République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 21 septembre 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 9e session - 39e séance
PL 7292
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
CHAPITRE I
Préambule
Article 1
But
La présente loi a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel des zones urbaines.
A cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, elle prévoit notamment :
a)
des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation;
b)
l'encouragement à la rénovation des maisons d'habitation;
c)
des restrictions quant à l'aliénation des appartements destinés à la location;
d)
l'expropriation temporaire de l'usage des appartements laissés vides sans motif légitime.
Art. 2
Champ d'application
1 Est soumis à la présente loi tout bâtiment:
a)
situé dans l'une des zones de construction prévues par l'article 19 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, ou construit au bénéfice des normes de l'une des 4 premières zones de construction en vertu des dispositions applicables aux zones de développement;
b)
comportant des locaux qui, par leur aménagement et leur distribution, sont affectés à l'habitation.
2 Ne sont pas assujetties à la présente loi les maisons individuelles ne comportant qu'un seul logement, ainsi que les villas en 5e zone comportant un ou plusieurs logements.
Art. 3
Définitions
transformations
1 Par transformation, on entend tous les travaux qui ont pour objet:
a)
de modifier l'architecture, le volume, l'implantation, la destination, la distribution intérieure de tout ou partie d'une maison d'habitation;
b)
la création de nouveaux logements, notamment dans les combles;
c)
la création de plusieurs installations nouvelles d'une certaine importance, telles que chauffage, distribution d'eau chaude, ascenseur, salles de bains et cuisines;
d)
d'améliorer le confort existant sans modifier la distribution des logements.
2 Ne sont pas considérés comme travaux de transformation les travaux d'entretien courant. Les travaux dont l'incidence sur les loyers après travaux est inférieure à 15% sont en principe considérés comme des travaux d'entretien courant.
changement
d'affectation
3 Par changement d'affectation, on entend toute modification, même en l'absence de travaux, qui a pour effet de remplacer des locaux à destination de logements par des locaux à usage commercial, administratif, artisanal ou industriel. Sont également assimilés à des changements d'affectation :
a)
le remplacement de locaux à destination de logements par des résidences meublées ou des hôtels;
b)
le remplacement de résidences meublées ou d'hôtels par des locaux commerciaux, lorsque ces résidences ou ces hôtels répondent aux besoins prépondérants de la population;
c)
l'aliénation d'appartements loués, en application de l'article 30.
4 Il n'y a pas de changement d'affectation lorsque des locaux à usage commercial, administratif, artisanal ou industriel ont été temporairement affectés à l'habitation et qu'ils retrouvent leur destination commerciale, administrative, artisanale ou industrielle antérieure.
Art. 4
Compétence
Le département des travaux publics et de l'énergie (ci-après le département) est l'autorité compétente pour l'application de la présente loi.
CHAPITRE II
Démolitions
Art. 5
Principe
Nul ne peut, sous réserve de l'octroi d'une dérogation au sens de l'article 6, démolir tout ou partie d'un bâtiment, au sens de l'article 2, alinéa 1, occupé ou inoccupé.
Art. 6
Dérogations
1 Le département peut accorder une dérogation
sécurité,
salubrité
a)
lorsque l'état du bâtiment comporte un danger pour la sécurité ou la santé de ses habitants ou des tiers et s'il n'est pas possible de remédier à cet état de fait sans frais disproportionnés pour le propriétaire. Dans ce cas, la construction nouvelle doit comporter une surface de plancher affectée au logement au moins équivalente.
intérêt public
b)
lorsque l'intérêt public le commande, soit pour permettre la réalisation d'opérations d'aménagement ou d'assainissement, de travaux publics ou la construction d'édifices publics.
intérêt général
c)
lorsque la reconstruction permet une sensible augmentation de la surface de plancher affectée au logement, tout en tenant compte du maintien ou du développement du commerce et de l'artisanat, lorsqu'il est souhaitable et compatible avec les conditions de vie du quartier.
2 Le département accorde la dérogation si les logements reconstruits répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population; il tient notamment compte, dans son appréciation, des éléments suivants:
a) du genre des logements existants;
b) du prix de revient des logements reconstruits;
c) du lieu de situation de l'immeuble;
d) de la surface des pièces et des appartements.
CHAPITRE III
Changements d'affectation
Art. 7
Principe
Nul ne peut, sous réserve de l'octroi d'une dérogation au sens de l'article 8, changer l'affectation de tout ou partie d'un bâtiment au sens de l'article 2, alinéa 1, occupé ou inoccupé.
Art. 8
Dérogations
1 Le département peut accorder une dérogation lorsque les circonstances, notamment le maintien ou le développement du commerce et de l'artisanat, s'il est souhaitable et compatible avec les conditions de vie du quartier, le justifient et que les surfaces de logement supprimées sont compensées par la réaffectation simultanée de surfaces commerciales ou administratives en logement. Dans ce cas, les locaux réaffectés au logement doivent être d'une surface au moins équivalente, situés si possible dans le même quartier et offrir des conditions de logement au moins équivalentes et un loyer raisonnable.
2 Lorsque la réaffectation de surfaces commerciales ou administratives en logement s'avère impossible et que le requérant invoque un intérêt privé prépondérant, le département peut, à titre exceptionnel, admettre une compensation sous la forme d'un investissement dans la construction de logements sociaux.
CHAPITRE IV
Transformations
Art. 9
Principe
1 Une autorisation est nécessaire pour toute transformation au sens de l'article 3, alinéa 1. L'autorisation est accordée:
sécurité-
salubrité
a)
lorsque l'état du bâtiment comporte un danger pour la sécurité et la santé de ses habitants ou des tiers;
intérêt public
b)
lorsque la réalisation d'opérations d'aménagement ou d'assainissement d'intérêt public le commande;
intérêt
général
c)
lorsque les travaux permettent la réalisation de logements supplémentaires;
d)
lorsque les travaux répondent à une nécessité ou qu'ils contribuent au maintien ou au développement du commerce et de l'artisanat, si celui-ci est souhaitable et compatible avec les conditions de vie du quartier.
2 Le département accorde l'autorisation si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population. Il tient notamment compte, dans son appréciation, des éléments suivants:
a)
du genre, de la typologie et de la qualité des logements existants;
b)
du prix de revient des logements transformés ou nouvellement créés, notamment dans les combles;
c)
du lieu de situation de l'immeuble;
d)
de la surface des pièces et des appartements;
e)
des exigences liées à l'objectif de préservation du patrimoine.
CHAPITRE V
Fixation des loyers et des prix en cas de démolitions
ou de transformations
Art. 10
Principe
1 Le département fixe, lors de la délivrance de l'autorisation de démolition ou de transformation, le montant maximum des loyers des logements après travaux; il en fait de même pour les prix de vente maximaux des logements si ceux-ci sont soumis au régime de la propriété par étages ou à une autre forme de propriété analogue.
Exception
2 Le département renonce à la fixation des loyers et des prix prévue à l'alinéa 1 lorsque cette mesure apparaît disproportionnée et notamment lorsque les loyers après transformation demeurent peu élevés ou lorsque les logements à transformer revêtent d'ores et déjà, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, un caractère excédant manifestement les besoins prépondérants de la population.
