République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7301
8. Projet de loi de Mmes et M. Pierre-Alain Champod, Micheline Calmy-Rey et Fabienne Blanc-Kühn modifiant la loi en matière de chômage (J 4 5). ( )PL7301

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi en matière de chômage, du 10 novembre 1983, est modifiée comme suit :

Art. 9, lettre b (nouvelle teneur)

b) les chômeurs confédérés ainsi que les chômeurs étrangers domiciliés sans interruption depuis une année au moins dans le canton de Genève, à dater du jour de l'introduction de la demande et qui sont indemnisés par une caisse d'assurance-chômage.

Art. 23, lettre b (nouvelle teneur)

b)  les Confédérés ainsi que les étrangers, domiciliés sans interruption depuis une année au moins dans le canton de Genève au moment de l'ouverture du droit à l'occupation temporaire.

Art. 24, lettre c (nouvelle teneur)

c) ne pas avoir subi pendant le délai-cadre d'indemnisation fédérale de suspension du droit à l'indemnité de plus de30 jours pour refus d'acceptation d'un emploi convenable proposé par l'autorité compétente ou pour manque de recherches personnelles d'emploi.

Art. 25, al. 1 (nouvelle teneur)

 al. 2 et 3 (abrogés)

1 La durée de l'occupation temporaire est fixée à12 mois.

Art. 26 (abrogé)

Art. 2

Modification à une autre loi   (D 3 1)

La loi générale sur les contributions publiques, du9 novembre 1887, est modifiée comme suit:

QUATRIÈME PARTIE

Autres impôts cantonaux

TITRE II (nouveau)

Contributions sociales généralisées

Art. 379 (nouveau)

Principe

1 En cas de chômage important et persistant, les Genevois domiciliés dans le canton, les Confédérés et les étrangers au bénéfice d'un permis de séjour ou d'établis-sement sont soumis au paiement d'une contribution sociale généralisée.

2 La contribution sociale généralisée est perçue sur tous les revenus bruts des contribuables domiciliés dans le canton.

Art. 380 (nouveau)

Taux

Le taux est fixé par le Conseil d'Etat en fonction des besoins. Il ne peut dépasser 0,3%.

Art. 381 (nouveau)

Destination

Le produit de la contribution sociale généralisée est destiné exclusivement à couvrir l'augmentation des charges liées aux occupations temporaires accordées aux chômeurs en fin de droit.

Art. 382 (nouveau)

Recouvrement

La contribution sociale généralisée est recouvrée selon le mode usité pour les contributions directes.

Art. 3

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Introduction

Le chômage continue d'être le problème le plus important auquel notre pays doit faire face. Nous pensons que le chômage n'est pas une fatalité et que l'on peut développer des politiques permettant de diminuer son importance et ses conséquences. Nous pensons que l'augmentation du chômage n'est pas liée uniquement à la récession mais également à des modifications de l'économie (délocalisation, automatisation, mondialisation des marchés, etc.). Il ne s'agit pas seulement d'une récession momentanée de l'économie mais d'une transformation de celle-ci. C'est la raison pour laquelle les solutions au chômage doivent, à notre avis, être basées sur les trois axes suivants :

1. Le traitement social du chômage (amélioration de la législation sur le chômage, création d'emplois temporaires pour les chômeurs, revenu minimum pour les chômeurs en fin de droit).

2. La relance de l'économie par des projets d'utilité publique (pas seulement dans le domaine des grands travaux de construction mais également dans le secteur tertiaire) et par le développement d'une politique économique active.

3. Le développement du partage du travail sous toutes ces formes (travail à temps partiel, diminution de la durée hebdomadaire du travail, congés de formation). A noter que le chômage est une forme de partage du travail particulièrement injuste entre ceux qui ont un emploi généralement à plein temps et ceux qui chôment généralement à plein temps aussi.

Le présent projet concerne le premier de ces trois axes, puisqu'il propose de modifier la loi cantonale en matière de chômage qui est en vigueur depuis 1984. Cette dernière contient essentiellement deux mesures :

1. Une assurance perte de gain en cas de maladie ou de maternité (PCMM). Cette assurance est facultative. Elle verse des indemnitéspour perte de gain aux chômeurs malades. Elle intervient après les30 premiers jours de maladie, qui eux sont couverts par la loi fédérale sur le chômage. Les indemnités genevoises peuvent aller jusqu'à concurrence de 270 indemnités. Cette assurance est financée pour 1/3 par des cotisations prélevées sur les indemnités de chômage et pour les 2/3 restants par l'Etat.

2. Les occupations temporaires (OT): de 3 à 12 mois selon l'âge du chômeur et la durée de son chômage. Dans ce cadre, les chômeurs sont engagés à l'Etat (ou dans une association sans but lucratif). Pendant la période de l'occupation temporaire, la personne touche un salaire et paye des cotisations sociales, ce qui signifie que, dans de nombreux cas, elle se crée un nouveau droit à des prestations fédérales de chômage. Le parcours normal d'un chômeur est donc le suivant: il bénéficie de ses indemnités de l'assurance fédérale, puis travaille à l'Etat en occupation temporaire, puis est indemnisé, à nouveau, par l'assurance-chômage et c'est seulement là qu'il arrive en fin de droit.

Cette législation a fait ses preuves, elle a montré notamment que les occupations temporaires qui permettent aux chômeurs de renouer avec le monde du travail sont extrêmement utiles. Cette mesure augmente l'aptitude au placement de la personne au chômage tout en évitant sa marginalisation. Tous les témoignages des personnes ayant bénéficié d'une occupation temporaire confirment les effets bénéfiques de cette mesure.

La nouvelle législation fédérale nécessite une adaptation de la présente loi pour qu'elle conserve toute son efficacité. Nous proposons donc de modifier une partie des articles concernant les occupations temporaires et nous reformulons également quelques articles dont l'application pose des problèmes. Enfin, nos propositions entraînant une dépense supplémentaire pour l'Etat, nous proposons un financement par une contribution sociale généralisée.

Notre projet de loi concrétise une partie importante du chapitre 6 de l'initiative «Pour l'emploi, contre l'exclusion» (IN 105), le financement est également repris des propositions faites par les syndicats dans cette initiative. Notre projet montre que, malgré les modifications de la loi fédérale, l'initiative 105 est réaliste et réalisable.

