République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 30 novembre 1995 à 17h
53e législature - 3e année - 1re session - 50e séance -autres séances de la session
No 50
Jeudi 30 novembre 1995,
soir
Présidence :
M. Jean-Luc Ducret,président
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance : MM. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Jean-Philippe Maitre, Claude Haegi, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Philippe Joye, conseiller d'Etat, ainsi que MM. et Mme Claire Chalut, Jean-François Courvoisier, Hervé Dessimoz, Jean-Claude Dessuet, Bénédict Fontanet, Luc Gilly, David Hiler et Max Schneider, députés.
3. Procès-verbal des précédentes séances.
Le procès-verbal des séances des 9 et 10 novembre 1995 est adopté.
4. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
Le président. Le point 45, l'interpellation de Mme Liliane Maury Pasquier, figurera au point 12 bis de notre ordre du jour, en raison de la démission de notre collègue.
Un point 46 est ajouté à notre ordre du jour (le rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi de M. René Koechlin modifiant la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités - PL 7074-A). Il figurait à l'ordre du jour de nos précédentes séances et avait été renvoyé en commission. Il n'y a pas de nouveau rapport, mais un amendement qui a été déposé sur vos places.
Le président. Nous avons reçu une lettre de démission, avec effet aujourd'hui à 17 h, de notre collègue Mme Anne Briol, qui prépare un doctorat en biologie.
Nous prenons acte de sa démission et lui souhaitons plein succès et beaucoup de satisfaction dans la poursuite de ses études.
Nous lui adressons le stylo-souvenir traditionnel.
C'est Mme Vesca Olsommer, ancienne députée, qui lui succède.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Anne Briol a siégé parmi nous pour un temps trop court en regard des immenses qualités qui sont les siennes. Nous ne souhaitons pas trahir la sobriété de son message de démission, mais nous tenons à la remercier pour sa participation à notre groupe et aux travaux de ce Grand Conseil.
Sa démission concrétise un nouvel exemple des difficultés de compatibilité, en temps, entre un mandat d'élu et les autres activités des personnes concernées. Elle nous prive de la députée la plus jeune de ce parlement, les jeunes étant, par ailleurs, totalement sous-représentés dans cette enceinte.
Cependant, son départ souligne aussi son succès professionnel et le sérieux de sa carrière universitaire. Nous lui souhaitons bonne chance et lui disons : «A plus tard !». (Applaudissements.)
Mme Michèle Wavre (R). La commission des droits politiques a examiné la candidature de Mme Vesca Olsommer, du parti des «Verts», à la lumière de l'article 21 du règlement du Grand Conseil concernant les incompatibilités. Elle a déclaré Mme Vesca Olsommer compatible avec le mandat de député et lui souhaite un bon retour parmi nous.
M. Gérard Laederach et Mme Vesca Olsommer sont assermentés. (Applaudissements.)
Le président. Je tiens à saluer à la tribune du public les classes de :
- l'Ecole supérieure de commerce André-Chavanne, sous la conduite de Mme Hensler et de M. Liengme;
- l'Ecole de culture générale Jean-Piaget, sous la conduite de Mmes Constantin et Gay-Fraret;
- du Collège Rousseau, sous la conduite de Mme Annen et de M. Chiaberto. (Applaudissements.)
8. Correspondance.
Le président. Nous vous faisons part des réponses suivantes :
Il en est pris acte.
Il en est pris acte.
La correspondance suivante est parvenue à la présidence :
Cette lettre sera transmise au département de justice, police et transport.
Cette lettre sera transmise au département des finances.
Cette lettre sera transmise au Centre social de Meyrin, où Mme Girod est domiciliée.
M. Roger Beer (R). Monsieur le président, je vous demande de bien vouloir procéder à la lecture de la lettre de M. Thierry Wipraechtiger, si possible à 20 h 30, parce qu'il n'est pas là pour le moment.
Le président. Il en sera fait ainsi. D'autres lettres nous sont parvenues :
Le Bureau est intervenu par lettre auprès du Conseil d'Etat pour lui demander cette réponse.
Cette lettre sera traitée au point 16 de notre ordre du jour.
Il en est pris acte.
Il en est pris acte.
M. John Dupraz (R). Je vous demande de bien vouloir donner lecture de cette lettre qui, malencontreusement, a été adressée à M. Michel Ducret, par erreur, au lieu de M. Jean-Luc Ducret, président.
Le président. Monsieur le secrétaire, je vous prie de bien vouloir lire cette lettre.
Annexe lettre C 365
Le président. Nous revenons à la suite de la correspondance :
Il en est pris acte.
Cette lettre remplacera sa réplique à son interpellation figurant au point 37 de l'ordre du jour.
Par ailleurs, les pétitions suivantes sont parvenues à la présidence:
Elles sont renvoyées à la commission des pétitions.
D'autre part, la commission des pétitions désire renvoyer à la commission des finances les pétitions suivantes :
Il en sera fait ainsi.
9. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Le président. Le Conseil d'Etat nous a transmis réponse à la question écrite suivante :
(Q 3535)
de Mme Liliane Maury Pasquier (S)
Dépôt: 17 février 1995
L'arbre cache-t-il la forêt ?
La Feuille d'avis officielle (FAO) nous tient régulièrement informés des requêtes en autorisation d'abattages d'arbres.
Or, si la raison de l'abattage est clairement indiquée, aucune mention n'est faite de l'espèce de l'arbre concerné. De plus, le lecteur/la lectrice doit se satisfaire de l'indication du singulier ou du pluriel pour connaître le nombre de végétaux en cause.
C'est ainsi que, par exemple dans la FAO du 9 novembre 1994, on peut prendre connaissance d'une requête d'abattage d'arbres pour construction d'immeubles qui recoupe en fait « l'abattage de futaies composées de plantes indigènes sur une surface d'environ 3 000 m2 ». Dans le même numéro de la FAO, une autre requête au même motif porte sur l'abattage d'un tilleul.
Mais, pour le savoir, il faut se rendre au service des forêts.
Ne serait-il pas plus simple de publier des requêtes plus détaillées, apportant ainsi aux citoyens/nes une meilleure information, simplifiant du même coup leur vie et celle des fonctionnaires du service des forêts ?
Le Conseil d'Etat peut-il améliorer les conditions d'information des citoyens/nes soucieux/ses de la préservation de notre environnement ?
RÉPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT
du 15 novembre 1995
Le Conseil d'Etat tient tout d'abord à rappeler que le service de la protection de la nature et des paysages du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, compétent en la matière, traite et fait publier chaque année plus de 650 requêtes en autorisation d'abattage d'arbres.
Chaque dossier fait l'objet d'un examen de terrain minutieux, divers éléments devant être pris en compte.
Le nombre des végétaux concernés et leur espèce ne sont pas les seuls facteurs déterminants pour accorder ou non une autorisation d'abattage. Pour permettre au public de juger de l'opportunité d'un abattage, il faudrait que des précisions sur la qualité, la valeur, les dimensions des arbres concernés, leur état de santé, en relation avec le contexte environnemental dans lequel ils se trouvent, soient fournis. Or, la diffusion de tels renseignements n'est évidemment pas envisageable.
A titre de comparaison, il sied de relever que les publications concernant les constructions s'en tiennent aux informations essentielles et que les personnes intéressées doivent se rendre auprès du département des travaux publics et de l'énergie pour consulter les dossiers.
Il est donc raisonnable de ne pas introduire des éléments nouveaux dans les publications concernant les abattages d'arbres, ceux-ci risquant même de provoquer des erreurs d'appréciation.
Dès lors, la pratique actuelle nous semble devoir être maintenue, la meilleure démarche pour celui qui souhaite connaître les détails d'une requête, consistant à se rendre auprès du service compétent afin de consulter les documents.
Pour le surplus, nos services ont prouvé qu'ils accomplissaient scrupuleusement leur travail et qu'ils se tenaient toujours à disposition du public pour le renseigner en cas de besoin.
10. Déclarations du Conseil d'Etat et communications.
M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Au nom du Conseil d'Etat, je tiens à faire devant votre parlement la déclaration suivante, à propos du défilé militaire du régiment genevois, le 21 novembre dernier, ainsi que sur les violences qui ont suivi :
Le Conseil d'Etat a pris la décision d'autoriser le défilé. Il en assume pleinement la responsabilité et revendique ici la légitimité de sa décision. Accessoirement, je vous répète que la Ville de Genève a donné son aval à la tenue de ce défilé sur son territoire, par lettre adressée le 4 octobre 1995, tant au commandant du régiment qu'à notre collègue, M. Gérard Ramseyer
Mais c'est essentiellement sur le fond que je tiens, au nom du Conseil d'Etat, à revenir maintenant. L'armée est une de nos institutions. Cela vient d'être confirmé par le Parlement fédéral qui a voté très largement, le 3 février dernier, la loi créant «Armée 1995», fixant par là même sa nouvelle organisation et ses nouvelles missions. Aucun référendum n'est venu remettre en cause ce vote qui engage donc tous les cantons et leurs citoyens, Genève y compris, n'en déplaise à certains.
«Armée 1995» a fixé, en outre, les nouvelles tâches du régiment genevois en lui confiant notamment la garde de notre aéroport, des organisations internationales et les diverses activités diplomatiques en découlant. Toute propagande déformante visant à accréditer l'idée que notre régiment serait l'incarnation d'une violence institutionnelle, machine agressive et menaçante à l'égard du peuple, est tout simplement ridicule. Essayer de faire un amalgame entre les détestables événements de 1932 et le défilé à la fin de son cours de répétition du régiment genevois relève de la désinformation subversive !
Notre régiment, Mesdames et Messieurs les députés, quels que soient nos sentiments sert la cause de la paix, de la sécurité et du droit. Il renforce, lorsque cela est nécessaire, l'image à la fois sûre et accueillante de Genève comme ville internationale.
Voilà pourquoi le Conseil d'Etat a répondu positivement, comme les autorités fédérales, à la demande de défiler qui lui a été faite. D'ailleurs, la dizaine de milliers de spectateurs, jeunes et moins jeunes, venus pour applaudir nos citoyens soldats ont bien compris ce que des médias ont essayé de ne pas voir.
Mais restait à apprécier l'éventualité de manifestations pouvant dégénérer dans la violence. En démocratie, on a le droit de contester, de manifester et de s'exprimer, pour autant que l'on reste dans les normes de la légalité. Le Conseil d'Etat a le devoir de garantir aussi cette liberté. Sa pratique de large tolérance lui permet donc, précisément, de stigmatiser ceux-là mêmes qui se montrent les plus intolérants. Non, contrairement à ce qu'ont affirmé publiquement des manifestants, casser des vitrines, brûler des voitures et mettre à sac le domaine public ne constituent pas, je cite : «un moyen d'expression comme un autre» !
N'inversons pas les valeurs ! Ni les casseurs ni les extrémismes n'ont jamais fait avancer la démocratie ou le droit, et ce n'est pas avec eux, au contraire - et l'histoire, même la plus récente, est là pour nous le rappeler - que nous cultiverons nos vertus démocratiques. Je pense d'ailleurs que la très grande majorité de notre jeunesse partage ce point de vue.
Autoriser le défilé ne constituait en aucune manière une provocation légitimant les excès commis. C'est une mauvaise rhétorique qui consiste à renvoyer la responsabilité de la casse à ceux qui sont restés strictement dans le droit.
En revanche, ceux qui se sont préparés à la violence, en apportant des pavés, des barres de fer, des cocktails Molotov, en se munissant de frondes avec des billes et des écrous, sont les responsables directs de leurs débordements. Ils ont voulu ces violences; ils doivent en assumer les conséquences. Que ceux, en outre, qui les ont inspirés et excités directement ou indirectement, reconnaissent aussi leur responsabilité morale.
Nos institutions, Mesdames et Messieurs les députés, fonctionnent. Elles sont respectées par une large majorité de nos concitoyens. Les chantages à la violence, les menaces et les semeurs de tempête ne sauraient les faire plier et affaiblir ainsi les valeurs civiques, éthiques et humaines, qui, au-delà de nos divergences - et je les respecte - restent la force de notre démocratie. (Applaudissements.)
Mme Fabienne Bugnon(Ve). Je vous remercie d'avoir accepté que nous ayons un débat sur ce sujet, ce soir. Mais je prendrai délibérément un ton moins agressif que celui du président du Conseil d'Etat ! (Manifestation, rires et applaudissements.)
Les événements qui se sont déroulés le 21 novembre sont très graves, d'autant plus qu'ils étaient prévisibles. Les raisons de notre débat de ce soir sont doubles. Nous avons des responsabilités. L'exécutif porte une responsabilité, car il a donné l'autorisation qui a permis le défilé militaire. Le législatif porte, lui aussi, une responsabilité, puisqu'il a refusé de retirer cette autorisation.
Nous, nous étions dans le clan de ceux qui voulaient retirer cette autorisation par la motion du 14 septembre, pour des raisons que je vous rappelle brièvement : à cause de l'opposition de notre canton à l'armée, parce que Genève est une ville de paix, parce que c'est à Genève que de nombreux conflits sont résolus et parce qu'une grande partie du monde est en proie à des conflits armés.
Cela, c'est le passé, mais il est indispensable de le rappeler pour donner un ordre chronologique à cette affaire. Le 21 novembre, le défilé a donc eu lieu; diverses manifestations d'opposition également. Je souhaite ne commenter ni l'un ni les autres, puisque vous étiez présents à l'un ou aux autres, ou parce que vous avez été très largement informés par la presse qui s'est fait l'écho des événements.
Chacun interprète ces événements à sa manière, et, en ce qui me concerne, ce n'est vraiment pas le sujet qui m'intéresse. J'aimerais, au contraire, que ce débat nous amène à comprendre un certain nombre de choses, et je le ferai sous forme de remarques ou de questions que j'adresse aussi bien au Conseil d'Etat qu'à ce Grand Conseil.
D'abord, pourquoi cet acharnement à maintenir un défilé militaire dans un canton qui n'est pas favorable à l'armée, dans une période économique difficile ? L'armée a d'autres moyens de se présenter si vraiment cela correspond à un besoin, ce qui, en soi, paraît tout de même assez surprenant. Cela aurait, par exemple, pu se faire à l'intérieur d'une caserne.
Pourquoi, également, annoncer si longtemps à l'avance ce défilé, provoquant ainsi des tensions inutiles ?
Second point. Les manifestations, parfois violentes, doivent sérieusement nous interpeller sur les besoins de la jeunesse et sur le malaise, la révolte et le mal de vivre que de nombreux jeunes ont démontré à cette occasion. Quelle est notre réaction face à ce malaise ? Je crois que l'on doit tous se poser cette question !
Troisième point. On est obligé de revenir sur l'absurdité de la police ayant pour rôle de protéger l'armée qui veut se présenter à la population; police qui était très présente, trop présente : des forces disproportionnées !
Je ne vais pas m'attarder sur la provocation. Pour nous, l'idée du défilé militaire en lui-même en était une : nous l'avons déjà dit. Le déploiement abusif des forces de police en était une autre. Mais il est vrai que les manifestants étaient également très excités, et force est de constater que ni les organisateurs des manifestations ni les responsables des forces de police n'ont pu maîtriser leurs troupes respectives. Les images de la télévision nous l'ont prouvé.
Derrière la police comme derrière les manifestants se cachent des êtres humains avec leurs qualités, leurs défauts et leurs faiblesses. On ne peut d'un côté comme de l'autre généraliser et donner de bons ou de mauvais points. C'est vrai qu'il y avait des manifestants non violents et que d'autres l'étaient; c'est aussi vrai que la plupart des policiers sont des gens respectables, mais que certains abusent de leur pouvoir, et cela doit cesser.
Je terminerai en m'adressant au gouvernement. Madame, Messieurs les membres du gouvernement, la police exécute des ordres. Elle est à l'image de la politique qui la gouverne. Et lorsque je me suis retrouvée dans la rue, ce 21 novembre, j'ai ressenti les tensions que j'avais connues, il y a longtemps, à l'époque où M. Schmidt dirigeait la police. Je peux vous dire que cela m'a fait froid dans le dos. M. Fontanet puis M. Ziegler ont successivement su apaiser les tensions. Je pense que ces personnes avaient des relais plus directs avec la population, avec les associations, avec la jeunesse. Il me semble que notre gouvernement actuel prouve, une fois de plus, qu'il est coupé de la population, et cela est grave.
Enfin un dernier mot sur les réactions des conseillers d'Etat après les manifestations. Je trouve déplorable que M. Vodoz ait tenté de faire porter la responsabilité à la Ville de Genève, comme il vient de le refaire ce soir. Il sait très bien que les lettres d'autorisation de la Ville de Genève sont des lettres de procédure administrative traitant de la voirie et non de l'autorisation d'un défilé bien particulier.
M. Ramseyer, à la radio, a comparé la démission, que certains lui demandaient, à une fusillade du responsable du GSsA. Je trouve cela lamentable !
Voilà, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, mes remarques, mes questions et mes regrets, regrets que ces événements aient eu lieu et l'espoir qu'ils ne se reproduiront pas. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Christian Ferrazino(AdG). Je regrette que le représentant du Conseil d'Etat, au lieu de rechercher l'apaisement sur ce dossier, ait adopté, comme l'a relevé Mme Bugnon, un ton reflétant surtout le grand clivage qui existe aujourd'hui entre le Conseil d'Etat et une grande partie de la population. Je ne peux pas m'expliquer votre attitude différemment, Monsieur Vodoz !
Pour notre part, nous ne reviendrons pas longtemps sur les raisons qui nous ont amenés à contester ce défilé militaire. Là encore, comme l'a rappelé Mme Bugnon, un tel défilé est tout simplement incompatible avec le rôle de ville de paix que joue Genève. Cette ville reste le siège de la Croix-Rouge et sa vocation, je vous le rappelle, est de contribuer à trouver des solutions pacifiques aux conflits.
Il est, d'autre part, indécent de vouloir valoriser l'armée, Monsieur le président, au moment où la guerre sévit, malheureusement, dans de très nombreux pays du monde. Il n'est pas possible, non plus, de faire abstraction de la situation de crise - vous n'en avez pas parlé - qui touche une grande partie de la population. Celle-ci ne pouvait dès lors ressentir que comme une provocation cette opération saugrenue de propagande visant à justifier, notamment, un programme d'armement de plusieurs centaines de millions.
Cela étant rappelé, nous ne pouvons que fustiger l'attitude du Conseil d'Etat et, plus particulièrement, les propos que nous venons d'entendre. En effet, il était insensé de vouloir maintenir ce défilé, alors que tout le monde pressentait, y compris le gouvernement, qu'il conduirait à une confrontation. Je rejoins pleinement l'avis de Mme Bugnon : il y avait d'autres possibilités, si véritablement l'armée entendait vouloir faire une démonstration, que de faire un défilé. Un ancien magistrat, ancien responsable du parti radical, M. Ducret, l'a exprimé assez clairement, suite aux événements que nous avons vécus.
Lorsqu'on mobilise toute la police, comme cela a été fait par le Conseil d'Etat, c'est bien qu'on s'attend à ce qu'il y ait des troubles de l'ordre public. Alors, il ne faut pas tenir un double langage. On ne pouvait pas, à la fois, dire qu'il fallait accepter ce défilé et, parallèlement, ne pas voir en face les provocations qu'il représentait et les risques de troubles publics qu'il allait engendrer. Et vous le saviez, Monsieur le président ! Vous le saviez, puisque vous avez mobilisé toute la police pour ce défilé militaire !
Ce qui est assez extraordinaire c'est que, finalement, il faut se rappeler qui souhaitait véritablement ce défilé militaire : un seul homme ! C'est le désir d'un seul homme qui n'a même pas consulté ses troupes. A Genève, autre paradoxe, le gouvernement mobilise toute la police pour le caprice pour le moins saugrenu et délirant d'un seul homme ! (Applaudissements.)
Le président. S'il vous plaît ! S'il vous plaît !
Une voix. Oui, mon colonel !
Le président. S'il vous plaît !
Une voix. Bien, mon colonel ! (Des remarques fusent depuis la tribune.)
Le président. Je rappelle aux personnes qui se trouvent à la tribune qu'elles n'ont pas, selon notre loi portant règlement du Grand Conseil, l'autorisation de manifester ! Merci. (Remarques.) Je ferai évacuer la salle, si je le juge nécessaire !
Monsieur le député, vous pouvez continuer.
M. Christian Ferrazino. C'était simplement une invective du colonel Gougler, face à la réaction, ô combien légitime, de cette salle !
Je disais seulement que l'intérêt public non seulement ne commandait pas d'autoriser ce défilé mais, Monsieur Vodoz, il exigeait, face au désir - je le répète - d'un seul homme d'assurer une provocation dans cette République, que le gouvernement renonce à délivrer l'autorisation de défiler. Ce sont les règles de la proportionnalité les plus élémentaires et, en refusant de décommander ce défilé, le gouvernement a gravement failli à sa mission.
Pour notre part, nous ne voulons pas que Genève devienne le théâtre de nouveaux affrontements, et il est temps que nos autorités prennent en considération les préoccupations de la jeunesse et de la majorité de la population. Je vous le rappelle, Monsieur le président, la population s'est clairement exprimée lors du vote pour une Suisse sans armée. Il m'apparaît que vous n'allez pas dans le bon sens, Monsieur le président, lorsque vous osez affirmer qu'il s'agit de «désinformation subversive», alors que votre gouvernement se devait, quant à lui, pour assurer la paix publique, d'interdire ce défilé !
Il est regrettable que le Conseil d'Etat, aujourd'hui, au lieu de tirer ces conclusions, vienne nous dire que sa décision était légitime. Nous espérons, comme Mme Bugnon, que M. Ramseyer ne sera pas le nouveau M. Schmidt et qu'il saura reprendre la politique de ses prédécesseurs ! Cette politique a permis, Monsieur Ramseyer, d'éviter les événements que certaines villes de Suisse ont connus dans notre République. Pour notre part, nous ne souhaitons pas connaître de tels événements.
M. Laurent Moutinot (S). Nous avions dit à l'époque que l'organisation d'un défilé militaire était une erreur. J'ai le regret de constater aujourd'hui que l'analyse que nous présente le chef du gouvernement en est une deuxième, car manifestement, Monsieur le président, vous ne tenez pas suffisamment compte de l'importance des événements qui ont éclaté le 21 novembre 1995.
Ce qui s'est passé révèle un grave malaise de la jeunesse. Il ne s'agit pas de quelques casseurs ou de professionnels, venus d'ailleurs. Cette manifestation, très soudaine et très inattendue - je ne pensais pas qu'elle aurait cette ampleur - a été faite par des jeunes qui sont inquiets, qui n'ont ni espoir pour leur emploi ni aucun idéal auquel se rattacher. Et vous savez, Mesdames et Messieurs les députés, que, lorsque la jeunesse n'a plus d'enthousiasme, cela peut conduire à un véritable drame.
Cela nous oblige à un examen de conscience en tant que parents, enseignants, députés et adultes. Mais je ne m'adresserai ici qu'à la classe politique; les parents et professeurs discuteront ailleurs. Nous devons constater la très faible attractivité des idéaux que nous proposons à la jeunesse. La «Main invisible» mise en scène par Michel Balestra n'attire pas, la «Lutte des classes II : le retour» de l'Alliance de gauche, pas d'avantage. L'«Auberge espagnole», version socialiste, a les mêmes insuccès.
Nous devons, Mesdames et Messieurs les députés, proposer, encourager les idéaux de la jeunesse. Ceux que nous lui donnons maintenant ne sont manifestement pas mobilisateurs, probablement parce que nous attachons trop d'importance à l'argent et que le traitement de la plupart des dossiers, qu'il s'agisse d'instruction publique, d'environnement, d'urbanisme, tient presque toujours compte du seul élément financier. Il est vrai que l'argent est le «nerf de la guerre», mais, s'il dicte nos choix, ceux-ci se voient considérablement restreints.
Nos discours sont généralement empreints de trop de morosité, de trop de négativisme. Nous avons pu voir, par exemple lors du vote au sujet de l'audit, que nous sommes arrivés, à force de dire que tout va mal, à un résultat que nous ne souhaitions pas.
Il n'existe pas de recette miracle, ni de formule toute faite, parce que les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont complexes. En cherchant ce que nous pouvions dire qui soit porteur d'un peu d'espoir, me vient à l'esprit un texte d'Albert Camus qui, dans les heures les plus noires de la deuxième guerre mondiale, écrivait ceci : «Notre tâche d'homme est de trouver les quelques formules qui apaiseront l'angoisse infinie des âmes libres. Nous avons à recoudre ce qui est déchiré, à rendre la justice imaginable dans un monde si évidemment injuste, le bonheur significatif pour des peuples empoisonnés par le malheur du siècle.»
Mesdames et Messieurs les députés, dans l'examen de certains projets de lois, nous avons un réflexe «région» ou un réflexe «eurocompatibilité». Je vous demande, à l'avenir, d'avoir un réflexe «idéal pour la jeunesse».
M. Hervé Burdet (L). Je suis un peu surpris des analyses que j'entends sur les bancs d'en face. On nous brosse un grand panorama de politique générale, alors que Mme Bugnon avait réclamé un débat sur le défilé et les récents événements survenus à ce sujet.
Au nom du groupe des députés libéraux, je tiens à dire que le parti libéral genevois exprime sa vive indignation à la suite des incidents violents, qui ont eu lieu en marge du défilé du régiment genevois. Il souligne que ce défilé, parfaitement légitime, a rassemblé un très nombreux public. On parle de plus de quinze mille personnes. La présentation des unités attachées à la défense de l'aéroport et à la protection des organisations internationales a été très remarquée. Le régiment genevois incarnait bien la volonté d'indépendance et d'action pour la paix de notre pays et, plus particulièrement, de notre cité.
Ceux qui ont semé le désordre sont totalement responsables de leurs actes. Parler à ce propos de violence légitimée par une provocation militaire est une absurdité et une indignité. Ces casseurs ont montré leur mépris d'une culture démocratique. Quant au GSsA, par l'escalade de ses discours agressifs, il a une responsabilité d'incitation, au moins indirecte, à la haine et à la violence.