Art. 11
Mode de calcul
Le département fixe le montant des loyers ou des prix de vente maximaux, en tenant compte:
a)
du rendement équitable des capitaux investis pour les travaux, calculé, en règle générale, sur le 70% au maximum de leur coût et renté à un taux de 0,5 point au-dessus de l'intérêt hypothécaire de premier rang pratiqué par la Banque cantonale de Genève; le taux de rendement est fonction de l'incidence dégressive des amortissements;
b)
de l'amortissement calculé en fonction de la durée de vie des installations, en règle générale dans une fourchette de 18 à 20 ans, soit de 5,55% à 5%;
c)
des frais d'entretien rentés en règle générale à 1,5% des travaux prix en considération;
d)
des autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération selon les articles 269 et suivants du code des obligations.
Art. 12
Durée du contrôle
Les loyers et les prix de vente maximaux ainsi fixés sont soumis au contrôle de l'Etat, pendant une période de 5 à 10 ans pour les constructions nouvelles et pendant une période de 3 ans pour les immeubles transformés, durée qui peut être portée à cinq ans en cas de transformation lourde.
Art. 13
Affectation locative
Lorsqu'une autorisation est accordée, le département impose, en règle générale, l'affectation locative des logements pendant la durée du contrôle des loyers institué par l'article 12.
Art. 14
Modifications pendant le contrôle
1 Pendant la période de contrôle, les loyers et les prix de vente fixés par le département ne peuvent être dépassés.
2 Lorsque l'évolution des critères de fixation des loyers au sens des articles 269 et suivants du code des obligations le justifie, une demande de modification des loyers ou des prix peut être présentée au département, qui statue en regard des articles précités.
3 Toute hausse du loyer admise par le département reste soumise aux dispositions du droit fédéral sur le bail à loyer.
CHAPITRE VI
Encouragement à la rénovation
Art. 15
Encourage-ment
1 Afin de permettre à la population résidente de conserver son logement à un niveau de loyer raisonnable, l'Etat encourage la rénovation de l'habitat si elle répond à la définition de la présente loi, conformément aux dispositions de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977.
2 En dérogation à l'article 31B de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977, le propriétaire du bâtiment ne peut en pareil cas être requis de donner congé aux locataires qui habitaient le bâtiment avant sa rénovation, en cas de dépassement des normes de revenu.
3 Les locataires d'immeubles soumis à la loi, ne bénéficiant pas de l'aide cantonale au logement, peuvent demander à recevoir l'allocation de logement instituée par la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977.
CHAPITRE VII
Mesures visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs
SECTION 1
APPARTEMENTS ASSUJETTIS
Art. 16
Principe
1 Pour remédier à la pénurie d'appartements locatifs dont la population a besoin, tout appartement jusqu'alors destiné à la location doit conserver son affectation locative, dans les limites du présent chapitre.
Définition de la pénurie
2 Il y a pénurie d'appartements lorsque le taux des logements vacants considéré par catégorie est inférieur à 2% du parc immobilier de la même catégorie.
Exception
3 Les appartements de plus de 6 pièces n'entrent pas dans une catégorie où sévit la pénurie.
SECTION 2
EXPROPRIATION TEMPORAIRE DE L'USAGEDES APPARTEMENTS LOCATIFS LAISSÉS ABUSIVEMENT VIDES
Art. 17
Principe
Afin de remédier à la pénurie de logements, l'Etat peut acquérir par voie d'expropriation, conformément à la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, du 10 juin 1933, l'usage temporaire des appartements locatifs laissés vides de tout occupant sans motif légitime durant plus de 3 mois consécutifs.
Art. 18
Appartement vide
Est un appartement laissé vide tout appartement inoccupé qui n'est pas offert en location, ou qui fait l'objet d'une location fictive, ou qui ne trouve pas preneur parce que le loyer réclamé dépasse de manière abusive le loyer admissible en vertu du droit fédéral.
Art. 19
Motif légitime
Constitue notamment un motif légitime de maintenir un appartement vide le dépôt d'une requête en autorisation de démolir ou de transformer, lorsque sur la base du dossier, le département considère :
a)
soit que la démolition est susceptible d'être autorisée;
b)
soit que l'état de l'immeuble impose à l'évidence sa transformation hors la présence des occupants.
Art. 20
Obligation d'annoncer
Tout appartement laissé vide doit être annoncé par son propriétaire ou son gérant dans les 3 mois à l'office cantonal de la population. Celui-ci avise alors le département.
Art. 21
Demande de renseigne-ments
Lorsqu'il constate ou apprend qu'un appartement demeure vide sans motif légitime, le département adresse une demande de renseignements au propriétaire. Il attire son attention sur les dispositions du présent chapitre et l'invite à indiquer par écrit dans les 15 jours les motifs pour lesquels et la date depuis laquelle l'appartement est laissé vide.
Art. 22
Sommation
1 Lorsqu'à l'expiration du délai de l'article 21, deuxième phrase, le propriétaire ne rapporte pas la preuve d'un motif légitime quant au maintien d'un appartement vide, ou lorsqu'il ne donne pas suite à la demande de renseignements, le département peut lui adresser une sommation. Il l'invite à relouer dans le délai de deux mois l'appartement vide, à un loyer abordable, soit au locataire de son choix, soit à une personne proposée par l'office du logement social.
2 La sommation mentionne que le refus d'y donner suite est possible, conformément à l'article 35, de l'amende administrative prévue à l'article 137 de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, et qu'il ouvre la faculté à l'Etat de prendre des mesures prévues par l'article 23.
Art. 23
Exercice du droit d'expropriation
1 Si la sommation demeure infructueuse, le Conseil d'Etat examine si les conditions sont réunies pour déclarer d'utilité publique l'expropriation temporaire du droit d'usage de l'appartement concerné. Tel est le cas lorsque l'appartement dont il s'agit se trouve dans un immeuble dont les loyers répondent, ou répondaient jusqu'à récemment, aux besoins prépondérants de la population.
2 Le cas échéant, le Conseil d'Etat peut, indépendamment des sanctions visées à l'article 22, alinéa 2, déclarer d'utilité publique et décréter l'expropriation temporaire du droit d'usage de l'appartement concerné. L'urgence est présumée et l'arrêté du Conseil d'Etat ordonne la prise de possession immédiate.
Art. 24
Limites du droit d'expropriation
Le droit d'expropriation porte uniquement sur le droit d'usage de l'appartement vide et le propriétaire conserve son droit de propriété sur celui-ci, à l'exclusion du droit de l'utiliser. La mesure est temporaire, sans qu'elle soit limitée à 5 ans conformément à l'article 6 de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, du 10 juin 1933. Elle prend fin lorsque l'une des conditions de l'article 28 est réalisée.
Art. 25
Indemnité
1 L'Etat verse au propriétaire exproprié une indemnité fixée par le département. Elle correspond au loyer licite selon le code des obligations, éventuellement au loyer fixé selon l'article 10, alinéa 1, s'il s'agit d'un appartement ayant subi une transformation autorisée.
2 L'indemnité peut être modifiée par le département, après chaque période annuelle, dans la mesure admise par le droit fédéral.
