République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 13 octobre 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 10e session - 44e séance
PL 7294
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984, est modifiée comme suit:
Art. 7, al. 1 (nouvelle teneur)
Incompatibilités
a) magistrats communaux
1 Les conseillers administratifs, les maires et les adjoints ne peuvent pas siéger au conseil municipal.
Art. 8, al. 1 (nouvelle teneur)
Serment
1 Avant d'entrer en fonction, les conseillers municipaux, en séance du conseil municipal, prêtent serment:
a) entre les mains du doyen d'âge;
b) en cours de législature, entre les mains du président du conseil municipal.
Art. 9 (nouvelle teneur)
Présidence et bureau
1 Le conseil municipal élit chaque année les membres de son bureau choisis parmi les conseillers municipaux. Le président de l'assemblée porte le titre de président du conseil municipal.
2 Les fonctions de secrétaire municipal peuvent être remplies par un secrétaire du conseil administratif ou de la mairie ne faisant pas partie du conseil municipal. Dans ce cas, il assiste aux séances du conseil avec voix consultative.
Art. 10, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Les commissions sont présidées par un de leurs membres.
Art. 22, al. 1 (nouvelle teneur)
Droit d'assister aux séances
1 Les conseillers administratifs, les maires et les adjoints assistent aux séances du conseil municipal.
Art. 2
Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur dès la prochaine législature.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La commune est la plus petite cellule de l'Etat fédéral. Notre canton en compte 45; 28 communes ont moins de 3000 habitants et 9 d'entre elles en ont moins de 800. Ces dernières élisent leur conseil municipal au système majoritaire, toutes les autres au système proportionnel.
Les communes, indépendamment de leur taille et à l'instar des autres entités politiques de notre pays, sont dotées d'un pouvoir législatif (conseil municipal) et d'un pouvoir exécutif (conseil administratif ou 1 maire et 2 adjoints). Un des grands principes de notre démocratie réside dans le respect de la séparation des différents pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire). Or la séparation des pouvoirs entre législatif et exécutif n'est pas appliquées dans toutes les communes. En effet, la loi sur l'administration des communes (B 6 1) prévoit à son article 9 que, dans les communes de moins de 800 habitants, le conseil municipal est présidé par le maire ou un adjoint. En outre, l'article 10, alinéa 2, indique que, dans les communes de moins de 3000 habitants, les commissions du conseil municipal peuvent être présidées par le maire ou un adjoint. Cela provoque fréquemment des tensions et des discussions sitôt les élections terminées, des nouveaux conseillers municipaux s'estimant dépossédés d'un rôle qui leur revient.
D'où notre proposition de modification législative qui mettrait sur pied d'égalité toutes les communes dans le respect des attributions propres à chaque organe politique. Il n'y a, en effet, aucune raison que la séparation des pouvoirs ne soit pas respectée, même dans les plus petites entités politiques, et un fonctionnement démocratique de nos autorités communales passe par cette exigence. Qu'un maire ou un adjoint préside un conseil municipal nous apparaît comme une solution de facilité sur le plan pratique pour les petites communes mais aussi comme un mélange regrettable des pouvoirs, même si, dans la plupart des cas, les intéressés le font au plus près de leur conscience.
Nous estimons aussi que donner l'intégralité de leurs responsabilités aux conseillers municipaux est de nature à les valoriser et à encourager les citoyens d'une commune à se porter candidats.
Vu les explications qui précèdent, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le présent projet de loi.
Préconsultation
Mme Claire Torracinta-Pache (S). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, il est de bon ton de se référer fréquemment au principe fondamental de notre démocratie, à savoir la séparation des pouvoirs et nous y reviendrons certainement tout à l'heure, au point 27, lorsque nous traiterons le rapport de M. Boesch sur le projet de loi 7176-A et la motion 590-B.
La plupart du temps, l'énoncé de ce noble principe a trait au fonctionnement des autorités cantonales, qu'il s'agisse des autorités législatives, exécutives ou judiciaires. Je dois dire que ce principe recueille un certain consensus général, sur tous les bancs de ce Grand Conseil. Mais on continue à sauter la première étape dans son processus d'application, celle qui concerne la commune.
Pour des raisons d'ailleurs très compréhensibles, historiques, d'ordre pratique et aussi de tradition, on continue à faire une petite entorse à la séparation des pouvoirs, en admettant que le législatif d'une commune soit présidé par un membre de l'exécutif. Il en va de même pour ses commissions, et ceci en rapport avec la taille de la commune, comme si l'application d'un principe démocratique était moins importante ou moins fondamentale dans une petite entité politique.
Cette entorse ne se justifie pas; elle provoque d'ailleurs fréquemment quelques tensions dans les petites communes après les élections, et c'est pourquoi nous vous proposons aujourd'hui d'y remédier.
Nous ne voyons pas pourquoi un petit conseil municipal de neuf membres, ce qui est le cas pour les petites communes de moins de six cents habitants, par exemple, ne serait pas présidé par l'un de ses membres, pour ses commissions également.
A ce propos je vous donne un exemple : il s'agit d'une commune de plus de mille habitants. La loi exige donc que son conseil municipal soit présidé par l'un de ses membres, ce qui est évidemment le cas. En revanche ses huit commissions, et c'est légal, sont présidées par des membres de l'exécutif et l'une d'elles a même deux co-présidents, tous les deux membres de l'exécutif.
Il y a eu une discussion et l'argument qui a été avancé évoquait la connaissance des dossiers par l'exécutif. Cela ne me satisfait pas et, à mon avis, révèle une conception du conseil municipal qui peut poser question. Car, enfin, si l'on estime qu'un conseiller municipal ne connaît pas ses dossiers, il faut alors lui donner les moyens de les connaître, pour qu'il puisse jouer le rôle qui est le sien : le contrôle de la gestion.