2. Adaptation des occupations temporairesà la nouvelle législation fédérale

2.1. Les nouvelles dispositions de la LACI

La nouvelle loi fédérale adoptée en juin dernier et qui entrera en vigueur pour partie le 1er janvier l996 et dans sa totalité le 1er janvier 1997 comporte de nombreuses modifications. Certaines pénalisent lourdement les chômeurs (délai de carence de 5 jours, augmentation des pénalités, etc.), d'autres proposent des améliorations (mesures actives, indemnisation pendant deux ans, etc.). Nous ne présenterons ici que celles qui influencent les occupations temporaires découlant de la législation genevoise.

Le parlement fédéral et les partenaires sociaux ont estimé qu'une législation moderne sur le chômage ne devait pas seulement verser un revenu de substitution mais également favoriser la réinsertion des chômeurs sur le marché de l'emploi. Dans cette perspective, le législateur fédéral a mis en place «les mesures actives». Ces dernières obligent le chômeur à exécuter un travail dans l'administration ou de suivre un cours pour continuer de bénéficier des indemnités de chômage. La dynamique introduite par ces mesures doit permettre aux chômeurs d'améliorer leurs connaissances professionnelles et /ou de garder un contact avec le monde du travail et par conséquent d'améliorer leurs chances de retrouver un emploi.

Actuellement un chômeur peut bénéficier au maximum de 400 in-demnités journalières (soit un peu plus de 18 mois)  pendant un «délai-cadre» de deux ans. Pour avoir droit à des prestations de chômage, la personne doit avoir cotisé au moins durant 6 mois dans les deux ans précédant le début du chômage.

La nouvelle loi prévoit les dispositions suivantes:

«Article 27, alinéa 2 (de la LACI)

L'assuré a droit à :

a) 150 indemnités journalières au plus jusqu'à 50 ans;

 250 indemnités journalières au plus à partir de 50 ans;

 400 indemnités journalières au plus à partir de 60 ans;

 520 indemnités journalières au plus s'il touche une rente de l'assurance-invalidité ou de l'assurance-accident obligatoire, ou s'il en a demandé une et que sa demande ne semble pas vouée à l'échec.

b) Des indemnités journalières spécifiques selon l'article 59b dans les limites du délai-cadre d'indemnisation de deux ans, sauf disposition contraire de la présente loi.»

Les articles 59 et suivants décrivent les mesures actives qui permettent de toucher des indemnités journalières spécifiques au-delà des limites fixées à l'article 27, alinéa 1. En d'autres termes, un chômeur de moins de 50 ans touchera, dans un premier temps, 150 indemnités de chômage aux mêmes conditions que celles en vigueur aujourd'hui. Ensuite, pour continuer de bénéficier du chômage, il devra suivre une formation ou accepter un emploi temporaire proposé par les services du chômage. S'il satisfait à cette exigence, il pourra bénéficier de 370 indemnités supplémentaires. La durée totale de son chômage sera donc de 520 indemnités (150 +370), soit 2 ans.

A la demande des cantons fortement touchés par le chômage, le nombre total des places pour des mesures actives est limité à 25 000. Pour Genève, on parle d'un nombre avoisinant les 2000. Les chômeurs qui ne pourront pas bénéficier d'une mesure active en raison de cette limitation toucheront quand même un total de 520 indemnités.

Les personnes qui bénéficieront d'un emploi temporaire dans le cadre des mesures actives ne cotiseront pas à l'assurance-chômage puisqu'elles ne toucheront pas un salaire, mais des indemnités de chômage.

Enfin, une personne qui a déjà bénéficié du chômage devra cotiser pendant 12 mois à l'assurance-chômage pour ouvrir un nouveau droit à des prestations (actuellement cette durée est de 6 mois).

2.2. Les raisons pour lesquelles la loi genevoise doit être modifiée

Aujourd'hui le parcours type d'un chômeur ayant travaillé plus de18 mois avant de perdre son emploi, est le suivant :

Il bénéfice tout d'abord de 400 indemnités journalières (selon la loi fédérale), soit 18 mois. Ensuite, il a droit à 6 mois d'occupation temporaire (selon la loi genevoise). Ces 6 mois de travail lui donnent droit (selon la loi fédérale) à 170 nouvelles indemnités journalières. A ce moment-là, il est en fin de droit et, s'il n'a pas d'autre revenu, il peut bénéficier du RMCAS.

Si la loi genevoise n'était pas modifiée, en fonction de la nouvelle LACI, le parcours de notre chômeur serait le suivant:

Il bénéficierait tout d'abord de 150 indemnités journalières (selon le droit fédéral 18 mois). Ensuite, il aurait droit à 370 indemnités à condition qu'il accepte un emploi temporaire (dans le cadre des mesures actives de la LACI) Puis, de 6 mois d'occupation temporaire (selon la loi genevoise). Ces 6 mois de travail ne lui donneraient pas droit à de nouvelles indemnités journalières; il serait en fin de droit et pourrait bénéficier du RMCAS.

Nous constatons que les occupations temporaires de 6 mois prévues par la loi genevoise n'ouvriraient plus un nouveau droit à des indemnités fédérales et perdraient de ce fait une partie importante de leur efficacité.

A relever aussi que l'assurance-chômage finançant les mesures actives, la confédération ne subventionnera plus les occupations temporaires genevoises (actuellement les subventions fédérales représentent les 9% de la dépense globale).

2.3. Nos propositions

Nous avons adapté la législation genevoise pour tenir compte à la fois des modifications intervenues dans la LACI et des propositions contenues dans l'initiative des syndicats «Pour l'emploi, contre l'exclusion».

L'idée de base est qu'il faut dans toute la mesure du possible maintenir les gens dans le circuit de l'emploi pour éviter la perte des compétences et la marginalisation.

Pour atteindre cet objectif, nous avons prolongé de 6 à 12 mois la durée des occupations temporaires pour qu'elles continuent de redonner un droit à des prestations fédérales. Nous avons également abrogé l'article limitant à une occupation tous les 2 délais-cadre.

