République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 septembre 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 9e session - 41e séance
PL 7290
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi d'application de la loi fédérale, du 16 décembre 1983, sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger, du 20 juin 1986, est modifiée comme suit:
Art. 3, lettre b, 2o (nouvelle teneur)
Art 3, lettre b, 3o (nouveau)
2o un immeuble en construction.
3o
un immeuble de construction récente, ou qui fait l'objet d'une rénovation lourde, soit un immeuble de 5 ans au plus à partir de la date d'entrée moyenne des locataires.
Art. 4, al. 1, lettre c (nouvelle teneur)
al. 1, lettre d (abrogée)
al. 2 (nouvelle teneur)
c)
en cas d'acquisition du capital-actions d'une société immobilière, dépôt des actions auprès d'un établissement soumis à la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne, durant la période d'interdiction d'aliéner.
2 Dans le cas de rigueur, la charge prévue sous lettre b peut être levée par l'autorité cantonale compétente.
Art. 5, lettre a (nouvelle teneur)
a)
séjour durable de l'acquéreur, avec une autorisation de la police des étrangers, ou en vertu d'un autre droit;
Art. 7, lettre b (nouvelle teneur)
b)
en cas d'acquisition du capital-actions d'une société immobilière, dépôt des actions auprès d'un établissement soumis à la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne, durant la période d'interdiction d'aliéner;
Art. 2
Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
EXPOSÉ DES MOTIFS
I. Partie générale
Lors de la votation du 25 juin 1995, le corps électoral genevois a nettement approuvé les modifications de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (Lex Koller) alors que le peuple suisse, dans son ensemble, les a malheureusement rejetées.
Rappelons que le projet soumis à votation proposait divers assouplissements de la loi actuellement en vigueur (Lex Friedrich)
Pour l'essentiel, ces modifications visaient à permettre la libre acquisition d'un immeuble par une personne physique s'étant légalement constitué un domicile en Suisse ou antérieurement domiciliée dans notre pays pendant cinq ans au moins, de même que l'acquisition par une entreprise d'un immeuble destiné à l'exercice de son activité économique.
Par ailleurs, certains placements de capitaux interdits par la Lex Friedrich pouvaient sous condition être autorisés.
Rappelons également que les autorités de notre canton ont à diverses reprises demandé l'assouplissement des dispositions sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger.
A la suite du vote négatif du 6 décembre 1992 sur l'Espace Economique Européen, le Grand Conseil, sous forme d'une résolution, a exercé le droit d'initiative du canton de Genève et, en application de l'article 93, alinéa 2, de la Constitution fédérale, a demandé au Conseil fédéral de proposer à l'Assemblée fédérale l'abrogation de la Lex Friedrich.
Cette initiative, votée par le Grand Conseil le 1er avril 1993, a été transmise au Conseil fédéral qui, bien que n'étant pas opposé au principe de la suppression de cette loi, a préféré procéder par étapes et a confié au département fédéral de justice et police le mandat de préparer sans délai une révision de la Lex Friedrich. On peut ainsi considérer l'initiative genevoise comme étant l'une des démarches à l'origine de la révision précitée.
Par ailleurs, depuis plusieurs années déjà, et dans le strict respect des dispositions fédérales, le département de l'économie publique, autorité compétente en la matière à Genève, s'est efforcé dans sa pratique d'alléger les démarches administratives imposées par la loi fédérale. Il a notamment publié des directives d'interprétation de la Lex Friedrich et a établi en accord avec le Registre foncier une procédure simplifiée pour constater le non-assujettissement des fonctionnaires internationaux pouvant être assimilés à des titulaires de permis C. Il a également simplifié la procédure permettant d'obtenir la suppression des charges imposées à une personne n'étant plus soumise au régime de l'autorisation (acquisition d'un permis C ou de la nationalité suisse).
Compte tenu de ce qui précède et de la volonté récemment exprimée par le corps électoral genevois en faveur d'un assouplissement de la Lex Friedrich, le Conseil d'Etat est d'avis qu'il convient d'utiliser les possibilités qui lui sont conférées par le droit fédéral - et bien entendu dans le strict respect de celui-ci -, pour proposer de nouvelles adaptations de la loi genevoise d'application actuellement en vigueur, en supprimant les dispositions inutilement restrictives.