Belle illustration d'esprit démocratique et pacifique ! Que reste-t-il de la tolérance ?
Le parti libéral estime que l'on entrerait dans un engrenage pervers si les décisions politiques, de quelque nature qu'elles soient, devaient dépendre de la pression, des contestations et des menaces de violence.
L'histoire n'est que trop riche d'exemples où les démocrates cèdent devant les pressions et les violences de quelque bord qu'elles viennent. Le parti libéral réaffirme son engagement viscéral aux valeurs et usages de la démocratie. Il réaffirme, avec force, la notion de responsabilité personnelle et collective de ceux qui ont la charge de cette démocratie.
Le parti libéral affirme, en outre, tout son soutien au Conseil d'Etat et à son président. Il l'appuiera toujours sur le chemin du courage et de la vérité.
M. Pierre Froidevaux (R). Je n'entends pas revenir sur les motifs qui ont conduit à l'autorisation du défilé - ce fut l'objet d'un précédent débat - mais je souhaite parler de ce qui m'a, quant à moi, fortement surpris, lorsque j'y participais activement.
J'ai assuré la visite sanitaire d'entrée d'un des bataillons, soit de cinq cents hommes. J'ai été frappé, cette année, par le fait de devoir éliminer plus de 5% des soldats qui, pour la plupart, se plaignaient essentiellement de souffrance psychosociale. Certains, dont la situation paraissait sans issue, ont refusé, malgré mes injonctions, de quitter définitivement l'armée, espérant y retrouver un jour un cadre rassurant.
Les hommes qui marchent avec discipline ont, parfois, la même détresse personnelle que ceux qui se sont couchés devant les tanks. Ils expriment l'un et l'autre la dureté de notre temps. Ce sont les symptômes d'un mal profond.
Lorsque, pour retrouver des forces de cohésion, l'homme devient grégaire, ayant perdu l'autonomie qui aurait dû faire sa raison, lorsque l'égotisme se transforme en égoïsme de masse, les temps durs que nous vivons peuvent se transformer en temps troubles.
Je ne puis que nous souhaiter un travail constructif dans ce parlement, en ayant toujours à coeur de s'assurer de l'amélioration constante de l'autonomie individuelle. Elle est la meilleure prévention de ces événements pénibles, la voie qui mène au progrès. C'est l'essentiel.
M. Pierre Vanek (AdG). Je ne prendrai pas le ton martial de M. Vodoz pour relever un certain nombre d'éléments de la déclaration du Conseil d'Etat et revenir sur certains propos de députés de la majorité.
Votre intervention, Monsieur Vodoz, consistant à renvoyer simplement cette affaire au rayon des clichés, en parlant des casseurs, est un refus de voir une réalité sociale. Gouverner, c'est prévoir, c'est aussi savoir voir. Si vous aviez reconnu votre erreur d'avoir autorisé ce défilé, si vous aviez présenté quelques éléments d'analyse, vous auriez accompli un acte politique d'une certaine grandeur.
Vous avez attaqué les médias et parlé de leur conception subversive et désinformatrice. Je vais vous lire un extrait d'une publication éminemment «subversive» : l'éditorial de «L'Illustré», dans lequel M. Pillard, qui n'a rien d'un gauchiste, écrit ceci : «Face aux boucliers des policiers genevois déguisés en C.R.S. - et c'est bien de cela qu'il s'agit - c'est tout une jeunesse qui a soudain laissé libre cours à une révolte venue du tréfonds d'elle-même. Aux yeux du collégien comme du squatter, le flic et le militaire devenaient subitement la caricature de cette société hostile où il est toujours plus difficile de trouver place.» Je pense qu'il y a là quelque chose à creuser, mais vous êtes vraiment resté à la surface du problème, avec une caricature de déclaration du Conseil d'Etat.
Vous avez évoqué le fait qu'il s'agissait, pour ce corps militaire, de préserver l'image d'une Genève sûre et accueillante. Etes-vous certain, Monsieur Vodoz, que les événements du mardi 21 novembre - dont vous portez la responsabilité - soient de nature à donner cette image positive ? Vous en portez non seulement la responsabilité mais vous les avez amplifiés par certaines déclarations ne correspondant pas à ce qui s'est réellement passé.
Lorsque vous déclarez que ces unités militaires doivent assurer la protection des organisations internationales et garantir cet aspect extrêmement important de la vie genevoise, je vous rétorque que ce ne sont pas des tâches à confier à l'armée, mais à la police. A l'évidence le dispositif policier considérable a été mobilisé à tort pour ce défilé, qui n'aurait pas dû avoir lieu. En revanche, il devrait l'être pour protéger les organisations internationales.
Vous avez évoqué les déplorables événements de 1932, en niant tout amalgame avec ceux d'aujourd'hui. Mais nous devons, précisément, retenir de cette leçon de l'histoire - dont, par ailleurs, on peut faire une analyse plus radicale - ce à quoi peut mener l'utilisation d'une troupe militaire à des fins policières.
Vous avez déclaré, en préambule, que vous assumiez la responsabilité de ce défilé et en revendiquiez la légitimité. Comme le serment des nouveaux députés nous le rappelle, nous sommes en démocratie et soumis à la suprême autorité du peuple Une majorité de citoyens a défendu, par des voies démocratiques, une position plus radicale que celle consistant à dire que l'armée ne doit pas défiler, à savoir que l'armée soit supprimée. A cela vous répondez que «l'Armée 95» est suisse et parfaitement légale. C'est vrai sur le plan fédéral, mais vous avez également un mandat de la population genevoise qui, en l'occurrence, vous demandait de respecter la volonté populaire en interdisant cette démonstration militaire.
A propos de l'autorisation donnée - ou pas - par le conseiller administratif de la Ville de Genève, vous savez, aussi bien que moi, qu'une majorité du Conseil municipal de la Ville de Genève a voté une résolution demandant que ce défilé ne soit pas autorisé sur notre territoire. Si vous parlez d'institution démocratique, le Conseil municipal de la Ville de Genève est une institution démocratique qui aurait dû être mieux entendue.
Personne n'a évoqué les dix mille signatures récoltées, en un temps record, pour une pétition demandant de surseoir à ce défilé. Une pétition est aussi une institution démocratique, et les pétitionnaires n'ont obtenu, pour seule réponse, que la mobilisation d'un impressionnant dispositif policier. Vous avez commis une erreur politique lamentable, et je déplore que vous ne soyez pas capables de le reconnaître.
Il est parfaitement sain que des centaines de jeunes et de moins jeunes - j'y étais - se soient mobilisés pour contester sur les lieux du défilé. Si ce défilé s'était déroulé à Genève, avec l'histoire qui est la sienne, dans les conditions sociales existantes, sans qu'une partie de la population, de la jeunesse, ne se lève pour protester, cela aurait été beaucoup plus grave et inquiétant pour notre démocratie.
Mme Barbara Polla (L). Rarement défilé militaire n'a fait couler autant d'encre. Bien sûr, c'est normal, nous dit-on, certains à Genève sont pacifistes, certains sont opposés aux défilés militaires. Il est normal qu'ils s'expriment. En ce qui me concerne, je fais partie des premiers : les pacifistes, mais pas des seconds et cela n'est pas incompatible, contrairement à ce que disait tout à l'heure M. Ferrazino.
Je me rends régulièrement, début novembre, à la cérémonie militaire et civile, dont le but est de célébrer la mémoire des soldats de Genève, morts au service de la patrie. Cérémonie militaire au cours de laquelle défilent certains détachements militaires et corps d'élite, aux côtés des représentations et des représentants des sociétés civiles. Cérémonie civile aussi, qui réunit - et réunissait particulièrement le 12 novembre 1995 - une bonne partie de la population.
La Constitution suisse est ainsi faite que l'armée est non seulement aux côtés des civils - pas seulement dans les casernes - mais qu'elle est constituée par eux. Assister à un défilé militaire en Suisse c'est également reconnaître, soutenir, encourager, applaudir l'engagement de nos fils, de nos frères, de nos amis, pour la défense de notre patrie.
Pour nous, politiciens, le bien de la patrie n'est-il pas, comme nous nous y engageons au début de chacune de nos séances, le bien supérieur, dont la défense est essentielle. A cette cérémonie annuelle, point de manifestants, de pseudo-représentants des pacifistes, de casseurs. Il est vrai que ce défilé a lieu le dimanche matin et qu'il est plus émouvant que médiatique. Rien ne sert donc de manifester ou de faire couler de l'encre.
Ce dimanche 12 novembre, lors de cette cérémonie à la mémoire des soldats de Genève, voici ce qu'a dit Gilles Petitpierre. Je cite : «Comme Suisses et Genevois, nous avons cette chance, qui est aussi une responsabilité : celle de bien comprendre et de bien illustrer cette acceptation de la patrie, genevoise et helvétique. Cette patrie au sens le plus noble qui est l'identité personnelle, l'identité collective, exprimée par la patrie, suppose la reconnaissance de l'altérité et de la complémentarité.» Nous sommes, Genevois et Suisses, liés à une Constitution qui inscrit l'armée dans ses institutions, et ce n'est pas parce que Genève a souvent voté différemment de la Suisse, qu'elle ne respecte pas la Constitution suisse, indépendamment de l'objet de la votation. Il n'y a aucune raison qu'il en soit autrement, pour ce qui concerne l'armée.
Messieurs, vous ne vous êtes pas seulement trompés de moyens mais de combat. Nous avons la chance de vivre dans une démocratie, où chacun peut s'exprimer. Si vous êtes opposés à l'existence d'une armée en Suisse, vous avez toutes les possibilités - et vous avez su, en d'autres circonstances, les utiliser - de vous confronter à la population, de chercher à la convaincre, mais vous avez, nous avons, ensuite l'obligation de respecter la loi et la Constitution. S'opposer à un défilé militaire n'est pas un vrai combat politique.
S'agissait-il d'une manifestation pacifiste ? C'eût été possible, encore que, surtout dans un pays neutre, pacifisme et armée ne sont en aucune manière contradictoires, si tant est que le maintien de la paix résulte des moyens mis en oeuvre pour maintenir cette paix si précieuse.
En fait ce ne fut ni un combat politique ni une manifestation pacifiste, mais des manifestations violentes, dont on se prévaut ensuite comme succès et dont on cherche à repousser la responsabilité ailleurs. A cela, nous disons résolument et absolument non, et remercions le Conseil d'Etat de n'avoir pas cédé à la menace à peine voilée de ce type de réactions. Non seulement il ne s'agit pas d'une erreur, comme le prétend M. Vanek, mais d'une position dictée par la démocratie. L'histoire nous démontre bien que, quand on commence à décider sous la menace, cela annonce généralement la fin de la démocratie.
Encourager des casseurs, c'est dire non à la démocratie, à la tolérance, au pacifisme et nous, les libéraux, disons oui à la démocratie, à la tolérance, à la paix et à l'ordre; oui aux moyens qui nous permettent de faire respecter paix et ordre - moyens dont font partie et l'armée et la police - ainsi que la qualité de notre éducation et notre culture.
M. Andreas Saurer (Ve). Je partage jusqu'à un certain point l'avis exprimé par M. Vodoz. Bien sûr, le gouvernement a le droit d'autoriser un défilé militaire. Il s'agit également d'une démarche parfaitement légitime pour une partie de la population. Se pose cependant la question de savoir si une telle décision est politiquement intelligente et judicieuse. Des personnes - comme Mme Buffat et M. Ducret - se sont interrogées sur sa pertinence.
Je suis parfaitement conscient que vous n'avez pas souhaité provoquer, Monsieur Vodoz, comme je vous l'avais fait remarquer au moment du débat sur la motion. La question est de savoir comment une décision peut être perçue par la population et, plus particulièrement, par la jeunesse. Il est évident que la simple vue de l'armée, associée aux gendarmes, constitue une provocation. Même moi, en tant que soldat de l'armée suisse, je sens monter une décharge d'adrénaline quand je vois l'armée entourée de la police.
Cette manifestation n'était-elle le fait que d'une minorité ? J'en doute sérieusement, et vous aurez beaucoup de peine, Messieurs les conseillers d'Etat, à prouver que la majorité de la jeunesse soutient l'armée et le défilé militaire. Pourtant cette jeunesse n'est pas une jeunesse de casseurs, comme l'a prouvé la manifestation de samedi dernier. Elle a attiré plus de participants que celle de mardi. La manifestation de samedi s'est déroulée sans problème, du fait que chacun s'est senti responsabilisé et qu'il n'y avait ni provocation ni agent de police. La police a effectivement joué un rôle très discret et les organisateurs avaient insisté sur le fait qu'il s'agissait d'une manifestation non violente.
J'ai été étonné de l'attitude de M. Beer, chef de la gendarmerie. Sur ses ordres, la police a refoulé les manifestants vers le quartier des Eaux-Vives. C'était, sans doute, le meilleur moyen d'exciter les jeunes et de les inciter à «casser». Par analogie, lors d'une manifestation de Contratom, M. Beer avait fait boucler le quartier de l'ambassade de France, de sorte que la foule s'est trouvée enfermée dans un cul-de-sac. Il avait fallu négocier et expliquer, à ce pauvre M. Beer, qu'il serait sans doute souhaitable d'ouvrir les barricades, afin de permettre aux manifestants de se disperser !
Enfin, lorsque je suis passé, samedi dernier, par la rue de la Corraterie, j'ai constaté que les lampadaires de Noël avaient été posés provisoirement dans des trous sans être scellés et auraient pu constituer des barres redoutables, d'une vingtaine de kilos chacune. Je n'ose pas imaginer ce qui se serait passé s'il y avait eu un échauffement de la manifestation. Ces lampadaires auraient pu servir à faire des casses incroyables. Les bras m'en tombent de constater que le chef de la gendarmerie ne se rende pas sur le terrain et ne procède pas à l'enlèvement de tels objets. La police a un rôle de prévention et aurait dû enlever ces objets.
Evidemment, on peut avoir une tout autre lecture de ces événements. En effet, chaque année, vous nous «offrez» ce qu'il faut bien appeler des «maladresses» : hier le SAN et Montana, aujourd'hui le défilé militaire. Je vous suggère, parce que c'est légal et légitime, d'organiser un défilé de la police protégée, cette fois-ci, par l'armée. Ainsi, il y aurait à nouveau des problèmes, et je vous garantis que c'est le meilleur moyen d'avoir, d'ici deux ans, un gouvernement homogène non pas de droite, mais vert, rouge et rose !
M. Gilles Godinat (AdG). Cette interpellation urgente s'adresse à M. Haegi, chef du département du département de l'intérieur et des affaires régionales.
Un récent arrêt du Tribunal administratif a déclaré illégale la procédure appliquée par le DIER en matière d'abattage d'arbres, du fait que seules les requêtes en autorisation d'abattage sont publiées dans la «Feuille d'avis officielle», et non les autorisations. Le DIER va-t-il se conformer aux exigences légales rappelées par le Tribunal administratif et procéder dorénavant à la publication des autorisations d'abattage d'arbres dans la FAO ?
Mme Liliane Charrière Urben (S). Mon interpellation s'adresse à Mme Brunschwig Graf, présidente du département de l'instruction publique, au sujet de la Société genevoise pour l'intégration professionnelle des adolescents, qu'on appelle plus couramment la SGIPA. Nous aimerions savoir, compte tenu de la prochaine assemblée de cette association, quelles sont les intentions du DIP à propos de cette institution, qui reçoit des élèves en préapprentissage.
Le département a-t-il l'intention d'augmenter le nombre de telles places, si, comme on peut le supposer, une demande accrue se faisait sentir ? Quels sont les plans pour garantir les responsabilités de l'Etat envers le dixième degré, y compris le préapprentissage, qui fait partie intégrante du système d'enseignement public ?
Enfin, Madame Brunschwig Graf, pouvez-vous nous rassurer au sujet des rumeurs qui courent au sujet la privatisation de cet établissement ?
Le président. Il sera répondu à votre interpellation au point 16 bis de l'ordre du jour.
M. Andreas Saurer (Ve). Mon interpellation urgente concerne la loi sur l'aide à domicile.
Je devrais donc m'adresser à M. Segond, mais, étant donné que je lui ai déjà posé cette question à plusieurs reprises sans grand succès, je préférerais m'adresser soit au président du Conseil d'Etat, soit à sa remplaçante, Mme Brunschwig Graf, qui connaît bien le problème. Comme vous êtes là tous les trois, c'est parfait !
Vous vous souvenez peut-être que, le 14 février 1992, la population genevoise a accepté la loi sur l'aide à domicile. L'année suivante, le 1er janvier 1993, cette loi est entrée en vigueur. A son article 9, alinéa 5, il est stipulé : «Le Conseil d'Etat présente au Grand Conseil un rapport annuel.»
Voilà bientôt trois ans que cette loi est appliquée, mais nous n'avons toujours pas vu de rapport. Je l'ai réclamé à plusieurs reprises à M. Segond qui m'a répondu de ne pas m'en faire, car il allait présenter prochainement un très gros rapport avec toutes les informations voulues. Il y a une année, une motion présentée par nos collègues des bancs d'en face demandait la même chose, à savoir un rapport sur l'aide à domicile. Nous n'avons toujours rien vu !
En désespoir de cause, je ne m'adresse donc plus au chef du département concerné mais au président du Conseil d'Etat, voire à Mme Brunschwig Graf qui, je crois, partage mon point de vue. Le gouvernement sur ce sujet ne semble pas aussi homogène qu'on pourrait le croire. C'est pourquoi, Monsieur Vodoz ou Madame Brunschwig Graf, j'écouterai votre réponse avec intérêt.
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente au point 22 bis de notre ordre du jour.
M. Michel Balestra (L). Le canton de Genève est donc le meilleur élève de la classe pour la qualité de sa gestion et sa détermination à respecter son plan financier quadriennal. J'aimerais ici rendre hommage au Conseil d'Etat, à la commission des finances et aux collaborateurs de la fonction publique pour cette réussite collective.
Malheureusement, alors que l'économie est toujours aussi morose pour des raisons qui nous échappent et nous englobent, alors que cette situation brise le moral des chefs d'entreprise qui doivent aussi, chaque année, équilibrer leurs comptes, les employés des TPG revendiquent une diminution des horaires et d'autres avantages qui vont coûter cher à la collectivité.
Mesdames et Messieurs, il y a du chômage à Genève, et si certains sont fatigués de travailler d'autres en ont une folle envie. Il faut les respecter et ne pas se plaindre publiquement lorsqu'on a la chance d'avoir la garantie de l'emploi, un salaire supérieur à la moyenne et des conditions de travail hors du commun. Je ne me fais pas de souci pour ces revendications en tant que telles. On peut même considérer qu'il est normal de demander, mais elles posent le problème de l'autonomie des régies comme les TPG.
Madame et Messieurs du Conseil d'Etat, la communication entre vous et les employés est-elle suffisante ? La véritable culture d'entreprise face à la nécessité du redressement des finances publiques, qui rassemble la majorité des employés de la fonction publique, est-elle partagée par les employés de la régie des TPG ?
Le contrat de prestations, prévu dans le contre-projet à l'initiative 103, ne renforcera-t-il pas encore ce sentiment d'indépendance face aux réalités du budget de l'Etat ? Car il ne faut pas oublier que, lorsqu'on parle de bénéfices aux TPG, il s'agit de non-dépenses ou de trop-perçu. Les TPG bénéficient de l'aide de l'Etat à hauteur de 147 millions par an, si l'on ajoute à la subvention principale toutes les aides diverses allouées à cette entreprise. Aussi longtemps qu'il en sera ainsi il n'y aura pas de bénéfices au sens strict.
Les employés de cette régie, qui est de mieux en mieux gérée et de plus en plus efficace - je le reconnais volontiers - sont-ils conscients que le dépôt des TPG, qui émarge encore au budget de l'Etat, est un élément déterminant de la nouvelle qualité du travail et que les économies engendrées par la rationalisation dans cette entreprise sont notamment possibles grâce à cette nouvelle infrastructure ?
L'initiative 103 s'intitule : «Des transports publics au service des citoyens» et non pas au service exclusif de son personnel ! J'espère que le Conseil d'Etat pourra faire passer ce message et que le Grand Conseil pourra respecter l'objectif majoritairement accepté de redressement des finances publiques, afin que Genève puisse continuer à être le meilleur élève de la classe, le canton le mieux géré de Suisse et que les électeurs genevois puissent être fiers, en parlant de leur gouvernement cohérent et homogène - je dis «homogène», car qui pourrait confondre Guy-Olivier Segond et Olivier Vodoz - des résultats de ceux qu'ils ont majoritairement élus.
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente au point 41 de notre ordre du jour.
M. Andreas Saurer (Ve). Je souhaite poser une petite question à M. Ramseyer, concernant une interpellation de police qui a eu lieu sur la plaine de Plainpalais.
Je ne reviens pas sur les faits, car nous avons déjà échangé quelques propos à ce sujet avec M. Ramseyer. Je vous remercie de m'avoir transmis le constat que vous avez fait vous-même dans cette affaire.
Un point me surprend cependant concernant cette interpellation qui ne s'est pas très bien passée, puisqu'elle a duré une heure et demie. Selon le rapport que vous m'avez transmis, un des agents a déclaré avoir tenu les propos suivants lors de cette intervention : «Nous sommes en Suisse, pas chez les sauvages !».
J'estime que ces propos sont parfaitement racistes et xénophobes. Même si la tension monte quelquefois, de telles choses ne devraient pas être dites. Ma question est donc la suivante : que compte faire le Conseil d'Etat ou qu'a-t-il déjà fait pour combattre les attitudes xénophobes et racistes qu'on trouve, pour des raisons diverses, particulièrement dans le milieu de la police ?
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente au point 40 ter de notre ordre du jour.
M. John Dupraz (R). Mon interpellation urgente s'adresse à Mme Brunschwig Graf et concerne l'ordonnance pour la reconnaissance des certificats de maturité (ORCM). Il semblerait que M. Cotti a mis en consultation une nouvelle ordonnance dans laquelle la deuxième langue nationale serait, à option, l'allemand ou l'italien.
A ce titre, dans certains commentaires généraux, Mme Brunschwig Graf aurait dit que, en première année, les élèves pourraient choisir entre l'allemand ou l'italien. Je suis très inquiet de cette disposition, ainsi que de cette prise de position, car les deux tiers du pays parlent allemand et, pratiquement, tous les centres de décision économiques, politiques, syndicaux se trouvent en Suisse allemande : il est donc clair que l'allemand est une langue prioritaire.
Il m'apparaît donc que pour l'égalité des chances des élèves qui, eux, ne peuvent se rendre compte, à l'âge de quatorze ou quinze ans, de l'intérêt d'apprendre l'allemand plutôt que l'italien, l'allemand doit être prioritaire. Je ne comprends pas pourquoi on offrirait un tel choix aux élèves et pourquoi l'allemand ne resterait pas une langue obligatoire en tant que deuxième langue nationale. Il en va de l'intérêt des élèves pour leur avenir professionnel.
Je souhaiterais connaître la position du Conseil d'Etat en la matière et si la commission de l'enseignement a débattu de ce problème.
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente au point 16 ter de notre ordre du jour.
LE GRAND CONSEIL,
vu l'article 161 de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847,
Décrète ce qui suit:
CHAPITRE I
Dispositions générales
Article 1
Rôle
1 La haute école spécialisée de la République et canton de Genève comprend les unités d'enseignement suivantes:
a) de l'ingénierie et de l'architecture;
b) commercial;
c) de l'agriculture, de l'horticulture et du paysagisme;
d) des arts appliqués et des arts visuels;
e) social et de la santé;
f) de la musique.
2 Chaque unité d'enseignement comprend des sections correspondant aux différentes formations qui y sont dispensées. Chaque section comprend une ou plusieurs filières de formation.
3 La loi fixe les conditions de reconnaissance des filières du niveau des hautes écoles spécialisées relevant de la compétence du canton.
4 Une filière de formation qui n'aurait pas l'importance suffisante pour être intégrée dans la haute école spécialisée peut, sur décision du Grand Conseil, faire l'objet d'une collaboration avec une haute école spécialisée d'un autre canton, voire être intégrée dans une haute école spécialisée intercantonale.
5 Pour tenir compte de la revalorisation de filières de formation existantes ou futures, d'autres hautes écoles spécialisées cantonales comprenant une ou plusieurs unités d'enseignement peuvent, sur décision du Grand Conseil, être créées.
Art. 2
Organisation
1 La haute école spécialisée fait partie de l'enseignement public supérieur et universitaire.
2 La haute école spécialisée édicte, conformément aux dispositions de la présente loi, les règlements nécessaires à l'exécution des tâches qui lui sont assignées.
3 Elle élabore un programme général approuvé par le Conseil d'Etat.
CHAPITRE II
Mission des hautes écoles spécialisées
Art. 3
Principes
1 La haute école spécialisée est au service de la collectivité.
2 La liberté de l'enseignement et de la recherche et la liberté de l'expression artistique sont garanties.
Art. 4
Objectifs
1 La haute école spécialisée dispense un enseignement axé sur la pratique, préparant à l'exercice d'activités professionnelles qui requièrent l'application et le développement de connaissances et de méthodes scientifiques ou appellent une capacité de création artistique. Elle transmet aux étudiants des connaissances générales et fondamentales qui les rendent notamment aptes à:
a)
exercer leur activité professionnelle en tenant compte des connaissances et des développements les plus récents de la science et de la pratique;
b)
développer et appliquer, de manière autonome ou en groupe, des méthodes leur permettant de résoudre les problèmes qui se posent dans leur activité professionnelle;
c)
assumer les fonctions dirigeantes;
d)
raisonner et agir de manière globale et pluridisciplinaire;
e)
assumer des responsabilités de nature sociale et à s'engager pour la sauvegarde de l'environnement et des conditions nécessaires à la vie humaine.
2 Elle contribue à la formation continue et permet aux étudiants d'approfondir leurs connaissances dans un domaine d'études particulier ou d'acquérir des connaissances spécifiques dans de nouveaux domaines.