Avec notre proposition, une personne au chômage serait indemnisée pendant 2 ans par la législation fédérale (indemnité et mesures actives), puis travaillerait une année dans le cadre des occupations temporaires cantonales. Si elle est toujours sans emploi elle pourrait recommencer à toucher des prestations fédérales pendant 2 ans puis une année d'occupation temporaire, etc. Théoriquement une personne de devrait pas arriver en fin de droit.

Nous pensons que la situation du chômeur perpétuel est une hypothèse théorique. En effet, les mesures actives, l'amélioration des offices de placement et la dynamique engendrée par les occupations temporaires devraient permettre à la grande majorité des chômeurs de retrouver un emploi dans un délai inférieur à 3 ans. A notre avis, les seules personnes susceptibles d'avoir plusieurs occupations temporaires entrecoupées par des périodes de chômage sont celles qui, en raison de leur âge, posent un problème de réinsertion professionnelle important. A ce sujet, rappelons que, pour elles, un arrêté du Conseil d'Etat prévoit déjà aujourd'hui d'avoir deux occupations temporaires de suite.

En cas d'aggravation de la situation économique accompagnée d'une augmentation massive du chômage, les solutions devront être trouvées en amont du chômage (partage du travail, projet de relance, etc.) et non dans le traitement social du chômage. L'expérience des pays voisins qui connaissent un fort taux de chômage depuis de nombreuses années montrent les limites d'une politique basée uniquement sur le traitement social du chômage: frac-ture sociale, augmentation de la délinquance, etc. Il faut donc tirer les conclu-sions de ce constat et réserver les mesures que nous proposons pour traverser une période difficile. En temps normal, elles ne doivent bénéficier qu'aux personnes qui ont le plus de peine à s'insérer dans le monde du travail.

Enfin, nous avons adapté un article aux modifications fédérales et deux articles à des décisions de la commission cantonale de recours en matière de chômage (voir dans le commentaire article par article)

3. Financement

Il est difficile d'évaluer avec précision le coût de nos propositions, dans la mesure où il est directement lié à une variable que nous ne maîtrisons pas: l'évolution de la conjoncture. Il est évident que si le nombre de chômeurs de longue durée devait diminuer, en raison d'une reprise de l'activité économique ou d'un meilleur partage du travail, le nombre de bénéficiaires des occu-pations temporaires diminuerait aussi.

Nous avons évaluer le coût de nos propositions à partir des données à notre disposition et en faisant un certain nombre d'hypothèses. Nous avons également mis en place un financement des modifications légales proposées.

3.1. Evaluation des coûts de nos propositions

Le budget 1995 prévoyait pour le financement des occupations temporaires un montant total de 55 000 000 F. Pour l996, le Conseil d'Etat propose une somme de 69 500 000 F. A relever que les 9% de ces dépenses sont remboursées par la Confédération sous la forme de subventions (qui disparaîtront avec la nouvelle LACI).

Pour le RMCAS versé aux chômeurs en fin de droit, le budget 1995 prévoyait un montant total de 12 248 000 F; pour l996 le Conseil d'Etat propose une somme de 27 048 000 F.

La nouvelle LACI et nos propositions vont modifier ces chiffres, certains à la hausse, d'autres à la baisse.

Le doublement de la durée des occupations temporaires multiplierait par deux le montant des prestations de l'Etat si le nombre des chômeurs en fin de droit restait constant.

Les nouvelles dispositions de la LACI allongeront le délai entre le début du chômage et le début des occupations temporaires. Actuellement ce délai varie entre 8 mois et 18 mois; avec la nouvelle LACI, il sera dans tous les cas de 2 ans. Cette augmentation devrait largement compenser les coûts de la répétition des occupations temporaires et, en plus, faire diminuer de l'ordre de 5% le nombre des personnes en occupation temporaire (l'augmentation de la période d'indemnisation est multipliée par un 1,3 pour ceux qui ont 18 mois aujourd'hui et 3 pour ceux qui n'ont que 8 mois).

Sans faire preuve d'un optimisme excessif, nous estimons que les mesures actives permettront de faire diminuer d'au mois 20% le nombre des personnes en fin de droit.

L'augmentation de la durée des prestations fédérales et des occupations temporaires et le fait que ces dernières peuvent être accordées plusieurs fois de suite vont faire chuter de manière drastique le coût du RMCAS. Nous estimons que les prestations du RMCAS ne devraient plus que concerner des dossiers en cours ne pouvant pas bénéficier des nouvelles dispositions. Nous estimons que le coût du RMCAS ne devrait pas dépasser une somme annuelle de 10 000 000 F, soit une économie de l'ordre de 17 000 000 F par rapport au montant budgétisé pour l996.

A partir de ces éléments, si nous raisonnons à partir des chiffres de 1995, nous obtenons les résultats suivants (en millions de francs):

Doublement des OT

0155 x 2 =

110,25

Suppression de la subvention fédérale

+6,25

Augmentation des prestations de la LACI

0-110 x 5%

-5,55

25% de fin de droit en moins

-110 x 20%

-22,25

Diminution du RMCAS

-2,22

Coût total

86,.33

Augmentation des coûts

186,8 - 55 =

31,33

Si nous raisonnons maintenant à partir des chiffres de 1996, nous obtenons les résultats suivants (en millions de francs):

Doublement des OT

169, 5 x 2 =

139,25

Suppression de la subvention fédérale

+6,25

Augmentation des prestations de la LACI

0-139 x 5 %

-6,95

25% de fin de droit en moins

0-139 x 20%

-27,80

Diminution du RMCAS

-17,20

Coût total

93,30

Augmentation des coûts

93,3 - 69,5 =

23,80

Nous constatons que le coût supplémentaire pour l'Etat serait de l'ordre de 30 000 000 F.

3.2. la Contribution sociale généralisée (CSG)

Nous pensons tout d'abord que l'effort de l'Etat en faveur des personnes qui ont épuisé leurs prestations fédérales ne doit pas diminuer. Par conséquent, nous ne faisons des propositions que pour l'augmentation des coûts liée à nos propositions.

