République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 septembre 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 9e session - 41e séance
M 1015
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- la nouvelle loi sur l'assurance-chômage et indemnisation (LACI);
- que cette nouvelle loi constitue une régression sur certains aspects, notamment en ce qui concerne le système des occupations temporaires appliqué dans notre canton;
. .
invite le Conseil d'Etat
à présenter un rapport sur les conséquences de la LACI par rapport aux prestations cantonales en matière de chômage et faire en sorte que les occupations temporaires soient maintenues afin que les chômeurs genevois puissent continuer à bénéficier des prestations de l'assurance-chômage une fois qu'ils ont épuisé leurs droits après la première période de chômage.
EXPOSÉ DES MOTIFS
En vertu de la loi fédérale sur le chômage, les chômeurs ont épuisé leur droit aux indemnités s'ils n'ont pas trouvé un emploi de six mois à compter de leur perte d'emploi et à l'échéance du premier délai-cadre.
Le canton de Genève a mis au point un système d'occupations temporaires, qui permet aux chômeurs, une fois qu'ils ont épuisé leurs droits, de bénéficier à nouveau des indemnités versées par l'assurance-chômage.
Avec l'entrée en vigueur de la LACI, le canton devra, toutefois, augmenter son effort financier, car la durée de cotisation va doubler avant de donner à nouveau droit aux indemnités de chômage.
Cette régression de la loi fédérale sur le chômage est particulièrement regrettable et met une fois de plus en évidence une politique détestable consistant à apporter des améliorations à nos lois sociales en contrepartie de réductions de prestations qui souvent frappent les personnes les moins favorisées.
Tel est le cas en l'espèce, puisque ce sont les chômeurs de longue durée qui sont touchés par cette nouvelle mesure, soit plusieurs milliers de personnes à Genève. Il importe que des mesures soient prises pour que ceux qui ont perdu leur emploi sans leur faute ne se trouvent pas dans la situation de s'adresser à l'assistance publique.
Débat
M. Gilles Godinat (AdG). En préambule, une remarque sur le premier paragraphe de l'exposé des motifs, où une erreur s'est glissée. Il faut corriger ce premier paragraphe de la manière suivante - je le relis en entier pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté :
«En vertu de la loi fédérale sur le chômage, les chômeurs ont épuisé leur droit aux indemnités s'ils n'ont pas trouvé un emploi de six mois à compter de leur perte d'emploi et à l'échéance du premier délai-cadre.».
Sinon, ce premier paragraphe n'est pas compréhensible.
La loi cantonale en matière de chômage de novembre 1983 prévoit dans les prestations complémentaires cantonales, au titre 3, chapitre 3, articles 22 à 26, des occupations temporaires. Le système genevois a donc permis, jusqu'à maintenant de limiter en partie les dégâts sociaux du chômage, en ouvrant un deuxième délai-cadre pour les prestations de chômage prévues dans la législation fédérale.
Avec l'arrêté fédéral urgent et la nouvelle LACI, le droit aux indemnités a été modifié sur le plan qualitatif, dans le sens d'une régression par rapport aux prestations cantonales actuelles. En particulier pour notre canton, les nouvelles exigences de la LACI impliquent de doubler la durée des occupations temporaires de six à douze mois pour avoir droit à un second délai-cadre. Il faudra donc que les chômeurs aient cotisé pendant douze mois avant l'ouverture du deuxième délai-cadre, le 1er janvier 1997, pour bénéficier à nouveau de prestations de chômage. Un délai d'attente de douze mois sera imposé aux jeunes, aux veufs, veuves, divorcés, ou Suisses de l'étranger qui n'ont pas pu cotiser.
