n'avait le profil industriel pour être admis rapidement. Certains candidats étaient typiquement tertiaires. Et il s'est trouvé qu'Office World, avec une petite activité admissible en zone industrielle, offrait, de surcroît, des conditions locatives favorables à Gardy. Nous avons donc pris la responsabilité de consentir une exception, et j'insiste sur le terme, car nous n'entendons pas dénaturer la véritable vocation des zones industrielles.
J'en termine avec les commissions. Pour moi, il n'y a pas de problème, les deux commissions étant appelées à se prononcer sur ce type de motion.
La motion contient des invites politiques et économiques incontestablement ciblées, par exemple pour ce qui est d'un fonds pour le développement de l'industrie genevoise, etc., qui relève de la commission de l'économie. La gestion des zones industrielles, elle, est de la compétence de la commission d'aménagement. Je souhaiterais, cependant, que l'on distingue les objectifs des moyens. Les premiers visent à avoir une stratégie industrielle qui est un problème de politique économique. Les zones industrielles, elles, sont un moyen au service de cette politique économique.
Par conséquent, je trouverais judicieux que votre parlement renvoie cette motion, dans un premier temps, à la commission de l'économie pour qu'elle boucle ses travaux simultanément avec ceux induits par la motion socialiste. Ainsi, dans un deuxième temps, les travaux de la commission de l'économie permettraient que la commission d'aménagement soit immédiatement saisie, et le rapport final parviendrait à votre Conseil, avec la conjugaison des deux visions.
A mon avis, il faut d'abord avoir la vision d'ensemble, politique et économique, de la commission de l'économie, puis la vision ciblée de la commission d'aménagement sur ce levier indispensable qu'est l'aménagement du territoire, en l'occurrence celui des zones industrielles, au service de cette stratégie de l'économie.
Je propose donc le renvoi de la motion à la commission de l'économie, à charge pour celle-ci de transmettre son rapport à la commission d'aménagement. Ensuite, les deux commissions rapporteront devant le Grand Conseil.
M. Christian Grobet (AdG), conseiller d'Etat. Je remercie M. le conseiller d'Etat Maitre de son discours clair et engagé sur la pérennité des zones industrielles. Son discours est de nature à nous rassurer. Monsieur le conseiller d'Etat, vous aurez aussi compris, je pense, nos préoccupations face à un certain nombre de projets visant à supprimer des zones industrielles, dont celui de Thônex qui s'est avéré totalement infondé.
Notre motion ne vise pas au maintien d'un Jurassic Park, mais à celui de parcs technologiques. Elle répond à une politique industrielle qui devrait être renforcée par la commission de l'économie.
Nous nous rallions donc à votre proposition, tout en demandant que la commission d'aménagement soit associée, dans un deuxième temps, à l'examen de notre mission, parce que nous éprouvons véritablement le sentiment qu'au niveau de l'aménagement du territoire il y a actuellement une certaine incohérence. Par conséquent, il faut que la commission d'aménagement soit aussi saisie de cette affaire.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.
Le président. Ainsi que je vous l'avais annoncé en début de séance, le Bureau de votre Grand Conseil a pris l'initiative de verser une somme forfaitaire de 5 000 F à la Chaîne du Bonheur, à l'occasion de la Journée mondiale de Sida-Coeur. Sur les tables de la salle des Pas-Perdus, j'ai fait déposer des urnes où chacun et chacune pourra verser son obole par solidarité. Le Bureau prélèvera sur sa caisse de quoi compléter vos dons, à concurrence de 5 000 F. Merci à toutes et à tous !