Pour procéder par analogie, même si «comparaison n'est pas raison», je vois mal ici que l'on trouve une majorité pour décider que notre Grand Conseil soit présidé par un conseiller d'Etat ou une conseillère d'Etat et les commissions de notre Grand Conseil, par des membres de l'exécutif.
Voici les raisons qui nous ont poussés à vous proposer ce projet de loi aujourd'hui. Je voudrais préciser qu'il ne vise aucune personne en particulier ni aucune commune. Nous avons volontairement attendu un certain temps après les élections pour le déposer et nous avons ajouté un article qui précise que l'entrée en vigueur, le cas échéant, ne sera pas immédiate, mais pour la prochaine législature. J'espère que vous accepterez de renvoyer ce projet de loi en commission, et vous en remercie.
Mme Elisabeth Häusermann (R). S'il est vrai que le «Mémento genevois» n'est pas mon livre de chevet, il n'est pas moins vrai qu'il peut servir, malgré certaines lacunes !
Ainsi sous «citoyens» et «égalité des droits» de tout un chacun, j'ai trouvé l'article 4 de la Constitution fédérale, qui dit ceci :
«Tous les Suisses sont égaux devant la loi. Il n'y a en Suisse ni sujets, ni privilèges de lieu, de naissance, de personnes ou de familles».
Faisant le lien entre cet article 4 de la Constitution, la subsidiarité et la loi sur l'administration des communes, il y a longtemps que les articles supposés être modifiés dans ce projet de loi auraient dû être changés.
Dans l'exposé des motifs, on parle abondamment de la séparation des pouvoirs entre exécutif, législatif et judiciaire. Je ne vais donc pas trop m'y attarder, tant il est vrai qu'on ne peut être juge et partie à la fois. Restons au «le Conseil administratif propose, le Conseil municipal dispose».
Me référant à l'article 4 de la Constitution, je me demande si les communiers de Gy, Russin, Soral, Laconnex, Presinge, pour ne citer que les plus petites de ces communes, sont des citoyens de deuxième zone...
Je me souviens qu'Onex, dans les années cinquante, ne comptait pas seize mille habitants, non plus...
Quelle différence entre ces citoyens, alors, pour être gouvernés d'une manière plutôt que d'une autre ?
Les idées fondamentales contenues dans l'article 4 de notre Constitution : «égalité des droits, pas de privilège de lieu» guident le groupe radical à s'associer aux auteurs de ce projet de loi 7294.
Vu l'article 2 souligné et pour permettre une discussion de fond sur cette question, nous vous recommandons son renvoi à la commission des droits politiques.
M. Henri Duvillard (PDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi 7294 n'est, à mon avis, pas fondé. Ma conviction s'est forgée après avoir passé vingt ans au conseil municipal, comme adjoint de la petite commune d'Aire-la-Ville. J'ai, pendant toutes ces années, travaillé et échangé un grand nombre d'idées avec des conseillers, des maires et adjoints de ma région dite de la "Champagne", ainsi que celle du Mandement.
Dans ces régions, cinq communes sont touchées par le projet de loi, à savoir Aire-la-Ville, Cartigny, Laconnex, Soral et Russin, soit plus de la moitié des communes de moins de huit cents habitants.
Quand, dans ce projet de loi, l'on veut empêcher le maire ou les adjoints de siéger au conseil municipal, afin d'éviter de fréquentes tensions sitôt les élections terminées, je suis persuadé que l'on se trompe. Je suis tout autant persuadé qu'il n'y a pas plus de tension dans les neuf petites communes que dans les moyennes ou les grandes. Je ne pense pas que Mme la conseillère et députée Reusse-Decrey me contredirait sur ce point !
En supprimant la possibilité aux adjoints de siéger au conseil municipal ceux-ci courent le risque d'être complètement mis à l'écart, en cas de mauvaise entente avec le maire. Ils pourraient alors rester à la maison, car dans les petites communes la quasi-totalité des objets passe par les mains du maire, qui est du reste le seul à pouvoir engager la commune par sa signature.
Pour ce qui est de la présidence du conseil municipal, toujours en ce qui concerne les communes de moins de huit cents habitants, vous devez imaginer, Mesdames et Messieurs les députés, que l'infrastructure est réduite à sa plus simple expression. Ne disposant ni de secrétaire à plein-temps ni de technicien, c'est le maire et ses adjoints qui se chargent d'une grande partie du courrier, ainsi que de l'ensemble des rendez-vous de chantier ou de travail. Il me paraît dès lors, évident que le maire provoque et dirige un conseil si c'est utile.
Dans les cas extrêmes où un conseil municipal ne serait pas convoqué dans les règles, la loi permet aux conseillers de fixer eux-mêmes une ou des séances. Quant à la présidence des commissions, et cette fois dans les communes de moins de trois mille habitants, je ne vois pas où est le problème. La loi dit bien, dans son article 10, que : «...les commissions peuvent être présidées par le maire ou un adjoint», mais elle dit aussi : «...à moins que le règlement du conseil municipal ne prévoie que les commissions sont présidées par l'un de ses membres». Je vous rappelle que ce règlement est édicté par le conseil municipal, voté par celui-ci, puis approuvé par le Conseil d'Etat.
En conclusion je suis certain que la loi actuelle répond parfaitement au bon déroulement des affaires communales et prévient tout aussi bien les risques d'abus de pouvoir. Pourtant, pour atténuer certaines amertumes ou fixations de certains conseillers municipaux ou députés, je suis prêt à renvoyer ce projet en commission.
Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.