Dans la nouvelle répartition des mesures actives prévues au niveau fédéral, la part du quota des vingt-cinq mille places attribuée à Genève se monte à mille neuf cent dix places d'emplois temporaires, alors que, en décembre 1994, notre canton employait, sous contrat d'occupation temporaire, deux mille neuf cent cinquante-sept chômeurs. L'observatoire universitaire de l'emploi doit nous apporter, fin 1996, les premières informations utiles sur l'évolution du chômage et le suivi institutionnel, mais, pour le moment, nous sommes convaincus que l'effort doit se concentrer sur la réinsertion professionnelle, en tenant compte du chômage structurel qui s'est installé.
Nous devons donc éviter la mise à l'écart des chômeurs en fin de droit à tout prix. Comme le demandait la pétition de l'Association genevoise des chômeurs, forte de ses deux mille signatures en mai 1994, ainsi qu'une récente motion déposée au Conseil municipal de la Ville, un effort supplémentaire doit être fait pour lutter contre la persistance d'un chômage important à Genève, notamment contre l'augmentation des chômeurs en fin de droit.
Outre la possibilité de prolonger les OT de six à douze mois, toutes les mesures évitant une croissance du nombre des chômeurs en fin de droit doivent être prises. Le maintien, voire le développement, des occupations temporaires est indispensable. Telle est l'invite que la motion propose au Conseil d'Etat et que nous vous demandons de soutenir.
M. Pierre-Alain Champod (S). Le groupe socialiste soutiendra cette motion, même s'il a constaté un certain nombre d'inexactitudes dont l'une a déjà été corrigée par M. Godinat.
Dans la nouvelle loi fédérale sur le chômage, les mesures dites actives, c'est-à-dire de formation et d'occupations temporaires pendant le délai d'indemnisation fédérale, représentent un progrès pour l'ensemble de la Suisse mais, pour le canton de Genève, posent problème par rapport à la loi cantonale sur les occupations temporaires. En effet, celles qui existent aujourd'hui selon la loi genevoise constituent, pour le chômeur, un vrai travail avec un vrai salaire sur lequel sont prélevées les cotisations sociales, dont celle du chômage, ce qui permet au chômeur de bénéficier à nouveau d'indemnités fédérales au terme de son occupation temporaire. C'est ce système qui a permis à Genève de retarder le développement du phénomène des chômeurs de longue durée et, également, de constater une augmentation plus faible de l'assistance que dans d'autres cantons, notamment romands.
La nouvelle loi fédérale va nous poser un certain nombre de problèmes, ce qui ne signifie pas que des solutions d'adaptation de notre loi genevoise ne soient pas possibles. Le groupe socialiste travaille et réfléchit à cette question, et nous espérons, dans un proche avenir, pouvoir vous présenter des propositions pour adapter notre législation cantonale à la législation fédérale, de telle sorte que les chômeurs et les chômeuses ne soient pas pénalisés par ces modifications législatives fédérales.
Pour conclure, l'expérience genevoise a montré que les occupations temporaires étaient effectivement une bonne mesure et qu'il vaut mieux payer les gens à faire quelque chose que de leur verser simplement des indemnités de chômage. C'est revalorisant pour le chômeur et évite la déqualification qui surgit lors des longues périodes d'inactivité.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste vous invite à accepter cette motion.
M. Philippe Schaller (PDC). Comme vous l'avez compris, cette motion soulève la douloureuse question du chômage de longue durée.
La nouvelle révision de l'assurance-chômage, acceptée par le parlement fédéral en juin 1995, a l'immense avantage d'ancrer dans la loi l'intégration active des chômeurs dans des programmes d'emploi et de formation continue. Cela ouvre la voie à un véritable changement de système. Cette nouvelle LACI est d'ailleurs un compromis entre les différents partenaires sociaux.
Depuis janvier 1994, le nombre total de chômeurs a tendance à diminuer tandis que le nombre de chômeurs de longue durée augmente. Actuellement, un chômeur sur trois est resté sans emploi pendant plus d'une année; il y a un an, la proportion était de un sur quatre.