Art. 26
Conditions de mise à disposition
1 L'appartement exproprié est mis à disposition d'une personne régulièrement inscrite à l'office du logement social et désignée par ce dernier. L'attribution est faite en priorité aux familles et aux personnes à revenus modestes. Le propriétaire de l'appartement est consulté au préalable. Il est invité, à nouveau, à conclure un bail avec la personne retenue, pour une durée suffisante moyennant un loyer abordable.
2 Le bénéficiaire de l'appartement est redevable envers l'Etat d'une indemnité d'occupation des locaux, fixée par le département.
Art. 27
Travaux et autres frais d'expropria-tion
1 L'Etat peut entreprendre dans l'appartement exproprié ou dans l'immeuble où il est situé, les travaux nécessaires pour rendre cet appartement habitable. Le département fait application à cet effet des articles 129 et 136 de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988.
2 De même, l'Etat peut prendre en charge les autres frais d'exploitation nécessaires à l'habitation.
Art. 28
Fin de la mesure d'expropria-tion
La mesure d'expropriation est temporaire. Elle prend fin lorsqu'elle n'est plus justifiée et notamment dans l'un des cas suivants :
a)
le propriétaire de l'appartement et le bénéficiaire concluent le bail;
b)
le bénéficiaire de l'appartement le libère de son propre chef et le propriétaire consent à le remettre en location, pour une durée suffisante et à un loyer abordable;
c)
le propriétaire a obtenu une autorisation de démolir ou de transformer l'immeuble et les travaux envisagés doivent nécessairement être exécutés hors la présence des occupants; dans cette hypothèse, le propriétaire doit préalablement s'engager à exécuter les travaux autorisés à bref délai et fournir à l'appui de son engagement des preuves concrètes;
d)
le propriétaire de l'appartement justifie de l'existence d'un besoin réel des locaux pour lui-même ou pour ses proches parents ou alliés.
Art. 29
Dispositions sur l'expropriation
Les dispositions de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, du 10 juin 1933, relatives à la commission cantonale de conciliation et d'estimation ne sont pas applicables aux mesures prises en vertu du présent chapitre.
SECTION III
ALIÉNATION DES APPARTEMENTSDESTINÉS À LA LOCATION
Art. 30
Aliénation
1 L'aliénation, sous quelque forme que ce soit (notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de parties d'étages, d'actions, de parts sociales), d'un appartement à usage d'habitation, jusqu'alors offert en location, est soumise à autorisation dans la mesure où cet appartement entre dans une catégorie de logements où sévit la pénurie.
motifs de refus
2 Le département refuse l'autorisation lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose. L'intérêt public et l'intérêt général résident dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l'affectation locative des appartements loués.
exception
3 Le désir d'un locataire en place d'acquérir son logement est toutefois présumé l'emporter sur l'intérêt public et l'intérêt général lorsque les locataires restants obtiennent la garantie de ne pas être contraints d'acheter leur appartement ou de partir.
motifs
d'autorisation
4 Le département autorise l'aliénation d'un appartement si celui-ci:
a)
a été dès sa construction soumis au régime de la propriété par étages ou à une forme de propriété analogue;
b)
était, le 30 mars 1985, soumis au régime de la propriété par étages ou à une forme de propriété analogue et qu'il avait déjà été cédé de manière individualisée;
c)
n'a jamais été loué;
d)
a fait une fois au moins l'objet d'une autorisation d'aliéner en vertu de la présente loi.
relogement du
locataire
5 Au cas où l'autorisation est délivrée, celle-ci peut être soumise à certaines conditions concernant le relogement du locataire.
CHAPITRE VIII
Dispositions générales
Art. 31
Procédure d'autorisation
1 Les articles 2 à 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, son applicables par analogie aux demandes d'autorisation découlant de la présente loi.
2 Lorsqu'une demande est assujettie aux dispositions de l'une ou l'autre de ces lois, elle ne donne lieu qu'à l'ouverture d'une seule procédure en autorisation.
3 Lorsque plusieurs requêtes d'autorisation sont formées successivement à propos d'un même immeuble, le département les considère comme un tout, et révise, si nécessaire, ses décisions précédentes, déjà entrées en force, lorsque l'ensemble des travaux était prévisible, à l'origine.
Art. 32
Rapport technique
Le département peut, à l'occasion de l'examen de toute demande d'autorisation, requérir l'établissement d'un rapport technique sur l'état de l'immeuble en cause.
Art. 33
Restrictions
1 Les autorisations de construire prévues par l'article 1, alinéa 1, lettres a et b, de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, ne sont pas délivrées lorsque l'exécution des travaux qu'elle concernent rend nécessaires des démolitions ou transformations interdites par la présente loi.
2 L'autorisation de démolir peut être délivrée par le département alors même que le bâtiment est encore occupé. Dans ce cas, le département informe individuellement les locataires des dispositions des alinéas 4 et 5 du présent article.
3 L'autorisation de transformer ou de changer d'affectation stipule si les travaux imposent le départ ou non de tout ou partie des locataires. Le cas échéant, le département informe individuellement les locataires des dispositions des alinéas 4 et 5 du présent article.
4 L'ouverture du chantier est subordonnée au relogement des locataires touchés par l'autorisation définitive.
5 Lorsque le revenu des locataires est modeste, l'office du logement social assiste le propriétaire, afin que les locataires soient relogés à des conditions économiques et sociales satisfaisantes.
Art. 34
Consultation des locataires
1 Le propriétaire a l'obligation d'informer au préalable et par écrit les locataires et de les consulter en dehors de toute résiliation de bail, lorsqu'il a l'intention d'exécuter des travaux au sens de la présente loi. Il leur expose son projet et les informe de la modification de loyer qui en résulte. Il leur impartit un délai de 30 jours au moins pour présenter leurs observations et suggestions éventuelles.
2 Le département veille que le propriétaire informe par écrit, individuellement, les locataires, de la liste des travaux autorisés et du programme d'exécution de ces travaux.
3 En cas de non-respect de l'obligation d'information et de consultation prévue à l'alinéa 1 du présent article, le département peut refuser la délivrance de l'autorisation requise. L'article 35 de la présente loi (sanctions et mesures) est réservé.
CHAPITRE IX
Sanctions et mesures
Art. 35
Sanctions et mesures
1 Celui qui contrevient aux dispositions de la présente loi est passible des mesures et des sanctions administratives prévues par les articles 129 à 139 de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, et des peines plus élevées prévues par le code pénal.
2 Lorsqu'une infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société de personnes dépourvues de la personnalité juridique ou d'une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom.
3 La personne morale, la société ou le propriétaire de l'entreprise individuelle répondent solidairement de l'amende et des frais.
CHAPITRE X
Voies de recours
Art. 36
Commission de recours
1 Les décisions prises et autorisations délivrées par le département en application de la présente loi doivent être publiées dans la Feuille d'avis officielle et sont susceptibles d'un recours, dans les 30 jours, auprès de la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988.