Nous pensons ensuite que le financement pourrait se faire avec l'augmentation des ressources de l'Etat en cas d'acceptation des initiatives fiscales 101 et 102. Ces initiatives prévoient d'affecter les nouvelles ressources qu'elles génèrent à améliorer les prestations sociales, notamment dans le domaine du chômage.

Si ces deux modes de financement sont insuffisants, de nouvelles ressources sont proposées. Nous avons repris la proposition contenue dans l'initiative «pour l'emploi, contre l'exclusion» au point 8:

«Pour financer le nouveau programme d'OT, complémentaire à celui prévu aujourd'hui par la loi, et le fonds cantonal de chômage, une contribution sociale généralisée est instituée. Elle est prélevée en pour-cent, sans plafond, sur tous les revenus du capital, du travail et des transferts. Son montant est fixé au vu de l'estimation du coût des mesures envisagées et a un caractère temporaire dépendant des résultats de la lutte contre le chômage.»

Nous avons formulé en article de loi, les propositions des syndicats. La contribution sociale généralisée est une forme de financement des pro-grammes sociaux déjà en vigueur dans certains pays voisins, notamment la France. Contrairement à l'impôt, le taux n'est pas progressif et contrairement à la taxe, elle est proportionnelle aux revenus du contribuable. Elle ressemble donc aux cotisations de l'AVS dont le taux est le même pour l'ensemble des personnes assujetties.

Un des avantages de la contribution sociale généralisée est de toucher de la même manière l'ensemble des revenus (du travail, du capital et des transferts) et pas seulement ceux du travail comme c'est le cas pour de nombreuses cotisations sociales. Il ne serait pas judicieux de financer par les seuls revenus du travail des mesures destinées à venir en aide à des chômeurs.

Nous avons également repris l'idée des syndicats de soumettre tous les revenus sans plancher et sans plafond. S'agissant d'une mesure de solidarité il est juste que tout le monde y participe. Les chômeurs participent aujourd'hui au financement de l'AVS, il ne nous semble pas choquant que des retraités participent au financement d'un programme d'aide aux chômeurs. D'autant plus que la population retraitée n'est pas homogène quant à ses capacités financières. De plus, il nous semble préférable d'appliquer un taux extrêmement bas à l'ensemble de la population plutôt que d'appliquer un taux moyen à une partie seulement de la population.

Nous pensons que, puisqu'il s'agit d'une mesure limitée dans le temps, il est judicieux de l'affecter. Dans le même état esprit, les Neuchâtelois ont créé un impôt de crise limité dans le temps et destiné à financer des programmes de lutte contre le chômage.

L'ensemble des revenus bruts à Genève est de l'ordre de 15 milliards de francs selon les déclarations de l'administration fiscale. Une contribution sociale généralisée à un taux de 1% rapporterait donc environ 150 000 000 F, soit 15 millions de francs pour 0,1%.

L'estimation que nous avons faite au chapitre précédent met en évidence une augmentation des dépenses de l'ordre de 30 000 000 F. Nous avons prévu un taux maximum de 0,3%, ce qui permettrait de rapporter 45 000 000 F. Nous avons volontairement laissé une marge en raison de l'évolution de la conjoncture et d'erreurs liées aux évaluations que nous avons dû faire dans nos calculs. En cas d'acceptation des initiatives fiscales, ce taux devrait être revu à la baisse.

4. Commentaires article par article

4.1. De la modification de loi cantonale sur le chômage

Article 9, lettre b (nouvelle teneur), article. 23, lettre b (nouvelle teneur)

Ces articles fixent les conditions de domicile que le chômeur doit remplir pour bénéficier des prestations cantonales. La lettre a concerne les Genevois et ne pose pas de problème. Pour les étrangers et les Confédérés, il est prévu une durée de domiciliation dans le canton d'une année. Nous ne proposons pas de modifier ce principe, mais de modifier la rédaction. La version actuelle précise que le chômeur étranger doit être en possession d'un permis B ou C. Or, depuis l'entrée en vigueur de cette législation, de nombreux permis ont vu le jour, notamment les permis F destinés aux personnes qui ne peuvent pas être rapatriées et qui ne remplissent pas les conditions pour obtenir l'asile politique (les réfugiés de la violence par exemple) . Normalement ces permis devraient être de courte durée. Or, les cas de personnes au bénéfice d'un permis F depuis plusieurs années sont de plus en plus fréquents. La commission cantonale de recours en matière de chômage a admis, en raison du principe de l'égalité de traitement, qu'un détenteur d'un permis F avait droit à une occupation temporaire s'il remplissait toutes les autres conditions. La nouvelle rédaction de cet article prend en compte les considérants de la commission cantonale de recours en matière de chômage. Cette modification ne concernera que quelques personnes par année.

Article 24, lettre c (nouvelle teneur)

Actuellement la durée maximum des pénalités de la LACI est de40 indemnités journalières. La loi cantonale prévoit de refuser une OT à un chômeur qui aurait une pénalité de plus 20 jours pour refus d'acceptation d'un emploi convenable ou pour manque de recherches personnelles d'emploi. Dans la nouvelle LACI la pénalité maximum passe de 40 à 60 jours, c'est pourquoi nous proposons d'augmenter dans la même proportion le nombre de jours qui justifie un refus d'une OT. Ce dernier passera de 20 à 30 jours.

Article 25, alinéa 1 (nouvelle teneur)

alinéas 2 et 3 (abrogé)

Voir les explications données ci-dessus dans le chapitre intitulé «Adaptation des occupations temporaires à la nouvelle législation fédérale».

Article 26 (abrogé)

Voir les explications données ci-dessus dans le chapitre intitulé: «Adaptation des occupations temporaires à la nouvelle législation fédérale».

4.2. De la loi fiscale

Article 379 (nouveau)

Cet article précise le cercle des personnes soumises à la contribution sociale généralisée. Cette dernière concerne l'ensemble des revenus (du travail, du capital et des rentes). Elle n'est réclamée que si le chômage est important et persistant, c'est-à-dire si les améliorations de la loi engendrent des coûts supérieurs à ceux prévus pour 1996.