Les principales modifications qui vous sont proposées ci-après concernent:
- la suppression du séjour préalable d'un an en Suisse imposé actuellement à une personne physique avant qu'elle ne puisse solliciter l'autorisation d'acquérir un bien immobilier pour son logement. Cette condition, inscrite dans le droit cantonal genevois, n'a plus de raison d'être; elle n'est par ailleurs pas imposée dans les autres cantons suisses;
- l'assouplissement des dispositions concernant l'acquisition de logements d'utilité publique, afin de faciliter les investissements dans le logement social. Il s'agit en effet d'une tradition très ancienne dans notre canton et c'est à sa demande qu'avait été introduit, à l'article 9, alinéa 1, lettre a, de la loi fédérale, ce motif d'autorisation cantonale relatif à l'acquisition d'immeubles à caractère social.
Les modifications qui vous sont proposées à cet égard concernent le type d'immeubles qu'il est possible d'acquérir, ainsi que l'obligation de réaffecter le produit d'une vente éventuelle à un immeuble du même type (obligation de réemploi). Ces adaptations répondent aux besoins qui se sont, depuis plusieurs années, fait sentir dans la pratique.
II. Commentaire article par article
Article 3, lettre b, chiffre 2: acquisition de logements d'utilité publique
Les conditions d'acquisition d'un logement d'utilité publique, déjà existant dans notre législation cantonale d'application de la LFAIE, sont assouplies sur deux points:
1. L'article 3, lettre b, chiffre 2, inclut désormais expressément les immeubles ayant subi une rénovation lourde. Selon la pratique, lorsque tous les locataires ont quitté leur logement, pour précisément permettre une rénovation lourde, l'immeuble a alors à juste titre été considéré comme étant de construction récente et pouvant faire l'objet d'une autorisation d'acquérir.
2. La disposition précitée porte en outre de trois à cinq ans le délai permettant de qualifier l'immeuble «de construction récente» (condition posée par le droit fédéral). Cette modification a pour but de faciliter l'investissement de fonds étrangers dans le logement d'utilité publique. Elle se justifie par le délai souvent très long qui s'écoule entre la date d'entrée moyenne des locataires, le bouclement des comptes de construction et la prise de l'arrêté du Conseil d'Etat mettant définitivement l'immeuble au bénéfice de la loi générale sur le logement et la protection des locataires (voir RLGL, art. 78, I 5 1,5).
Articles 4, alinéa 1, lettre c, et 7, lettre b: dépôt des actions de sociétés immobilières auprès d'un établissement bancaire
Il s'agit d'une modification purement formelle, qui découle de la révision du droit des sociétés en vigueur depuis le 1er juillet 1992. La terminologie actuelle de ces alinéas, calquée sur l'ancien droit de la société anonyme, a été adaptée à la formulation du nouvel article 633 du Code des obligations.
Article 4, alinéa 1, lettre d: obligation de réemploi
L'obligation pour l'aliénateur de réinvestir le produit de la vente de l'immeuble dans la construction d'autres logements d'utilité publique, qui figurait à l'article 4, alinéa 1, lettre d, est supprimée.
Cette obligation posait en effet souvent des problèmes pratiques en raison de son manque de souplesse. Ainsi, même lorsque l'économie immobilière connaissait un fort développement, il est arrivé à maintes reprises que le vendeur d'un immeuble comprenant des logements à caractère social ne puisse pas réaffecter le produit de l'opération «à la construction d'autres logements d'utilité publique sur un fonds dont il dispose et équipé pour la construction». A fortiori, la difficulté de trouver une nouvelle opération immobilière correspondant à ces critères augmente encore à une époque où les investissements immobiliers sont peu soutenus.
Le réinvestissement se révélait également impossible lorsque la vente avait pour motif d'assainir la situation d'endettement du vendeur.
Par ailleurs, la solution adoptée par l'administration, consistant à bloquer le produit de l'opération sur un compte bancaire en attendant le réinvestissement, conduisait à des situations économiquement peu acceptables lorsque le blocage se poursuivait pendant de nombreux mois, voire plusieurs années.