2 Toutefois, les sanctions relatives à des travaux entrepris sans autorisation ainsi que les décisions prises par le département ou le Conseil d'Etat en vertu des articles 17 à 29 ci-dessus sont susceptibles d'un recours dans le délai de 30 jours auprès du Tribunal administratif. Dans le cas d'application des articles 17 à 29, le recours n'a pas d'effet suspensif, sauf s'il est restitué à la requête du recourant.
composition de la commission de recours
3 Pour les causes relevant de l'application de la présente loi, la commission de recours siège dans la composition suivante:
a)
le président;
b)
un architecte représentant les milieux professionnels de sa branche;
c)
un représentant d'organisation de sauvegarde du patrimoine et de l'environnement;
d)
un représentant des milieux immobiliers;
e)
un représentant des organisations de défense des locataires.
4 A cet effet, le Conseil d'Etat désigne 4 membres titulaires supplémentaires et 4 suppléants choisis sur proposition des organisations représentatives intéressées.
5 Les dispositions de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, concernant la durée du mandat et les causes de récusation des membres de la commission de recours sont applicables aux membres désignés en conformité des alinéas 3 et 4.
qualité pour recourir
6 Ont la qualité pour recourir auprès de la commission de recours et du Tribunal administratif contre les décisions prises en vertu de la présente loi, les personnes visées à l'article 60 de la loi de procédure administrative, du 12 septembre 1985, ainsi que les associations régulièrement constituées d'habitants, de locataires et de propriétaires d'importance cantonale, qui existent depuis trois ans au moins, et dont le champ d'activité statutaire s'étend à l'objet concerné.
Art. 37
Procédure
1 La procédure devant la commission de recours est réglée par la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985.
2 La commission de recours revoit librement les faits et le droit.
Art. 38
Recours au Tribunal administratif
Les parties peuvent recourir au Tribunal administratif contre les décisions de la commission de recours, dans les 30 jours à dater de leur notification.
CHAPITRE XI
Dispositions finales
Art. 39
Règlement
Le Conseil d'Etat édicte le règlement d'application de la présente loi.
Art. 40
Clause abrogatoire
1 La loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, du 22 juin 1989, est abrogée.
2 Cette loi demeure cependant applicable aux infractions commises avant son abrogation. Il en est de même des infractions commises en vertu de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, du 26 juin 1983, et de la loi restreignant les démolitions et transformations de maisons d'habitation en raison de la pénurie de logements, du 17 octobre 1962, conformément à l'article 19 de la loi abrogée.
Art. 41
Entrée en vigueur
1 La présente loi entre en vigueur dès le lendemain de la publication de l'arrêté de promulgation.
2 Ses dispositions s'appliquent aux demandes d'autorisation pendantes devant le département au jour de son entrée en vigueur, ainsi qu'à celles qui, à ce même jour, font l'objet de procédures pendantes devant la commission de recours ou le Tribunal administratif.
Art. 42
1 La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970, est modifiée comme suit:
Art. 8, al. 1, 105° (nouvelle teneur)
Modifications à d'autre lois
(E 3,5 1)
105°
décisions du département des travaux publics ordonnant des mesures ou infligeant des sanctions en cas de travaux entrepris sans autorisation (L 5 1, art. 150, et L 5 9, art. 36, al. 2);
Art. 8, al. 1, 108° (nouvelle teneur)
108°
décisions de la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et les installations diverses en application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (L 5 9, art. 38);
(L 5 1)
2 La loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, est modifiée comme suit:
Art. 145, al. 4 (nouvelle teneur)
Composition de la commission
4 En cas de recours formé contre les décisions rendues en vertu de la présente loi et de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation,du ... (à préciser), la commission siège dans la composition prévue à l'article 36, alinéa 3, de cette dernière loi.
TABLE DES MATIÈRES
Articles
Chapitre I: Préambule 1
Chapitre II: Démolitions 3
Chapitre III: Changement d'affectation 4
Chapitre IV: Transformations 5
Chapitre V: Fixation des loyers et des prix
en cas de démolitions ou de transformations 6
Chapitre VI: Encouragement à la rénovation 8
Chapitre VII: Mesures visant à lutter contre la pénurie
d'appartements locatifs
Sect. 1: Appartements assujettis 8
Sect. 2: Expropriation temporaire de l'usage des
appartements locatifs laissés abusivement vides 9
Sect. 3 : Aliénation des appartements destinés à la location 13
Chapitre VIII: Dispositions générales 14
Chapitre IX: Sanctions et mesures 15
Chapitre X: Voies de recours 16
Chapitre XI: Dispositions finales 17
EXPOSÉ DES MOTIFS
Ce projet de loi représente avant tout un intérêt en faveur de la relance de l'économie genevoise, de la préservation, de la création d'emplois, tout en maintenant les intérêts essentiels des locataires.
La situation dramatique de l'industrie du bâtiment, dont les difficultés influencent négativement d'autres secteurs économiques, devrait trouver rapidement dans les travaux d'entretien et de rénovation du parc immobilier genevois une source importante d'emplois permettant de combler sensiblement la très forte diminution des commandes dans la construction de bâtiments neufs.
Cette situation a incité le Conseil d'Etat à proposer une série d'améliorations de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, du 22 juin 1989 (LDTR).
Pour tenir compte de l'aggravation de la situation, afin de favoriser la mise en chantier de nombreuses rénovations et encourager l'accession à la propriété, notamment de la classe moyenne, ce qui représente un intérêt économique évident, les modifications de la LDTR devraient entrer en vigueur sans tarder.
Afin d'obtenir, si possible, un large consensus, le Conseil d'Etat soumet au Grand Conseil un projet de loi qui tient assez largement compte des sensibilités politiques et de la nécessité de créer des emplois. Il renonce donc pour l'instant à présenter des propositions touchant des aspects plus sensibles de la LDTR et propose que la réflexion et le dialogue soient poursuivis ultérieurement afin de disposer d'une loi plus adaptée aux nouveaux besoins. Les investissements privés dans le logement étant actuellement nettement insuffisants, le Conseil d'Etat espère que ce projet facilitera une reprise de la construction et l'engagement non seulement de fonds provenant d'institutions de prévoyance ou de sociétés, mais aussi de particuliers.
Le présent projet de loi est le fruit d'un travail effectué par le département des travaux publics et de l'énergie (DTPE), en collaboration avec le département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (DIER).
Dans le courant de l'été 1994, la délégation du logement du Conseil d'Etat a reçu successivement la Chambre genevoise immobilière (CGI), la Fédération des métiers du bâtiment (FMB), la Société des régisseurs (SR) et l'Association des promoteurs constructeurs genevois (APCG) d'une part, le Rassemblement pour une politique sociale du logement (RPSL) d'autre part.
Au terme de ces rencontres, la délégation du logement du Conseil d'Etat a admis le principe de la création d'un groupe technique de travail, dont l'objectif était d'analyser dans le détail l'actuelle LDTR et de formuler un certain nombre de propositions de modifications.
Le groupe de travail, composé de représentants des divers groupements évoqués ci-dessus ainsi que des deux départements précités, s'est réuni à 10 reprises entre août 1994 et février 1995, date à partir de laquelle le DTPE a procédé à une synthèse détaillée de ces travaux et engagé ensuite l'élaboration du projet que le Conseil d'Etat vous soumet aujourd'hui.
Les débats qui ont eu lieu au sein du groupe de travail n'ont pas permis d'aboutir, sur l'ensemble des modifications proposées, à un consensus. Ils se sont néanmoins déroulés dans un climat constructif et serein et leur contenu a constitué un précieux outil de travail lors de la mise au point définitive du projet, que notre Conseil se propose de commenter dans le détail. Préalablement et pour faciliter la compréhension du projet, il n'est pas inutile de rappeler l'historique de l'actuelle LDTR et de décrire brièvement les objectifs principaux de cette dernière.