Ce chômage de longue durée a des conséquences graves non seulement pour le chômeur mais également pour le marché du travail. Le défi posé à notre société - de même qu'à la nouvelle LACI - est de réintégrer les chômeurs le plus rapidement possible dans la vie professionnelle. En examinant les origines et les causes de ce chômage de longue durée, on se rend compte que les gens les plus touchés par ce phénomène sont les personnes sans qualification professionnelle, les étrangers, ou les gens d'un certain âge. En effet, seulement un nouveau chômeur sur dix a plus de cinquante ans, mais, par contre, près d'un chômeur de longue durée sur trois, fait désormais partie de cette tranche d'âge.
Il ne faut pas, Messieurs les motionnaires, que la manière dont est aménagée l'assurance-chômage favorise le chômage de longue durée. C'est cela qui est difficile à accepter dans votre proposition de motion, car l'organisation qu'elle propose va installer un certain nombre de personnes dans ce chômage de longue durée. C'est ce qui risque d'arriver, même si le souci que vous soulevez est bien réel.
Il faut aussi augmenter l'effectif des personnes chargées du placement, pour permettre à chaque chômeur d'avoir un contact étroit avec le service de placement. C'est le but de la LACI et c'est ce que vous avez aussi apprécié dans cette nouvelle loi.
Il faut trouver des solutions souples pour les catégories de chômeurs cités plus hauts - les étrangers, les gens sans qualification, les personnes âgées - et ne pas les abandonner. Je suis sûr que le canton trouvera des solutions pour ces personnes.
Plus largement, les problèmes que posent votre motion et la révision de la LACI sont plus fondamentaux. Ce sont des questions de choix de société. Un travail mal payé est-il préférable à un chômage illimité ? Une lutte efficace contre le chômage de longue durée n'exige-t-elle pas une période d'indemnisation plus réduite ? La baisse du coût du travail ne génère-t-elle pas des emplois ? Telles sont les vraies questions. Le Parlement fédéral, pour sa part, a tranché.
Je pense qu'il faut effectivement renvoyer votre motion à la commission de l'économie, où nous pourrons discuter des meilleures solutions à trouver pour les chômeurs de longue durée. Peut-être trouverons-nous des solutions particulières pour ces cas qui, tout compte fait, sont particuliers.
M. Pierre Kunz (R). Les radicaux accueillent avec intérêt la proposition de motion 1015, mais certainement pas parce que notre groupe soutient ses considérants, ses invites et son exposé des motifs - d'autant que, comme l'a rappelé M. Schaller, ce texte favorise en fait le chômage de longue durée.
Cependant, ce projet de motion donnera à notre Grand Conseil l'occasion de se prononcer sur l'opportunité - plus exactement, sur la possibilité - de maintenir en matière de chômage la prestation la plus généreuse de ce pays, les occupations temporaires "à la genevoise".
La loi fédérale sur le chômage a bénéficié d'améliorations impressionnantes dans ses objectifs, ainsi que d'une réorientation très favorable aux occupations temporaires et à la réinsertion des chômeurs. Il n'est pas exagéré de dire que la Confédération, dès le début de l'année prochaine, aura très largement rattrapé Genève, dans les objectifs que ce canton s'était fixés en matière d'occupations temporaires, à l'époque où elles avaient été établies, c'est-à-dire bien avant les arrêtés fédéraux urgents.
La question qui se pose à nous est la suivante. Faut-il que Genève où, longtemps, rien n'a semblé ni trop beau, ni trop cher, reprenne à tout prix et de loin la tête des cantons helvétiques en matière d'aide aux chômeurs ? C'est en fait ce que demande la motion présentée par l'Alliance de gauche. Faut-il au contraire admettre, comme le fera la quasi-totalité des cantons helvétiques, que le système fédéral suffit aux besoins et répond aux possibilités financières de notre canton ?
