République et canton de Genève

Grand Conseil

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19. Rapport de la commission des pétitions chargée d'examiner la pétition contre l'implantation de places de parc à la rue du Village-Suisse. ( -) P1064
Rapport de M. Bernard Lescaze (R), commission des pétitions

Rapport de M. Roger Beer (R), commission des pétitions

En date du 16 février 1995, au nom des locataires des immeubles sis 19, 21, 23, rue du Village-Suisse, une pétition portant 68 signatures était adressée au Grand Conseil afin d'éviter l'implantation de places de parc dans la cour de leurs immeubles.

Le texte de la pétition était le suivant:

PÉTITION

· Les locataires des immeubles 19, 21, 23 de la rue du Village-Suisse s'étonnent de la nouvelle tentative d'implantation de places de parc dans la cour.

· Il y a quelques années, une même tentative avait été entreprise par le propriétaire, il s'est ensuivi une pétition des locataires.

· Les places de parc projetées le long de la barrière du préau sont de nature à empêcher l'accès des véhicules du service du feu.

 En effet, si ce service doit intervenir avec le camion avec grande échelle, vous n'ignorez pas que ce véhicule d'intervention doit déployer des vérins latéraux pour dresser l'échelle.

 Le stationnement de véhicules le long du préau rendrait ce type d'intervention impossible.

· En conséquence de ce qui précède, nous demandons une expertise du service du feu, et son approbation officielle.

· De plus, la circulation des automobiles dans la cour constitue un danger certain pour nos enfants.

· Les personnes soussignées protestent avec vigueur contre cette nouvelle tentative de dégradation de notre cadre de vie et demandent l'abandon de ce projet de places de stationnement.

La commission des pétitions, sous la présidence de Mme Liliane Johner, a reçu les différentes parties en cause, puis délibéré lors de séances tenues les 13 mars, 27 mars, 8 mai et 26 juin 1995. Les notes de séance ont été tenues par Mme Odile Jossi.

1. Audition des pétitionnaires

Représentés par Mmes Marthe Gay-Croisier, Yolande Chaulmontet et Marlène Dupraz, députée, ainsi que par M. Régis Mettraux, les pétitionnaires ont fait valoir leur point de vue le 13 mars 1995. Ils ont présenté un exposé écrit, accompagné d'un croquis, dont la teneur était la suivante:

A l'attention de la commissiondes pétitions du Grand Conseil

Présentation

Les quatre membres représentant les signataires sont tous domiciliés au 21 de la rue du Village-Suisse. Certains d'entre nous y sont domiciliés depuis la construction de ces immeubles, soit depuis trente ans.

La dégradation en cascade de la qualité de notre cadre de vie à cet endroit s'est accélérée ces toutes dernières années avec le parcage des voitures; ce dernier constitue la principale cause des tensions et conflits.

Les signataires ont, à cet effet, sollicité notre action pour défendre ce qu'ils considèrent comme menacé, c'est-à-dire:

L'environnement immédiat des habitations.

La sécurité pour les personnes âgées et enfants.

L'accès pour les véhicules du service du feu (grande échelle) et les ambulances non garanti actuellement.

Brève histoire de la rue du Village-Suisse (préau)

Les deux immeubles qui bordent la rue du Village-Suisse dit préau sont des constructions continues de 192 logements familiaux.

Ils font partie d'un ensemble de cinq blocs conçus par Honnegger (architecte), situé d'est en ouest entre le boulevard Carl-Vogt et le boulevard d'Yvoy, du nord au sud, entre la rue Sainte-Clotilde et la rue des Bains.

Dans les années septante, lorsque des classes venaient à manquer, il fut créé au rez-de-chaussée de nos immeubles, à chaque numéro, une classe enfantine pour pallier les besoins urgents de l'école de Carl-Vogt, et un préau fut aménagé. Il est arboré, clos et agrémenté de petites pelouses et de bosquets d'épineux. On y compte 16 arbres de grande taille d'essence boréale, tous en très bonne santé.

Les quatre entrées sont gardées par des chaînes cadenassées.

Ces classes ont restitué ces locaux qui sont loués depuis lors comme commerces, bureaux et ateliers artisanaux.

Dans les années huitante, un projet de l'Hospice général d'ouvrir le préau à la circulation et au parcage automobile fut contré par une pétition des locataires.

Cinq ans plus tard, la «foulée» des divers aménagements de places de jeux pour enfants par la Ville de Genève avait inspiré les locataires et le propriétaire. Il était question d'améliorer l'aménagement du préau avec bancs et jeux.

Cela dut être une rumeur prometteuse que laissaient courir les régies pour détourner momentanément les locataires de leurs revendications portées sur d'autres objets car plus personne n'en parla.