Article 380 (nouveau)

Un taux maximum est inscrit dans la loi. Chaque année, le Conseil d'Etat fixe le taux en fonction des besoins. En cas de diminution importante du chômage le taux serait égal à 0. La contribution sociale généralisée doit être considéré comme une mesure de solidarité limitée aux périodes de crise.

Article 381 (nouveau)

La contribution sociale généralisée est destinée à ne financer que les frais supplémentaires résultant du projet de loi et non à se substituer au financement actuel des occupations temporaires qui se fait par la fiscalité. Ce dernier mode étant plus social.

S'agissant d'une mesure de crise, donc limitée dans le temps, il nous semble logique d'affecter son produit.

Article 382 (nouveau)

La contribution sociale généralisée est encaissée par l'administration fiscale de la même manière que les impôts communaux et cantonaux.

Article 3

L'entrée en vigueur des mesures «actives» de la nouvelle LACI est fixée au 1er janvier l997. En fonction des dispositions transitoires du droit fédéral, il sera probablement nécessaire de modifier la loi genevoise, dans le courant de l'année 1996. La totalité des dispositions transitoires n'étant pas encore connues nous laissons au Conseil d'Etat le soin de fixer l'entrée en vigueur des modifications qui vous sont proposées.

5. Conclusions

Compte tenu de l'importance du problème du chômage et des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accueillir favorablement ce projet de loi.

Préconsultation

Mme Liliane Johner (AdG). Monsieur le président, vous avez reçu une lettre que vous a adressée le Syndicat du livre et du papier et l'Association de défense des chômeurs. Pourrions-nous en avoir la lecture ?

Le président. Bien sûr, je demande à Madame la secrétaire de bien vouloir procéder à cette lecture.

Annexe lettre lue

M. Pierre-Alain Champod (S). Le chômage est le problème social numéro un dans notre canton. Nous devons lutter contre ce fléau par différents moyens, dont le partage du travail et les mesures actives pour favoriser la réinsertion des personnes dans le circuit du travail.

Un certain nombre de ces mesures demanderont du temps pour être mises en place, et nous devons, en attendant, aider les chômeurs à traverser le moins mal possible cette période. Nous devons, en particulier, éviter le chômage de longue durée et c'est pour les personnes concernées que nous avons rédigé ce projet de loi, en nous inspirant, il est vrai, de l'initiative des syndicats «Pour l'emploi contre l'exclusion». Afin de compléter l'exposé que vous avez sous les yeux, je ferai quatre remarques :

La première concerne les occupations temporaires. La législation genevoise connaît un système d'occupation temporaire, depuis 1984, qui a fait ses preuves, puisqu'il permet de remettre les chômeurs dans le circuit du travail et évite ainsi leur marginalisation. Nous reconnaissons l'efficacité du modèle genevois, et c'est la raison pour laquelle nous souhaitons l'appliquer à la nouvelle législation fédérale.

Ma deuxième remarque concerne la nécessité de modifier la loi genevoise pour l'appliquer aux nouvelles dispositions fédérales. Je n'entrerai pas, ici, dans tous les aspects de la modification de la loi sur le chômage, et ne me bornerai qu'à évoquer ceux qui ont des incidences sur la loi genevoise.

La durée des prestations s'étendra sur vingt-quatre mois, alors qu'actuellement elle varie entre huit et dix-huit mois, selon la durée de travail - donc de cotisations - précédant le chômage.

Les chômeurs ne toucheront plus simplement des indemnités, comme c'est le cas actuellement, mais, en fonction de leur âge, ils devront, après avoir bénéficié d'un certain nombre d'indemnités, entrer dans les programmes de mesures actives, c'est-à-dire de formation ou d'emploi temporaire, pour pouvoir continuer à les percevoir. Durant la période d'emploi temporaire, ils ne recevront pas de salaire, mais des indemnités de chômage, ce qui signifie que les cotisations de chômage ne seront pas prélevées sur ces gains.

L'augmentation de la durée de période d'indemnisation, associée aux mesures actives, devrait provoquer une diminution du nombre des chômeurs de longue durée.

Mais la personne qui aura déjà été une première fois au chômage devra cotiser durant douze mois, pour ouvrir une deuxième période cadre donnant droit à de nouvelles indemnités - actuellement six mois suffisent. Cette augmentation de six à douze mois nous oblige à modifier la loi cantonale, si nous souhaitons que le chômeur puisse bénéficier des prestations fédérales, après avoir bénéficié d'une occupation temporaire, selon la loi genevoise.

Les prestations fédérales, après une période d'occupation temporaire cantonale, permettent une péréquation sur l'ensemble de la Suisse - entre les régions plus ou moins touchées par le chômage - alors que, dans le système actuel, les chômeurs arrivant en fin de droit sont entièrement à la charge du canton.

La troisième remarque concerne les réactions de la presse après la présentation de notre projet de loi. Beaucoup de journaux ont insisté sur le fait que certaines personnes pourraient rester très longtemps dans le circuit du chômage. Nous tenons à dire ici qu'il s'agit d'une simple hypothèse. A notre avis, les seules personnes qui pourraient rester relativement longtemps dans cette situation sont celles qui sont proches de la retraite, car la reprise d'un emploi est plus problématique pour elles. Le canton de Genève en est d'ailleurs conscient puisque, par un arrêté, le Conseil d'Etat a modifié la loi actuelle, pour permettre à ces personnes, proches de l'âge de la retraite d'avoir deux occupations temporaires de suite, alors que la loi n'en prévoit qu'une.

D'autre part, on a souvent dit que cette loi, qui permet théoriquement une longue période de chômage, est une incitation à la paresse. Il n'en est rien. Prenons l'exemple d'un chômeur âgé de trente ans qui recevrait des indemnités fédérales pendant huit mois. Du huitième au vingt-quatrième mois, il devra soit être en formation, soit avoir une occupation temporaire organisée par la Confédération. Puis il bénéficiera d'une occupation temporaire genevoise d'une durée d'une année. Cette personne sera donc active et continuera de l'être, selon ce projet de loi. Si elle n'a toujours pas retrouvé un emploi, elle aura à nouveau droit à cent septante indemnités et se retrouvera à nouveau dans le cycle des mesures actives de la Confédération.