Je crois, pour ma part, qu'il convient de renoncer très largement aux occupations temporaires genevoises telles qu'elles ont été conçues à l'époque et qui seront rendues obsolètes dès l'introduction de la nouvelle loi, si l'on s'en tient aux objectifs que le législateur avait en tête, lorsqu'il a créé les occupations temporaires.
Il s'agira de faire notre choix, à la lumière de la situation financière de ce canton. Rappelons que le projet de budget 1996 prévoit 130 millions de dépenses liées au traitement du chômage et que les occupations temporaires, sauf erreur, représentent près de 70 millions.
Il conviendra aussi d'envisager cette question, à l'éclairage de la philosophie et de l'éthique. Est-il bon, est-il sain, comme le proposent les motionnaires, de cultiver, d'accroître la dépendance des individus à l'égard d'un Etat "nounou" et déresponsabilisant ?
Les radicaux vous engagent à renvoyer la proposition de motion 1015 à la commission de l'économie où elle devra être traitée rapidement, car, permettez-moi de vous le rappeler, nous devons trouver 30 millions d'économies sur le budget de l'année prochaine !
M. Christian Grobet (AdG). Les auteurs de la motion contestent formellement que celle-ci aurait pour but - pour reprendre les termes utilisés par certains députés - de favoriser le chômage de longue durée. Je m'étonne du reste que certains des intervenants aient pu avancer de tels propos, dès lors que ce système existe depuis de nombreuses années à Genève. Certains des préopinants viennent même de dire qu'il est exemplaire. Nous n'avons jamais entendu de critiques à son égard, bien au contraire.
Que demande cette motion ? Simplement de maintenir ce qui a été mis en place depuis un certain nombre d'années. Nous n'inventons rien du tout. Nous demandons simplement la poursuite de ce qui existe. S'il est vrai que la nouvelle loi sur l'assurance-chômage, la LACI, amène un certain nombre de progrès et introduit la possibilité des occupations temporaires, inexistantes dans d'autres cantons - sans vouloir trop se flatter, peut-être en s'inspirant de l'exemple genevois - il faut bien reconnaître qu'en rattrapant le modèle genevois elle engendre des effets négatifs dans notre canton.
Il y a progrès pour les cantons qui étaient en retard et des effets négatifs pour les cantons qui ont donné l'exemple. Ce n'est du reste pas la première fois qu'on trouve ce paradoxe dans notre législation fédérale.
Le but principal, qui nous préoccupe en matière de chômage de longue durée - parce que, hélas, avec la situation de l'emploi, cette catégorie de chômeurs augmente - c'est que ces derniers ne tombent pas à la charge de l'assistance. Je pense que chacun d'entre vous a eu l'occasion de côtoyer des chômeurs. Chacun a donc pu se rendre compte que c'est un choc psychologique très fort de ne pas pouvoir travailler, de se sentir inutile, rejeté par la société. Il serait encore plus dramatique pour ces gens de devoir s'adresser à l'assistance publique.
Monsieur Schaller, il y a peut-être d'autres solutions que celles que nous préconisons à travers notre motion, et nous ne prétendons pas détenir la vérité...
M. Claude Blanc. Ce serait bien la première fois !
M. Christian Grobet. Nous sommes un petit peu plus modestes que vous, Monsieur Blanc !
Nous admettons, par voie de conséquence, le renvoi de cette motion en commission, en espérant qu'elle sera traitée rapidement, en raison, précisément, des incidences budgétaires rappelées tout à l'heure dont nous sommes bien conscients, au vu des nouvelles exigences légales. Nous pensons qu'il faut, en dehors du problème social, également examiner d'autres conséquences, économiques notamment. On sait que pour un certain nombre de services, voire d'établissements comme les hôpitaux, les prestations dépendent pour beaucoup du maintien de ces occupations temporaires. Il y a aussi un intérêt budgétaire à la conservation de ces prestations qui ne sont pas uniquement des prestations sociales. Finalement, les personnes bénéficiant d'occupations temporaires assument souvent des fonctions éminemment utiles sur le plan social et permettent aux services et établissements de fonctionner tant bien que mal, malgré les restrictions de personnel qu'ils subissent.