3 Elle se charge de travaux de recherche appliquée et de développement.
4 Dans la mesure compatible avec sa mission de formation, elle fournit des services à des tiers.
5 La haute école spécialisée favorise la réalisation de l'égalité entre femmes et hommes et s'efforce de parvenir à une représentation équilibrée des 2 sexes à tous les niveaux et dans tous les organes.
Art. 5
Collaboration avec les hautes écoles spécialisées
1 La haute école spécialisée collabore avec les autres hautes écoles spécialisées de Suisse en veillant notamment à la coordination des enseignements, des services et des travaux de recherche et de développement.
2 En particulier, la haute école spécialisée développe une étroite collaboration intercantonale en s'assurant:
a)
du maintien et de la création dans le canton de Genève des filières de formation, jusqu'au diplôme, répondant aux besoins de formation de la population et de l'économie locale et régionale;
b)
du respect de la démocratisation des études;
c)
de la préservation de la voie scolaire intégrée propre à l'école d'ingénieurs de Genève;
d)
de la préservation des contrôles démocratiques cantonaux.
Art. 6
Autres collaborations
1 La haute école spécialisée collabore également avec:
a)
l'université de Genève et d'autres hautes écoles;
b)
les écoles et les entreprises qui assurent la formation préalable de leurs étudiantes et étudiants;
c)
les organisations et les institutions oeuvrant dans les domaines de la formation, de la science, de la recherche, de la culture et des arts;
d)
les entreprises, les associations et les autorités.
2 Elle favorise les échanges d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs avec d'autres établissements de formation supérieure d'autres cantons et d'autres pays.
3 Elle favorise la reconnaissance mutuelle des études et des diplômes.
Art. 7
Evaluation
La haute école spécialisée évalue régulièrement la qualité de son activité de formation, de formation continue, de recherche et de développement ainsi que la qualité de ses services.
Art. 8
Information
La haute école spécialisée informe régulièrement le public de ses activités.
CHAPITRE III
Formation et formation continue
Art. 9
Admission
1 Toute personne qui remplit l'une des conditions ci-après peut être admise dans la haute école spécialisée:
a)
posséder une maturité professionnelle reconnue par la Confédération;
b)
pour les unités d'enseignement assurant la formation préparatoire, posséder une formation préparatoire appropriée reconnue;
c)
posséder une maturité gymnasiale reconnue par la Confédération et disposer des connaissances professionnelles théoriques et pratiques appropriées; la formation professionnelle théorique et pratique peut être acquise durant les études dans l'unité d'enseignement concernée;
d)
être au bénéfice d'une formation préalable reconnue équivalente;
e)
avoir réussi l'examen d'admission.
2 Des conditions supplémentaires peuvent être admises dans les filières exigeant des aptitudes spécifiques ou une expérience professionnelle.
3 Les études déjà effectuées sont prises en compte lors du passage d'une haute école spécialisée dans une autre.
Art. 10
Forme et durée des études
1 La haute école spécialisée peut prévoir des formations à plein temps ou en cours d'emploi. La formation peut être organisée selon un système d'unités capitalisables validées par des attestations intermédiaires.
2 La formation dure au moins 3 ans si elle est suivie à plein temps et au moins 4 ans si elle est suivie en cours d'emploi. La formation organisée selon le système d'unités capitalisables doit représenter une durée totale nette équivalant à la durée de la formation à plein temps ou en cours d'emploi.
Art. 11
Formation continue
1 En règle générale, les formations continues sont destinées aux diplômés de l'enseignement supérieur, ou à des personnes au bénéfice d'une formation jugée équivalente, qui possèdent les savoirs et le savoir-faire requis. Elles permettent aux diplômés d'approfondir leurs connaissances dans les domaines d'études particuliers ou d'acquérir des connaissances spécifiques dans de nouveaux domaines.
2 La haute école spécialisée définit les conditions d'accès à ces formations.
Art. 12
Filières
Sous réserve de l'article 1, alinéas 2, 4 et 5, de la présente loi, chaque unité d'enseignement définit, dans un règlement approuvé par le conseil de la haute école spécialisée, les différentes filières d'enseignement.
Art. 13
Diplômes, certificats et attestations
1 Les études dans la haute école spécialisée sont sanctionnées par un examen final dont les conditions sont fixées dans un règlement approuvé par le conseil de la haute école spécialisée.
2 La haute école spécialisée délivre:
a) des diplômes;
b) des certificats sanctionnant une formation postgrade;
c) des attestations d'étude.
Art. 14
Titre
1 Les diplômes délivrés par la haute école spécialisée donnent droit à leurs titulaires de porter le titre correspondant.
2 Ce titre est protégé.
Art. 15
Recherche et développement
1 La haute école spécialisée exerce des activités dans le domaine de la recherche appliquée et du développement pour assurer une coopération avec les milieux scientifiques et professionnels. Elle intègre les résultats de ces travaux à son enseignement.
2 Elle prévoit une collaboration adéquate avec les autres établissements supérieurs de recherche et de développement universitaires aussi bien au niveau cantonal que régional, fédéral et international.
Art. 16
Services
1 En fournissant des services à des tiers, la haute école spécialisée assure une coopération avec les milieux scientifiques, professionnels, économiques, sociaux et culturels.
2 En règle générale, les tarifs demandés pour l'exécution d'un mandat doivent couvrir les frais et tenir compte des tarifs en vigueur dans le secteur concerné.
3 Si le secteur privé peut fournir des services équivalents, la haute école spécialisée veille à ne pas fausser la concurrence.
4 L'acceptation de mandats ou de subsides, la conclusion de contrats et la participation à des organisations ou à des entreprises ne doivent pas compromettre la mission de formation supérieure de la haute école spécialisée ni aliéner l'indépendance dont elle jouit dans son activité de formation, de formation continue, de recherche et de développement.
Art. 17
Participation
1 Le personnel, les étudiantes et étudiants de la haute école spécialisée sont associés à la gestion de la haute école spécialisée.
2 Le droit d'association et de réunion sur les lieux de travail est garanti. Les réunions ne doivent pas perturber l'enseignement.
Art. 18
Egalité des sexes
1 Les hommes et les femmes sont placés sur un pied d'égalité.
2 La haute école spécialisée favorise la mise en oeuvre effective du principe de l'égalité des sexes en adoptant des mesures appropriées à cet effet.
3 Elle s'emploie à assurer une représentation équilibrée des 2 sexes à tous les niveaux et dans tous les organes de l'école.
Art. 19
Institutions sociales et culturelles
La haute école spécialisée encourage les institutions sociales et culturelles destinées à la communauté estudiantine et au personnel de l'école.
Art. 20
Conseils
La haute école spécialisée prodigue conseils, informations et appui aux personnes qui souhaitent être assistées dans l'organisation de leurs études ou de leur plan de carrière ainsi qu'à celles qui désirent améliorer leur méthode d'apprentissage ou d'enseignement.
Art. 21
Liberté académique
1 Dans l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et de recherche, les membres du corps enseignant de la haute école spécialisée jouissent de la liberté académique reconnue et garantie par l'Etat.
2 La liberté académique inclut, outre la liberté de pensée et d'expression, la liberté de l'enseignement, de la recherche et des études; elle s'exerce dans le respect des principes fondamentaux de l'enseignement et de la recherche.
3 L'exercice de cette liberté trouve ses limites dans les objectifs assignés à la haute école spécialisée, les programmes d'enseignement et de recherche que celle-ci s'est données, et dans les moyens matériels et financiers dont elle dispose. En particulier, les membres du corps enseignant, dans les limites de leur statut et des programmes d'enseignement et de recherche des sections dans lesquelles ils enseignent, peuvent concevoir leur enseignement et leur recherche selon les exigences de leur pensée scientifique.
4 De même les étudiants peuvent, compte tenu des programmes établis, choisir librement les études qu'ils veulent entreprendre.
CHAPITRE IV
Statut du personnel
Art. 22
Statut juridique et autonomie
1 La haute école spécialisée est un établissement de droit public autonome doté de la personnalité juridique.
2 Elle est autonome dans les limites fixées par la constitution et par la loi.
3 Elle est soumise à la haute surveillance du Conseil d'Etat.
Art. 23
Ressources
1 La haute école spécialisée est placée sous la surveillance de l'Etat qui lui fournit, dans le cadre de son budget, les principaux moyens dont elle a besoin pour accomplir sa mission.
2 La haute école spécialisée reçoit les subsides et subventions alloués par la Confédération pour les filières de formation reconnues par celle-ci.
3 Si l'exercice de sa mission l'exige, elle peut:
a)
accepter des mandats et des subsides;
b)
conclure des contrats avec des tiers;
c)
participer à des organisations et à des entreprises.
4 Les budgets et les comptes de l'école doivent être approuvés par le Grand Conseil.
Art. 24
Responsabilité
La haute école spécialisée est responsable des actes commis par les membres de son personnel dans l'exercice de leur activité. La loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes, du 24 février 1989, s'applique.
Art. 25
Personnel
Le personnel de la haute école spécialisée se compose:
a)
du corps enseignant;
b)
des assistants et assistantes;
c)
des autres collaboratrices et collaborateurs de l'école.
Art. 26
Statut du personnel
1 Le statut du personnel de la haute école spécialisée est régi par le statut de la fonction publique. Il est régi par une loi.
2 Le Conseil d'Etat fixe, par voie de règlements, les dispositions d'exécution dudit statut.
Art. 27
Corps enseignant
Les membres du corps enseignant doivent être titulaires d'un diplôme d'une université ou d'une haute école et posséder les aptitudes didactiques et méthodologiques requises.
L'enseignement dans les branches spécifiques requiert en outre une solide expérience professionnelle.
Art. 28
Compétences didactiques et méthodologiques
La haute école spécialisée s'attache à développer les compétences didactiques et méthodologiques du corps enseignant.
Art. 29
Congés de formation ou de recherche
La haute école spécialisée accorde les congés payés aux membres du corps enseignant qui souhaitent se consacrer à une activité de recherche ou de formation.
Art. 30
Assistantes et assistants
1 Les assistantes et assistants collaborent aux activités de formation et de formation continue, aux travaux de recherche et de développement et aux services.
2 Ils sont engagés pour une durée déterminée.
3 Les assistantes et assistants sont autorisés à consacrer une juste part de leur temps de travail à la poursuite de leur formation.
Art. 31
Association d'étudiantes et d'étudiants
1 Les étudiantes et étudiants inscrits dans la haute école spécialisée peuvent constituer une association d'étudiantes et d'étudiants.
2 L'association d'étudiantes et d'étudiants peut proposer des services à la communauté estudiantine et au personnel de l'école; elle peut aussi organiser des activités culturelles à leur intention.
3 La haute école spécialisée peut prélever une contribution auprès des étudiantes et étudiants afin de financer les activités de l'association.
CHAPITRE V
Plan de développement et rapport de gestion
Art. 32
Plans de développement
1 Les plans de développement de la haute école spécialisée relèvent à la fois de la compétence de l'Etat et de celle de la haute école spécialisée.
2 Ils fixent les objectifs prioritaires à moyen ou long terme et les domaines dont il faut développer l'importance.
3 Les plans de développement de la haute école spécialisée sont approuvés par le Grand Conseil et comprennent:
a)
les objectifs et orientations;
b)
le plan pluriannuel et le plan financier de l'école.
Art. 33
Rapport de gestion
La haute école spécialisée soumet annuellement un rapport de gestion au Grand Conseil.
CHAPITRE VI
Organisation
Art. 34
Organes
La haute école spécialisée comprend:
a)
le conseil de la haute école spécialisée;
b)
le bureau exécutif;
c)
les directions des unités d'enseignement.
Art. 35
Le conseil de la haute école spécialisée
1 Le conseil de la haute école spécialisée est chargé de définir la politique générale d'enseignement et de recherche, la politique financière et budgétaire, la politique de l'engagement du personnel et la formation continue.
2 Il se compose:
a)
. .
b)
d'un membre par parti politique représenté au Grand Conseil désigné par celui-ci;
c)
des directeurs des unités d'enseignement;
d)
de 12 membres élus par les enseignants;
e)
de 2 membres élus par les assistants;
f)
de 4 membres élus par le personnel administratif et technique;
g)
de 6 membres élus par les étudiants;
h)
de 3 membres représentant les organisations syndicales de travailleurs;
i)
de 3 membres représentant les organisations syndicales d'employeurs.
Art. 36
Compétences
Le conseil de la haute école spécialisée est notamment chargé de:
a)
préparer les dossiers de candidatures pour la reconnaissance et le subventionnement des formations de la compétence de l'autorité fédérale;
b)
préparer un plan pluriannuel et le plan financier;
c)
établir le budget de fonctionnement et d'investissements, les comptes et le bilan annuel;
d)
préparer et présenter un rapport annuel de gestion;
e)
nommer les directrices ou directeurs d'unité sur présentation du conseil de direction de l'unité;
f)
désigner les membres du bureau exécutif;
g)
nommer les membres des conseils consultatifs de chaque unité d'enseignement sur proposition de l'organisation représentative concernée;
h)
définir les conditions générales qui président à l'organisation des programmes d'études;
i)
sous réserve de l'approbation du Conseil d'Etat, adopter les règlements et directives internes de la haute école spécialisée et de ses différentes unités d'enseignement;
j)
désigner le ou les représentants de la haute école spécialisée dans les instances fédérales relatives aux hautes écoles spécialisées;
k)
présenter au Conseil d'Etat la nomination ou la révocation des membres du personnel de la haute école spécialisée.
Art. 37
Bureau exécutif
1 Le bureau exécutif est composé de 5 membres, dont le président de la haute école spécialisée.
2 Il est chargé de la mise en oeuvre de la politique arrêtée par le conseil de la haute école spécialisée et de la gestion opérationnelle de l'école.
3 Les membres du bureau exécutif sont désignés par le conseil de la haute école spécialisée pour une période de 4 ans non renouvelable.
Art. 38
La direction de l'unité d'enseignement
La direction de l'unité d'enseignement comprend:
a) la directrice ou le directeur et les doyens;
b) le conseil de direction;
c) le conseil consultatif de l'unité d'enseignement.
Art. 39
Directeur ou directrice
1 Chaque unité d'enseignement est dirigée par une directrice ou un directeur, qui est responsable de la gestion de cette unité d'enseignement devant le conseil de direction de l'unité.
2 La directrice ou le directeur de l'unité est nommé pour 4 ans par le conseil de la haute école spécialisée sur proposition du conseil de direction de l'unité concernée. Le mandat de directrice ou de directeur n'est pas immédiatement renouvelable.
Art. 40
Doyenne ou doyen
1 Les doyens sont désignés, sur proposition des enseignants, par le conseil de direction parmi les enseignants de l'unité d'enseignement concernée pour une période de 4 ans non renouvelable immédiatement.
2 Chaque doyenne ou doyen est responsable de la gestion courante d'une section de l'unité d'enseignement.
3 Chaque doyenne ou doyen est déchargé d'une partie de son enseignement pour accomplir sa mission de gestion de la section qui lui est confiée.
Art. 41
Conseil de direction
1 Le conseil de direction fixe, dans le cadre de la stratégie de la haute école spécialisée, les objectifs et l'organisation dans les domaines de la formation, de la recherche et services de chaque unité d'enseignement. Il gère les moyens financiers attribués à l'unité d'enseignement, en fonction des tâches assignées.
2 Le conseil de direction de l'unité d'enseignement:
a)
édicte les directives internes de l'unité d'enseignement;
b)
propose la directrice ou le directeur de l'unité au conseil de la haute école spécialisée;
c)
nomme les doyens de section;
d)
établit le budget de l'unité d'enseignement;
e)
sous réserve des attributions de nomination et de révocation du Conseil d'Etat et des dispositions du statut du personnel, il engage et licencie le personnel, prépare et présente au conseil de la haute école spécialisée le rapport annuel de gestion de l'unité.
Art. 42
Composition du conseil de direction
1 Le conseil de direction comprend d'une part:
a)
la directrice ou le directeur de l'unité d'enseignement;
b)
les doyennes et doyens de section;
et, d'autre part, un nombre égal de:
a)
représentants du corps enseignant;
b)
représentants des assistantes et assistants;
c)
représentants du personnel administratif et technique.
Art. 43
Conseil consultatif de l'unité d'enseignement
1 Le conseil consultatif conseille l'unité d'enseignement dans les affaires importantes concernant les études, la recherche, le développement et les services.
2 Le conseil consultatif comprend des représentants des milieux professionnels et syndicaux ainsi que des représentants des enseignants, des assistants et des étudiants.
3 Les membres du conseil consultatif sont nommés pour une période de 4 ans par le conseil de la haute école spécialisée sur proposition de l'organisation représentative concernée.
4 Le conseil consultatif se réunit au moins une fois par année.
CHAPITRE VII
Attributions des autorités cantonales
Art. 44
Pouvoir d'approbation du Grand Conseil et du Conseil d'Etat
1 Sont soumis à l'approbation du Grand Conseil:
a) les budgets annuels de fonctionnement et d'investis sement;
b)
le rapport annuel de gestion avec les comptes et le bilan;
c)
les plans de développement de la haute école spécialisée;
d)
les dossiers de candidature relative à la création et à la gestion de filières du niveau de hautes écoles spécialisées soumises par la loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées;
e)
la reconnaissance de filières de formation relevant de la compétence du canton;
f)
la mise en place de filières de formation en collaboration avec d'autres hautes écoles spécialisées ou au sein d'une haute école spécialisée intercantonale.
2 Sont soumis à l'approbation du Conseil d'Etat:
a)
la nomination et la révocation du personnel de la haute école spécialisée;
b)
le programme général de la haute école spécialisée;
c)
les règlements et directives internes de la haute école spécialisée et de ses différentes unités d'enseignement.
CHAPITRE VIII
Dispositions finales
Art. 45
Dispositions pénales
1 Est puni des arrêts ou de l'amende quiconque s'arroge un titre relevant de l'article 14 sans avoir réussi les examens requis.
2 Les infractions sont également passibles d'une sanction pénale si elles sont commises par négligence.
Art. 46
Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Deux motions relatives aux hautes écoles spécialisées ont été récemment renvoyées à la commission de l'université: l'une - la motion 1007 - émanant des socialistes et l'autre - la motion 1011 - de l'Alliance de gauche. Par ces deux motions les motionnaires entendaient saisir le Grand Conseil d'une importante question concernant l'avenir de la formation professionnelle supérieure à Genève.
Depuis lors, plusieurs cantons ont mis en consultation des projet de lois cantonales relatifs aux hautes écoles spécialisées.
Ainsi, le département de l'instruction publique du canton de Berne a présenté, le 17 mai dernier, un important rapport au Conseil exécutif à l'intention du Grand Conseil concernant un projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées. Dans ce rapport, le canton de Berne prévoit d'instituer - d'ici l'automne 1997 - une HES pour la technique, l'architecture et l'économie, une HES d'art et une HES préparant aux professions de la santé et du secteur social, soit trois hautes écoles spécialisées.
De son côté, le canton de Soleure a présenté, le 20 juillet 1995, un projet de loi similaire.
Plusieurs autres cantons préparent aujourd'hui des projets de lois dans ce domaine.
Le présent projet de loi vise à matérialiser les motions précitées. Il s'inspire - pour une large part - du projet de loi sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne. Il s'inspire aussi, sur certains points, du projet de loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées. Ce dernier projet concerne essentiellement les formations reconnues par la Confédération. Cependant, le concept de haute école spécialisée n'est pas prévu être réservé à ces formations. C'est la raison pour laquelle le présent projet de loi reprend des définitions contenues dans le projet fédéral pour l'ensemble des formations relevant de la compétence cantonale.
Pour faciliter la compréhension du présent projet de loi, l'exposé des motifs indiquera entre parenthèses et en italique - chaque fois qu'une telle référence existe - les dispositions du projet de loi bernois et celles du projet de loi fédérale.
Par souci de concision, le présent exposé des motifs ne reprendra pas les considérations développées par les motionnaires pour fonder leurs conclusions. Nombre d'entre elles justifient le présent projet de loi.
Principes généraux
Article 1
La loi cantonale sur la haute école spécialisée constitue la base légale cantonale pour l'ensemble des formations du niveau HES soit aussi bien des filières relevant de la compétence de la Confédération - formations d'ingénieurs et d'architectes, formations de cadres pour l'économie et l'administration, etc. - que des filières relevant de la compétence du canton telles que les formations supérieures du secteur de la santé, du secteur social, du secteur artistique et musical.
En ce qui concerne les formations relevant de la compétence de la Confédération, la création de telles filières de formations devra faire l'objet d'une demande aux autorités fédérales (art. 36 et 44 du présent projet de loi). Relevons que nombre de filières devant être transformées par la loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées en filières du niveau HES sont déjà reconnues et subventionnées par la Confédération depuis longtemps comme des formations de niveau supérieur (école d'ingénieurs de Genève notamment).
S'agissant des filières relevant de la compétence du canton, le présent projet de loi fixe les conditions de reconnaissance (art. 3 et suivants) et l'instance de reconnaissance (art. 44).
Une filière de formation n'ayant pas l'importance suffisante pour être intégrée dans la haute école spécialisée peut - sur décision du Grand Conseil et aux conditions de collaboration énoncées à l'article 5, alinéa 2, du présent projet - faire l'objet d'une collaboration avec une haute école spécialisée d'un autre canton, voire être intégrée dans une haute école spécialisée d'un autre canton. Le projet de loi laisse la possibilité de créer plusieurs HES si cela paraît préférable au regroupement de l'ensemble des filières du niveau HES en une seule école.
Article 2
(Voir art. 3 et 6 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne et 2 du projet de loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées)
Un des objectifs poursuivi par la Confédération dans son projet de loi sur les hautes écoles spécialisées est de reconnaître à l'enseignement professionnel supérieur - à l'instar de ce qui se fait dans les pays européens - un statut de haute école.
L'article 161 de la constitution genevoise définit les différents niveaux d'enseignement. Il convient de ranger la haute école spécialisée dans l'enseignement supérieur et universitaire.
L'alinéa 3 prévoit que la haute école spécialisée élabore un programme général approuvé par le Conseil d'Etat. Ce point est repris du projet de loi bernois. Comme l'indique l'exposé des motifs de ce projet, le programme général «contient des déclarations générales sur l'orientation souhaitable à long terme - sur une période d'environ 12 ans - pour l'école. Il correspond à une déclaration d'intention et n'est pas juridiquement contraignant».
Mission de la haute école spécialisée
Article 3
(Voir art. 7 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
Cet article, repris du projet bernois, rappelle que la haute école spécialisée, comme tous les établissements publics de formation, est au service de la collectivité.
Cet article rappelle aussi les droits fondamentaux de la liberté de l'enseignement, de la recherche et de la liberté qui interdisent à l'Etat d'intervenir dans l'activité scientifique et artistique de la haute école.
Article 4
(Voir art. 8 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne et 3 du projet de loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées)
Cette disposition définit les tâches de la future haute école spécialisée du canton de Genève. La formulation proposée reprend pour l'essentiel les textes du projet fédéral et du projet bernois. A l'instar du projet bernois, la présente disposition qui vise aussi le secteur artistique précise que la HES cantonale prépare à l'exercice d'activités qui appellent une capacité de création artistique.
Article 5
Tout le monde s'accorde aujourd'hui sur la nécessité de développer, dans le secteur de la formation notamment, une étroite collaboration régionale, intercantonale, nationale et internationale.
En présentant un projet de loi pour la création d'une haute école spécialisée dans le canton de Genève, les initiants n'entendent pas nier cette nécessité. Au contraire, ils mesurent l'enrichissement que représente la collaboration entre instituts de formation.
L'article 5 encourage donc une étroite collaboration entre hautes écoles spécialisées en veillant notamment à la coordination des enseignements, des services et des travaux de recherche et de développement.
La haute école spécialisée étant un atout non seulement pour la population qui continuera de trouver des possibilités de formation professionnelle supérieure dans le canton mais aussi pour l'économie locale qui bénéficiera des opportunités de recherches appliquées de haut niveau nécessaire à son développement, toute collaboration intercantonale doit veiller:
· au maintien et à la création dans le canton de Genève des filières de formation jusqu'au niveau du diplôme qui satisfassent aux besoins de formation de la population et de l'économie locale et régionale;
· au respect de la démocratisation des études;
· à la préservation de voies de formation propres à Genève (voie scolaire courte à l'école d'ingénieurs);
· à la préservation des contrôles démocratiques cantonaux.
Sur ce dernier point, le présent projet de loi n'entend pas transférer aux gouvernements cantonaux des compétences par la mise en réseau des centres de formation au travers de concordats intercantonaux - pour reprendre la formule de M. Stöckling, conseiller d'Etat chargé de l'instruction publique du canton de Saint-Gall et responsable au sein de la Conférence des directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP) du dossier HES, pour restructurer à leur guise (voir Bilan du mois de septembre 1995, page 33).
Pour M. Stöckling: «le réseau musellera les pressions sur les législatifs cantonaux». Selon lui, une fois les concordats intercantonaux ratifiés, les gouvernements jouiront en effet d'une grande liberté de manoeuvre pour restructurer à leur guise (voir ibidem).
Le présent projet de loi ne conçoit pas que des compétences aussi essentielles que celles de la formation soient soustraites du contrôle populaire cantonal par des concordats qui priveraient, sous prétexte de mise en réseau, les électrices et électeurs genevois d'une partie importante de leurs droits politiques.
Article 6
(Voir art. 9 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
La collaboration entre hautes écoles spécialisées n'est de loin pas suffisante, il faut également encourager la collaboration avec les universités et les autres écoles supérieures, les écoles et les entreprises qui assurent la formation préalable ainsi qu'avec toute entreprise ou organisation oeuvrant dans le domaine de la science, de la recherche, de la culture et des arts.
L'article 6 de la présente loi reprend la formulation proposée par le projet de loi du canton de Berne.
Article 7
(Voir art. 11 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
L'article 7 du projet de loi reprend la formulation du projet de loi bernois. Cette disposition fait obligation à la haute école spécialisée d'évaluer régulièrement la qualité de ses activités de formation, de formation continue, de recherche et de développement ainsi que de ses services en vue de les améliorer.
Article 8
(Voir art. 12 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
Cette disposition fournit à la haute école spécialisée cantonale une base légale pour ses activités de relations publiques.