Pour répondre à l'hypothèse selon laquelle un chômeur resterait longtemps dans le circuit du chômage, je reconnais que nous avons souvent été critiques par rapport aux services de l'office cantonal de l'emploi, mais il faut avouer que nous ne pouvons imaginer qu'une personne puisse rester cinq ans au chômage, sans que les services de cet office ne lui retrouvent un travail. J'imagine que personne dans cette enceinte ne pense que les services de M. Maitre soient si peu efficaces !

Quatrièmement, le financement. Nous avons repris l'idée d'une contribution sociale généralisée, telle qu'elle a été mise en place par le gouvernement Rocard et maintenue par les gouvernements de droite qui lui ont succédé, ce qui prouve qu'elle a une chance de susciter un certain consensus. La contribution sociale généralisée consisterait à imposer l'ensemble des revenus du travail, du capital et des transferts. Contrairement à l'impôt, cette contribution n'est pas progressive, mais proportionnelle aux revenus. Elle ressemble un peu au système des cotisations AVS : chacun paie le même taux, quel que soit son salaire.

Il s'agit d'une mesure de solidarité, et c'est la raison pour laquelle nous n'avons prévu ni plafond ni plancher dans notre projet de loi. Il convient, à ce propos, de rappeler que même les chômeurs qui touchent les indemnités les plus basses paient des cotisations à l'AVS.

Le financement que nous proposons ne doit pas couvrir l'ensemble des dépenses des occupations temporaires, mais uniquement l'augmentation qui résulte de notre projet de loi. La part que le canton assume aujourd'hui devra être maintenue. De plus, si les initiatives fiscales, à propos desquelles nous voterons en février, sont acceptées, une partie de leur produit pourrait être affectée au paiement de ces occupations temporaires.

Nous avons laissé le soin au Conseil d'Etat d'en adapter le taux en fonction des besoins, mais avons cependant fixé un taux maximum. En effet, si l'augmentation du chômage devait se poursuivre en Suisse et à Genève, ce ne sont pas des mesures semblables à celles que nous proposons qui devraient être développées. En effet, nous devrions agir en amont du chômage, en développant notamment le concept de partage du travail.

Le chômage est un problème important. Notre responsabilité, en tant que parlementaires, consiste à trouver des solutions pour lutter contre ses causes et aider ceux et celles qui en sont victimes. C'est dans cet esprit que nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer ce projet à la commission de l'économie, où nous aurons l'occasion d'en discuter les différents détails.

M. Nicolas Brunschwig (L). Le projet de loi 7301 a le mérite de poser la question fondamentale du futur de l'occupation temporaire, par rapport à la nouvelle loi fédérale. De plus, il la pose de manière plus concrète que les précédentes motions ou pétitions qui avaient été déposées sur ce sujet, car son exposé des motifs en développe les différents aspects, en particulier le financement. C'est donc avec intérêt que nous étudierons les différents problèmes que soulève ce projet de loi en commission. Cependant, un certain nombre de questions de principe, fort difficiles, doivent être soulevées aujourd'hui, dans le cadre de ce débat en préconsultation.

Un des premiers points à discuter - il a été évoqué par M. Champod - est le statut de «chômeur permanent» qui résulterait de l'adoption de ce projet. Après deux ans de prestations fédérales de chômage, le chômeur serait au bénéfice d'une année d'occupation temporaire, suivie de deux ans de prestations fédérales, et ainsi de suite, théoriquement indéfiniment. Cela pose des questions essentielles, même si le nombre de cas de personnes qui pourraient tomber dans ce cycle infernal est limité. Au niveau philosophique et politique, nous devons réfléchir à la voie à envisager, et je ne suis pas sûr que celle-ci soit la bonne.

La deuxième question essentielle a trait à l'impôt supplémentaire que vous souhaitez instaurer, soit la contribution sociale généralisée. Quels qu'en soient les modalités et le taux, c'est un impôt supplémentaire. Nous ne pensons pas qu'une telle mesure réduirait le chômage. Le remède envisagé pour enrayer les causes du chômage irait à contresens d'une diminution du taux de chômage, ce qui est parfaitement illogique.

La troisième question essentielle porte sur le coût. Vous avez fait des estimations partant de certaines hypothèses que l'on pourrait discuter à l'infini. Si ces hypothèses sont très difficiles à formuler dans la situation actuelle, le coût supplémentaire engendré est d'une certaine importance. Il faudra voir s'il est supportable, en tenant compte de l'effort important que consent actuellement le canton de Genève.

Je constate, avec intérêt, que vous reconnaissez que le système genevois des occupations temporaires est performant, efficace et social. Je regrette que vous ne nous donniez pas les moyens de le financer dans le cadre des votes du budget, car il est toujours facile de proposer de nouveaux systèmes sociaux mobilisant des fonds nouveaux sans, pour autant, voter le budget général de l'Etat.

A propos du nombre d'occupations temporaires que notre canton devra assurer, je vous rappelle que la nouvelle loi sur le chômage impose aux cantons, avec des pénalités pécuniaires, d'adopter des programmes de formation et d'occupation temporaire, déjà dans le délai-cadre des prestations fédérales, ce qui est une nouveauté. De plus, il faudra créer le nombre de postes suffisants pour assurer ces occupations temporaires qui seront sans doute plus nombreuses, compte tenu de la durée possible du chômage.

Par ailleurs, je vous rappelle que nous venons de voter une loi sur le revenu minimum d'aide sociale, qui prévoit des contre-prestations. C'est dire qu'il va falloir trouver un nombre extrêmement important d'activités compensatoires sous une forme ou une autre, ce qui ne se fera pas sans poser un certain nombre de problèmes d'ordre financier et pratique.

Ces quelques questions doivent mettre quelques bémols à votre réflexion par rapport à la nouvelle loi fédérale. C'est donc avec intérêt, mais surtout avec perplexité, que nous étudierons ce projet de loi en commission de l'économie.

M. Pierre Kunz (R). L'Alliance de gauche a déposé, il y a quelque temps, une motion réclamant un accroissement des dépenses de l'Etat en faveur des occupations temporaires. Il n'est donc pas vraiment étonnant que le parti socialiste suive, avec des exigences similaires. Pour faire bonne mesure, nos collègues socialistes déposent carrément un projet de loi, assorti d'un nouvel impôt : «La contribution sociale généralisée» !