C'est un élément qui doit être pris en considération et c'est la raison pour laquelle nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous donnerez une suite favorable aux propositions de cette motion.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. La nouvelle loi fédérale sur l'assurance-chômage, telle qu'elle est issue des décisions du parlement fédéral du 25 juin dernier, représente véritablement une nouvelle philosophie. Il s'agit de privilégier les mesures actives, soit l'ensemble du dispositif qui permet de favoriser la réinsertion professionnelle d'un chômeur, plutôt que de mettre l'accent sur les seules indemnisations. Celles-ci ne sont pourtant pas à négliger, puisque constitutives du maintien du pouvoir d'achat des personnes qui ont perdu leur emploi.
Ces mesures actives représentent une nouvelle philosophie, non seulement du fait de l'éventail des nouvelles dispositions qui, de par le droit fédéral, recoupent ce qui se fait déjà à Genève, mais également sur le plan quantitatif, en regard des délais pris en considération. Cette motion n'a donc pas suffisamment pris en compte ces nouvelles données.
Aujourd'hui, un chômeur a droit à quatre cents indemnités journalières, à l'issue desquelles le droit fédéral ne lui offre plus rien. C'est alors aux cantons de prendre le relais. Certains cantons n'ont d'autre solution à offrir que des prestations d'assistance. A Genève, canton responsable en la matière, des mesures actives sont prises, notamment par le biais des emplois temporaires, à l'échéance desquels, si l'intéressé n'a pas retrouvé une place, un nouveau délai-cadre d'indemnisation est ouvert.
Aujourd'hui, le délai maximum est de quatre cents jours, en droit fédéral. Demain, il sera de cinq cent vingt jours. Certes, le nouveau droit fédéral prévoit que des emplois temporaires ne peuvent ouvrir un nouveau délai-cadre que si leur durée est au minimum de douze mois, et cela sans qu'un sou de la Confédération n'ait contribué à leur financement, ce qui fait une différence avec la situation actuelle.
Alors que constater ? Aujourd'hui, le Conseil d'Etat tire une légitime fierté du système genevois. Sur tous les bancs, il est considéré comme très bon et l'on regrette que le nouveau droit fédéral puisse, prétendument, en amoindrir la portée. D'aucuns ont dit qu'il était exemplaire. Cela nous rassure, parce que nous avions entendu, çà et là, un certain nombre de critiques, mais à la lumière du nouveau droit fédéral, chacun admet qu'elles étaient infondées.
Je rappelle aussi qu'au-delà du dispositif prévu par le droit cantonal les mécanismes d'assistance interviennent dans un tout autre concept. C'est le système du revenu minimum cantonal d'aide sociale, que vous avez voté avec l'allocation d'insertion. Certes, ce n'est pas le Pérou et il ne faut pas s'en glorifier, mais ce système actif, adopté par Genève et le canton du Tessin, est incontestablement un système pionnier dans notre pays.
On a parlé d'environ deux mille occupations temporaires à Genève. Il faut considérer ces chiffres pour ce qu'ils sont. En réalité, sur la base du nombre global de vingt-cinq mille mesures actives prévues pour la totalité du pays à se répartir par quota entre cantons, le canton de Genève devrait en mettre environ deux mille à disposition, par personne et par an. Je suis navré de m'exprimer d'une façon quelque peu mathématique, alors qu'il s'agit de situations humaines, mais tels sont les chiffres.
Or, aujourd'hui, nous proposons des occupations temporaires d'une durée de trois ou six mois, voire même douze mois pour les personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans. Nous organisons aussi des stages et encourageons les mesures d'initiation au travail, les mesures de recyclage, etc. Evidemment, ces mesures sont d'une durée beaucoup plus courte : moins d'une année. Pour parvenir à mettre en place le quota de deux mille mesures actives par personne et par an, il faut fournir un grand effort. Nous ne sommes pas encore au bout de notre lutte, mais nous fournirons cet effort, parce que nous sommes déterminés à atteindre ce quota.