La formulation est reprise du projet bernois.
Formation et formation continue
Article 9
(Voir art. 11 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne et 4 du projet de loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées)
Les hautes écoles spécialisées sont des établissements de formation professionnelle supérieure. On y est admis après avoir suivi une formation professionnelle de base (maturité professionnelle) ou après une formation jugée équivalente.
Depuis plusieurs décennies et pour tenir compte d'une situation socio-économique particulière, Genève a institué une voie de formation des ingénieurs et architectes ETS (HES) spécifique reconnue par la Confédération. Dans un cycle d'études intégré sur cinq ou six ans, l'école d'ingénieurs de Genève forme des ingénieurs et des architectes sans certificat fédéral de capacité. Cette voie de formation doit être préservée. C'est la raison pour laquelle l'alinéa 1 de la présente disposition prévoit une voie spécifique d'admission pour les unités d'enseignement, comme l'école d'ingénieurs, qui assure la formation préparatoire et la formation pratique sur la totalité du cycle de formation.
L'alinéa 1 prévoit aussi que les porteurs de maturité gymnasiale peuvent être admis à la condition qu'ils acquièrent les connaissances professionnelles nécessaires. Cette acquisition de connaissances professionnelles peut se faire durant les études dans la HES au sein de l'unité d'enseignement concernée. Dans ce domaine aussi, l'école d'ingénieurs de Genève a mis en place des solutions performantes.
A l'instar du projet bernois, l'alinéa 2 de la présente disposition permet d'imposer des conditions supplémentaires à celles figurant dans le premier alinéa pour les formations où des aptitudes ou une expérience professionnelle particulière seraient nécessaires.
L'alinéa 3 entend faciliter la circulation entre les HES de Suisse en prenant en compte les études effectuées dans une autre HES.
Article 10
(Voir art. 14 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne et 5 du projet de loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées)
L'article 10 fixe la forme et la durée des études. Sur la durée des études - au moins trois ans - la solution retenue est celle du projet de loi bernois et de la minorité de la commission de la science et de l'éducation du Conseil national.
Article 11
(Voir art. 15 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne et 6a du projet de loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées)
L'article 6a du projet de loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées relatif à la formation continue ou au perfectionnement professionnel a été rajouté par les commissions de la science et de l'éducation des Chambres fédérales. Il vise à concrétiser l'article 3, alinéa 2, du projet de loi fédérale.
De la même manière, l'article 11 du présent projet de loi cantonale concrétise l'article 4, alinéa 2, relatif à la définition des tâches assignées à la HES cantonale.
Les alinéas 1, premier paragraphe, et 2 reprennent la formulation du projet bernois. L'alinéa 1, premier paragraphe, définit les destinataires de la formation continue. L'alinéa 2, quant à lui, délègue à la HES la mission de définir les conditions d'accès à la formation continue.
Le deuxième paragraphe de l'alinéa 1 s'inspire de l'alinéa 1 de la version de la commission de la science et de l'éducation du Conseil des Etats qui définit l'objectif de la formation continue.
Article 12
(Voir art. 6 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
Sous réserve des compétences prévues aux articles 1, alinéa 4, 5, alinéa 2, et 44, alinéa 1, du présent projet, la haute école spécialisée fixe, dans un règlement approuvé par le conseil de la haute école spécialisée, les conditions d'études des différentes filières de formation.
Article 13
(Voir art. 17 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne et 6 du projet de loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées)
Un règlement approuvé par le conseil de la haute école spécialisée fixe les conditions d'examen des différentes filières de formation en veillant à la reconnaissance fédérale des formations relevant de la compétence de la Confédération et à la reconnaissance internationale, en particulier européenne, des différentes filières de formation.
Article 14
(Voir art. 18 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne et 6 du projet de loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées)
Cette disposition s'inspire des dispositions contenues dans le projet bernois et dans le projet fédéral. Le titre délivré par la HES cantonale est protégé notamment par une disposition pénale contenue à l'article 45 du présent projet de loi.
Article 15
(Voir art. 19 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne et 7 du projet de loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées)
Cet article s'inspire du projet bernois et du projet fédéral.
Il s'agit d'une des grandes innovations du projet fédéral: encourager la recherche et le développement dans les écoles professionnelles supérieures. Pour la Confédération, la recherche et le développement sont des compléments logiques et nécessaires à l'enseignement et aux études dans ce type d'établissement. La pratique de la recherche et du développement renforcera les liens entre ces écoles et la pratique.
Elle permettra non seulement à l'économie locale de profiter de l'extraordinaire potentiel de savoir et d'équipement des établissements de formations supérieures, mais encore à ces derniers d'intégrer le résultat de ces travaux dans leur enseignement.
Article 16
(Voir art. 20 et 21 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne et 8 du projet de loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées)
Cet article s'inspire du projet bernois et du projet fédéral.
La haute école spécialisée fournit des services à des tiers à des conditions concurrentielles pour autant que cela ne compromette pas la mission de formation de l'école.
Avec la recherche appliquée et de développement (voir art. 15), la haute école spécialisée développe - par la possibilité qui lui est reconnue d'offrir des services à des tiers - sa coopération avec les milieux scientifiques, professionnels, économiques, sociaux et culturels tout en favorisant son intégration dans le tissu social
Article 17
(Voir art. 22 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
L'article 17 inscrit dans la loi, d'une part, le principe de la participation qui confère à chaque catégorie de personnes le droit d'être représentée au sein des organes de la HES et, d'autre part, le droit d'association.
Les modalités de participation des différents groupes d'intérêts sont reprises dans les dispositions relatives aux organes de la HES.
Article 18
(Voir art. 23 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne et 3, alinéa 5, du projet de loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées)
L'égalité des sexes est garantie par la constitution fédérale. Sa mise en oeuvre nécessite des mesures concrètes à tous les niveaux y compris dans les établissements scolaires. L'article 3A de la loi genevoise sur l'université en consacre expressément le principe.
La formulation proposée à l'article 18 reprend pour l'essentiel la formulation retenue par le projet bernois.
Article 19
(Voir art. 24 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
Le texte proposé reprend la formulation du projet bernois. Il constitue la base légale des institutions sociales et culturelles de la haute école spécialisée et de leur subventionnement (cafétérias, activités culturelles et sportives, etc.).
Article 20
(Voir art. 25 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
Inspirée du projet bernois, cette disposition prévoit que la haute école spécialisée apporte son aide, son assistance et son appui aux étudiants qui souhaitent être assistés dans l'organisation de leurs études ou de leur plan de carrière ainsi qu'à ceux qui désirent améliorer leur méthode d'apprentissage ou d'enseignement.
Article 21
Cet article consacrant la liberté académique est repris de l'article 8 de la loi genevoise sur l'université.
Statut juridique et personnel
Article 22
(Voir art. 36 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
Cette disposition fixe le statut juridique de la haute école spécialisée, soit un établissement public autonome doté de la personnalité juridique placé sous la haute surveillance du Conseil d'Etat.
Article 23
(Voir art. 36 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
La haute école spécialisée dispose des ressources mises à sa disposition par le canton. Elle dispose en outre des subsides et subventions alloués par la Confédération. Elle dispose enfin des ressources qu'elle tire des prestations qu'elle rend à des tiers dans le cadre de contrats de recherche et de développement.
Le budget et les comptes de la haute école spécialisée sont approuvés par le Grand Conseil (voir aussi art. 44, alinéa 1).
Article 24
A l'instar de l'Etat et des autres établissements publics autonomes, la haute école spécialisée répond des actes commis par ses collaborateurs dans l'exercice de leur activité conformément à la loi sur la responsabilité de l'Etat.
Article 25
(Voir art. 26 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
La formulation proposée reprend le projet bernois. Cet article définit les différentes catégories de collaborateurs au service de la haute école spécialisée.
Article 26
L'article 26 prévoit que les collaborateurs de la haute école spécialisée sont régis par le statut de la fonction publique.
Article 27
(Voir art. 28 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne et 9 du projet de loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées)
La disposition proposée reprend la teneur du projet fédéral et du projet bernois. Les enseignants dans la haute école spécialisée doivent non seulement avoir une formation scientifique ou technique de haut niveau sanctionnée par un diplôme d'une haute école, mais également posséder les aptitudes didactiques et méthodologiques nécessaires.
Dans les enseignements professionnels ou artistiques, les enseignants doivent en outre avoir une solide expérience professionnelle.
Article 28
(Voir art. 27 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne et 9, alinéa 3, du projet de loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées)
L'article 28 donne mandat à la haute école spécialisée de développer les qualifications didactiques et méthodologiqus de ses enseignants.
Article 29
(Voir art. 29 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
Le texte proposé reprend le texte du projet bernois.
La haute école spécialisée doit encourager la formation professionnelle des enseignants en leur accordant des congés payés de formation ou de recherche. Le congé ne doit pas perturber le fonctionnement d'une unité de formation. La suppléance doit être assurée.
Article 30
(Voir art. 30 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne et 10 du projet de loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées)
Le texte proposé s'inspire, dans une large part, du texte du projet bernois.
Tant le projet fédéral que le projet bernois veulent favoriser les activités de recherche en améliorant les possibilités d'assistance des enseignants. Il s'agira pour l'essentiel de diplômés de la haute école spécialisée qui poursuivent leurs études et qui consacrent une partie de leur temps à une activité d'assistant rémunérée.
Article 31
(Voir art. 31 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
Cette disposition reprend la formulation rentenue par le projet bernois. Elle régit l'organisation, les tâches et le financement des associations d'étudiantes et d'étudiants.
Plans de développement et rapport de gestion
Article 32
(Voir art. 32 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne et 13 du projet de loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées)
Les plans de développement constituent un instrument de gestion stratégique à moyen et à long terme de la haute école spécialisée. Ces plans comprennent les objectifs et les orientations de la haute école spécialisée. Les plans de développement tiennent compte des objectifs définis au niveau fédéral pour les filières de formation relevant de la Confédération.
Le plan pluriannuel et le plan financier concrétisent sous l'angle financier les plans de développement en planifiant les ressources nécessaires au fonctionnement et au développement de la haute école spécialisée.
Article 33
(Voir art. 34 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
La haute école spécialisée rend annuellement compte de sa gestion au Grand Conseil (voir art. 44, alinéa 1, du présent projet).
Organisation
Article 34
(Voir art. 39 et 40 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
L'article 34 fixe les organes de la haute école spécialisée, soit un conseil, un bureau exécutif et la direction des unités d'enseignement.
La composition et la compétence de chacun des organes font l'objet de dispositions particulières.
Article 35
(Voir art. 41 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
Le conseil de la haute école spécialisée, organisé sur le modèle d'organes similaires dans d'autres établissements publics autonomes genevois, comprend des représentants des différents milieux concernés.
Article 36
(Voir art. 42 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
L'article 36 définit les compétences du conseil de la haute école spécialisée. Ces tâches peuvent se résumer comme suit:
a) préparer les dossiers de candidatures pour la reconnaissance et le subventionnement des formations de la compétence de l'autorité fédérale;
b) préparer un plan pluriannuel et le plan financier ainsi qu'un budget annuel de fonctionnement et d'investissement;
c) préparer et présenter un rapport annuel de gestion;
d) établir les comptes et le bilan;
e) nommer les directrices ou directeurs d'unité sur proposition du conseil de direction de l'unité;
f) désigner les membres du bureau exécutif;
g) nommer les membres des conseils consultatifs de chaque unité d'enseignement sur présentation de l'organisation représentative concernée;
h) définir les conditions générales qui président à l'organisation des programmes d'études;
i) sous réserve de l'approbation du Conseil d'Etat, adopter les règlements et directives internes de la haute école spécialisée et de ses différentes unités d'enseignement;
j) désigner le ou les représentants de la haute école spécialisée dans les instances fédérales relatives aux hautes écoles spécialisées;
k) présenter au Conseil d'Etat la nomination ou la révocation du personnel de la haute école spécialisée.
Article 37
Le bureau exécutif est chargé de la mise en oeuvre de la politique arrêtée par le conseil de la haute école spécialisée. Il se compose de cinq membres désignés par le conseil de la haute école spécialisée pour quatre ans. Le mandat des membres du conseil exécutif n'est pas renouvelable.
Article 38
L'article 38 définit les organes de chaque unité d'enseignement, soit la directrice ou le directeur, le conseil de direction et le conseil consultatif.
Article 39
(Voir art. 47 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
L'article 39 concerne la fonction de directrice ou de directeur de la haute école spécialisée. Chaque unité d'enseignemeent est dirigée par une directrice ou un directeur qui est responsable de la gestion de l'unité devant le conseil de l'unité d'enseignement. La directrice ou le directeur de l'unité est nommé pour une période de quatre ans, non renouvelable, par le conseil de la haute école spécialisée sur proposition du conseil de l'unité d'enseignement.
Article 40
Les doyennes et les doyens sont responsables de la gestion courante d'une section. Ils sont choisis parmi les enseignants. Ils sont désignés par le conseil de direction pour une période de quatre ans non renouvelable sur présentation des enseignants.
Les doyennes et doyens sont déchargés d'une partie de leur enseignement pour accomplir leurs tâches de gestion.
Article 41
Le conseil de direction est responsable de la gestion d'une unité d'enseignement. Il fixe les objectifs et l'organisation de l'unité, il gère les moyens financiers dans le cadre du budget. Le conseil de direction de l'unité:
· édicte les directives internes de l'unité d'enseignement;
· propose la directrice ou le directeur de l'unité au conseil de la haute école spécialisée;
· nomme les doyens de section;
· établit le budget de l'unité d'enseignement;
· sous réserve des attributions de nomination et de révocation du Conseil d'Etat et des dispositions du statut du personnel, il engage et licencie le personnel, prépare et présente au conseil de la haute école spécialisée le rapport annuel de gestion de l'unité.
Article 42
Le conseil de direction de l'unité d'enseignement se compose paritairement de la directrice ou du directeur, des doyennes et des doyens et d'un nombre égal de représentants des enseignants, des assistants et du personnel administratif et technique.
Article 43
Le conseil consultatif de l'unité d'enseignement conseille l'unité d'enseignement dans les affaires importantes concernant les études, la recherche, le développement et les services.
Il se compose de représentants de milieux professionnels et syndicaux, de représentants des enseignants, des assistants et des étudiants.
Les membres du conseil consultatif sont nommés pour une période de quatre ans par le conseil de la haute école spécialisée sur proposition de l'organisation représentative concernée.
Il se réunit au moins une fois par année.
Attributions des autorités cantonales
Article 44
(Voir art. 58 et 59 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne)
L'article 44 relatif aux autorités cantonales définit les compétences du Grand Conseil et du Conseil d'Etat.
Concrètement, sont soumis à l'approbation du Grand Conseil:
· les budgets annuels de fonctionnement et d'investissement;
· le rapport annuel de gestion comportant les comptes et le bilan;
· les plans de développement de la haute école spécialisée;
· les dossiers de candidature relative à la création et à la gestion de filières du niveau de hautes écoles spécialisées réglées par la loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées;
· la reconnaissance de filières de formation relevant de la compétence du canton;
· la mise en place de filières de formation en collaboration avec d'autres hautes écoles spécialisées ou au sein d'une haute école spécialisée intercantonale;
De son côté le Conseil d'Etat est compétent pour approuver:
· la nomination et la révocation des employés de la haute école spécialisée;
· les règlements et directives internes de la haute école spécialisée et de ses différentes unités d'enseignement;
· le programme général de la haute école spécialisée.
Dispositions finales
Article 45
(Voir art. 62 du projet de loi cantonale sur les hautes écoles spécialisées du canton de Berne et 18 du projet de loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées)
Les titres décernés par la haute école spécialisée sont protégés par la présente loi (art. 14) et par la loi fédérale (art. 6). L'article 45 de la présente loi prévoit des sanctions pour l'utilisation indue des titres délivrés par la HES.
Le projet de loi fédéral contient une disposition analogue pour l'utilisation des titres reconnus par la Confédération.
Remarques finales
Le présent projet de loi règle l'essentiel des questions relatives à l'organisation et au fonctionnement de la haute école spécialisée de la République et canton de Genève. Certaines questions telles que les critères de reconnaissance des filières relevant de la compétence du canton et du statut du corps enseignant devront encore faire l'objet d'une réglementation particulière. Il appartiendra au Grand Conseil de décider s'il entend intégrer ces dispositions au présent projet ou s'il convient d'en faire des lois séparées. Si le présent projet de loi est adopté, il en résultera la nécessité d'adapter certaines lois, dont celles sur l'instruction publique.
Préconsultation
M. Gilles Godinat (AdG). Par le biais de ce projet de loi, nous souhaitons essentiellement fixer dans la législation genevoise un certain nombre de garanties concernant l'avenir de la formation professionnelle supérieure à Genève.
1) Une garantie du maintien des centres de compétence pour la région, ainsi que des filières de formation via l'OFIAMT, d'une part, et le canton, d'autre part.
En effet, le maintien et le développement à Genève d'un haut niveau de formation professionnelle dans les domaines techniques et commerciaux pour le secteur productif, d'une part, et dans les domaines artistiques, culturels, sanitaires et sociaux, d'autre part, garantissent un développement plus harmonieux du secteur secondaire, actuellement fortement anémié, et un tertiaire de qualité.
Plusieurs études récentes confirment l'interaction positive nécessaire entre la recherche-développement et l'application, dans le domaine industriel en particulier, favorable à notre économie locale.
2) Une garantie pour la démocratisation des études avec l'égalité des chances pour les couches sociales de milieux modestes et, également, pour favoriser l'égalité hommes-femmes.
Le risque que des secteurs de formation très féminisés, qui nécessitent une revalorisation professionnelle, soient tenus à l'écart est malheureusement bien réel.
3) Une garantie démocratique sur le contrôle des choix politiques en matière de formation professionnelle.
En effet, la perspective que notre parlement ne puisse plus que ratifier ou non un concordat supracantonal, concocté sans débat démocratique, qu'il faudrait se contenter d'accepter ou de refuser, une fois ficelé, ne nous paraît pas acceptable.
4) La création de plusieurs HES au niveau romand offre une garantie du développement régional dans le cadre d'une recherche d'équilibre national.
L'hétérogénéité, l'interdisciplinarité, l'existence de filières hautement spécialisées sont des réalités qui s'intègrent parfaitement à une logique de réseau régional, voire national. A notre avis, le poids des avantages et des inconvénients d'une ou plusieurs HES en Suisse occidentale mériterait un large débat, à l'heure de l'intégration européenne et des problèmes financiers cantonaux, versus la part des subventions de la Confédération aux cantons.
5) Enfin, la garantie d'un réel développement de la formation professionnelle à Genève, alors qu'il y a plutôt lieu de craindre qu'avec le faible investissement dans le renouvellement du matériel de certains laboratoires techniques, contrairement aux choix d'autres cantons, qu'avec la fermeture d'archives ou de centres de documentation, Genève ouvre la voie à un appauvrissement dans un domaine clé de son avenir : la formation.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs, à soutenir ce projet de loi.
Le président. Madame Calmy-Rey, je vous prie d'accepter mes excuses, car j'aurais dû avoir la délicatesse de vous passer la parole en premier, puisque vous êtes coauteur du projet de loi. Vous avez la parole, Madame.
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Le projet de loi que nous avons l'honneur de vous présenter, ce soir, Mesdames et Messieurs, a été fort mal reçu, lors de sa présentation au public, et j'ai entendu dire que vous aviez l'intention de le refuser sans même vouloir le renvoyer en commission.
En déposant ce projet, nous aurions fait montre d'un égoïsme borné, nous serions d'un «cantonalisme étroit», puisque nous refuserions que des élèves genevois franchissent la Versoix pour parfaire leur formation professionnelle, alors que des Valaisans ou des Fribourgeois vont tous les jours au-delà de leurs frontières pour la même raison ! Mesdames et Messieurs de l'Entente, nous savons, vous et moi, que cet argument ne résiste pas à un examen sérieux du projet de loi qui vous est présenté ce soir.
Un député, membre de la commission de l'université, nous a dit que nos arguments étaient intéressants, mais qu'il vous était impossible de nous suivre dans la mesure où Mme Brunschwig Graf, présidente du département, était trop engagée sur le projet d'une seule HES en Suisse occidentale, et que, par conséquent, vous rejetteriez notre projet. Mesdames et Messieurs, je ne tenterai donc pas l'exercice difficile, mais parfaitement inutile, qui consisterait à tenter de vous convaincre de bien vouloir examiner ce projet de loi en commission. Sachez cependant que nous sommes motivés par une logique que je souhaiterais vous exposer.
Cette logique est basée sur l'équilibre, le développement de la formation professionnelle et, aussi, le contrôle parlementaire sur les structures supracantonales. Nous souhaitons, Mesdames et Messieurs, un réseau de HES en Suisse romande pour garantir un équilibre, en fait un double équilibre, en faveur de la Suisse romande et de Genève.
L'existence d'une seule HES en Suisse occidentale se fera au profit du «triangle d'or». Nous refusons la concentration des pôles de formation en Suisse alémanique. Il faut savoir, en effet, qu'il est actuellement prévu sept ou huit HES en Suisse allemande et une seule en Suisse romande.
En réalité, de la façon dont le processus de création de la HES occidentale a été entamé, c'est-à-dire peu démocratiquement, et en période de restrictions budgétaires, nous craignons que l'accent soit mis sur les fusions et les restructurations et, si nous laissons faire, que le tout se termine par une réduction de l'offre de formation.
Pour la Suisse romande et pour Genève, Mesdames et Messieurs, où le chômage se fait sentir plus fortement qu'ailleurs en Suisse, où les phénomènes de restructuration ont plus d'ampleur que dans le reste de notre pays et s'y font sentir plus durement, ce serait une erreur que de ne pas jouer à fond nos atouts dans la discussion intercantonale, afin de disposer d'une offre aussi large que possible en matière de formation professionnelle, car celle-ci est un élément essentiel de réponse à la crise structurelle que nous connaissons aujourd'hui.
Les HES seront des partenaires idéaux des petites et moyennes entreprises pour la réalisation de travaux de recherche appliquée, deviendront des centres de recherche-développement, et développeront des concentrations de fonds et des transferts de savoir-faire et de technologies entre les milieux économiques et les milieux scientifiques.
Les enjeux sont importants. Nous sommes aujourd'hui, en matière de formation professionnelle, face à un défi équivalent à celui qu'ont connu nos ancêtres pour l'instruction publique des enfants et des adolescents au siècle dernier, une instruction publique gratuite et obligatoire. La réforme des HES représente un véritable saut qualitatif, et nous y sommes favorables. Mais, pour nous, il importe de la mener avec un objectif d'élargissement :
- élargissement quant à l'accessibilité aux écoles : il n'est pas question que des déplacements d'élèves se traduisent par une restriction de l'accessibilité aux écoles ou du principe de la démocratisation des études.
- élargissement quant au développement des filières : il est important que Genève dispose de filières complètes HES en matière technique - vous connaissez la situation du secteur secondaire genevois; de même en matière de formation commerciale et administrative - filières ESCEA - dans un canton où près de 80% de la population travaillent dans le tertiaire.
- élargissement quant aux filières non OFIAMT, et ce dès le départ de la démarche HES. La loi fédérale vise à encourager les HES en général et à réglementer celles qui dépendent de la compétence de la Confédération, appelées les «filières royales», c'est-à-dire les formations techniques d'architecture et économiques. Pour nous, il est important d'intégrer également les formations préparant aux professions de la santé, du secteur social, des beaux-arts et du théâtre.
Les défis du siècle à venir seront le vieillissement de la population et les problèmes d'exclusion. Nous pensons qu'il est important de réfléchir et d'élargir la formation professionnelle dans ces domaines également, et il nous paraît qu'il est souhaitable qu'on y délivre aussi des diplômes eurocompatibles.
Joindre les filières non OFIAMT à la démarche des HES est possible, car si la Confédération a clairement donné la priorité aux domaines qu'elle a réglés en vertu de la loi sur la formation professionnelle il n'est pas interdit aux cantons d'élargir l'objectif, mais, pour cela, encore faut-il une réglementation cantonale.
Enfin, dernier point de notre logique, Mesdames et Messieurs, la démocratie dans la prise de décisions. Jusqu'ici les décisions concernant le dossier HES ont été prises à un niveau purement administratif et exécutif. Ainsi la Conférence des directeurs cantonaux de la formation professionnelle a pris une série de décisions essentielles concernant ce dossier, notamment de ne créer, de ne vouloir et de ne défendre qu'une seule HES pour toute la Suisse romande, et cela sans qu'aucune concertation, ni consultation, n'ait eu lieu dans les cantons.
Pour que nous soyons saisis de ce problème des HES, il aura fallu une interpellation, deux motions - l'une de l'Alliance de gauche, l'autre du parti socialiste - et le projet de loi qui vous est présenté ce soir.
Or, ce processus, entamé de façon si peu démocratique, risque bien de continuer de la même façon. M. Stöckling, conseiller d'Etat chargé du département de l'instruction publique du canton de Saint-Gall et chargé, au sein de la Conférence des directeurs cantonaux de l'instruction publique, du dossier HES, a déclaré en substance, qu'une fois les concordats intercantonaux ratifiés, les gouvernements jouiront d'une grande liberté de manoeuvre pour restructurer à leur guise.
Mesdames et Messieurs, nous n'entendons pas transférer des compétences du législatif au gouvernement cantonal par la mise en réseau de centres de formation que l'on accepterait ou refuserait par un simple oui ou non au concordat intercantonal. Les évolutions et les développements du dossier HES, y compris les évolutions intercantonales, doivent faire l'objet de l'approbation du Grand Conseil. C'est une condition essentielle, selon nous, pour qu'il y ait élargissement de l'offre de formation.
Mesdames et Messieurs, notre projet de loi est né de «la politique du fait accompli». Nous souhaiterions, bien sûr, son renvoi en commission pour en parler et pour que les enjeux soient clairs pour tout le monde. Sachez, cependant, que, si vous ne le faites pas et que vous le refusez, la logique que je viens de vous exposer ne s'arrêtera pas ce soir, et que nous continuerons notre combat pour le maintien et le développement de la formation professionnelle à Genève.