1. Historique
Dès 1961, le Conseil d'Etat a adopté un règlement sur les démolitions et transformations de maisons d'habitation, motivé par la forte pénurie de logements et par le fait que les efforts de l'Etat en matière de construction de logements étaient rendus inopérants par des opérations de démolition qui n'étaient pas justifiées par des raisons de sécurité ou de salubrité.
A la suite d'un recours formé devant le Tribunal fédéral, ce règlement a été annulé au motif notamment qu'il ne reposait pas sur une base légale suffisante. C'est ainsi que, le 17 octobre 1962, le Grand Conseil a adopté la «loi restreignant les démolitions et transformations de maisons d'habitation en raison de la pénurie de logements».
En 1977, le Parti socialiste genevois a lancé une initiative non formulée ayant pour objectif de renforcer la protection de l'habitat et la lutte contre les démolitions abusives. Cette initiative comprenait trois volets: interdiction de démolir ou de transformer, rénovation de l'habitat et instauration des plans d'affectation du sol.
Ce n'est que le 26 juin 1983, à la suite de nombreux débats parlementaires ayant débouché sur un compromis entre les principaux partis représentés au Grand Conseil, que le corps électoral genevois a adopté la «loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation».
Après une nouvelle votation populaire liée à une initiative lancée par le Rassemblement en faveur d'une politique sociale du logement intitulée «pour protéger les locataires contre les congés-ventes», un nouvel article visant à lutter contre la pratique des congés-ventes a été inséré en mars 1985 dans la loi.
Une troisième initiative a été lancée par la suite, visant entre autres objectifs à compléter et à préciser la loi sur la question des travaux assujettis et du contrôle des loyers. Le texte initial a été adopté sous une forme quelque peu remaniée le 22 juin 1989 par le Grand Conseil, sans consultation populaire, après le retrait de l'initiative.
Enfin, le 27 septembre 1992, la population genevoise a approuvé une initiative visant à lutter contre le phénomène des logements laissés abusivement vides.
2. Description sommaire de la loi sur les démolitions, transformationset rénovations de maisons d'habitation, du 22 juin 1989
La LDTR poursuit un objectif principal: préserver l'habitat et les conditions de vie existants, tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements. A cet effet, la loi pose le principe de l'interdiction de toute démolition, transformation ou changement d'affectation de tout ou partie d'une maison d'habitation. Les cas de dérogation à cette interdiction de principe sont exhaustivement énumérés par la loi et ils sont limités aux motifs de sécurité-salubrité, d'intérêt public et d'intérêt général.
Dans les cas de démolition-reconstruction ou de transformation, les logements reconstruits, transformés ou nouvellement créés doivent impérativement répondre, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins dits prépondérants de la population.
Cette dernière notion a donné lieu à une abondante jurisprudence et le Tribunal administratif en a précisé le contenu en considérant, qu'en principe, seuls des loyers compris dans une fourchette allant de 2 400 F la pièce par an à 3 225 F la pièce par an, entrent dans une catégorie répondant aux besoins prépondérants de la population.
La LDTR prévoit également quelques dispositions relatives à l'encouragement à la rénovation, de même que les mesures visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs, qui permettent l'expropriation temporaire de l'usage des appartements laissés abusivement vides.
Enfin, la loi soumet à autorisation l'aliénation des appartements destinés à la location et entrant dans une catégorie de logements où sévit la pénurie. L'autorisation doit être refusée par le département lorsqu'un motif d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose, ceux-ci consistant dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l'affectation locative des appartements loués.
3. Observations générales
Préalablement, le Conseil d'Etat rappelle que, déjà lors de la précédente législature, dans sa déclaration au Grand Conseil concernant la politique du canton de Genève en faveur du logement (RD 155 - 18.08.1991), il relevait notamment ce qui suit :
«Cette loi (la LDTR), modifiée le 22 juin 1989, a permis de lutter contre certains abus manifestes. Elle a notamment permis de mettre fin aux détestables congés-vente. Son application peut toutefois conduire à des effets qui n'ont pas été souhaités.
....
.... Le Conseil d'Etat poursuivra ses efforts ..... pour rechercher les solutions d'application les plus appropriées de cette loi.
Il s'agit en premier lieu de l'article 6, touchant la fixation des loyers et des prix. Le contrôle des loyers des immeubles nouvellement construits devrait s'effectuer selon des normes analogues à celles de la loi générale sur les zones de développement, normes qui sont considérées comme économiquement acceptables par la majorité des investisseurs et conformes au principe de la force dérogatoire du droit fédéral».
Le Conseil d'Etat, avant de procéder au commentaire article par article du présent projet de loi, souhaite préciser quelques éléments importants de la réflexion à laquelle il s'est livré à l'occasion de l'élaboration dudit projet.
Tout d'abord, il est important de souligner que l'objectif visé par ce dernier n'est pas de dénaturer l'actuelle LDTR et son but principal: la préservation de l'habitat et des conditions de vie existants. Le Conseil d'Etat est, en effet, conscient de l'impérieuse nécessité de préserver le logement, en particulier l'habitat bon marché.
Cela étant, il est également indispensable que la législation destinée à atteindre cet objectif soit simple, lisible pour tous et incitative. A cet égard, les membres du groupe de travail ont été unanimes pour admettre que le texte actuel de la loi est complexe, difficilement compréhensible et souvent inutilement rigide.
Compte tenu de ce qui précède, le premier but du présent projet de loi est de simplifier la structure de la LDTR, en dissociant ce qui doit l'être et en lui conférant un caractère plus souple.
A titre d'exemple, les dispositions actuelles traitent en un seul et même tenant de sujets aussi différents que les démolitions, les transformations-rénovations et les changements d'affectation. Il en découle une approche confuse de ces différents types de projets, lesquels sont par ailleurs tous interdits sous réserve de l'octroi éventuel d'une dérogation.
Le nouveau projet comporte une meilleure structure d'ensemble et traite des démolitions, transformations et changements d'affectation sous trois chapitres distincts, garantissant ainsi une meilleure compréhension du texte.
Par ailleurs, seuls les démolitions et les changements d'affectation restent interdits sous réserve des cas de dérogation. Les transformations sont quant à elles désormais autorisées sous réserve du respect de certaines conditions, ce qui confère au texte un caractère nettement plus incitatif.
A l'objectif de clarification s'ajoute, pour le Conseil d'Etat, la volonté que la loi nouvelle permette la prise en compte de la réalité économique. En l'état, la rigidité extrême de la LDTR et son interprétation par les autorités judiciaires peuvent en effet conduire à des situations d'impasse inacceptables, en empêchant la réalisation de projets raisonnables et nécessaires.