Enfin, cette obligation créait une inégalité de traitement pour le vendeur - qu'il soit suisse ou étranger - d'un immeuble d'utilité publique, selon que la vente se faisait à une personne assujettie ou non à la Lex Friedrich.
Article 4, alinéa 2: cas de rigueur
La nouvelle formulation de l'alinéa 2 tient simplement compte de l'abrogation de la lettre d de l'alinéa 1 précité.
Article 5, lettre a: conditions d'acquisition par une personne physique domiciliée sur le territoire du canton
La condition d'un séjour préalable d'une année en Suisse est supprimée. Ainsi, l'acquéreur qui obtient un titre de séjour lui permettant de se créer valablement un domicile en Suisse pourra désormais acheter un bien immobilier, pour y constituer sa résidence principale, dès le début de son séjour. L'administration continuera toutefois à vérifier que les conditions de la création d'un domicile au sens du droit civil suisse sont remplies, ainsi que le rappelle l'article 5 de l'ordonnance d'exécution de la LFAIE (OAIE). Dans cette optique, la condition de la durabilité du séjour pour l'avenir est maintenue, conformément à l'article 5, lettre b, de la loi cantonale. L'administration continuera également à vérifier que les revenus du requérant lui permettent de financer raisonnablement les charges liées aux fonds empruntés de manière à ce qu'un manque de ressources financières ne le contraigne pas - sous réserve de cas de rigueur qui pourraient survenir - à revendre l'immeuble, l'acquisition pouvant alors être assimilée à un placement de capitaux prohibé par la loi.
* * *
Au bénéfice des explications ci-dessus, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir approuver ce projet de loi.
Préconsultation
M. Laurent Moutinot (S). Ce projet de loi est l'un des éléments d'une longue histoire. A l'origine, des acquisitions massives de terrains par des étrangers avaient justifié l'adoption, en quelques jours, d'une législation d'urgence qui a porté, par la suite, le nom des différents conseillers fédéraux qui l'ont remaniée. Actuellement, ce risque conjoncturel est inexistant.
La question qui nous est posée est de substituer un critère que nous, socialistes, refusons, celui de la nationalité ou du séjour, pour intervenir dans un problème qui est, en définitive, du ressort de l'aménagement du territoire.
Nous sommes par conséquent favorables au projet de loi 7290, dans la mesure, cependant, où les règles d'aménagement du territoire permettent d'éviter que, par un afflux de capitaux massifs, à un moment précis, l'ensemble de notre système ne vienne à basculer. C'est la raison pour laquelle il convient que la LALAT en particulier reste stricte dans son texte et dans son application et qu'une politique laxiste ne vienne pas la vider de son sens, car, à ce moment-là, la suppression ou l'assouplissement des règles sur l'acquisition des immeubles par des étrangers pourraient avoir des conséquences regrettables dans le domaine de l'aménagement du territoire.
Sur le principe, nous saluons cet assouplissement, car les critères proposés par la loi fédérale en la matière ne correspondent pas à la situation actuelle, mais il faut veiller à notre aménagement du territoire.
La présidente. Le projet de loi 7290 est renvoyé à la commission judiciaire. (Contestation.)
C'est ce qui avait été décidé par le Bureau et les chefs de groupe. Moi, j'attends vos propositions.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Je crois qu'il serait erroné à double titre de renvoyer ce projet à la commission judiciaire : d'une part, parce que la loi actuelle d'application de la lex Friedrich a été traitée par la commission de l'économie; d'autre part, parce que la commission judiciaire, à teneur des renseignements qui nous sont parvenus, est actuellement surchargée. Par conséquent, ce projet-là serait étudié dans des délais beaucoup trop longs, alors qu'il s'agit d'une révision ponctuelle.
Je salue l'ouverture de M. Moutinot et je partage son souci concernant les garanties qu'il souhaite obtenir. C'est un débat qui doit avoir lieu en commission, mais, s'il vous plaît, en commission de l'économie où nous pourrons le traiter plus rapidement.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.