Mme Nelly Guichard (PDC). Les motions 1007 et 1011 portant sur les hautes écoles spécialisées, actuellement traitées à la commission de l'université, offrent une excellente possibilité de se pencher, sereinement et néanmoins très sérieusement, sur la problématique des HES.
La première reprend, d'ailleurs, des propositions très intéressantes d'ouverture au plan régional et de prise en compte de l'intérêt de la formation et de ses implications pour notre économie. Le projet de loi, en revanche, n'apporte guère de perspectives d'évolution. Je dirai même qu'en matière d'ouverture il faut chercher beaucoup ! Je n'y ai trouvé que repli sur soi : «On est assez nombreux ! On a la masse critique ! On est les meilleurs ! On a droit à notre HES à nous tout seuls !».
Avant de préconiser la fermeture des frontières, il serait peut-être utile de voir comment il serait possible de collaborer et quelles synergies pourraient être développées. On en oublierait presque qu'il s'agit d'un projet fédéral, d'une loi votée le 6 octobre dernier, visant à assurer aux diplômes ETS une reconnaissance sur le plan international.
Par une mise en réseau des écoles, par l'établissement de centres de compétence répartis sur plusieurs sites, il s'agit d'assurer à la filière professionnelle une formation de niveau tertiaire, ce qui ne signifie en rien que la filière scolaire soit remise en cause, contrairement à la rumeur que d'aucuns se plaisent à faire courir.
Un tel projet doit être reconnu par la Confédération comme toutes les formations universitaires, bien évidemment. Envisager d'emblée la création d'une seule HES romande n'est peut-être pas la solution idéale, ni la panacée. Le groupe «projet», dont le responsable vient d'être désigné, sera chargé de défendre les intérêts de Genève et de trouver la solution la plus judicieuse en matière de formation HES pour notre canton.
Je partage totalement le souci de voir s'appauvrir le tissu économique genevois très diversifié, parce qu'il n'y aurait plus, alors, la même émulation de toutes les différentes matières qui sont actuellement enseignées à l'école d'ingénieurs de Genève.
Nous sommes tous conscients que cette collaboration est vitale pour l'école comme pour les entreprises. Elle pourrait même, sûrement, être plus développée. Mais la collaboration n'implique pas nécessairement une proximité immédiate indispensable dans chaque cas. Avec les moyens de communication actuels, cette considération ne devrait pas représenter un réel handicap. A l'instar des autres écoles concernées par le projet HES, relevant donc de l'OFIAMT - centre horticole de Lullier, école supérieure des arts appliqués - la qualité de la formation de l'école d'ingénieurs n'est pas remise en cause. Par contre, en s'isolant, elle risque fort de perdre son aura, de se déqualifier.
Comme en beaucoup d'autres circonstances, les initiateurs du projet de loi ont agité l'épouvantail du non-respect de la démocratisation des études, mais celle-ci n'a-t-elle pas pour but de donner à chacun non seulement la possibilité de suivre la meilleure formation possible mais aussi, le cas échéant, de la poursuivre hors du canton, voire hors du pays ?
Je ne vois donc pas l'utilité de renvoyer en commission un projet de loi aussi réducteur, qui ne prône qu'un cantonalisme étroit, ne serait-ce que par son titre, et qui n'offre aucune perspective de solidarité; ceci alors même que le sujet est traité en commission et qu'un groupe de travail, où sont représentés à la fois les milieux professionnels et les écoles concernées, va préparer un projet.
Par conséquent, notre groupe demande la discussion immédiate sur ce projet de loi.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Ce projet de loi traduit, malheureusement, davantage un esprit de clocher plutôt qu'un esprit d'ouverture. Se soucier de l'avenir de la formation professionnelle à Genève est plus que légitime, et les Verts partagent ce souci.
Cependant, exiger une HES genevoise à tout prix ne nous satisfait pas. Défenseurs de prochaines négociations en vue d'adhérer à l'Espace économique européen, nous estimons que nos efforts doivent tendre à la collaboration régionale plutôt qu'à la défense a priori du Genève aux Genevois, ou à la résistance à une collaboration intercantonale.
La loi fédérale sur les HES affiche une volonté de revalorisation de l'enseignement professionnelle qui nous réjouit. Mais nous tenons à relever ici que nous déplorons l'absence d'intégration concrète au sein des HES des formations de la santé et du domaine social, d'autant plus qu'elle discrimine, évidemment, plus particulièrement les femmes. A ce propos, nous souhaitons vivement que Genève participe à la Conférence des directeurs de l'instruction publique dont le travail d'élaboration vise, au plus vite, une mise à niveau de ces formations en vue d'une intégration claire au sein des HES dans un proche avenir. En effet, la loi fédérale prévoit : «La Confédération peut encourager des filières d'études au niveau HES dans d'autres domaines.»
Au niveau romand, nous ne sommes pas opposés à une HES romande unique, en y mettant des conditions. La mise en réseau des différentes filières devrait permettre une collaboration active entre les écoles, tout en leur laissant la responsabilité de leurs secteurs de prédilection. Les conditions que nous estimons nécessaires sont les suivantes :
1) Maintien de la filière scolaire à l'EIG, formule originale à Genève.
Les élèves sortant du cycle d'orientation peuvent entrer soit en première année, soit en préparatoire, sans effectuer de CFC auparavant, le passage direct permettant notamment d'orienter un élève indécis.
2) Le respect des passerelles prévues entre les différentes filières du secondaire post-obligatoire et la formation professionnelle.
3) Le renforcement des bourses et allocations pour frais de déplacement.
4) Enfin, comme nous l'avons déjà déclaré lors des précédents débats sur les HES, il devient urgent d'envisager de créer un contrôle démocratique sur les structures supracantonales.
Ainsi, au vu de ces quatre conditions que nous vous présentons, nous nous opposons à une HES genevoise et, pour ces mêmes raisons, nous soutiendrons le renvoi en commission de ce projet de loi, qui a le mérite supplémentaire d'élargir le débat au Grand Conseil, avant que les termes d'un concordat ne soient définitivement arrêtés.
M. Bernard Lescaze (R). Chacun, ici, se félicite de la revalorisation nécessaire de l'enseignement professionnel supérieur. Je ne vous donnerai pas un cours, mes préopinantes l'ayant fait avec beaucoup de talent, mais avec des idées et des conclusions que je ne puis partager.
Nous sommes en présence d'un projet de loi qui nous paraît, à moi et à mon groupe, particulièrement intempestif, au sens propre du mot : il n'est ni dans le temps de la réalité ni dans celui du moment que nous vivons. Il est beaucoup trop avancé, Mesdames !
L'important est de savoir si ce projet de loi est utile et opportun. Je réponds quatre fois non. Il n'est pas utile parce que les problèmes que vous y évoquez le sont déjà, à votre demande, à la commission de l'université, par l'intermédiaire des motions 1007 et 1011, déposées séparément par le parti socialiste, d'une part, et l'Alliance de gauche, d'autre part. Aussi suis-je heureux de constater que le projet de loi semble réunir les deux motions et que, désormais, vous faite ménage commun sur ce point du moins.
Ce projet de loi n'est pas utile non plus car, à la fin de votre intervention et en des termes des plus sibyllins, vous avez, Madame la députée Calmy-Rey, annoncé le dépôt d'une initiative populaire. En conséquence, le peuple tranchera sur le principe même d'une haute école supérieure genevoise, pour autant que vous recueilliez suffisamment de signatures.
En fait, le problème que vous posez est celui d'une loi extrêmement détaillée, et nous en parlerons si la discussion immédiate est acceptée. Mais le projet de loi que vous présentez maintenant n'est pas utile. Je dirais plus : il n'est pas opportun, et cela pour deux raisons :
A l'heure actuelle, le Conseil d'Etat, notamment le chef du département de l'instruction publique, est en négociation avec les autres départements de l'instruction publique pour aboutir, précisément, à un concordat intercantonal qui sera soumis, de la manière la plus démocratique qui soit, à notre approbation.
La deuxième raison est, Mesdames et Messieurs les auteurs de ce projet, que vous ne savez pas plus que nous ce que sera, réellement, une HES au sens de la loi fédérale. Plusieurs d'entre vous ont souhaité l'élargissement de ces HES. Pour l'instant, c'est la filière professionnelle, dépendant de l'OFIAMT, qui est concernée et non pas, peut-être à regret, les écoles sociales et de la santé, les écoles des arts appliqués, des arts visuels, de musique, par exemple.
Pour toutes ces raisons, ce projet de loi - je le répète - n'est ni utile ni opportun. Du fait des particularités de notre procédure, je soutiens donc l'entrée en matière, de façon que nous puissions immédiatement en discuter. En ne prenant qu'un ou deux exemples, parmi les dizaines d'articles que vous avez jugé bon de proposer, je vous montrerai combien ce projet de loi est, en réalité, inopportun, inutile et illogique dans plusieurs de ses dispositions, alors même que nous sommes probablement d'accord sur ses finalités, à savoir revaloriser l'enseignement professionnel et maintenir un contrôle du parlement. Mais les voies que vous proposez sont inacceptables en ce lieu et en ce moment.
M. Armand Lombard (L). Ce projet de loi pose clairement le principe sur lequel il s'établit, à savoir une conception cantonale de l'enseignement.
Nous considérons que cette approche, ou cette prise de position de départ, est erronée, non parce que ce projet est 100% «genevois», ce qui est plutôt flatteur et sympathique mais bien parce que le «cantonal» et le «patriotique» à 100% ont le défaut d'exclure les autres et tout ce qui n'est pas soi-même.
Tout d'abord, rejeter ce qui n'est pas totalement genevois est, maintenant, une pratique courante sur les bancs de la gauche. Par la voix de Mme Deuber-Pauli, on a écarté l'acheminement des déchets étrangers sur les Cheneviers. On a tenté de renoncer à une école d'architecture romande et, maintenant, on essaie de refuser un système avec des étudiants romands et un projet d'école régionale.
Le deuxième point est la masse critique en cause. Avec une population de quatre cent mille habitants, il a été estimé qu'une école, exclusivement genevoise, accueillerait environ huit cents élèves et produirait trois cents diplômés. On ne fait pas une université du futur, une HES, avec huit cents élèves. Certes, il existe de petites universités, notamment aux Etats-Unis et en Allemagne, mais il n'est pas de véritable université publique européenne, inférieure à quatre mille étudiants.
Troisièmement, la diversité des tâches ne nous paraît pas opportune au vu des priorités de l'enseignement. Votre projet de HES contient des choses aussi différentes que l'environnement, les arts visuels, le paysagisme, la musique, le social et la santé. C'est beaucoup trop pour une école structurée formant un tout, particulièrement au moment où d'autres projets de HES voient le jour, dans d'autres branches, sujet sur lequel je reviendrai.
Madame Calmy-Rey, je vous félicite presque toujours de votre lutte en faveur du maintien du tissu industriel genevois. Cependant, je vous dis ne pas croire aux bons résultats d'une école qui mélangerait l'ingénierie avec toutes sortes de disciplines hétérogènes.
Certes, des collaborations sont prévues dans votre loi, mais l'a priori 100% «genevois» vous fait dire, en somme : «Après tout, s'il y en a qui nous aiment, qu'ils nous rejoignent», et cela me laisse dubitatif.
Nous ne sommes plus au temps de la création de l'académie de 1589, Madame Calmy-Rey, et nous contestons formellement votre vue d'une université fermée et microcentriste.
Nous sommes à l'heure de la région et de l'Europe. Il va de soi que nous ne critiquons en rien le patrimoine genevois, mais celui-ci ne pourra s'épanouir pleinement que dans une palette régionale multicolore et un ensemble de plusieurs orientations romandes.
A l'évidence, une université ou une HES régionale conserve ses sites. Tout le monde comprendra qu'il ne s'agit pas de la réalisation d'une HES spécialisée à Gland ou à Cossonay, mais du regroupement des synergies et d'une dynamique commune sur les sites existants.
L'époque exige de telles structures décentralisées, mais qui forment un tout et peuvent présenter une image réelle de compétence à l'extérieur.
Pour ce qui est de la masse critique, je vois mieux un groupement régional qui, s'appuyant sur un million et demi d'habitants, recevrait trois à quatre mille étudiants et des reconnaissances externes.
Enfin, vous n'ignorez pas que d'autres HES sont prévues, dans le domaine pédagogique, d'une part, dans l'ingénierie, d'autre part, sans oublier l'université actuelle qui enseigne les humanités et une quatrième HES prévue dans le domaine de la santé et des institutions paramédicales.
Sur le principe, nous estimons inutile de discuter un tel projet, parce que nous ne pouvons y souscrire. Mais pourquoi ne pas le discuter en commission, direz-vous ? Eh bien - c'est là que la chatte a encore plus mal à la patte - c'est parce que la discussion a déjà lieu en commission, sur la base des motions citées par M. Lescaze, et le Conseil d'Etat est en train de travailler sur ce projet. L'exécutif doit pouvoir l'étudier, pendant quelques mois, dans les lignes qu'il a définies ou qui lui ont été fixées par le parlement, sans être contrecarré immédiatement par un contre-projet de loi.
Vous avez dit, Madame Calmy-Rey, craindre un blocus de l'information, un blocus par l'exécutif. Cela ne sera pas le cas, puisque les deux motions sont encore en commission et que nous aurons forcément un concordat, auquel, malheureusement, nous ne pourrons dire que oui ou non. Mais, Madame Calmy-Rey, il reste le non qui vous permettra de modifier les choses. Nous pourrons refuser le concordat, bien que cela n'ait pas été dans nos habitudes jusqu'à présent. On ne peut donc pas dire qu'il n'y aura plus de contrôle démocratique.
Finalement, le Conseil d'Etat nous communiquera un projet de loi d'application. Alors discutons sur la base de ce projet à venir, plutôt que sur un projet dont le principe nous est totalement contraire.
Vos partis sont en panne d'idées et n'amènent, à terme, rien aux projets de la cité. Vos partis «contrent» comme une mauvaise équipe de football, ne savent qu'entraver l'action intelligente du gouvernement, sont obnubilés par ce qu'ils croient être monocolore et foncent, sans réfléchir, comme le taureau dans la muleta !
De plus, vos partis sèment la confusion. Ils empêchent les restructurations nécessaires de la cité, face au défi européen et troublent l'image de la mise en commun des procédures et des grands projets, dans l'esprit de la population. Au lieu de favoriser l'ouverture d'esprit, ils brouillent le jeu en défendant un patriotisme reclus.
Cela ne nous étonne guère, car vos partis tentent de reprendre une initiative perdue dans le domaine de l'enseignement. Ils le font en s'opposant à un projet en cours de notre exécutif et des exécutifs romands.
C'est pourquoi nous considérons que votre projet n'est pas fiable sur le plan intellectuel et pas crédible quant à sa procédure. Nous rejoignons donc la proposition de Mme Guichard d'une discussion immédiate.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Qui peut s'opposer à une revalorisation de la formation professionnelle ? Qui peut prétendre disposer du monopole des recettes en la matière ? Certainement personne !
S'agissant de mettre en application une loi fédérale ambitieuse, coûteuse, mais intéressante et, sans aucun doute, adaptée aux besoins identifiés des jeunes pour les prochaines années, l'opération me paraît être d'une envergure suffisante pour mériter quelques débats et réflexions.
Chacun essaie d'apporter ses idées, sa solution. La réflexion des chefs des départements de la Suisse occidentale a été de voir comment ils pourraient trouver, ensemble, une réponse permettant d'assumer ensuite les responsabilités et les charges de cette revalorisation de la formation professionnelle supérieure.
C'est dans ce sens qu'ils ont fait une déclaration d'intention pour développer, ensemble, un projet d'application de la loi aux domaines techniques, économiques et arts appliqués. Ce projet devra permettre, sur un territoire, toutes forces regroupées, équivalent à celles du seul canton de Berne, d'assurer à nos jeunes, non seulement des filières de formation mais également des possibilités de stages, d'expériences professionnelles, de développement de la recherche appliquée, sur un site qui ne soit pas trop exigu.
Cet enjeu, qui dépasse nos préoccupations habituelles, concerne un certain nombre d'écoles. Le débat sollicite le département de l'instruction publique depuis deux ans, au moins. Il a donné lieu à de nombreuses discussions et fait intervenir plusieurs partenaires. A chaque stade de la réflexion, des divergences sont apparues. Cela est si vrai que lorsque je suis partie, le 24 avril, voir mes collègues de chaque canton, pour cette déclaration d'intention qui nous donnait mandat d'étudier un modèle commun, j'ai tenu à écrire aux principaux intéressés, dont ceux de la plus grande école cantonale dans ce domaine, à savoir l'école d'ingénieurs, et aux représentants de son association professionnelle, que je m'engageais à respecter - et je m'engage toujours - les impératifs suivants :
1. le maintien de la voie scolaire; assuré dans la loi fédérale, il devra l'être dans la loi d'application;
2. le maintien du niveau de la qualité de l'enseignement;
3. le maintien de la gratuité pour les élèves qui en bénéficient aujourd'hui. Je ne parle pas de ceux qui fréquentent nos écoles, mais de ceux qui bénéficient des conditions de gratuité prévues par notre loi cantonale;
4. le maintien d'un statut public pour les enseignants.
Dans ma lettre, j'ajoutais ce qui suit : «Après rencontres, discussions et un grand laps de temps, je crois pouvoir affirmer qu'au-delà de nos divergences de base concernant la nécessité ou non d'aborder la question par le biais d'une structure intercantonale, nous nous sommes mis d'accord sur les éléments essentiels à préserver. Ce sont ceux que je vais défendre au nom du canton, dans la séance de ce jour.»
Deux jours après, j'étais devant la commission de l'enseignement et je lui ai présenté l'objet des discussions. Il est vrai qu'il n'y a pas eu de débat réel à la commission de l'enseignement, mais, dirais-je, faute de combattants et de questions posées. Depuis, deux motions, que je crois pouvoir saluer, nous ont donné l'occasion, en septembre de cette année, de présenter l'état actuel des travaux, les raisons présentes de nos démarches et les perspectives qui pouvaient s'ensuivre.
Par le hasard des choses sûrement, aucun des signataires de ce projet de loi n'a pu bénéficier des explications données, lesquelles auraient, sans doute, suscité un débat intéressant. Des incertitudes planeront jusqu'à l'élaboration du projet en cours, projet sur lequel personne ne pourra se prononcer avant qu'il ne soit connu. Mais ces incertitudes ne doivent pas conduire au dépôt d'une loi qui, elle, en arrive aux conclusions avant que celles des autres projets aient été élaborées. Il est impossible de discuter en commission un projet tout fait, prévoyant un comité de cinquante personnes pour gérer une haute école spécialisée, avec nomination des directeurs tous les quatre ans, mais une fois au maximum, et le traitement simultané des domaines technique, économique, social, de la santé et de la musique.
Pendant que nous discutons, Mesdames et Messieurs, les institutions du domaine social et les représentants des départements de l'instruction publique des différents cantons ne restent pas inactifs. Ils collaborent à la recherche de modèles de formations supérieures diplômées dans les domaines que j'ai énumérés : le social, la santé et la musique. Les mandats sont donnés, le travail a commencé et les instituts d'études sociales, sachez-le, souhaitent déjà - ils nous l'ont écrit - se regrouper dans un modèle romand qui leur soit propre, parce qu'ils y voient leur intérêt.
Le travail n'est pas terminé et ce Grand Conseil sera saisi sur plusieurs plans. Il le sera, bien sûr, au titre de l'accord intercantonal que je m'engage, ici, à faire connaître à la commission concernée - pour autant qu'elle le souhaite - dès que j'en aurai le cadre. Il le sera aussi au titre d'une loi d'application cantonale et des modifications concernant les écoles qui sont actuellement dans la loi. Il faudra donc toute une série de débats, réellement démocratiques qui, dès lors, seront opportuns, car nous connaîtrons les avantages et les contraintes du projet.
La population a élu un exécutif avec l'idée, souvent émise dans ce parlement, qu'il devait avoir des visions d'avenir, décider et proposer. Des bancs, qui sont directement sous mes yeux, sont parties, je viens de le rappeler, des motions sur la collaboration intercantonale. Y siègent même les représentants d'un parti, qui se sont fait élire sur le mot d'ordre : «Point de fief cantonal, mettons la collaboration intercantonale au premier plan, particulièrement dans le domaine de la formation». Vous aurez à juger du projet, quand il vous sera présenté. Vous estimerez alors s'il est satisfaisant ou pas. Pour ma part, je m'engage à en respecter toutes les teneurs, selon la lettre que j'ai écrite au président de l'Ageeit, en avril dernier.
Je désire répéter ce que j'ai déjà dit aux auteurs du projet de loi : je ne comprends pas pourquoi il est déposé maintenant et j'aurais souhaité son retrait. C'est un mauvais débat que celui de la discussion immédiate, s'agissant de l'objectif important de la formation professionnelle. C'est également un mauvais débat à conduire en commission que de déposer un projet de loi que l'on sera contraint de vider de toute sa substance pour en faire, véritablement, un projet élaboré en collaboration qui mérite d'être discuté. Enfin, c'est un plus mauvais débat encore que de parler d'un projet dont on ne connaît pas tous les aspects, mais qui fera l'objet de modifications législatives dont débattra votre parlement.
J'ai entendu parler de menaces sur l'école d'ingénieurs. Croyez-vous vraiment que, si l'intention du Conseil d'Etat était de démanteler la formation professionnelle, il investirait 3 millions pour le budget 1996 dans la seule école d'ingénieurs ? Après avoir investi 1,5 million en 1995 et 1 million en 1994 ! Croyez-vous que c'est pour démanteler la formation professionnelle qu'il consacre de tels montants à l'équipement de l'école d'ingénieurs ? Nous ne citons que cette école. Nous pourrions tout aussi bien évoquer les autres formations intéressées.
Vous avez parlé de collaboration avec l'économie. Précisément - et c'est peut-être le hasard qui le veut - tant qu'on étudie à l'école d'ingénieurs, on est proche du projet de loi déposé aujourd'hui, mais l'état d'esprit d'un ancien élève de l'école n'est plus du tout le même, dès qu'il entre dans la vie économique et qu'il est engagé par une entreprise. Peut-être est-ce dû au fait que nous nous soucions, outre du maintien et du développement des filières, de l'insertion professionnelle des jeunes que nous formons ? Cela explique que la réalité puisse être perçue sous un jour différent.
Actuellement, à la commission de l'université, se tient un débat très développé. Ce débat durera encore quelque temps, si les députés le souhaitent. Des auditions, suivies de discussions, ont eu lieu sur les deux motions. Précédemment, une pétition a été déposée sur le bureau du Grand Conseil et une motion me demandait de définir, pour le Conseil d'Etat, les objectifs concernant l'intégration des écoles genevoises par rapport aux HES. C'est ce que nous sommes en train de faire ! Vous, Mesdames et Messieurs, aurez à en juger. Mais, de grâce, ne faisons pas de faux débats ni en commission ni au Grand Conseil ! La sagesse voudrait, Mesdames et Messieurs les auteurs de ce projet de loi, que vous le retiriez et que, le cas échéant, vous le déposiez au moment où se tiendra le vrai débat, celui qui pourra éventuellement, si vous le désirez, confronter deux projets, le vôtre et celui qui aura été élaboré.
En attendant, nous assistons à un faux débat et, pour ma part, je le regrette infiniment !
Le président. J'imagine que les auteurs du projet de loi n'entendent pas le retirer. Nous allons donc passer au vote sur la discussion immédiate.
M. Pierre Vanek (AdG). Je connais moins bien le règlement que vous, Monsieur le président. Nous avons eu la préconsultation sur ce projet de loi, et il me semble qu'un minimum de débat doit être autorisé...
Le président. Non, nous allons passer au vote sur la discussion immédiate.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
La proposition de discussion immédiate est adoptée par 50 oui contre 38 non.
Premier débat
M. Pierre Vanek (AdG). Je tiens à faire quelques observations. Je croyais qu'on pouvait débattre sur une proposition aussi importante qu'une discussion immédiate. Nous l'avions fait en son temps sur d'autres questions.
Je me souviens d'un débat de discussion immédiate sur Montana où l'on avait entendu un peu la même chose que tout à l'heure du côté des radicaux. On nous a dit que, de toute façon, un référendum était prévu et que le peuple trancherait; donc, autant voter le projet tout de suite. Maintenant, on nous dit qu'une initiative a été lancée sur les HES, que le peuple tranchera, qu'il est, par conséquent, inutile de perdre du temps avec cette histoire et qu'il vaut mieux en discuter immédiatement.
J'aimerais m'élever très fortement contre ce procédé. On peut ne pas être d'accord avec un projet de loi... (Une voix interrompt l'orateur.) Tu t'en fous peut-être, cher ami, mais alors, va à la buvette !
Le président. S'il vous plaît, Messieurs !
M. Pierre Vanek. Ce procédé est tout à fait détestable et notre groupe s'est exprimé à maintes reprises contre cette façon de faire. Les conditions ne sont pas réunies ici pour un débat serein sur ce projet de loi.
J'aimerais intervenir rapidement encore, puisque j'ai la parole, sur un certain nombre de choses assez surréalistes ayant été dites.
M. Lombard nous a déclaré que l'exécutif devait travailler dans la ligne fixée par le parlement. Or, précisément, il faut savoir qu'aucune ligne n'a été proposée par le parlement à l'exécutif sur ce dossier.
On nous renvoie des motions en disant qu'elles permettent un certain débat, mais, du point de vue de l'exécutif, la conception animant l'ensemble de ce processus consiste à dire que le gouvernement va de l'avant, «ficelle» son projet au niveau intercantonal et nous présente un concordat sur lequel on ne peut rien toucher. Pour défendre cette position, négation du processus parlementaire et des raisons qui justifient notre présence ici, aux uns et aux autres, M. Lombard nous a encore dit qu'on pourrait toujours voter non à ce projet de concordat intercantonal. Sérieusement, est-ce une manière intelligente de travailler ? «Ficeler» un projet pour revenir ensuite à la case départ ? C'est une manière stupide et non démocratique de travailler !