Il n'est pas inutile, à ce sujet, de citer un exemple significatif:
· la notion de «besoins prépondérants de la population», susceptible de diverses interprétations, a été définie par le Tribunal administratif de manière extrêmement rigide et restrictive. Se fondant sur le revenu moyen net imposable des contribuables genevois, considérant que la grandeur moyenne des logements recherchés se situe entre 3 et 4 pièces y compris la cuisine et en admettant un taux d'effort de 18%, ledit Tribunal a ainsi retenu, de manière définitive, que seuls des loyers entrant dans une fourchette allant de 2 400 F la pièce par an à 3 225 F la pièce par an, voire 3 500 F si des circonstances particulières sont réalisées, entrent dans la catégorie des logements répondant aux besoins prépondérants de la population.
Cette appréciation pour le moins stricte exclut la prise en compte, dans l'exemple retenu, d'éléments pourtant déterminants, tels que la surface des pièces et des appartements en cause, le lieu de situation de l'immeuble, les exigences liées à l'objectif de sauvegarde du patrimoine et leurs incidences financières, etc.
S'il est vrai que la jurisprudence n'exclut pas la prise en considération de ces éléments, ils doivent impérativement être expressément énoncés dans la loi, afin de permettre d'entrée de cause à l'administration de procéder à une application raisonnable de cette dernière.
Or, le Conseil d'Etat insiste sur l'absolue nécessité qu'une application raisonnable de la LDTR soit possible. Dans toute autre hypothèse, de nombreux projets ne pourront tout simplement pas être réalisés, de sorte que le phénomène de vieillissement et de détérioration du parc locatif genevois, hélas déjà engagé, se poursuivra inexorablement, contrairement au but premier de la loi.
Or, il est évident que si une telle perspective n'est pas souhaitable pour l'économie en général, elle ne l'est pas non plus pour les locataires.
4. Commentaire article par article
En préambule, il convient de préciser que, la LDTR de 1989 ayant intégré, postérieurement à son entrée en vigueur, de nouvelles dispositions (ex. les sections 1 et 2 comprenant les articles 8A et 8N), une nouvelle numérotation a été mise en place, de façon à permettre une approche de la loi plus facile pour tout praticien, qu'il soit novice ou chevronné.
Le Conseil d'Etat a également modifié la systématique de la loi, dans le même objectif de rendre la consultation de la table des matières plus claire, plus cohérente et plus rapide.
Ainsi, le projet de loi qui vous est proposé possède 11 chapitres, au lieu de 8, et 41 articles, contre 34 dans la LDTR de 1989. Il faut toutefois souligner que l'augmentation du nombre d'articles résulte essentiellement du fait que certaines dispositions légales actuelles (ex. article 6) ont été scindées, toujours dans le but de les rendre plus compréhensibles. A cet égard, il convient de se référer à ce qui a déjà été expliqué sous chiffre 3.
Enfin, il faut préciser que les modifications proposées ne portent que sur 11 des 34 articles de la LDTR actuelle, le solde des dispositions ayant purement et simplement été intégralement reprises dans le projet de loi qui vous est soumis.
Article 1 du projet (actuel article 1)
Il a paru important au Conseil d'Etat de rappeler le but de la loi et uniquement le but, à l'exclusion de toute autre considération, relative notamment au champ d'application, qui a été concentrée à l'article 2 du projet de loi.
Au fond, aucun changement n'est intervenu dans la définition du but, qui est celle figurant dans la LDTR de 1989, si ce n'est une précision concernant les prix de vente et la protection des propriétaires d'appartements.
Article 2 du projet (actuels articles 1 et 2)
A la forme, il a été procédé à un regroupement des actuels articles 1 et 2 portant sur le champ d'application de la loi. La seule modification consiste en la suppression de la référence à l'actuel article 2, alinéa 2, aux bâtiments situés en zone agricole, qui n'avait aucun sens compte tenu de la teneur de l'article 2, alinéa 1, du projet et de l'article 1 de la LDTR de 1989.
Article 3, alinéas 1 et 2 (actuel article 3, alinéa 1)
La transformation est sans conteste une des notions les plus délicates à définir, car elle se trouve au coeur du débat animé par les milieux immobiliers et les représentants des locataires. Sauf à vouloir faire figurer dans une loi une liste exhaustive de travaux considérés comme de transformation et, par conséquent, automatiquement soumis à un contrôle - ce qui n'est guère envisageable et poserait certainement passablement de problèmes pratiques -, il apparaît donc nécessaire de maintenir le recours à des définitions plus souples des travaux considérés comme une transformation.
Cette solution contient elle aussi en soi un problème pratique, puisqu'elle fait appel à l'appréciation des parties et, en dernier ressort, à celle de l'administration. L'abondante jurisprudence sur l'article 3, alinéa 1, de la LDTR de 1989 ou 1983 témoigne éloquemment de cette problématique.
La proposition du Conseil d'Etat consiste donc à reprendre de la loi actuelle les définitions contenues aux lettres a, b, c et d de la loi actuelle, en retirant ce qui apparaissait comme trop vague ou trop général - et partant sujet à contestation -, soit «les travaux d'une certaine importance», le «style», l'«équipement» (voir article 3, alinéa 1, lettre a, LDTR actuelle).
En lieu et place de ces notions imprécises, il est proposé un nouvel alinéa 2, qui, dans un premier temps, rappelle que les travaux d'entretien courant ne sont pas soumis à la loi; puis, dans un deuxième temps, cet alinéa arrête que les travaux, qu'il s'agisse d'une transformation uniquement ou de travaux d'entretien mélangés avec des travaux de transformation, dont l'incidence sur les loyers après travaux est inférieure à 15%, sont en principe assimilés à de l'entretien et, en conséquence, exemptés de la loi.
L'avantage de cette proposition pour le Conseil d'Etat réside dans le fait, qu'en dehors d'une simple définition de travaux, elle offre un critère chiffré objectif. L'introduction du «en principe» constitue un garde-fou pour d'éventuels propriétaires adeptes de la tactique dite «du saucissonnage» ou d'autres qui seraient enclins à initialement sous-estimer le coût des travaux pour échapper à la LDTR. Comme précédemment, l'administration instruira chaque requête de travaux de transformation et statuera sur l'application de la loi, étant rappelé, à l'instar de la jurisprudence, qu'il n'appartient pas aux propriétaires de décider eux-mêmes de l'assujettissement ou pas des travaux projetés à la LDTR, mais que cette mission incombe à l'administration sur la foi des renseignements recueillis et des indications fournies par les requérants.
Cela étant, le Conseil d'Etat estime que la modification proposée, soit l'institution d'une présomption de non-assujettissement pour certains travaux, ne s'écarte pas fondamentalement de la teneur actuelle de la loi et qu'elle représente une amélioration de la situation, dans la mesure où elle permettra de soustraire du filtre administratif des opérations mineures et, ainsi, d'accélérer des procédures sans toutefois porter atteinte aux droits essentiels des locataires, qui restent réservés.
Article 3, alinéas 3 et 4, du projet (actuel article 3, alinéas 2 et 3)
Sans changement.
Article 4 du projet (actuel article 4)
Adaptation formelle de la dénomination actuelle de l'autorité compétente.
Article 5 du projet (actuel article 5)
Les trois volets démolitions, transformations et changements d'affectation ont été distingués pour un motif évident de clarté.
La disposition proposée ne concerne en conséquence que les cas de démolitions et reprend la teneur de l'actuel article 5.