Aujourd'hui, voilà que réémerge le projet parking autos le long du grillage du préau. Néanmoins nous constatons ce qui suit:

a) Parcage sauvage et massif de véhicules du matin au soir. Les doubles files jusque sous les marquises sont fréquentes et leur propriétaire travaille ou étudie dans le périmètre.

b) L'entreprise Cuivre-Tout, locataire du 23, à elle seule, compte une dizaine de véhicules qu'elle gare et manoeuvre sans aucune délicatesse pour la population d'enfants et de personnes âgées.

c) Du gros matériel fut un temps entreposé contre le grillage.

d) Lavage des véhicules au jet devant nos portes d'entrée.

e) Les manoeuvres sur les véhicules sont, hélas, trop souvent impétueuses ou nerveuses qui ont, à plusieurs reprises, failli mettre les locataires en danger lorsqu'ils sortent ou rentrent chez eux. Embouteillés, ce sont malheureusement des marches arrière que les conducteurs effectuent pour trouver un accès libre à la rue.

Nous regrettons que certains types de commerce ou d'artisanat générateur de nuisances aient pu s'exercer dans une zone urbaine d'habitations comme la nôtre.

De telles activités qui nécessitent légitimement une infrastructure un peu plus spécifique ne peuvent trouver à se satisfaire en cohabitant avec des logements familiaux.

C'est sans doute pour cette raison que la situation entre résidents et commerçants devient conflictuelle et sans issue. Ces commerçants/artisans, interprétant nos craintes et agacements comme de l'hostilité à leur égard, en deviennent parfois agressifs.

Si nous saisissons votre autorité c'est parce nous avons à coeur de résoudre ces problèmes, autant que possible avec tous les intéressés.

Nous tenons à communiquer au propriétaire que nous sommes ouverts au dialogue et pour ce faire,

nous demandons

1. A obtenir du propriétaire qu'il nous informe si une telle intention d'implanter des places de parc dans le préau est réelle.

2. Dans un tel cas, nous lui demandons de nous associer à son projet afin de rechercher ensemble des solutions.

3. Qu'il tienne compte des besoins justifiés en espace en air libre de ses locataires et des tout-petits enfants de la crèche La Nichée, qui affectionnent ce préau par beau temps.

 Les personnes âgées et alitées du périmètre l'apprécient également pour y prendre leurs bains d'air et de lumière au printemps et en automne, et pour échapper aux grosses chaleurs de l'été.

4. Si le projet est démenti, nous demandons à l'Hospice général d'intervenir le plus rapidement possible pour mettre un terme à cette situation et de faire le nécessaire pour qu'elle ne récidive plus.

Nous considérons que notre quartier a été très fortement densifié, tant en population résidente, en trafic automobile, qu'en institutions, et que ce sacrifice mérite un minimum de palliatifs.

Celui de sauvegarder cette percée entre des constructions aussi hautes et des ensembles aussi massifs. Ce préau remplit par ailleurs son rôle de pendulaire piétonnier.

Nous remercions les députés de nous avoir écoutés et lu attentivement, et nous présentons nos respectueuses salutations.

 Mme Gay-Crosier pour

 le comité P 1064

Annexes: - un croquis du préau;

 - quelques clichés photographiques

En complément, les pétitionnaires ont tenu à souligner la dégradation de la qualité de vie des locataires qui estiment anormal que des espaces publics de détente soient transformés en parking. Ils relèvent également que la cour de leurs immeubles est envahie de voitures appartenant à des gens qui ne sont ni habitants du quartier, ni clients des commerçants. De la discussion qui s'ensuit se dégage l'impression que les pétitionnaires craignent qu'une voie de transit ne soit créée pour rejoindre les deux boulevards, rétablissant ainsi de facto l'ancienne rue transformée en cour et qu'ils ne s'opposent pas aux besoins légitimes des commerçants de la cour, notamment d'un potier et d'un souffleur de verre.

2. Le point de vue de l'Hospice général

La commission a reçu le 27 mars 1995 M. Jean-Daniel Baud, directeur du service immobilier de l'Hospice général, propriétaire des immeubles 19-21-23 et 30-32-34, rue du Village-Suisse. Il expose la position de l'Hospice général face au projet comme suit:

Note à l'attention de la commissiondes pétitions du Grand Conseil

Situation actuelle

L'Hospice général est propriétaire de cinq blocs d'immeubles perpendiculaires au boulevard Carl-Vogt et au boulevard d'Yvoy.

Parmi eux, figurent les immeubles rue du Village-Suisse 19-21-23 et rue du Village-Suisse 30-32-34.