Mme Guichard, pour sa part, n'a trouvé aucune ouverture dans ce projet. Bien au contraire, Madame, l'ouverture sur une collaboration intercantonale y figure, mais le problème est de savoir s'il s'agit d'une collaboration intercantonale ou pas.
Dans notre constitution, se trouve un article traitant de l'instruction publique disant : «La loi règle l'organisation des établissements d'instruction publique qui sont en tout ou en partie à la charge de l'Etat.» Il est donc normal de débattre de ce sujet et de fixer des conditions pour qu'un nouvel établissement d'enseignement qu'on tâche de mettre sur pied puisse collaborer avec les autres cantons et s'ouvrir sur la région. Or, la manière dont on accueille ce projet de loi aujourd'hui n'annonce rien de bon et ne prend pas du tout cette orientation.
On nous parle de «cantonalisme étroit», puis on nous trouve trop patriotes sur les bancs libéraux, alors que tout à l'heure cela n'était pas le cas. Il faudrait vous mettre d'accord ! L'ouverture doit se faire démocratiquement. Elle doit passer par un contrôle de ce parlement sur les institutions d'enseignement qu'il se donne. L'ensemble du processus qui nous est proposé est une négation absolue de cette manière d'agir. C'est ce qui justifie le dépôt de ce projet de loi. Il est certes anormal que nous ayons dû le déposer, car c'est bien la preuve d'une carence de l'exécutif !
Mme Brunschwig Graf nous conseille de laisser se terminer la négociation autour de cette HES et d'en discuter après. Or, nous, nous voulons en discuter avant ! L'exécutif est chargé de fixer un certain nombre d'orientations politiques, il n'a pas à prendre des initiatives de son cru sur des questions aussi importantes, pas plus qu'à verrouiller les dossiers avant que le débat n'ait pu avoir lieu !
M. Christian Grobet (AdG). Je constate à regret, une nouvelle fois, que la majorité de ce Grand Conseil - certes encouragée par le Conseil d'Etat auquel elle voue une fidélité exemplaire - refuse de discuter les propositions de l'autre partie de ce parlement.
Il était d'usage que, lorsqu'un projet de loi ayant un certain contenu - dans le cas présent, on ne peut pas reprocher aux auteurs de ne pas avoir fourni un travail considérable de réflexion et de rédaction... (Une voix interrompt l'orateur.) Quoi, de la copie, Monsieur Kunz ! Je me rappelle certains projets de lois émanant de votre groupe, que des commissions ont passé des heures à réécrire, sans qu'ils n'aient été rejetés en discussion immédiate ! Puisqu'on a fait preuve de tolérance à l'égard de projets de lois mal rédigés, je crois que la moindre des choses est d'accepter de renvoyer celui-ci en commission, même si on n'est pas d'accord avec son contenu.
Je constate, une fois de plus, ce refus de votre part de travailler avec l'autre moitié du Grand Conseil... (M. Blanc interpelle l'orateur.) Oui, c'est un peu moins de la moitié, mais vous verrez, Monsieur Blanc, dans deux ans comment s'équilibreront ces deux moitiés ! Vous risquez d'avoir quelques surprises. Je ne veux pas faire de pronostics, mais on ne sait jamais ! (Protestations.) Ne soyez donc pas présomptueux, car nous nous montrons modestes... (Protestations.)
Tout à l'heure, un de vos collègues nous reprochait notre soi-disant manque d'idées. Or, précisément, Mesdames et Messieurs les députés d'en face, nous ne nous cantonnons pas dans une opposition stérile à la politique du Conseil d'Etat, nous avançons des propositions et des contre-propositions, mais nous constatons que vous ne voulez pas les étudier.
On a évoqué la solution du concordat, à prendre ou à laisser, selon une procédure qui est tout sauf satisfaisante. J'aimerais quand même attirer l'attention du Conseil d'Etat sur l'article 161 de notre constitution : «La loi règle l'organisation des établissements d'instruction publique qui sont en tout ou en partie à la charge de l'Etat.»
Par voie de conséquence, on ne pourra pas uniquement régler cette question par convention. Il s'agira aussi de légiférer, et je vous remercie, Madame, de le reconnaître. Dès lors, notre démarche, en tout cas sur le plan juridique, est fondée. Vous le reconnaissez implicitement, lorsque vous nous dites que nous venons trop tôt. D'habitude, on nous dit plutôt qu'on arrive comme la grêle après les vendanges. Alors on ne sait plus quand il faut intervenir... (Une voix interrompt l'orateur.) On n'est jamais à l'heure, vous avez raison, Monsieur Haegi ! En tout cas, nous n'avons pas la même heure que la vôtre, c'est sûr !
En ce qui concerne le fond du débat, j'aimerais souligner que nous sommes, bien entendu, favorables à des collaborations intercantonales et nous n'avons pas cette vision de «cantonalisme étroit» qu'on nous prête. Comme l'a relevé notre collègue Pierre Vanek, notre projet de loi est très précis sur cette question : l'article 5 indique dans quel sens la collaboration devrait intervenir entre une HES genevoise et les autres HES de Suisse romande ou de Suisse allemande. Le souci d'une collaboration régionale, voire nationale, est donc affirmé dans ce projet de loi. Qui plus est, nous n'excluons pas non plus la possibilité d'intégrer des enseignements donnés à Genève dans une HES romande. Elle est expressément réservée dans le cadre du projet de loi.
En résumé, nous préconisons une collaboration romande et nous réservons la possibilité d'instituer des filières communes, notamment à l'article 1er.
Par contre, nous ne sommes pas d'accord de démanteler nos acquis. Qu'on le veuille ou non - Madame, ne jouez pas l'étonnée - nous ne sommes pas dupes de la démarche du Conseil d'Etat. Cette HES romande, qu'on nous présente comme la seule solution possible, aura pour conséquence non pas de développer cet esprit intercantonal auquel nous sommes attachés, mais bien de réduire concrètement les prestations que nous offrons, à Genève, à nos étudiants.
Nous pensons qu'il n'y a rien d'excessif à ce qu'un canton de 400 000 habitants comme le nôtre, dont les écoles accueillent des élèves de toute la région avoisinante, ait sa haute école spécialisée. C'est la moindre des choses qu'une grande ville ait l'ambition d'avoir une HES. Vous qui parlez de «Genève gagne» - ce n'est pas notre slogan, je m'empresse de le dire - vous devriez y être sensible !
De fait, nous craignons, Madame la conseillère d'Etat, qu'il n'arrive à l'école d'ingénieurs ce qui s'est passé, certes à un niveau bien plus modeste mais combien significatif, au centre d'ergonomie et de médecine du travail, dont on nous avait vanté le développement dans le cadre d'une institution romande et qui, en fait, a simplement disparu de Genève. On sait que cet exemple de collaboration sur le plan romand n'a pas du tout fonctionné. Comme par hasard, nous n'avons jamais eu de rapport sur la question. Or, nous disons que ce regroupement romand a été un échec, puisqu'il n'y a quasiment plus de Genevois qui y travaillent.
En conséquence, nous souhaitons que les établissements, pour lesquels nous avons fourni un effort considérable en matière d'investissements, aussi bien en argent qu'en capital humain, tels que l'école d'ingénieurs, un des fleurons de nos institutions d'éducation genevoises, soient soutenus et défendus.
Aucune école d'ingénieurs, en dehors des écoles polytechniques universitaires fédérales qui bénéficient de l'appui de la Confédération, ne peut prétendre rivaliser avec notre école de Genève. C'est pourquoi nous estimons que non seulement elle doit être maintenue mais, en plus, elle doit obtenir le statut de haute école spécialisée et bénéficier, ainsi, de l'appui de la Confédération.
Nous ne pouvons donc que regretter votre volonté constante non seulement d'esquiver le débat mais bien de démanteler un certain nombre de nos services publics. Il est vrai, Madame la conseillère d'Etat, que votre volonté de démantèlement n'est pas aussi brutale que dans le cas du service des automobiles que vous vouliez privatiser. Maintenant le Conseil d'Etat procède de manière occulte, mais le but poursuivi est le même, ce que nous n'acceptons pas.
Nous nous réjouissons, finalement, que ce débat sorte enfin sur la place publique. Nous pressentions ce refus, d'autant plus que vous l'aviez déclaré urbi et orbi. Ne nous reprochez pas aujourd'hui de lancer, avec d'autres mouvements, une initiative. La question du rejet de notre projet de loi nous avait été posée par un journaliste lorsque nous l'avions présenté en conférence de presse et nous avions déjà répondu que nous lancerions une initiative pour que le peuple puisse se prononcer. Nous nous réjouissons par avance de ce débat démocratique et nous ne pensons pas abuser des droits populaires... (Une voix interrompt l'orateur.)
Le président. Mais vous abusez du temps de parole !
M. Christian Grobet. Mais non ! Ecoutez, Monsieur Vaucher, je me souviens d'un éminent député - c'est par là que je terminerai - qui siégeait sur le premier rang des bancs où je me trouve présentement et disait : «La crainte du peuple est le début de la sagesse !».
M. Pierre-François Unger (PDC). Il est vrai que le principe même de la discussion immédiate devrait être réservé à des situations consensuelles comme on en connaît, Dieu merci, parfois ! Mais cela n'est malheureusement pas le cas ici.
Cependant, ce principe s'impose parfois, dès lors que l'objet soumis à l'étude est véritablement provoquant. Il ne fait aucun doute que, si ce projet de loi lançait le débat sur les HES, il devrait être étudié en commission. Mais, en l'espèce, le débat sur cette question a déjà été très largement entamé, que ce soit grâce à la motion de la commission de l'enseignement adressée au Conseil d'Etat, il y a un peu plus d'une année, ou grâce aux deux motions actuellement à l'étude en commission de l'université.
Le projet de loi, qui nous est soumis ce soir, représente donc soit une provocation, ce qui est bien inutile, soit une pression sur notre gouvernement dans le but d'affaiblir ses positions dans la difficile négociation qui s'annonce avec nos partenaires romands, ce qui est plus inutile encore.
Il est vrai qu'une information de ce parlement sur l'état des négociations est souhaitable; mais la loi fédérale ne date que d'un mois et son ordonnance d'application n'est toujours pas connue. C'est pourquoi le groupe démocrate-chrétien fait confiance au gouvernement. Il n'empêche que nous nous montrerons très attentifs au concordat qui nous sera proposé.
En effet, Genève doit avoir des pôles HES solides, qu'il s'agisse de préserver sa tradition de formation de haut niveau ou d'augmenter surtout l'attrait, pour son tissu économique, de la proximité des hautes écoles. Rappelons-nous à ce propos que l'implantation de Medtronics à Saint-Sulpice, qui avait fait l'objet d'une interpellation lors de notre dernière séance, est moins due à la souplesse fiscale consentie qu'à la proximité de l'école polytechnique fédérale de Lausanne.
Que Genève, dans le respect de sa tradition, veuille se porter garante de la démocratisation des études, cela ne se discute pas non plus. Mais elle doit rester ouverte et s'ouvrir plus encore, non seulement dans les discours mais aussi dans les faits.
Revenons donc à cette discussion immédiate détestable sur le principe mais inévitable en l'espèce. (Protestations.) Le temps pressait-il vraiment au point de devoir présenter un projet de loi sur les HES dans la séance même qui suivait celle à l'occasion de laquelle des motions traitant du même sujet avaient été renvoyées en commission ? Manifestement non ! Il faut, hélas, constater que la motion socialiste, bien reçue, constructive, ouverte à plusieurs solutions, ne satisfaisait pas certains agités ou étaient-ce des «ageeités» pour lesquels seule la solution d'une HES purement cantonale devait être défendue et ceci selon l'esprit corporatif le plus étriqué.
Ainsi donc, ce projet de loi constitue un grand pas en arrière, et son message est clair. Mesdames et Messieurs les députés des bancs d'en face, vous qui vous prétendez les défenseurs de l'Europe, vous nous proposez une solution de repli. Vous qui prétendez défendre les plus faibles et les opprimés, pensez aux cantons qui ne disposent ni d'université ni d'écoles supérieures. Votre message à leur égard est encore plus clair : Genève entend tout garder, et tant pis s'ils n'ont rien, car - et vous le savez bien - la manne de la Confédération ne sera pas infinie.
Dix HES sont prévues au niveau suisse. Il est d'ailleurs probable qu'un «Alleingang», tel que celui que vous nous proposez, nous priverait de toute subvention fédérale.
Au moment de la création d'un pôle hospitalo-universitaire de l'arc lémanique, alors que la mise en commun des forces et des compétences est plus indispensable que jamais, et où le cantonalisme le plus étriqué se fissure enfin, permettez-moi de douter de l'opportunité d'un projet à ce point rétréci.
Que Genève continue à se comporter en enfant gâtée, à vouloir tout faire toute seule, et vous verrez inévitablement se renforcer soit le «triangle d'or» soit le «Mittelland» naissant qui, lui, a bien compris les enjeux de la collaboration intercantonale.
Mesdames et Messieurs les députés, entrer en matière sur ce projet de loi, c'est accepter, à terme, l'isolement de Genève et sa transformation en bourgade de province.
M. Pierre Kunz (R). Monsieur Grobet, vos regrets concernant le probable rejet par ce parlement de votre projet de loi sont de mauvais aloi, simplement parce que ce projet n'est pas sérieux.
Quelle bizarre idée que celle consistant à préparer un projet de loi visant à définir, pour Genève, l'organisation d'une structure scolaire élaborée par la Confédération, sur une base régionale, et ceci avant même de savoir comment Genève va s'y intégrer !
Alors, en y réfléchissant, je me suis d'abord posé la question suivante : ce projet de loi aurait-il pour origine une volonté de l'Alliance de gauche et du parti socialiste de nuire systématiquement à l'action du Conseil d'Etat ? (Protestations.)
Bien évidemment non ! J'ai immédiatement écarté cette idée, car nous savons tous ici, depuis longtemps, que pour ces deux partis, même s'ils sont dans l'opposition, il ne saurait être question de faire passer leurs intérêts partisans avant ceux d'une Genève conduite fermement !
Mais alors, l'Alliance de gauche et le parti socialiste auraient-ils pu, en déposant ce projet de loi, n'avoir pour objectif que de mettre en valeur la vilaine cause d'un «groupaillon» de professeurs aigris, excités, égoïstement revendicateurs et jaloux d'autres professeurs qui pourraient être mieux traités qu'eux dans le cadre de la nouvelle structure ?
Bien sûr, cette hypothèse n'est pas envisageable, car chacun sait bien ici qu'aussi bien le parti socialiste que l'Alliance de gauche ont à coeur, de manière constante, de défendre les intérêts de l'ensemble de la fonction publique et que jamais ils ne s'abaisseraient à favoriser la cause d'une minorité d'enseignants, fussent-ils vociférants et gesticulants, au détriment de l'ensemble de la classe professorale.
M. Christian Grobet. Cela suffit, ces insultes !
M. Pierre Kunz. Alors m'est venue une autre pensée. Serait-il possible que le parti socialiste et l'Alliance de gauche soient fâchés, jaloux de constater que, sans eux, le Conseil d'Etat est capable d'engager des réformes importantes dans le domaine des structures éducatives ? Serait-il possible que ce projet de loi ne soit que le témoignage de cette mauvaise humeur, teintée de «Chavanno-centrisme» ? Impossible ! Chacun sait, en effet, depuis toujours, que la gauche n'a jamais eu qu'une seule ambition en matière d'instruction publique : défendre l'intérêt des élèves. Jamais, par conséquent, l'Alliance de gauche et le parti socialiste ne laisseraient leur mauvaise humeur remettre en cause ce sacro-saint principe.
Alors, quoi ? Comment expliquer ce comportement bizarre, cette façon aussi flagrante de mettre la charrue avant les boeufs ? Je n'ai finalement trouvé qu'une seule explication : la mélancolie du pouvoir exécutif, qui étreint douloureusement nos collègues, et le plaisir de jouer, ne serait-ce qu'un moment, à Mme Brunschwig Graf ! (Rires.)
Evidemment, ces enfantillages nous font perdre beaucoup de temps, mais, n'est-ce pas, Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, personne n'en veut vraiment aux signataires de ce projet de loi d'avoir voulu jouer «pour beurre» au Conseil d'Etat. Seulement, voilà, tout a une fin, même les jeux de rôles. Les auteurs comprendront fort bien que nous mettions maintenant un terme à cette saynète.
Mme Janine Hagmann (L). Le projet de loi 7296 a eu au moins une qualité : il a fait la une de la plupart des quotidiens genevois du 19 septembre 1995.
Voici quelques-uns des titres qu'on a pu lire en première page des journaux, ce jour-là : «Au nom de l'école, la gauche genevoise se lance dans une lutte anti-romande»; «La gauche veut une haute école spécialisée genevoise»; ou encore : «Myopie à gauche». Fort heureusement, à droite, la vision est très claire !
Je me suis alors posé la question suivante : pourquoi cette dureté de jugement des médias vis-à-vis de ce projet de loi ? En fait, celui-ci a été déposé à un mauvais moment. Il est clair qu'il ne convient pas.
Comme on vous l'a rappelé ce soir, les Chambres fédérales ont adopté, le 6 octobre dernier, la version définitive de la nouvelle loi fédérale sur les HES. Dans le champ d'application figure entre autres ceci : «De concert avec les cantons, elle favorise au niveau national et régional la répartition des tâches et la collaboration dans l'ensemble du domaine des hautes écoles. Elle tient compte de la coopération internationale.»
Le projet romand est concret et solide. Il s'agit, en fait, d'une très sensible amélioration de la formation professionnelle dispensée jusqu'à présent par les écoles techniques supérieures. Nos voisins européens connaissent depuis longtemps cette filière de formation. Or, un enseignement de niveau européen ne peut plus être conçu sur une base exclusivement cantonale. Il doit englober un large bassin offrant des possibilités de diversification.
Les écoles genevoises dont le niveau est reconnu seront évidemment intégrées dans ce réseau plus vaste. Pour Genève, trois établissements seront concernés au premier chef, quelle que soit la structure d'organisation envisagée : l'école d'ingénieurs, l'école supérieure des arts appliqués, le centre horticole de Lullier. D'autres formations pourraient encore être prises en considération. Il n'a jamais été question de fermer l'un de ces établissements. D'ailleurs, notre parlement sera appelé à se prononcer en temps opportun.
La mise sur pied des HES créera de nouveaux ponts entre les écoles techniques supérieures et la recherche industrielle appliquée. C'est là un des moyens essentiels au renforcement de la capacité concurrentielle et innovatrice de la place industrielle suisse et pas seulement genevoise. Indiscutablement, ces liens devraient stimuler les imaginations et les créations.
Votre projet de loi, Mesdames et Messieurs, est irréaliste : en le présentant, vous vous opposez à la Suisse romande. Pour préserver la qualité de l'enseignement dans notre canton, il faut l'ouvrir largement à la collaboration. Mon groupe fait une entière confiance à la cheffe du département de l'instruction publique pour promouvoir la participation de Genève à la mise en place du système de formation HES. C'est pourquoi il vous propose le rejet de ce projet de loi.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). S'agissant de la discussion immédiate, le problème n'est pas de savoir s'il y a consensus ou divergences sur ce projet. Un renvoi en commission, pour moi, est évident, par simple respect du travail effectué par les députés, lorsqu'ils déposent un projet de loi. Voilà pour la discussion immédiate.
Ensuite, j'aimerais répondre à quelques-uns des propos que nous avons pu entendre sur ces bancs, accompagnés, bien sûr, d'un doigt accusateur. Non, il ne s'agit pas d'un projet intempestif ! Non, il ne s'agit pas d'un projet provocateur ! Il n'est que le fruit d'une suite logique de la manière dont nous avons choisi de suivre ce dossier.
Voilà plus de deux ans que nous posons des questions. Cela s'est d'abord concrétisé sous forme de plusieurs interpellations. Et en réponse à cette forme d'intervention, nous avons été traités de blochériens !
Il y a eu ensuite la pétition, déjà citée, de l'Ageeit transformée en motion par la commission de l'enseignement. Nous voulions alors connaître ce qu'envisageait le département pour l'école d'ingénieurs, dans la problématique HES. Aujourd'hui, soit une année et demie plus tard, nous n'avons toujours pas de réponse du Conseil d'Etat.
Ont suivi deux motions, présentement en cours de débat en commission. Mais, pendant que l'on discute, le temps passe et les décisions vont bon train entre les chefs de la CDIP, sans même qu'une consultation soit menée. Dès lors, on peut s'étonner qu'une conseillère d'Etat, face à des enjeux concernant tout l'avenir de la formation professionnelle supérieure, écarte délibérément ceux avec qui, précisément, il lui faudrait concerter et collaborer étroitement pour faire avancer le dossier. Par ailleurs, plusieurs cantons inquiets de l'évolution du dossier ont déposé, durant l'été, des projets de HES cantonales.
Le projet de loi, que vous avez sous les yeux aujourd'hui, n'est que la suite logique de tous ces événements. Il est donc particulièrement «opportun», Monsieur Lescaze, car après il sera trop tard.
Je n'entrerai pas en matière sur les accusations assorties de mots tels que nombrilisme, égoïsme ou anti-européen. Je me contente de sourire en me rappelant vos discours enflammés sur les heures d'ouverture des magasins. Là, vous n'aviez pas peur de vouloir une Genève seule au monde, repliée sur elle-même, afin qu'aucun de ses habitants ne puisse acheter ailleurs. Tiendriez-vous donc deux discours ?
Avant de passer au projet de loi proprement dit, je tiens à répondre encore à Mme Brunschwig Graf, car cela commence à bien faire ! Elle vient de nous dire qu'elle avait présenté en commission de l'enseignement l'évolution du dossier et qu'elle avait été surprise de n'avoir entendu aucune question. Madame, j'ai dit à la présidente de la commission, qui vous l'a probablement transmis, que je renonçais à poser des questions vu la manière, systématiquement agressive, dont vous nous répondiez.
J'en viens maintenant au projet de loi. Monsieur Lombard, vous avez comparé le débat à une partie de football, et je me demande si vous n'êtes pas en train de tirer des auto-goals, en rejetant ce projet de loi.
- Auto-goal en votre qualité de député, parce que le processus en cours va nous placer devant le fait accompli, à savoir un concordat auquel nous n'aurons qu'à dire oui ou non. Oui de préférence, car, à défaut, nous serions accusés d'être responsables de l'échec de plusieurs mois de travail avec d'autres cantons. Ce concordat fera que nous n'aurons plus la possibilité de modifier quoi que ce soit. Aujourd'hui déjà, nous n'avons strictement rien à dire au niveau de son élaboration.
Sur ce point, il est intéressant de prendre connaissance d'ailleurs du calendrier établi par le groupe de coordination qui travaille avec la CDIP. Certaines échéances tomberont d'ici avril 1996, et il n'est fait aucune mention d'une éventuelle prise de position, ni d'un quelconque préavis des législatifs cantonaux d'ici cette date prévue pour la présentation du dossier de candidature à Berne.
On nous assure que nous aurons tout loisir, ultérieurement, de faire valoir nos arguments dans le cadre du projet de loi qui sera déposé devant ce Grand Conseil. Mais de quelle marge de manoeuvre disposerons-nous quand le concordat aura été signé ?
Dès lors, en refusant l'idée de ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, vous vous excluez vous-mêmes de toute possibilité de choix de décision sur un enjeu essentiel portant sur l'avenir de toute la formation professionnelle supérieure des jeunes. Vous n'aurez plus rien à dire et ne serez bons qu'à voter des budgets.
Ce n'est vraiment pas ainsi que nous autres concevons notre travail de députés. De plus, il nous est impossible d'envisager que le peuple soit privé de s'exprimer sur un enjeu d'une telle importance. Et cette porte, vous la fermez aussi !
- Auto-goal par rapport au «Röstigraben». Tous ici, nous relevons la difficulté d'être suffisamment pris en compte par la Suisse alémanique. Nous souffrons tous de n'être pas entendus et d'être considérés comme quantité négligeable. D'ailleurs, les Suisses alémaniques le reconnaissent et nous recommandent de faire un effort, de mieux nous faire entendre et de ne pas nous replier sur nous-mêmes. Dans ce contexte, vous-mêmes êtes en train de cautionner un processus où l'on se fait tout petit. Des dix HES prévues en Suisse, nos responsables romands, particulièrement Mme Brunschwig Graf, n'en revendiquent qu'une pour la Romandie. Cette région ne représenterait-elle que le dixième de la Suisse ? Ce sont deux ou trois HES que nous revendiquons au niveau romand, et pas une HES romande contre une HES genevoise. Nous voulons plusieurs HES romandes, dont une à Genève. En cela, Madame Brunschwig Graf, nous sommes fidèles à notre ancienne motion, parce que nous voulons une collaboration entre ces diverses HES romandes.
- Auto-goal face à des représentants de vos propres partis, élus au gouvernement des autres cantons. Berne, Soleure, Zurich, le Tessin, revendiquent des HES cantonales. Leurs autorités élaborent des projets de lois, les mettent en consultation, bref, utilisent les voies démocratiques. Notre projet de loi est très largement inspiré des textes de lois proposés dans ces cantons, par des gouvernements aux couleurs de vos partis. Et vous venez nous dire que notre loi est mauvaise ! Soyez certains, nous leur transmettrons vos appréciations !
- Auto-goal pour ce qui est de l'égalité...
Une voix. On en est à quatre à zéro !
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. Effectivement et vous allez perdre gros ! J'avais cru comprendre que chacun, dans ce canton, était acquis à la cause de l'égalité. Or, refuser l'idée d'une HES cantonale, composée de plusieurs filières de formation, c'est accepter de n'offrir que des filières liées à l'OFIAMT, fréquentées essentiellement par des jeunes hommes. Les filières du secteur social et de la santé, suivies plutôt par les jeunes filles, seront laissées à l'écart, excluant de fait les femmes des reconnaissances professionnelles supérieures.