Article 6, alinéa 1, du projet (actuel article 6, alinéas 2, 3, 4 et 5)
Cette nouvelle disposition constitue au fond une reprise de la teneur de l'actuel article 6, alinéas 2, 3, 4, lettre a, et 5. Hormis une refonte formelle et une meilleure systématique, il n'y a aucun élément nouveau par rapport au droit en vigueur.
Article 6, alinéa 2, du projet (actuel article 6, alinéa 6)
En dehors de la reprise de l'actuel article 6, alinéa 6, et des modifications formelles nécessaires, le Conseil d'Etat propose d'ajouter, dans les critères d'appréciation dont l'administration disposerait, le lieu de situation de l'immeuble et la surface des pièces et des appartements. Si, au niveau du cadre légal, ces deux critères apparaissent nouveaux, tel n'est pas le cas dans la réalité. En effet, dans sa pratique quotidienne et déjà ancienne, l'administration a toujours pris en compte le lieu de situation de l'immeuble et la surface des pièces et des appartements reconstruits. Ces deux éléments jouent effectivement un rôle certain sur le volet financier d'une opération de démolition-reconstruction. En proposant de les introduire, le Conseil d'Etat entend exclusivement ainsi traduire et légaliser la pratique actuelle pour permettre à la jurisprudence d'évoluer.
Article 7 du projet (actuel article 5)
Il s'agit d'une reprise au fond de l'actuel article 5 dans sa partie relative aux changements d'affectation.
Article 8, alinéa 1, du projet (nouveau)
Ce nouvel article constitue une légalisation d'une pratique de l'administration instituée depuis plus de 10 ans, soit la compensation m2 par m2 dans les rocades d'affectation. Ces opérations, qui font toujours l'objet de deux procédures en autorisations de construire distinctes mais parallèles, ne sont, en l'état du droit actuel, pas conformes à la LDTR, même si elles en respectent l'esprit. La volonté du Conseil d'Etat est d'asseoir cette pratique sur une définition claire et comportant des critères reconnus, soit la réaffectation au logement d'une surface en règle générale supérieure à celle soustraite mais pour le moins équivalente, une habitabilité de la surface réaffectée au logement identique ou supérieure à celle de l'appartement faisant l'objet du changement d'affectation et, enfin, un niveau de loyer raisonnable.
S'agissant de la localisation, il est proposé que les deux rocades d'affectation soient réalisées dans le même quartier. Toutefois, ce critère ne doit pas revêtir un caractère absolu, dans la mesure où, en cas d'impossibilité, la pratique actuelle de l'administration consiste à admettre une compensation dans un autre secteur, étant précisé qu'il faut encore que les deux secteurs en cause présentent néanmoins des éléments communs comme, par exemple, l'appartenance à un même milieu urbain. Une compensation ville-campagne n'a pas été envisagée et n'est pas souhaitée par ce projet de loi.
Sur ce point, il convient encore de spécifier que, à ce jour, quasiment toutes les opérations de compensation autorisées par l'administration l'ont été sur le territoire de la ville de Genève.
Article 8, alinéa 2, du projet (nouveau)
Il peut arriver que la compensation m2 par m2 ne soit pas réalisable pour le requérant, mais que ce dernier justifie néanmoins d'un intérêt privé prépondérant visant à obtenir le changement d'affectation sollicité. C'est par exemple le cas si, déjà titulaire de locaux dans l'immeuble considéré, le requérant désire étendre ses surfaces de commerce ou de bureaux dans le même bâtiment.
Plutôt alors que de notifier purement et simplement une décision de refus, le Conseil d'Etat propose, à titre d'exception, d'admettre le principe d'une compensation sous la forme d'un investissement dans la construction de logements sociaux.
Article 9, alinéa 1, du projet (actuel article 6, alinéas 2, 3, 4 et 5)
Comme expliqué au chiffre 3, (page 3), le principe de l'interdiction de transformer contenu à l'actuel article 5 a été abandonné au profit d'un principe d'autorisation.
Nonobstant cette modification d'orientation, on observe de grandes similitudes entre les conditions fixées à l'octroi d'une dérogation dans le système actuel et celles régissant l'octroi d'une autorisation dans le projet de loi.
En effet, la lettre a du projet reprend le cas de dérogation prévu à l'article 6, alinéa 2, de la loi. Il en va de même pour la lettre b du projet en regard de l'article 6, alinéa 3, actuel. Le cas de dérogation intitulé «intérêt général» et contenu à l'alinéa 4, lettre b, de la loi a été repris aux lettres c et d du projet, à l'exclusion de la référence aux travaux de rénovation, qui était irrelevante dans le chapitre afférent aux transformations.
Enfin, s'agissant de la dérogation instituée par l'alinéa 5 de l'article 6 actuel, elle a été intégrée dans la lettre d du projet de loi.
Les conditions d'octroi de l'autorisation sont une reprise, adaptée à la forme, de la loi actuelle.
Article 9, alinéa 2, du projet (actuel article 6, alinéa 6)
Comme déjà mentionné dans le commentaire relatif à l'article 6, alinéa 2, du projet, le Conseil d'Etat a repris dans son intégralité le fond de l'article 6, alinéa 6, de la loi actuelle, en y intégrant des critères qui ne figuraient pas formellement dans la loi, mais que l'administration prenait d'ores et déjà en compte depuis plusieurs années dans son appréciation relative au genre, aux loyers et aux prix des logements transformés.
Ainsi, la référence au genre de logements existants a été complétée par celle à la typologie et à la qualité. Il a aussi été fait expressément mention des logements transformés ou nouvellement créés dans les combles, dont chacun sait que le prix de revient est supérieur à la définition jurisprudentielle actuelle des besoins prépondérants de la population.
De manière identique à l'article 6, alinéa 2, du projet et pour les mêmes motifs, le Conseil d'Etat propose de prendre en compte également le lieu de situation de l'immeuble, la surface des pièces et des appartements, ainsi que les exigences liées à l'objectif de préservation du patrimoine. Ce dernier élément apparaît nouveau au plan légal, mais ne l'est pas aux plans jurisprudentiels et de la pratique de l'administration, puisqu'en la matière il est - depuis plusieurs années déjà - tenu compte de l'objectif précité. Rappeler que des travaux de transformations dans un immeuble par exemple classé représentent une charge financière nécessairement beaucoup plus lourde que dans un bâtiment ordinaire ne constitue en effet pas une innovation juridique.
Le Conseil d'Etat considère donc que la disposition précitée n'est pas nouvelle et ne devrait pas entraîner de changement fondamental dans l'appréciation des dossiers par l'administration, hormis l'approche désormais incitative et non plus restrictive donnée par le projet de loi.
Article 10, alinéa 1, du projet (actuel article 6, alinéa 7)
Adaptation à la forme de l'actuel article 6, alinéa 7.
Article 10, alinéa 2, du projet (actuel article 6, alinéa 10)
Le projet reprend la teneur de l'actuel article 6, alinéa 10, en ajoutant à la situation des loyers après transformation peu élevés celle des logements avant transformation qui revêtent d'ores et déjà un caractère excédant les besoins prépondérants de la population. Ce dernier cas de figure permet à l'administration de renoncer pour des motifs d'opportunité à fixer des loyers ou des prix qui, se trouvant déjà avant travaux au-delà des besoins prépondérants de la population, les dépasseront encore bien davantage après transformation.