Il est probable qu'à l'origine du projet le prolongement de la rue du Village-Suisse jusqu'au boulevard d'Yvoy avait été envisagé puisque la construction des immeubles bas le long du boulevard Carl-Vogt a été interrompue. De plus, sur le plan cadastral, cette rue est mentionnée et fait l'objet d'une parcelle séparée (n° 2574).

Ces immeubles comprennent des logements, mais également des surfaces commerciales et artisanales.

Le projet

Afin de faciliter l'accès de ces commerçants qui n'ont pas d'ouverture sur le boulevard Carl-Vogt et qui n'ont pas de possibilité de se parquer, l'Hospice général a, sur leur demande, accepté d'étudier le tracé de chaque côté de l'ancien préau de deux fois quatre places de parking à leur usage exclusif.

Une demande d'homologation du parking a été déposée auprès de l'office des transports et de la circulation afin de permettre de verbaliser et d'empêcher ainsi le parking hors cases et de limiter à huit le nombre de véhicules. L'inspectorat cantonal du service du feu (ICF) sera également consulté.

Nous notons que depuis une année, et ce à cause des travaux que nous avons entrepris dans les immeubles, une certaine anarchie règne sur cet espace envahi par les véhicules d'entreprises. Notre souhait est ainsi de régulariser la situation.

Nous notons également qu'un parc public est aménagé à moins de 200 mètres, angle rue du Village-Suisse et rue des Maraîchers.

Enfin, l'Hospice général est, bien entendu, d'accord de rencontrer une délégation de pétitionnaires pour leur exposer son projet.

Au cours de la discussion, les commissaires relèvent qu'il eût sans doute fallu commencer par contacter le service du feu et qu'une barrière à l'entrée de la cour serait peut-être une solution à retenir malgré son coût, élevé selon l'Hospice général qui a fait établir un devis.

Au nom de l'Hospice général, M. Baud précise que l'Hospice est d'accord de discuter avec les pétitionnaires, même s'il n'est sans doute pas possible de tenir compte de leurs suggestions, mais qu'en tous les cas, les places ne seraient louées que si l'inspectorat du feu donne son accord. Dans le cas contraire, l'Hospice général effacera les cases dessinées au sol et replacera des chaînes à l'entrée de la cour.

3. Discussion de la commission

Le 8 mai 1995, la commission était toujours sans réponse du service du feu concernant l'implantation des cases. En revanche, l'une des commissaires, s'étant rendue sur place, avait constaté que les pétitionnaires avaient reçu partiellement satisfaction, puisque des numéros avaient été peints sur les cases et une chaîne posée, ce qui suscitait le mécontentement d'un des commerçants voisins. Une autre commissaire confirme qu'elle n'a jamais vu d'autres voitures garées que celles autorisées à stationner.

Le 26 juin 1995, la commission des pétitions est informée que l'Hospice général a pris contact avec l'inspectorat du feu qui a fait modifier l'emplacement des parkings loués pour faciliter le passage des véhicules de secours. Toutefois, les pétitionnaires ne semblent pas encore entièrement satisfaits et tentent, de l'avis de certains commissaires, de faire de la commission des pétitions un intermédiaire vis-à-vis du propriétaire, ce qui ne saurait être son rôle. Force est de constater que, suite à l'intervention de l'inspectorat du feu, les pétitionnaires ont obtenu une large satisfaction puisque désormais les places de parc n'entravent plus l'accès des véhicules du service du feu. Pour le surplus, il s'agit du domaine privé de l'Hospice général et les pouvoirs publics ne peuvent guère s'immiscer davantage dans sa gestion.

4. Conclusions

Au vu des explications qui précèdent, renforcées par le résultat des démarches accomplies par l'Hospice général, la commission des pétitions, vous proposent, Mesdames et Messieurs les députés, à l'unanimité des 13 membres présents, le 26 juin 1995, de déposer à titre de renseignement cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

P.-S. A noter que le 26 juillet 1995, l'Hospice général écrivait aux pétitionnaires: «A la suite de l'entretien que nous avons eu avec la commission des pétitions du Grand Conseil, nous avons établi un nouveau projet d'implantation du parking dans le square formé par la prolongation de la rue du Village-Suisse. Ce projet tient compte des remarques que vous avez formulées ainsi que des prescriptions de l'inspectorat cantonal du service du feu.»

Annexe: Plan de situation.

plan

Débat

M. Roger Beer (R), rapporteur ad interim. Monsieur le président, en l'absence de mon très cher collègue Lescaze, je me permets de le remplacer. Comme je suis persuadé qu'il a présenté un excellent rapport, je vous invite à suivre les conclusions de la commission auxquelles je n'ai rien à ajouter.

Cette pétition est déposée sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.