Les radicaux, lors du débat préliminaire sur la motion de l'Alliance de gauche, avaient pris position en déclarant que le moment était effectivement venu de décider des modifications à apporter à la loi sur les occupations temporaires. Ils l'ont renvoyée à la commission de l'économie, sans en partager le contenu, du fait que celle-ci avait au moins l'avantage de poser la question : faut-il maintenir, réduire et mieux cibler les occupations temporaires ? Elle se pose à plus forte raison que Genève fait déjà beaucoup pour ses chômeurs.

S'agissant de ce projet de loi, les radicaux adopteront la même attitude et demanderont son renvoi à la commission de l'économie. Il pourra y être traité simultanément avec la motion. D'ores et déjà, les radicaux tiennent à exprimer leur ferme opposition à l'augmentation de la charge fiscale, que ce projet de loi entend introduire sur les revenus. Cette opposition se fonde aussi bien sur des motifs sociaux qu'économiques et politiques.

M. Bénédict Fontanet. Le mieux est l'ennemi du bien. Tout le monde est conscient que le chômage est un drame dont la Suisse et Genève n'ont malheureusement pas l'exclusivité. Le chômage peut être traité par la promotion économique, le maintien des emplois existants, la création d'entreprises, ainsi que le traitement social du chômage auquel se rapporte plus précisément ce projet de loi.

Le système suisse, sans vouloir revenir sur ce qui a été dit par mes préopinants, est sans doute l'un des plus complets sur le plan européen. Et, par rapport à ce système suisse, compte tenu du montant des indemnités, de leur nombre et leur durée, Genève fait mieux encore.

A le lire, on a le sentiment que c'est le projet de loi d'un «doux rêveur» ! Mais quel est le projet de société offert aux jeunes, si ce n'est celui du chômage perpétuel ? Une société ainsi définie ne me plaît pas. Il faut certes protéger les personnes en fin de droit. Nous l'avons fait l'hiver dernier, dans cette enceinte, en votant le revenu minimum d'aide sociale, destiné aux personnes parvenues au terme de leurs indemnités de chômage, mais je n'accepte pas un projet de société dans lequel des personnes, se trouvant au chômage, seraient considérées comme des assistées, jusqu'à ce qu'elles puissent percevoir leurs prestations AVS. Ce n'est pas satisfaisant, même si votre projet soulève, par ailleurs, quelques questions justifiées.

Battons-nous pour créer des entreprises ou pour en maintenir ! J'ai le plaisir de constater, Monsieur Champod, que vous voulez lutter contre les conséquences du chômage. Mais nous préférerions voir votre groupe soutenir activement des projets permettant de développer et de maintenir l'emploi, comme, par exemple, certains projets immobiliers que vous combattez souvent avec énergie. Traitons le problème du chômage, mais soyons également actifs lorsqu'il s'agit de promouvoir notre économie ou les grands projets porteurs pour notre canton.

S'agissant de notre canton, nous devons vous rendre grâce d'avoir eu le courage de prévoir un nouveau type d'impôt qui n'existe pas encore, celui d'une cotisation sociale généralisée. Mais une telle cotisation généralisée ne doit pas se limiter au seul problème du chômage; elle devrait être envisagée pour financer les transports, l'aide aux personnes âgées, etc. On ne peut pas l'envisager pour financer tout et n'importe quoi, car la charge fiscale a une limite et, selon le dicton «trop d'impôt tue l'impôt», il ne sert à rien d'imposer trop lourdement les contribuables; cela les incite à fuir notre canton.

Nous examinerons bien volontiers ce projet en commission, comme nous en avons le devoir, s'agissant du chômage et des chômeurs en fin de droit, mais nous ne souscrivons pas au projet de société que sous-tend votre projet.

M. Bernard Clerc (AdG). Nous accueillons favorablement ce projet de loi, pour sa partie concernant l'amélioration des prestations en faveur des chômeurs, notamment les propositions permettant, si elles sont acceptées, d'ouvrir un nouveau droit aux indemnités, par l'allongement de la durée des emplois temporaires.

Le terme d'occupation temporaire est, à mon avis, désobligeant à l'égard des chômeurs. Il donne la fausse impression qu'on fait une charité aux chômeurs, en leur procurant un emploi, alors qu'en réalité il s'agit d'emplois, comme nous avons vu dans l'examen du budget 1996, nécessaires au fonctionnement d'un certain nombre de services de l'Etat.

Les mesures liées au traitement social du chômage sont indispensables, mais la meilleure concerne, bien évidemment, la défense des emplois existants et la création de nouveaux emplois. Dans ce sens, j'aimerais rappeler l'initiative en faveur de la création d'emplois d'utilité publique et écologique, qui est une réponse appropriée, puisqu'elle permettra la création de cinq cents postes de travail et allégera le coût du traitement social du chômage.

Les remarques de MM. Brunschwig et Fontanet, concernant le chômage perpétuel, ou les chômeurs permanents, sont particulièrement désobligeantes et inadmissibles. Apparemment, vous n'avez jamais rencontré de chômeurs ! Vous insinuez que le seul objectif de ces personnes est de percevoir des indemnités et non pas de retrouver un emploi.

Par rapport à ce projet de loi, nous avons, par contre, une réserve importante à formuler au sujet du financement, non pas parce que «trop d'impôt tue l'impôt» mais parce que nous sommes perplexes quant à l'introduction d'une contribution sociale généralisée. En effet, cette taxe touche, avec son taux unique, davantage les bas revenus, à l'instar de la TVA.

L'étude menée par le professeur Hugouneng démontre que ceux qui supportent le plus le poids d'une contribution sociale généralisée sont les chômeurs, les retraités et les ménages aisés de petite taille. Une telle contribution mérite un débat de fond, et il n'est pas heureux de vouloir l'introduire par la «petite porte», à l'occasion d'un débat sur le chômage. Compte tenu de l'ensemble des éléments de ce projet de loi, nous sommes favorables à son renvoi en commission.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le vote, au mois de juin dernier, sur la nouvelle loi sur l'assurance-chômage ou sur sa révision importante entraîne, effectivement, un certain nombre d'adaptations des textes genevois concernant les emplois temporaires.