- Auto-goal enfin, quand vous prétendez porter votre principal souci sur l'économie et, particulièrement, sur les petites et moyennes entreprises, tout en rejetant l'idée d'une HES genevoise. Vous perdez là tout le bénéfice de la recherche appliquée et un important potentiel pour revitaliser le tissu des PME travaillant dans les technologies de pointe et l'innovation. Lorsque les centres de compétences seront ailleurs qu'à Genève, vous n'aurez plus que les yeux pour pleurer.
- Dernier auto-goal, par rapport à ce qui me tient le plus à coeur : la démocratisation des études, dont Genève peut être fière ! Et elle se doit, encore et toujours, de l'améliorer ! Or, vous savez que les jeunes, issus de milieux modestes, ne choisiront que rarement une filière qui leur impose d'aller étudier dans une autre ville. Louer une chambre, ne pas pouvoir faire, le soir, un petit travail pour arrondir les fins de mois, voire ne pas pouvoir participer à l'entretien de sa famille, sont des freins bien réels, même avec un système de bourses. C'est donc aussi à la démocratisation des études que vous portez atteinte ce soir, en rejetant ce projet de loi.
M. Armand Lombard (L). Je reprends la parole pour dire à mes collègues des bancs d'en face que je suis un démocrate, peut-être stupide, Monsieur Vanek, mais apte à s'exprimer sans provoquer le besoin que vous éprouvez, chaque fois que le débat s'avère difficile, de nous traiter d'anti-démocrates, d'abrutis, et j'en passe.
Effectivement, le sujet est important, mais le débat est demeuré correct. Alors, laissez-nous ! Nous avons le droit d'affirmer que nous avons un bon gouvernement qui sait où il va. Nous avons le droit de voter une discussion immédiate, de voter contre un projet. Laissez-nous, nous ne vous avons rien fait, si ce n'est de vouloir nous shooter un projet. Voilà deux heures que nous discutons, en exposant des avis différents. Alors, ne nous mettez pas en tort !
En expliquant sa position dans le cadre de ce projet, je crois que M. Grobet a réellement touché le coeur du problème qui est une crainte d'ouverture sur la région, sur quelque chose de plus large. Certes, un certain nombre de collaborations ont été prévues par le projet de loi et j'y reviendrai rapidement.
Quand M. Grobet déclare : «Nous voulons avoir notre haute école», il se trompe. Le territoire est trop exigu, nous n'aurions plus rien à dire sur le plan européen. Il faut davantage d'étudiants, de diversités, bref, une réelle ouverture pour procéder à des financements corrects. Le fait de se rendre à Lausanne, ce n'est tout de même pas s'expatrier à l'étranger ! Même avec une toute petite chambre d'étudiant, Madame Reusse-Decrey, on n'envoie pas nos jeunes au bagne de Cayenne ! Ce sera Lausanne, Fribourg ou Neuchâtel pour que la masse critique soit atteinte et que se développe un projet valable économiquement et intellectuellement. Vous ne le pensez pas, c'est votre droit, mais j'essaie maintenant de vous expliquer pourquoi nous ne croyons pas à votre projet. Nous estimons qu'il est fondamentalement faux, et, tout aussi fondamentalement, nous estimons qu'il est juste de le rejeter ce soir.
Vous dites, Madame Reusse-Decrey, que sept HES en Suisse allemande et quatre en Suisse romande assureraient mieux l'équilibre que sept en Suisse allemande et une seule, très importante, en Romandie. Les gens ne sont pas aussi bêtes que cela. On ne paie pas pour le nombre de HES, mais pour le nombre d'étudiants.
Quant à l'allusion au football, permettez-moi de vous faire remarquer que je n'en ai eu que pour une demi-phrase, alors que vous, vous avez étalé vos six auto-goals. Personnellement, si on me demandait aujourd'hui si l'on doit conserver un Servette ou un Lausanne en queue du classement, un Annecy F.C. - on ne sait même pas où il est - j'opterais, sans hésiter, pour une équipe régionale apte à s'aligner au niveau des championnats européens. (Applaudissements.)
Deux mots encore au sujet des collaborations extérieures. L'article 5 prévoit, effectivement, ces collaborations, mais son a priori signifie faire petit, quitte à s'ouvrir un peu. N'ironisons pas : on part petit et on ouvre. Nous, nous prônons d'ouvrir grand, car nous ne pouvons plus faire autrement. Et quand je dis «grand», je ne dis pas «gigantesque»; simplement, je fais allusion à une plus riche diversité. De plus, l'article 5 laisse clairement entendre que les filières importantes doivent être à Genève, que la démocratisation des études doit se faire à la genevoise et que le contrôle démocratique est du ressort du parlement genevois. L'ouverture, dans ces conditions, je n'y crois pas !
Dans le cadre d'une école régionale, les sites genevois demeurent. La démocratisation des études est un fait établi. Mais quand Mme Calmy-Rey parle d'un libre accès dans un canton totalement fermé, il ne s'agit plus de la démocratisation des études !
Je réitère mon opinion. J'estime que votre réflexion est d'une désastreuse sécheresse en ce qui concerne les contrôles parlementaires et les contrôles démocratiques. Il y a mieux à faire. Je ne vais pas exposer une théorie à ce sujet. Nous en avons déjà eu vingt-six mille en privé ! Quant à déclarer qu'il faut un contrôle cantonal, un contrôle régional n'étant pas évident, il y a vraiment mieux à dire !
A l'occasion des élections au Grand Conseil, en 1993, le parti socialiste a publié un document qui pouvait faire illusion. Il s'agissait d'un texte intitulé «Ensemble pour un nouveau contrat social», suivi de ce délicieux en-tête, tout sauf la queue de la poire : «Contrat Social... Jean-Jacques Rousseau. Nouveau Contrat Social... Ruth Dreifuss.»
A la bonne heure toutefois, Madame la présidente du parti socialiste, au chapitre «Réformes de l'Etat» dudit document, j'ai relevé ceci : «La restructuration de l'Etat doit être l'occasion de faire tomber les barrières qui entravent son efficacité. La collaboration intercantonale doit prendre le pas sur le maintien de fiefs locaux.» Or, non seulement vous ne vous bornez pas, dans le projet des HES, à maintenir ces fiefs, mais vous en créez de nouveaux : des remparts académiques, des châteaux forts de la santé ou de l'architecture, des zones d'aménagement barricadées, des tours genevoises pour les déchets. Vous faites de Genève un ghetto qui se vide de ses emplois. Vous installez un Disneyland blochérien qui s'asphyxie de son contentement patriotique. Votre projet de HES n'est rien d'autre qu'un village d'Astérix, perdu dans un monde qui, lui, évolue, se structure et prévoit, à long terme, les conditions de vie de la communauté européenne.
Avec votre projet, vous êtes résolument rétrograde ou soit cyniquement, soit «myopement» politicienne.
C'est parce que nous avons choisi que nous pourrons voter ce soir. Deux thèses sont en présence : la vôtre, que je respecte sans l'apprécier, et la nôtre qui nous permettra de voter en toute conscience démocratique.
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Je suis écoeurée de vous entendre nous reprocher notre étroitesse d'esprit, alors que vous faites montre d'un esprit de «Neinsager» incroyable, sans avoir même lu le projet de loi et en vous fermant complètement à l'esprit qui l'anime.
Votre grande ouverture d'esprit consiste à envoyer au front M. Lombard qui, lui, fait du protectionnisme à l'égard du Conseil d'Etat, et M. Kunz, qui, lui, c'est bien connu, est d'une tolérance telle que je n'ose même pas le citer, pour démontrer que les bornés, c'est nous !
A vous entendre, notre problème serait d'avoir pensé plus vite que la Confédération, plus vite que le Conseil d'Etat; d'avoir consulté les milieux intéressés, ce que vous n'avez pas fait. Mesdames et Messieurs, prétendre que le projet ne convient pas, que ce n'est ni le lieu, ni l'heure, est absolument fallacieux, et vous le savez pertinemment.
Le terme de HES cantonale, tel qu'il est prévu dans notre projet de loi, doit être compris comme un terme générique... (Protestations.) Je suis désolée d'insister, il le faut puisque vous ne comprenez rien ! Je disais que le terme de HES cantonale doit être compris comme un terme générique qui regroupe aussi bien les formations professionnelles dites royales, c'est-à-dire les formations professionnelles techniques, économique et d'architecture, que des formations ne relevant pas de l'OFIAMT, c'est-à-dire notamment celles de la santé et du social, dont les filières sont exclusivement cantonales et nécessitent, par conséquent, une réglementation cantonale pour être mises en place.
Il est, en effet, difficile de dire aujourd'hui si les unités d'enseignement que je viens de citer constitueront une ou plusieurs HES genevoises, ou si elles seront des unités à l'intérieur d'une même structure, ou encore si certaines fusionneront avec des unités supracantonales. Notre projet de loi permet toutes ces hypothèses et, en tout état de cause, ces développements doivent être présents dans la législation cantonale qui, d'une part, a fonction de loi d'application pour les filières OFIAMT et, d'autre part, sert de base légale pour les filières non OFIAMT, en même temps qu'elle intègre les conditions d'une collaboration, voire d'une fusion dans une structure supracantonale pour les unités concernées.
Il importe de fixer les règles du jeu et c'est bien là l'objectif de notre projet. Il ne s'agit pas forcément d'anticiper la réalisation des projets, mais d'en fixer le cadre.
Le reproche de précocité ne tient pas si l'on consulte le calendrier établi par la Conférence des chefs de département qui sont en charge du dossier HES ! Il est prévu qu'un projet de concordat parviendra aux parlements cantonaux en mars, et que la demande de reconnaissance de la HES occidentale unique sera déposée, en avril, auprès des autorités fédérales compétentes.
Relevant le reproche qui nous est fait de nous opposer à tout ce que le gouvernement propose d'intelligent, permettez-moi de vous dire que le débat sur les HES montre, de façon symbolique, les différences et divergences de vue entre la gauche et la droite. Vous vous identifiez à la mondialisation, à la concurrence. Vous n'avez en bouche que la compétitivité et, dans cette vision, l'individu n'est qu'un pion sur un marché. Qu'il y ait une ou pas de HES à Genève vous est complètement égal. Qu'il y en ait deux ou trois en Suisse romande, sept ou huit en Suisse alémanique, n'est pas votre affaire, alors que nous menons un combat identitaire parce que social. L'individu n'est pas le même ici qu'ailleurs, et si nous sommes favorables à la réforme des HES et à sa vision supracantonale, nous sommes aussi pour une bonne implantation dans la réalité locale et régionale.
Enfin, Mesdames et Messieurs, je regrette que vous ayez fait preuve d'une telle étroitesse d'esprit au cours de ce débat et que vous en soyez encore à nous accuser de «cantonalisme» rétrograde, alors que le projet de loi prévoit, bel et bien, les fusions supracantonales en coexistence avec une HES cantonale. Mais il est inutile d'argumenter plus avant, vous n'entendez pas.
M. Pierre Vanek (AdG). Notre collègue Lombard s'est plaint d'avoir été traité d'abruti anti-démocrate. Je n'ai jamais prononcé ces paroles. Donc libre à chacun d'apprécier la manière dont les députés s'expriment dans cette enceinte.
Monsieur Lombard, vous êtes tout sauf un abruti, puisque vous avez mis le doigt sur un problème en parlant des contrôles démocratiques intercantonaux. Vous avez gesticulé en vous exclamant : «Ne restons pas dans le "cantonalisme", il y a mieux à faire, etc.» Certes, il y a mieux à faire en tant que structure démocratique, en termes de représentation à une échelle intercantonale et de contrôle de certains projets. Il y a mieux à faire, avez-vous dit ? Alors, faites-nous des propositions de contrôle de ce type de projets. Pour l'heure, dans notre pays, il y a des parlements cantonaux élus qui discutent de lois, qui peuvent collaborer et la question est de savoir si la prise de décisions passe par ces instances démocratiques ou si l'on vise à les extraire de notre système démocratique.
Dans sa première intervention, Mme Calmy-Rey a évoqué une citation de M. Stöckling, membre de la Conférence des directeurs des départements de l'instruction publique et responsable du dossier HES. Cette citation rend le projet parfaitement explicite. M. Stöckling dit que le réseau musellera les pressions sur les législatifs cantonaux.
Quand vous nous proposerez mieux en matière de démocratie, vous viendrez avec des propositions et nous les adopterons si elles sont bonnes.
Vous n'êtes donc pas un abruti, Monsieur Lombard. Vous avez bien discerné le problème. Malheureusement, votre réponse se résume à «il y a à faire». Pour le moment, ce n'est pas fait, et c'est pourquoi nous travaillons plus avant, dans le cadre des institutions.
Vous dites ensuite que les sites demeurent. Bien sûr que les murs et les sites demeurent ! La question est de savoir ce que l'on y mettra, quelles filières seront maintenues, quelles filières seront supprimées, etc. Et pour cela, nous n'avons aucune garantie, si ce ne sont les lettres écrites par Mme la conseillère d'Etat, présidente du département de l'instruction publique, à l'Ageeit et à d'autres. Sont-ce là des garanties ? Non ! Avons-nous la certitude que ces lettres seront en possession du Conseil d'Etat dans deux ans ? Non ! Les vraies garanties sont les objets discutés et votés dans ce parlement.
Poursuivant le chapitre consacré aux abrutis, je réponds brièvement à M. Kunz.
Nous avons l'habitude des longs procès intentés à la gauche et je n'entrerai pas en matière. Cependant, il y a une chose inadmissible : c'est la manière dont notre collègue, Pierre Kunz, a évoqué l'engagement des enseignants de l'école d'ingénieurs par rapport à ce projet, qui relève d'une conscience professionnelle et civique remarquable...
Une voix. C'est du corporatisme !
M. Pierre Vanek. Non, ce n'est pas du corporatisme. Ils ne défendent pas leur salaire qui serait maintenu, voire amélioré. Mme Brunschwig Graf le confirmera dans le cadre du projet qu'elle élabore. Ces enseignants défendent une certaine idée de la formation. On peut ne pas être d'accord avec eux, mais le fait qu'ils se mobilisent pour elle est à saluer. Par ailleurs, quel crédit accorder aux discours sur la concertation faits par Mme Brunschwig Graf quand ses suppôts, dans cette enceinte, traitent une organisation syndicale, qui a planché sérieusement sur ce dossier, de «groupaillon de professeurs agités, etc.» ? Je suggère à M. Kunz de retirer ses propos.
On nous a reproché aussi de mettre la charrue devant les boeufs. Dans sa première intervention, M. Lescaze a dit que le temps n'était pas venu pour faire cela, etc. Au contraire, sur un dossier comme celui-là, le temps est venu, pour les députés, de déposer un projet de loi. C'est la seule façon de faire avancer les choses. Nous avons été élus pour aller dans ce sens. Que ce projet de loi ne vous plaise pas, nous le comprenons, mais je ne vois pas comment l'on peut, un seul instant, nous reprocher d'avoir planché sur ce dossier et d'avoir produit un projet de loi.
En revanche, en fait de temps, de rythme d'action, je reviens à ce qu'a dit Mme Guichard en évoquant le mandat confié à un groupe «projet». Le 28 ou 29 novembre, Mme Brunschwig Graf a communiqué qu'elle nommait un chef de projet. Celui-ci devait constituer un groupe de pilotage où seraient représentés les milieux professionnels pour promouvoir la participation du canton de Genève au projet fédéral de création et de développement de hautes écoles spécialisées, tout cela en rapport avec ce projet de loi et à la veille du débat de ce Grand Conseil.
Dès lors, était-il raisonnable de prendre une décision le 2 décembre 1994, à la Conférence des directeurs cantonaux de l'instruction publique, de la confirmer le 24 avril et, à fin novembre, sortir de sa manche un groupe de pilotage et des concertations ?
Ce n'est pas très sérieux en fait de temps et de rythme. Nous avions, nous, un calendrier plus raisonnable.
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Pratiquement tout a déjà été dit sur ce sujet, par mes collègues socialistes. Je suis aussi écoeurée qu'elles, des arguments qui ont été avancés, non pas que je trouve que ce projet soit le meilleur, mais il a le mérite d'exister et de susciter un débat. Pas une seule parole n'a été prononcée pour défendre l'extraordinaire patrimoine que constituent les écoles visées par ce projet de loi.
J'ai assisté récemment à une conférence de l'essayiste, philosophe et linguiste Umberto Eco sur l'histoire des villes européennes et leur avenir, par comparaison aux villes américaines. Parmi les facteurs favorables à leur futur développement, il mentionnait la centralisation des établissements d'enseignement et de culture et l'espace urbain comme lieu de débat démocratique. Il est d'avis que l'avenir des villes - lorsque le travail aura changé de forme - est précisément dans cette capacité de concentrer ces facteurs et moteurs de rassemblement d'une collectivité régionale.
Nous avons la chance d'avoir hérité d'une cité au passé prestigieux, très largement autonome, qui a su regrouper, depuis longtemps un nombre considérable d'établissements d'enseignement de la catégorie de ceux dont nous discutons actuellement, que nous devons faire valoir dans le débat national ouvert depuis un an sur les hautes écoles spécialisées.
Vous visez des «économies budgétaires» par la liquidation d'une partie de cet enseignement pour des raisons qui vous sont propres, à vous gens de droite, qui ne pensez pas que l'enseignement soit l'atout majeur de notre pays pour l'an 2000. Vous vous empressez ensuite de dire que nous sommes des égoïstes, parce que nous ne voudrions pas partager notre patrimoine avec la Suisse romande.
Cet héritage ne doit pas être galvaudé, mais défendu et mis en valeur dans la discussion qui s'ouvre, et face à la concurrence. Il est constitué, non seulement de l'effort de nos prédécesseurs, de l'investissement de la collectivité, des contributions de chacun des travailleurs de ce canton et de cette ville, mais aussi de l'effort des enseignants, de l'enthousiasme qu'ils ont mis à l'élaboration et à la construction de certaines de ces écoles.
La première chose qu'il convient de faire, c'est de se mettre sur les rangs pour obtenir une haute école spécialisée à Genève et ensuite, avec nos partenaires, étudier comment ordonner cette perspective en Suisse romande. Genève a, ici, le rôle de ville centrale.
Lorsque nous discutons avec les représentants de cités comme Turin, Lyon ou d'autres villes importantes de la région, nous nous rendons compte avec quelle force elles font valoir leurs atouts. L'axe technologique, pour l'ingénierie, ne passe pas par Genève, au niveau de la recherche scientifique et de la recherche de pointe, mais par l'Ecole polytechnique de Lausanne et par Turin, qui a su regrouper autour de son industrie automobile des centres d'excellence dans ces domaines.
Pour la formation dispensée par des hautes écoles spécialisées, dont le niveau d'enseignement se situe juste au-dessous des universités, Genève a des atouts considérables à faire valoir, et vous êtes en train de nous dire les uns et les autres, à travers vos arguments, que nous faisons du «cantonalisme» étroit. Nous sommes fiers d'être les héritiers de cette ville et voudrions vous faire comprendre que nous n'accepterons pas - pas plus que la population d'ailleurs - que vous puissiez brader cet héritage.
M. Bernard Lescaze (R). On entend décidément beaucoup de choses étonnantes ! Je n'avais pas l'habitude d'entendre Mme Calmy-Rey, notre estimée collègue, nous développer une philosophie de carton-pâte, après nous avoir reproché de ne pas avoir consulté les milieux intéressés - j'oserai dire les milieux trop intéressés - et parler de la nécessité d'un combat «identitaire». Sa collègue de l'Alliance de gauche, Mme Deuber-Pauli, a renchéri, en nous parlant du maintien d'un héritage.
J'ai l'impression que ces estimables collègues ont oublié leurs propres racines judéo-chrétiennes, notamment parmi les textes, la parabole des talents. L'héritage, Mesdames, il s'agit de le faire fructifier, et non de s'asseoir dessus ! Or, ce que vous proposez, avec votre projet de loi, c'est de contempler simplement cet héritage, et ce que nous voulons, c'est du dynamisme pour que les choses avancent.
Je dois m'élever avec force contre certaines de vos assertions et je m'étonne que vous ayez oublié le calendrier. Vous avez déposé vos motions, respectivement les 6 juin et 22 juin, alors que vous savez très bien que nous ne siégeons pas en été. Vous souhaitiez qu'elles soient attentivement étudiées et elles le sont. Deux mois plus tard, le 21 septembre, vous déposez un projet de loi, et deux mois après, vers le 25 novembre, vous annoncez le dépôt d'une initiative. Il est tout de même curieux que vous vouliez avancer à marche forcée, alors que vous faites tout pour freiner l'avancement d'autres dossiers. Quel curieux changement d'attitude ! Je ne comprends pas très bien...
On a souligné à juste titre - je crois que c'était M. le député Grobet - l'importance des investissements qui ont été faits depuis des décennies, en faveur de l'école d'ingénieurs de Genève. Personne ne doute que, dans le cadre de la future HES romande, l'école d'ingénieurs de Genève jouera un rôle important.
Par ailleurs, ne venez pas nous dire que vos deux partis politiques ont fait un travail important, en présentant l'actuel projet de loi. La plupart des articles, qui nous sont présentés sont une simple traduction du projet bernois. Dans vos rangs, vous avez plusieurs personnes qui sont des traducteurs émérites, tant sur les bancs socialistes - n'est-ce pas, Monsieur Longet ? - ainsi que sur les bancs de l'Alliance de gauche. Je ne définis pas la simple traduction d'un projet de loi comme un «travail parlementaire important».
J'aimerais m'élever contre les propos de notre collègue Mme Reusse-Decrey, qui, sur tous les problèmes, sur tous les sujets, dont traite le Conseil d'Etat, n'a qu'un seul mot à la bouche, comme son collègue Grobet : démantèlement.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. Je n'ai pas parlé de démantèlement !
M. Bernard Lescaze. D'après elle, nous démantelons tout et lorsque notre intention est de progresser, nous voulons démanteler. On ne peut pas admettre qu'avec les projets, encore flous, puisqu'il s'agit d'une négociation que mène le Conseil d'Etat - notamment la cheffe du département de l'instruction publique - avec d'autres partenaires, l'on puisse parler, à ce stade, d'un démantèlement.
Il s'agit de fixer les règles du jeu, et si l'on a véritablement souci de l'intérêt de Genève, c'est d'abord, dans la situation que nous connaissons, de laisser le maximum de latitude au Conseil d'Etat, pour qu'il puisse négocier avec les partenaires de Suisse occidentale et l'ensemble des cantons concernés d'outre-Sarine. Si vous aviez lu attentivement le message du Conseil fédéral - mais vous donnez l'impression du contraire - vous auriez vu qu'il s'agit d'une première étape et que rien n'exclut, dans les intentions fédérales, que les HES regroupent ultérieurement des écoles d'art, de musique, d'études sociales, etc.
Je m'étonne que les auteurs de ce projet de loi, les «copieurs», ne se soient pas concertés avec Mme Calmy-Rey, et ne lui aient pas expliqué le concept d'une haute école spécialisée, car elle a déclaré qu'elle envisageait plusieurs HES genevoises. Ce qui va exactement à l'encontre de toute la philosophie du projet fédéral, qui prévoit des sites différenciés, une mise en réseau, mais qui n'envisage pas spécifiquement de HES genevoise ou jurassienne. Il est évident qu'il peut y avoir des pôles genevois, vaudois ou autres. On essaie précisément, et c'est la force de ce projet, de dépasser l'étroitesse des frontières cantonales. A moins que vous ne poursuiviez un vain combat politique, il vous faudra sérieusement réfléchir à ce projet, avant d'en déposer d'autres que nous devrons rejeter.
M. René Longet (S). Que d'envolées lyriques et littéraires ! Vous fantasmez, Monsieur Lescaze, et déplacez totalement le débat selon vos propres désirs !
De quoi s'agit-il ? A quel problème concret voulons-nous répondre ? Très loin de ce que vous nous prêtez comme intention, nous refusons qu'on prenne le risque, que vous allez prendre, de brader des offres et des prestations de formation en période de crise économique et sociale. Pour vous, ce sont des mots, pour nous, cela constitue des réalités quotidiennes.
Les années 70 et 80, dans ce canton, ont été marquées par le déplacement des centres de décisions économiques. Nous ne voulons pas qu'un même déplacement marque les années 90 concernant cette fois-ci en lieux de formation. Il nous tient à coeur que cette coopération, que nous souhaitons, se fasse en fonction d'un certain nombre de principes.
Contrairement à ce qu'a également dit Mme Brunschwig Graf, nous refusons catégoriquement que ce projet soit présenté par vous comme un projet qui serait «cantonaliste», car ce n'est pas le cas. L'article 1, alinéa 4, parle de coopération et, par définition, une coopération implique des conditions, sans lesquelles elle ne serait que démission ou soumission.
Nous avons défini pour cela deux conditions, de forme et de fond. Pour la forme : cette coopération doit passer par une décision du Grand Conseil. Pour le fond, nous ne devons pas être en régression par rapport aux offres de formation existantes pour lesquelles nous avons dû nous battre pendant des années. Ce projet de loi ne vise pas autre chose. Qu'il soit de la traduction pure ou de la rédaction importe peu; nous devons faire face à un problème réel que nous désirons prendre en main correctement.
Que revendiquons-nous exactement ? Une HES à Genève ne signifie pas qu'elle doit être seulement genevoise, mais que le potentiel genevois soit valorisé dans la bonne direction. Cela veut encore moins dire qu'il y aurait un bâtiment central avec l'enseigne HES et des milliers d'élèves regroupés physiquement. C'est un réseau. Qui dit HES, dit réseau, et nous devons savoir le maîtriser.
Actuellement, il est difficile de savoir où nous allons, Mme Brunschwig Graf le reconnaît elle-même. Mais il ne nous est pas interdit de fixer d'emblée quelques cautèles. Vous nous dites, Monsieur Lescaze, que nous avons déjà deux motions et que cela doit suffire. C'est doublement faux, parce que soit vous êtes d'accord avec ces motions et vous devez admettre qu'un projet de loi est bien meilleur en termes d'efficacité qu'une motion, soit vous êtes contre ces motions et votre argument ne tient pas la route.
