République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 13 octobre 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 10e session - 44e séance
I 1950
M. Armand Lombard (L). En préambule, suite à une remarque déjà faite auparavant, je tiens à préciser que le titre de mon interpellation était «Arrêté Bonny et localisation de Medtronics» et que je n'ai jamais demandé qu'on écrive la moitié de mon texte dans l'ordre du jour. Cela n'a pas beaucoup d'importance, mais on aurait gagné un peu de place !
Je vous rappelle brièvement de quoi il s'agit : l'arrêté Bonny est un programme de la Confédération qui offre une exonération fiscale, sur dix ans, des impôts fédéraux et une prise en charge par la Confédération des intérêts sur les nouveaux investissements, pour les régions suisses touchées par une situation économique difficile. Cet arrêté Bonny concerne en gros le Jura, Neuchâtel, Fribourg, une large partie du canton de Vaud et le bas Valais, pour ne citer que les régions romandes.
Comme vous le savez, Medtronics est une entreprise de deux cents personnes, qui créera environ cent quarante emplois nouveaux dans la région de Saint-Sulpice et qui est spécialisée dans le domaine de l'équipement médical.
Monsieur le conseiller d'Etat, la situation largement relevée par la presse de la récente décision de Medtronics de s'installer à Saint-Sulpice m'incite à vous poser un certain nombre de questions sur les lignes stratégiques à suivre en Suisse dans le cadre de l'arrêté Bonny, et ce non pas pour embarrasser d'une quelconque façon le canton de Vaud, au moment où nous avons tant besoin d'établir de positives collaborations régionales, mais pour vous demander de clarifier la situation, à l'occasion de ce dossier dont les journaux disent que votre département l'a beaucoup et dynamiquement travaillé et qui finit quand même par nous laisser un goût un peu amer. Je voulais également vous interroger sur le traitement que réservera le département aux futurs cas pouvant se présenter.
Trois solutions ont été échafaudées, et je serai intéressé à connaître la position du Conseil d'Etat à leur égard. Je les mentionne rapidement :
1) L'inclusion des zones industrielles genevoises dans le périmètre de l'arrêté Bonny, mais ce système me paraît se diriger - pour autant que cet arrêté tienne la route sur la durée - vers un système étatisé globalement, coûteux et rompant les lois de la concurrence.
2) Limiter l'application de l'arrêté Bonny aux régions véritablement frappées du Jura, qui sont dans une situation très défavorable par rapport aux zones urbanisées du plateau, mais cela priverait une partie de la Romandie d'un attrait notable et bienvenu.
3) Une coordination ouverte avec les autorités vaudoises, afin de régler, dans un esprit de développement régional, les avantages et les inconvénients des diverses situations.
Je me réjouis d'entendre vos intentions à ce sujet.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. On peut très brièvement prendre position de la manière suivante. L'arrêté Bonny est un instrument de solidarité confédérale sur le plan économique, dans la mesure où il permet à des cantons, qui sont très touchés par les difficultés économiques et qui ont peu de possibilités pour rebondir, de bénéficier de leviers supplémentaires.
L'arrêté Bonny offre des cautionnements, le service de l'intérêt de la dette et des exonérations fiscales au titre de l'impôt fédéral direct. Il ne pose pas de problème en tant que tel. Il est justifié dans la mesure où il ne touche que des régions effectivement frappées par la crise.
Or, en octobre 1994, le nombre des communes concernées par l'arrêté Bonny a été sensiblement étendu et un certain nombre de communes de la riviera vaudoise en bénéficient, situation qui crée, à n'en pas douter, des distorsions de concurrence.
Lors de la dernière session des Chambres fédérales, j'ai participé à une séance de travail avec M. le conseiller fédéral Delamuraz à cet égard. Je lui ai dit que j'étais heureux pour le canton de Vaud de l'implantation de Medtronics. Une nouvelle entreprise est toujours la bienvenue. Il est incontestable cependant, sur la base des propres déclarations des dirigeants de cette société, que l'abattement fiscal de 10%, obtenu au titre de l'impôt fédéral direct, a fait la différence. Ce type de société dégage des marges très considérables et la mesure d'accompagnement fiscal sur le plan de l'impôt fédéral direct représente des millions d'économie par année.
Il me paraît aujourd'hui nécessaire - c'est la proposition que j'ai faite à M. Delamuraz - de replacer l'arrêté Bonny dans le contexte qui doit être le sien : donner à des cantons touchés par la crise et qui ont du mal à rebondir - dont la capacité de réaction est mauvaise, car ils sont moins bien placés que d'autres cantons, comme le nôtre par exemple - le droit de bénéficier des mesures prévues par l'arrêté Bonny. Cependant, les mesures d'accompagnement fiscal doivent être placées dans une nouvelle perspective, c'est-à-dire non plus dans un concept défensif de préservation de l'emploi - ce qui, en tant que tel, est déjà très bien - mais dans un concept offensif de promotion économique.
La proposition que j'ai faite à M. Delamuraz est donc la suivante : dans le cadre de leur promotion économique, les cantons font de gros efforts pour mettre en place, en ce qui concerne les impôts cantonaux, des mesures d'accompagnement fiscal à disposition des entreprises qui veulent se créer ou développer des emplois. Il n'y a pas de raison que la Confédération, au titre de l'impôt fédéral direct, ne suive pas, sinon partout, du moins là où on pourrait faire une différence, selon la situation particulière des cantons sur le plan économique. Il faut aujourd'hui placer les mesures d'accompagnement fiscal sur le plan de l'impôt fédéral direct dans une véritable perspective offensive du point de vue de la promotion économique : c'est toute la Suisse qui est alors concernée.
Je puis vous dire que M. le conseiller fédéral Delamuraz a accepté d'entrer en matière sur cette idée. Actuellement, l'OFIAMT est chargé d'une réflexion, et nous aurons l'occasion de faire le point prochainement.
Cette interpellation est close.