Mais nous avons du temps pour cela. En effet, la partie de la loi se rapportant au financement des mesures actives, aux mesures actives elles-mêmes et à leur application, de même qu'aux conséquences des emplois temporaires et des mécanismes qui permettent de bénéficier d'un nouveau délai-cadre d'indemnisation, entrera en vigueur au 1er janvier 1997. Il est même possible, à entendre ce qui se dit du côté de l'OFIAMT, qu'elle entre en vigueur au 1er janvier 1997, avec une remise - si vous me permettez l'expression - des compteurs à zéro, ce qui signifie que tout le monde entamerait un nouveau délai-cadre à ce moment-là. Cela reporterait d'autant la problématique des emplois temporaires pour ce qui concerne les chômeurs en fin de droit.

Il faudra donc travailler de manière attentive et concertée à l'adaptation du système genevois au nouveau cadre prévu par le droit fédéral - et nous nous y sommes déjà engagés. Un certain nombre d'orientations ont d'ailleurs déjà été préconisées au sein de l'office cantonal de l'emploi. Elles feront l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux. Tous ces travaux doivent tenir compte du nouvel objectif de la loi sur le chômage.

J'ai le sentiment, à cet égard, que le projet de loi socialiste traduit - ou trahit - une sorte de pessimisme fondamental, s'agissant du changement de philosophie de la loi sur le chômage, qui consiste à vouloir privilégier les mesures actives et non plus les seules indemnisations.

La nouvelle loi fédérale sur le chômage, avec les mesures actives qui interviennent en cours d'indemnisation, y compris les emplois temporaires, induit une nouvelle dynamique qui devrait réduire la problématique des chômeurs en fin de droit. Je ne puis donc partager le pessimisme sous-jacent du projet de loi socialiste.

Qu'il me soit ici permis de vous dire que le canton de Genève a restructuré en profondeur l'office cantonal de l'emploi en anticipant la révision de la loi sur l'assurance-chômage. Je puis vous annoncer, avec beaucoup de plaisir, que l'OFIAMT nous a confirmé, il y a une dizaine de jours, que la réorganisation de l'office cantonal de l'emploi entrait pleinement dans la cible de la nouvelle LACI. Nous sommes le premier et, en l'état, le seul canton prêt à appliquer ces nouvelles dispositions.

Dans le projet socialiste, même s'il faut l'exprimer avec mesure - et je partage à ce point de vue le souci de M. Clerc - nous ne pouvons pas voir, a priori, derrière le visage d'un chômeur, celui d'une personne qui cherche avant tout à profiter de la situation dans laquelle elle se trouve. Je suis convaincu que l'écrasante majorité des chômeurs sont des personnes qui ne demandent qu'à retrouver un travail qui leur convienne, dans les délais les plus rapides. Mais on ne peut cependant pas sous-estimer le fait que quelques chômeurs sont tentés de tirer le maximum d'avantages du système, de même que quelques employeurs peuvent être tentés - et dans certains cas passer à l'acte - de tirer parti des avantages d'un système. Il y a parfois une symétrie des abus...

Objectivement et techniquement, le système que vous proposez pourrait, dans le cas d'un chômeur qui ne serait pas motivé par un retour à l'emploi, lui permettre d'en bénéficier exagérément. Nous devons en parler sérieusement et sans a priori.

En ce qui concerne les coûts, il faudra bien qu'on s'en s'explique et qu'on fasse une évaluation approfondie en commission. Vous avez évoqué, dans le cadre de votre projet de loi et dans les motifs qui l'accompagnent, une hypothèse de coûts à hauteur de 30 millions par année. Sur la base des estimations qui ont été faites, par l'office cantonal, en prenant les mêmes scénarios que les vôtres, nous atteignons des chiffres annuels de 135 à 138 millions, et cela dès la première année. Il faut tenir compte d'un effet cumulatif, du fait que des chômeurs pourraient amorcer successivement plusieurs délais-cadres.

Nous nous trouvons donc face à un problème tout à fait sérieux que nous devons aborder de manière objective, sereine. Quel délai convenable faudra-t-il fixer dans le cas de chômeurs en fin de droit, approchant de l'âge de la retraite, et qui ont un droit évident à bénéficier de dispositions leur permettant de réamorcer des délais-cadres d'indemnisation ? Des évaluations sont en cours, car il y a d'autres situations où cela peut également être envisagé.

Ce qui me frappe également dans votre proposition, c'est qu'elle aurait pour effet de passer par pertes et profits le revenu minimum cantonal d'aide sociale et l'allocation d'insertion. Si votre proposition était admise, le système mis en place, qui répondait à vos voeux et dont Genève a lieu d'être fière - environ huit cent trente personnes en bénéficient - ne servirait pratiquement plus à rien, puisque nous aurions des délais-cadres d'indemnisation qui se réamorceraient à l'issue de chaque période d'emploi temporaire de douze mois au minimum. Cela n'est pas concevable. Nous devons continuer à agir avec le revenu minimum cantonal d'aide sociale, qui est allié à une contre-prestation et permet, par l'allocation d'insertion, le démarrage d'un certain nombre de projets professionnels qui sont utiles.

Nous débattrons en commission et aurons des discussions avec nos partenaires sociaux. Je puis, à cet égard, vous donner une bonne nouvelle : la tension qui existait avec ces partenaires, à la suite de la décision d'invalidation de l'initiative 105, devrait trouver un terme. J'ai pris la responsabilité, la semaine dernière, de convoquer le responsable de la CGAS et un secrétaire permanent de l'UAPG pour leur faire un certain nombre de propositions et tenter de retrouver le chemin du dialogue. Ces propositions ont été admises. Les groupes de travail, qui ont été constitués, peuvent démarrer leurs activités cette année déjà; une réunion d'un groupe de travail chargé de la problématique chômage et emploi temporaire est prévue la semaine prochaine. L'autre groupe de travail sur la politique économique est également constitué. Nous avons réamorcé les conditions d'un dialogue qui, je l'espère, sera serein et fructueux pour notre canton.

Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.