Ce qui me frappe, dans cette motion, c'est ce qui n'y est pas dit, c'est-à-dire l'expression d'un pessimisme fondamental sur l'efficacité de la nouvelle loi sur l'assurance-chômage, le doute très net au sujet de cette nouvelle philosophie qui privilégie les mesures actives et les mesures de réinsertion. A vous écouter, tout cela ne servirait à rien en termes de réinsertion professionnelle, et il conviendrait mieux de maintenir l'ancien système en continuant à indemniser les gens.
Pour ma part, je suis convaincu que des mesures actives intervenant, je le rappelle, à l'issue de cent cinquante indemnités, avec effet obligatoire, vont être un levier extrêmement puissant - c'est le but de la réforme - pour que celles et ceux qui ont perdu leur travail retrouvent un emploi. Je ne partage pas votre pessimisme, sauf, évidemment, à imaginer que la conjoncture ne se dégrade davantage.
Je précise également ceci : les mesures auxquelles vous faites allusion n'entreront pas en vigueur au 1er janvier 1996, mais au 1er janvier 1997. Autrement dit, nous avons encore un peu de temps pour adapter et cibler le système genevois là où il doit l'être. Je voudrais dire à M. Kunz, qui s'inquiète de ce que Genève est toujours à la pointe, que, bien au contraire, nous souhaitons que notre canton soit toujours le premier sur le plan de la solidarité, mais de manière lucide.
Qu'est-ce que cela signifie ? En matière de solidarité, nous voulons cibler le dispositif cantonal pour celles et ceux qui en ont véritablement besoin, mais nous voulons, de manière lucide, éviter une sorte de "mouvement perpétuel" qui dissuaderait les chômeurs de rechercher un emploi, en adoptant un dispositif cantonal qui compléterait, avec effet automatique, ce que prévoit le droit fédéral, créant ainsi de nouveaux délais-cadres de cinq cent vingt jours.
Qu'envisageons-nous, d'ores et déjà, en fait de solidarité ? Il est clair que les chômeurs âgés de cinquante-cinq à cinquante-huit ans, difficiles à replacer dans le marché de l'emploi...
La présidente. Monsieur le conseiller d'Etat, je suis navrée, cela fait plus de dix minutes que vous vous exprimez.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Madame la présidente, le sujet est suffisamment important pour qu'on prenne le temps de le traiter ! D'ailleurs, je termine. Je disais donc que les chômeurs âgés présentent une situation tout à fait particulière. Il est clair que des personnes de soixante ans, qui se voient privées de leur travail, sont souvent - il ne faut pas dire toujours - implaçables. Pour ces personnes, il me paraît indispensable que le dispositif cantonal soit assorti de mesures actives d'accompagnement et de solidarité jusqu'à l'âge de la retraite, soit soixante-cinq ans pour les hommes, soixante-deux, puis soixante-quatre ans pour les femmes, le peuple en ayant décidé ainsi.
Dans ledit contexte, nous ferons des propositions que nous sommes en train, d'ailleurs, d'évaluer. Autant vous dire d'emblée que l'effort budgétaire ne sera pas moindre, mais nous entendons nous montrer solidaires ! En effet, un Etat qui veut assumer sa responsabilité sociale se doit d'être véritablement généreux. C'est tout autre chose que l'Etat providence ! Ce dernier utilise la technique de l'arrosoir et ce n'est pas efficace. L'Etat généreux, lui, pratique la véritable solidarité en ciblant son aide à ceux qui ont besoin de lui : c'est ce que nous voulons.
Nous aurons donc l'occasion d'approfondir ces questions en commission.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.