Nous voyons se profiler en Suisse la création de sept, huit ou neuf HES en Suisse alémanique et une seule en Suisse romande. Nous voulons un équilibre dans ce pays, et je croyais avoir compris que c'était également le souci de l'ensemble des députés de ce Grand Conseil. Nous ne sommes pas satisfaits de cette répartition de neuf contre un. Personne ici ne pourra d'ailleurs s'en satisfaire, si tel devait être le résultat final de la négociation.
On nous reproche de reprendre un projet de loi du canton de Berne. Je rappelle que le canton de Berne est gouverné par les partis qui sont également majoritaires dans notre canton. Ce projet a été lancé en consultation pour la création de trois HES - étape maintenant, semble-t-il, dépassée - mais c'est le gouvernement bernois qui l'a proposé. Soit, nous le copions ! Mais il s'agit d'une position officielle et non pas simplement de quelques avis de députés de gauche qui souhaiteraient porter une discussion sur la place publique.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, ce projet de loi est parfaitement sensé; les arguments que j'ai entendus sont extrêmement faibles. Je ne comprends pas qu'on puisse nous reprocher de présenter notre projet prématurément. Mme Brunschwig Graf nous dit que nous devrions le redéposer dans six mois... (Interruption de Mme Brunschwig Graf.) ...pas de cette façon, je le reconnais, mais dans six mois, il serait utile d'avoir le nôtre avec lequel vous pourrez faire la comparaison.
Il n'y a qu'une seule explication à ce refus de renvoyer le projet en commission, c'est probablement que Mme la cheffe du département a tenu à négocier toute seule, et à sa façon, ce projet et les intérêts de Genève. La seule chose que nous pourrions faire, une fois la négociation terminée, sera de répondre par oui ou non. Cette façon de participer aux choix ne nous satisfait pas, car nous ne voulons pas nous retrouver avec un concordat à prendre ou à laisser, nous voulons agir maintenant, alors qu'il en est temps.
Votre seule mission, à vous les membres de la majorité, se limite à défendre à tout prix l'action du Conseil d'Etat; et je vous dis : mission accomplie ! Mais est-ce une bonne mission pour Genève, je me permets d'en douter.
M. Christian Grobet (AdG). Je tiens à rassurer M. Lescaze, nous avons, non seulement lu la loi fédérale, mais l'avons fait avec attention et rassurez-vous, avec des yeux de juristes.
Premièrement, nous nous permettons de dire, humblement, que nous savons de quoi nous parlons. Deuxièmement, vous nous reprochez d'avoir repris et traduit des textes de l'allemand pour ce projet de loi. Nous en avons fait encore moins, car la traduction n'est pas chose aisée : nous nous sommes bornés à copier et à nous inspirer de certaines dispositions du texte français de la loi bernoise. Nous sommes de ceux, un peu modestes, qui pensons... (Protestations.) ...qu'il n'est pas nécessaire de nous singulariser en rédigeant à nouveau des textes qui ont été bien faits ailleurs. Nous pensons que si les Bernois ont fait de bons textes de loi, nous pouvons soit les copier, soit nous en inspirer.
Cela dit, vous aurez certainement perçu au travers d'une lecture attentive de notre projet de loi - je ne doute pas que vous l'ayez faite - que celui-ci n'est pas une copie servile du texte bernois. Non seulement les dispositions que nous avons reprises ont été adaptées, mais elles ont été complétées. Sans vouloir dire que nous avons fait une oeuvre de législateur comparable à celle d'Oscar Huber, lorsqu'il a écrit le Code fédéral des obligations, je pense que nous avons fait un travail qui n'est pas négligeable et que l'on ne peut pas le sous-estimer. C'est votre habitude, Monsieur Lombard, de caricaturer, de faire de mauvaises plaisanteries... (Protestations.)... je pense que le débat doit se situer à un autre niveau. Faut-il créer un établissement romand unique, en regroupant les forces des différents cantons ou faut-il garder une certaine décentralisation ?
L'expérience, dans maints domaines, et plus particulièrement dans le domaine scolaire, a démontré qu'il y a des tailles critiques dans des établissements qu'il ne faut pas dépasser. Nous avons pu constater que pour les cycles d'orientation, le seuil critique de huit cents élèves est un chiffre sans doute trop élevé et que des concentrations excessives provoquent une baisse de qualité dans l'enseignement. Une analyse publiée récemment dans la presse démontre que la taille critique de certaines universités a un impact important sur la qualité de l'enseignement. J'ose espérer qu'après avoir imaginé de nous séparer de l'école d'ingénieurs, vous ne viendrez pas suggérer de créer une université romande, parce qu'on s'aperçoit que, même si dans d'autres pays les universités sont notablement plus grandes que les universités suisses, elles ne sont pas des modèles.
Dans notre pays, ce sont précisément les plus grandes universités qui présentent des problèmes de gestion. A l'université de Genève, par exemple, nous avons parfois des cours de quatre cents étudiants ! Je pense sincèrement que c'est une erreur de vouloir constituer une HES romande unique. L'EIG, l'école d'ingénieurs, telle que nous la connaissons à Genève, atteint déjà une taille critique et il serait erroné de vouloir faire une école encore plus grande.
Il est plus facile de demander à des enseignants de se déplacer que de déplacer la masse des étudiants, même si l'on veut encourager les transports publics. La collaboration peut être très utile au niveau du personnel scientifique, je vous l'accorde, mais il est difficile aujourd'hui de se payer des spécialistes pour les trois écoles d'ingénieurs romandes. Nous souhaitons une collaboration, mais tant que nous en avons les moyens - et nous pensons que c'est le cas - nous préférons avoir notre propre école d'ingénieurs, même si nous devrons peut-être envisager des regroupements, pour quelques disciplines particulières nécessitant un équipement particulièrement onéreux. Nous voulons maintenir notre école après tous les investissements que nous avons faits depuis près de vingt-cinq ans.
Maintenant, je trouve curieux, comme M. Longet l'a relevé tout à l'heure, que vous nous reprochiez de vouloir une HES cantonale, alors qu'en Suisse alémanique on envisage la création de plusieurs HES. Combien de fois n'entendons-nous pas, dans vos rangs notamment, mais nous partageons aussi ce point de vue, que la Suisse romande se fait dépasser par la Suisse alémanique. Sur le plan économique également, on entend certains médias souligner le fait que nous serions défavorisés par rapport à l'autre partie du pays. Je ne comprendrais pas, si dans un domaine aussi essentiel que la formation qui est l'avenir du pays, que nous acceptions d'avoir une situation inférieure à celle de la Suisse alémanique.
Faut-il avoir plusieurs HES dans notre canton ? Sans que cela puisse constituer un point de divergence ouvert entre les différents auteurs du projet de loi, il est vrai que nous pensions, au moment de la rédaction de ce projet qu'une HES suffirait et qu'il ne faudrait pas aller au-delà, même si, en Suisse alémanique, le projet de loi qui nous a servi de référence, prévoit la possibilité de plusieurs HES.
Il me semble que c'est une école spécialisée qui devrait être envisagée. Nous avons laissé la question ouverte pour qu'elle puisse être discutée en commission. J'ai l'impression, après avoir entendu un certain nombre d'intervenants, dont M. Lecaze avec le ton sentencieux qui est le sien, qu'en fait vous ne voulez pas de ce projet de loi parce qu'il serait mal rédigé ou prématuré. Ce sont des prétextes ! Vous voulez laisser carte blanche au Conseil d'Etat pour négocier cette question... (L'orateur est interrompu par M. Dupraz)... vous savez très bien, Monsieur Dupraz, que j'étais minoritaire au Conseil d'Etat, alors de grâce, même si vous regrettez que je n'y siège plus, ne prenez pas un mauvais exemple.
Ne nous détournons pas de notre sujet quelles que soient les personnes qui siègent au Conseil d'Etat. Cette question est trop importante, pour qu'elle soit l'enjeu de négociations. Elle devrait, au contraire, faire l'objet d'un examen attentif en commission, avec la confrontation de toutes les parties intéressées. Je trouve extrêmement grave les procédures qu'impose la majorité de ce Grand Conseil. En refusant le renvoi en commission, vous empêchez un certain nombre de groupes d'intérêts de pouvoir être entendus devant une commission. Fermer le débat est particulièrement grave.
Mme Barbara Polla (L). Je voudrais répondre très brièvement aux propos de Mme Deuber-Pauli qui parlait de la ville.
Je suis également passionnée des thèses de Umberto Eco, bien que je n'aie pas eu l'opportunité de l'écouter comme vous. Cependant, sa thèse de la ville que vous nous avez rapportée me semble tout à fait dépassée, autant que votre vision d'une HES genevoise par rapport à la nôtre d'une HES romande.
En effet, comme vous l'avez dit, la ville avait comme but de réunir des compétences, la culture, l'enseignement, l'économie en un seul lieu, mais les urbanistes, personnalités moins connues que M. Eco mais bien de chez nous, comme M. Vicari, par exemple, dont c'est aussi une des thèses, pensent que cette vision de la ville n'a plus cours. La communication aujourd'hui se passe en réseaux, régional, intercantonal, international, et souvent par ordinateur, comme pour Internet. Cette nouvelle forme de communication va dépasser très rapidement les anciennes formules que l'on pouvait trouver au sein d'une ville.
Nous attachons, bien sûr, beaucoup d'importance à la conservation du patrimoine, mais nous y voyons plutôt un tremplin qu'il faut savoir dépasser pour aller vers une ouverture et un développement.
Quand vous nous dites que nous avons les moyens de nous offrir une HES genevoise, nous préférerions, quant à nous, avoir les moyens d'avoir une HES romande. Nous devons nous ouvrir, car nous sommes suffisamment forts et sûrs de nous, nous n'avons pas peur et nous n'encourageons pas les autres à la peur. Si nous suivons cette voie, nous arriverons à créer une HES romande et à y participer.
Pour répondre à M. Grobet qui déclarait, au début de notre discussion, que le gouvernement s'attachait essentiellement à démanteler différents départements, il sera certainement d'accord qu'en ce qui concerne le département militaire, le Conseil d'Etat ne poursuit pas un tel but. C'est vrai, n'est-ce pas ? (Protestations.)
Quant à ceux qui rêvent que Mme Brunschwig Graf ne soit pas réélue dans deux ans, qu'ils ne se réjouissent pas trop vite : il est hors de question qu'elle démantèle le département dont elle a choisi de s'occuper. Soyez rassurés, elle ne coupera certainement pas la branche sur laquelle elle est assise !
Enfin, Monsieur Longet, lorsque vous nous dites qu'à la fin de ce long travail nous n'aurons que le choix de répondre par oui ou non, je me permets de vous détromper. Le projet sera tellement bon que nous n'aurons plus que la possibilité de dire oui.
M. Michel Ducret (R). Je ne suis ni un spécialiste de l'enseignement, ni un juriste, mais bien plus un usager des résultats de la formation professionnelle. Or, si cette création de HES me donne déjà des inquiétudes, ce projet de loi m'angoisse tout à fait.
Ce projet est-il bien conforme finalement au concept de la loi fédérale sur les HES ? Je réponds non. J'ai compris que le but poursuivi par le concept des HES était de revaloriser les formations intermédiaires et professionnelles, sans passer par un niveau universitaire. Notre débat est donc surréaliste.
En fait, nous parlons ici de faire des médecins avec des infirmiers, de fabriquer des avocats avec des clercs ou des secrétaires. C'est déjà ce que subissent, depuis des années, les professions d'architecte et d'ingénieur. A la vérité, ce projet de loi nous présente un miroir aux alouettes, et cette tendance a déjà été bien trop suivie par nos écoles techniques en Suisse.
Cette situation a débouché sur le résultat suivant : il n'y a plus de classes moyennes techniques, ce qui signifie que les techniciens qualifiés ont disparu du marché du travail, puisqu'on les bombarde de titres ronflants, tels qu'architecte ou ingénieur, sans qu'ils n'aient jamais fréquenté d'école de deuxième cycle. Et il n'y a plus de techniciens sur le marché du travail tandis qu'en compensation on doit, par exemple, importer des métreurs de France voisine, avec une dévalorisation des salaires correspondant en Suisse... (Brouhaha.)
Monsieur le président, on ne s'entend pas dans cette salle ! (Rires.)
...et surtout une augmentation du chômage des surqualifiés par rapport aux besoins du marché de l'emploi.
Certes, Mesdames et Messieurs, cette tendance flatte nos enseignants mais, surtout, en visant trop haut, elle contribue à détruire notre tissu socioprofessionnel, celui sur lequel les pays développés en général, et le nôtre en particulier, se sont construits et ont édifié leur richesse. Elle contribue ainsi de manière déterminante à la création de cette société à deux vitesses que dénoncent par ailleurs, à juste titre, les auteurs de ce projet de loi eux-mêmes.
Mesdames et Messieurs les députés, voilà une juste raison de refuser ce projet de loi.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Je suis étonnée, Monsieur Lescaze, de votre développement visionnaire. Pouvez-vous m'expliquer comment on peut regarder un héritage en étant assis dessus ? Voilà une curieuse anatomie radicale, sans doute ! Elle démontre, en tout cas, l'intérêt que ce groupe, au même titre que le reste de l'Entente bourgeoise, porte à la formation des jeunes. Pourtant vous avez pu voir dernièrement une démonstration de ces mêmes jeunes et du malaise qui les anime.
Vous n'avez rien compris à ce projet de loi. Vous n'avez pas vu les possibilités interactives existant entre les différents lieux de formation, que nous avons prévues aux articles 1 et 5. Il est nécessaire que nous ayons une HES à Genève et d'autres encore en Suisse romande.
Il est certain que l'HES de Genève serait celle de la tolérance, mais je ne suis pas sûre que vous puissiez remplir les conditions d'accès.
Le président. Monsieur Vanek, souhaitez-vous encore intervenir ?
M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, j'ai cru comprendre que vous alliez passer au vote... Ce n'était pas le cas ?
Le président. Non ! Mme Brunschwig Graf doit encore s'exprimer.
M. Pierre Vanek. Je l'oubliais !
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. L'heure avançant, je ne vais pas me lancer dans des développements que certains d'entre vous n'ont même pas envie d'écouter. Cependant, je tiens à préciser plusieurs points.
Je regrette un certain nombre de déclarations plus ou moins approximatives, notamment une que je ne peux laisser passer... (Brouhaha.) Monsieur le président !
Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !
Mme Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Monsieur Grobet, je n'autorise personne à affirmer dans cette salle que l'école d'ingénieurs va disparaître ou être démantelée, pas plus d'ailleurs qu'aucune autre école. Je considérerai certains propos comme simplement inexacts, mais je sais qu'on pourrait les interpréter de façon différente.
Quelle que soit la structure que nous choisirons, l'école d'ingénieurs aura des filières HES. La question n'est pas de savoir si l'école d'ingénieurs va continuer d'exister ou si elle va fournir une formation HES, mais si elle va s'intégrer dans une structure plus large ou bénéficier d'une structure pour elle et autour d'elle, à Genève. Là réside le seul débat possible.
De plus, contrairement à ce que l'on veut faire croire, il n'existe pas une gauche qui s'occupe de formation professionnelle et une droite qui va la démanteler. Je crois pouvoir dire ici qu'au fil des années le remarquable héritage dont a parlé Mme Deuber-Pauli, valable non seulement pour l'école d'ingénieurs mais pour toutes les écoles de notre canton, n'a pas été constitué par la seule gauche, qu'elle soit présente ou non dans ce parlement.
Au sein de la gauche - mais peut-être pas dans ce parlement - un certain nombre de gens se préoccupent, tout comme le Conseil d'Etat, de l'avenir de nos écoles et ne sont pas favorables à ce projet de loi. Celles et ceux qui pensent ainsi ne sont ni des subordonnés, ni des sujets du Conseil d'Etat, et on en trouve même au sein de l'école d'ingénieurs, sans qu'ils fassent nécessairement partie de ses cadres. Si je me permets de le préciser, c'est parce que, au fil des débats, on a assisté à une forte polarisation et que la gauche cède au manichéisme.
Votre projet de loi présente un inconvénient majeur : il ne peut être opposé à aucun autre projet. Il ne peut être discuté que pour lui-même.
Monsieur Vanek, je n'ai donné à ce parlement aucune garantie. J'ai dit quels étaient les éléments qui, pour ma part, pouvaient rendre un projet acceptable dans une discussion intercantonale. Cela signifie a contrario aussi que, si le projet qui devait ressortir de la négociation intercantonale n'était pas satisfaisant pour nous sur ces quatre points, je ne pourrais pas et je ne voudrais pas lui donner mon accord.
Quelles que soient nos opinions sur la structure, je n'aimerais pas que l'on termine ce débat avec l'idée qu'il y a ceux qui aiment la formation professionnelle de qualité et ceux qui ne s'en préoccupent pas. Cela n'est pas vrai et ce n'est pas l'objectif défendu dans ce canton, ni par les uns, ni par les autres. Il suffit de constater les moyens consacrés à la formation professionnelle, ainsi que la qualité du personnel, aussi bien enseignants qu'élèves, pour s'en convaincre.
Enfin, pour celles et ceux qui se soucient d'égalité, je ne sais pas d'où sort l'idée que, si ce projet de loi n'existait pas, on ne trouverait pas dans l'enseignement supérieur - équivalent de l'université mais dans le domaine de la formation professionnelle - de formations de la santé et du social qui soient de nature à n'être pas reconnues sur le plan fédéral ou européen. Genève, dans ces domaines, se situe à un très haut niveau de qualité. La seule question valable est de savoir, au plan intercantonal, quel profil élaborer pour que l'ensemble de la Suisse puisse jouir de la même reconnaissance à l'étranger et que l'Europe reconnaisse également nos diplômes. Cela n'a rien à voir avec notre débat. Les discussions sont d'ores et déjà en cours et je me suis également demandé, tout au long de nos débats, si l'on a vraiment tenu compte de l'ensemble des écoles de ce canton.
J'ai reçu, cette semaine, l'institut d'études sociales qui n'a ni la volonté ni l'envie de s'insérer dans un projet HES genevois. Les conservatoires de musique négocient sur un plan romand. Les écoles des professions de la santé se préoccupent elles aussi de collaborations, soit vaudoises soit romandes. Tout ceci est en cours. Toutes ces écoles souhaitent qu'on les laisse aller au bout de leur travail, établir les définitions des filières, et qu'on se soucie enfin des contenus.
Non, Monsieur Vanek, mon mandat du 28 novembre n'a pas été donné en vue du débat de ce soir. Je vous rappelle, par ailleurs, que ce dernier a déjà été ajourné par deux fois, ce qui signifie que mes courriers auraient dû partir plus tôt, si telle avait été mon intention.
Le mandat que je viens de définir est nécessaire pour toutes nos écoles et particulièrement pour l'école d'ingénieurs, parce que la voie scolaire que nous souhaitons maintenir, nous la voulons reconnue par l'OFIAMT et certifiée de telle façon que nos élèves, une fois ce cursus scolaire accompli, aient véritablement le choix de l'accès à toutes les hautes écoles spécialisées qui se créeront dans ce pays.
J'ignore combien de hautes écoles spécialisées seront présentes sur le territoire suisse en finalité, et notamment ce que prévoit le canton de Berne en la matière. Mais je sais par contre - comme j'ai eu l'occasion de le dire à celles et ceux qui, intéressés par le sujet, ont commencé à en discuter et à auditionner dans le cadre de la commission de l'université - que le canton de Berne représente en élèves, en surface et en nombre d'écoles, quelque chose de comparable à l'ensemble de la Suisse occidentale.
Pour avoir parlé pas plus tard que ce matin avec mon collègue de ce canton, je peux vous dire que, même à l'intérieur des frontières cantonales, des discussions difficiles se sont engagées, car déjà pas moins de cinq écoles sont intéressées, dans le seul domaine technique, à s'intégrer dans une seule structure.
Notre débat n'est pas de savoir si les étudiants vont tous aller étudier à Lausanne, car tel ne sera pas le cas. Mais, Mesdames et Messieurs, in fine, nous sommes en train de parler d'un projet fédéral avec l'ambition d'être reconnus par la Confédération dans toutes les formations de nature OFIAMT qui seront dispensées, comme elles le sont déjà aujourd'hui, dans ce canton.
Il ne suffit pas de se décréter soi-même HES, car il s'agira, dans la réalité, d'obtenir, quelle que soit la structure que nous choisirons, la reconnaissance pour les domaines et les filières que nous offrirons, y compris les centres de compétence que nous souhaitons défendre. Il est temps d'arriver à les définir sur le papier de façon claire, à entreprendre les modifications nécessaires de la voie scolaire qui demande de sérieux aménagements, à obtenir de Berne la reconnaissance nécessaire et à travailler sur un projet que vous aurez à discuter.
Je l'ai déjà dit plusieurs fois à la commission de l'université et ailleurs, je suis prête à discuter avec la commission le projet tel qu'il sera élaboré, mais pas ses ébauches encore en cours de négociations. Il est faux de dire que nous avons pris des décisions définitives et qu'à l'heure actuelle d'autres décisions se prennent encore. Mesdames et Messieurs, nous sommes six cantons, croyez-vous véritablement que nos partenaires n'ont pas également quelques soucis ?
Je suis fière des écoles que je défends lorsque je discute sur le plan intercantonal. Je ne crains pas qu'on me dise que mes écoles sont mauvaises et que, par conséquent, on doive supprimer la moitié des formations. Tel n'est pas le cas de toutes les filières dans tous les cantons et certains d'entre eux le savent. Pourtant la volonté que nous manifestons par rapport aux échéances est supérieure à la crainte que l'on peut avoir. Nous devons conserver de ce débat l'idée que, contrairement à ce que vous prétendez ou voulez définir, ce n'est pas un combat gauche-droite.
Des gens de gauche, en leur for intérieur, sont persuadés qu'une formation intercantonale et qu'une structure de ce type sont nécessaires. On en trouve d'autres à droite, au sein même de l'école d'ingénieurs, qui pensent le contraire. Mais seul compte le vrai débat : quelle structure trouver pour obtenir la meilleure option possible pour nos jeunes ? Pour l'élaborer, nous devrons encore travailler.
Pas plus que vous, je n'apprécie les discussions immédiates. Je me souviens d'avoir été, en tant que députée, auteur d'un projet de loi rejeté en discussion immédiate. Ce n'était pas un moment agréable, mais la majorité de ce parlement - et pas seulement la gauche en l'occurrence - avait estimé mon projet inutile.
Peu importe nos différences d'aujourd'hui, je ne vous demande qu'une chose : pensez à l'intérêt de la formation professionnelle et ne retardez pas, par n'importe quelles mesures, les discussions indispensables, les décisions à prendre, qu'elles concernent notre législation cantonale ou un l'accord intercantonal. (Applaudissements.)
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Monsieur le président, je demande l'appel nominal pour le vote de ce projet de loi. (Appuyé.)
Le président. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.
Celles et ceux qui acceptent la prise en considération de ce projet de loi répondront oui, et celles et ceux qui la rejettent répondront non.
Ce projet est rejeté en premier débat.
Ont voté non (49) :
Bernard Annen (L)
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Luc Barthassat (DC)
Claude Basset (L)
Janine Berberat (L)
Claude Blanc (DC)
Nicolas Brunschwig (L)
Thomas Büchi (R)
Hervé Burdet (L)
Anne Chevalley (L)
Daniel Ducommun (R)
Pierre Ducrest (L)
Michel Ducret (R)
John Dupraz (R)
Henri Duvillard (DC)
Catherine Fatio (L)
Pierre Froidevaux (R)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Henri Gougler (L)
Nelly Guichard (DC)
Janine Hagmann (L)
Michel Halpérin (L)
Elisabeth Häusermann (R)
Claude Howald (L)
Yvonne Humbert (L)
René Koechlin (L)
Pierre Kunz (R)
Claude Lacour (L)
Gérard Laederach (R)
Bernard Lescaze (R)
Armand Lombard (L)
Olivier Lorenzini (DC)
Pierre Marti (DC)
Michèle Mascherpa (L)
Alain-Dominique Mauris (L)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Vérène Nicollier (L)
Jean Opériol (DC)
Barbara Polla (L)
David Revaclier (R)
Martine Roset (DC)
Micheline Spoerri (L)
Marie-Françoise de Tassigny (R)
Jean-Philippe de Tolédo (R)
Pierre-François Unger (DC)
Olivier Vaucher (L)
Jean-Claude Vaudroz (DC)
Michèle Wavre (R)
Ont voté oui (29) :
Fabienne Blanc-Kühn (S)
Jacques Boesch (AG)
Micheline Calmy-Rey (S)
Nicole Castioni-Jaquet (S)
Pierre-Alain Champod (S)
Liliane Charrière Urben (S)
Sylvie Châtelain (S)
Bernard Clerc (AG)
Anita Cuénod (AG)
Erica Deuber-Pauli (AG)
Marlène Dupraz (AG)
Laurette Dupuis (AG)
Christian Ferrazino (AG)
Gilles Godinat (AG)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Christian Grobet (AG)
Dominique Hausser (S)
Liliane Johner (AG)
René Longet (S)
Liliane Maury Pasquier (S)
Pierre Meyll (AG)
Laurent Moutinot (S)
Danielle Oppliger (AG)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Christine Sayegh (S)
Jean Spielmann (AG)
Evelyne Strubin (AG)
Pierre Vanek (AG)
Yves Zehfus (AG)
Se sont abstenus (5) :
Roger Beer (R)
Fabienne Bugnon (Ve)
Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve)
Vesca Olsommer (Ve)
Andreas Saurer (Ve)
Etaient excusés à la séance (8) :
Claire Chalut (AG)
Jean-François Courvoisier (S)
Hervé Dessimoz (R)
Jean-Claude Dessuet (L)
Bénédict Fontanet (DC)
Luc Gilly (AG)
David Hiler (Ve)
Max Schneider (Ve)
Etaient absents au moment du vote (8) :
Matthias Butikofer (AG)
René Ecuyer (AG)
Jean-Claude Genecand (DC)
Sylvia Leuenberger (Ve)
Chaïm Nissim (Ve)
Jean-Pierre Rigotti (AG)
Philippe Schaller (DC)
Claire Torracinta-Pache (S)
Présidence :
M. Jean-Luc Ducret, président.
La séance est levée à 20 h 50.