Article 11 du projet (actuel article 6, alinéa 8)
Sans changement.
Article 12 du projet (actuel article 6, alinéa 9)
Sans changement.
Article 13 du projet (actuel article 6, alinéa 11)
Reprise de l'actuel article 6, alinéa 11, avec adaptation du renvoi et suppression, vu son caractère superfétatoire, de la réserve relative à l'aliénation des appartements destinés à la location.
Article 14 du projet (actuel article 7)
Cet article vise à clarifier les rapports entre l'application de la LDTR et celle du droit fédéral relatif au bail à loyer.
A l'alinéa 1, il est rappelé que les loyers et les prix de vente arrêtés par l'administration constituent, durant la période de contrôle, un plafond et qu'ils ne peuvent être dépassés, mais qu'ils peuvent bien entendu être inférieurs (voir actuel article 7, alinéa 2).
L'alinéa 2 du projet reprend, en la réunissant, la teneur d'une partie des alinéas 1 et 3 de l'actuel article 7. Ainsi, il est mentionné les motifs justifiant une demande de modification des loyers ou des prix et la procédure à suivre.
Enfin, l'alinéa 3 du projet reprend la dernière phrase de l'alinéa 3 de l'actuel article 7, qui souligne la primauté et le principe de la force dérogatoire du droit fédéral sur le bail à loyer.
Article 15 du projet (actuel article 8)
Sans changement.
Article 16 du projet (actuel article 8A)
Les appartements de plus de six pièces - et non plus sept - sont définis comme n'entrant pas dans une catégorie de logements où sévit la pénurie.
Le Conseil d'Etat rappelle qu'initialement, dans la LDTR de 1983 et 1989 relative à l'aliénation des appartements destinés à la location, la limite d'assujettissement avait été fixée à 6 pièces habitables (voir sur ce point l'article 8, alinéa 2, du règlement d'application de la LDTR, dans sa teneur du 8 mai 1985). Lors de l'adoption le 27 septembre 1992 notamment des articles 8A et 8N, cette limite a été augmentée à 7 pièces. Le Conseil d'Etat juge opportun et utile de revenir au plafond antérieur, considérant que les appartements de 6½ et 7 pièces ne doivent pas faire partie de la catégorie de logements où sévit la pénurie. Au vu notamment des requêtes en autorisation d'aliéner portant aujourd'hui sur des logements de 6½ ou 7 pièces, il apparaît raisonnable d'abaisser la limite d'assujettissement à 6 pièces habitables, en estimant que cette modification ne devrait avoir aucune incidence négative sur le marché immobilier mais au contraire une valeur incitative.
Articles 17 à 29 du projet (actuels articles 8B à 8N)
Sans changement, sous réserve d'un changement formel de dénomination à l'article 20 du projet. Il est rappelé que toutes ces dispositions sont issues de la votation populaire du 27 septembre 1992, ce qui a incité le Conseil d'Etat à ne pas entrer en matière sur une quelconque proposition de modification. En l'état, il n'a jamais été fait usage de la procédure d'expropriation temporaire, l'administration ayant récemment lancé une enquête auprès de l'ensemble des propriétaires du parc immobilier genevois. Les résultats jusqu'alors récoltés ne permettent toutefois qu'une comparaison difficile avec les données chiffrées avancées par l'office cantonal de la statistique. Le Conseil d'Etat reviendra en tous les cas ultérieurement sur ce sujet.
Article 30, alinéa 1, du projet (actuel article 9, alinéa 1)
Reprise de l'actuel article 9, alinéa 1, avec suppression des indications «à raison de son loyer ou de son type», qui apparaissaient irrelevantes compte tenu du cercle d'assujettissement défini à l'article 16 du projet.
Article 30, alinéa 2, du projet (actuel article 9, alinéa 2)
Sans changement.
Article 30, alinéa 3, du projet (actuel article 9, alinéa 3 en partie)
Cette disposition constitue une refonte de l'actuel article 9 alinéa 3, lui-même issu du texte adopté en votation populaire le 27 septembre 1992. Celui-ci instituait une présomption d'autorisation de vente en faveur du locataire en place aux deux conditions cumulatives suivantes:
· le 80% des locataires de l'immeuble étaient désireux d'acquérir leur logement;
· les locataires restants devaient obtenir la garantie de ne pas être contraints d'acheter ou de partir.
Le projet abolit la première condition et maintient la deuxième, en élargissant la présomption en faveur de tous les locataires en place, indépendamment de leur nombre et du pourcentage qu'ils représentent dans l'immeuble.
Nonobstant le fait qu'un pourcentage comme celui figurant dans la loi en vigueur est un critère imparfait et, à l'usage, quasiment impossible à satisfaire, le Conseil d'Etat a jugé, conformément à la jurisprudence qui, à différentes reprises, a reconnu la valeur de l'intérêt privé du locataire à devenir propriétaire de son logement, important de marquer sa volonté de favoriser l'accession à la propriété, ceci sans mettre en péril la protection des locataires.
Le Conseil d'Etat tient aussi à souligner qu'entre 1985, date d'adoption des premières dispositions soumettant les ventes d'appartements à autorisation, et aujourd'hui, la situation économique et particulièrement celle de l'économie immobilière ont radicalement changé.
Les craintes - d'ailleurs fondées - qui ont présidé à l'adoption de l'initiative populaire dite «contre les congés-ventes» ne sont plus de mise en 1995.
Il convient donc aujourd'hui d'assouplir des textes qui apparaissent dépassés, sans toutefois vouloir remettre en cause les droits de locataires ou attiser de nouvelles spéculations.
Le Conseil d'Etat est persuadé que l'assouplissement proposé va dans le sens d'une libéralisation mesurée du marché, conforme aux intérêts des différents acteurs économiques et à l'article 10A de la Constitution genevoise (droit au logement).
Article 30, alinéa 4, du projet (actuel article 9, alinéa 4)
Le projet, en ses lettres b et c, reprend intégralement la teneur de l'actuel article 9, alinéa 4, lettres a et b. Par ailleurs, il a été adjoint deux cas de figure, soit:
· celui de l'appartement soumis dès sa construction au régime de la propriété par étages ou à une forme de propriété analogue ;
· celui de l'appartement ayant fait l'objet au moins une fois d'une autorisation d'aliéner.
Les deux situations décrites ci-dessus ne constituent pas des innovations juridiques mais sont le reflet de la pratique de l'administration. Par contre, elles amènent sans conteste un éclairage supplémentaire, utile, nécessaire à la compréhension d'un citoyen n'étant pas un juriste spécialisé.
Article 30, alinéa 5, du projet (actuel article 9, alinéa 5)
Sans changement.
Articles 31 à 41 du projet (actuels articles 10 à 20)
Reprise intégrale des actuels articles 10 à 20, avec quelques adaptations formelles aux articles 36, alinéa 2 (actuel article 15, alinéa 2) et 40 (actuel article 19).
* * *
Au bénéfice de ces explications, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement ce projet de loi.
Préconsultation
La présidente. On nous prie de donner lecture de la lettre du 12 septembre 1995 du Rassemblement pour une politique sociale du logement. Cette demande est-elle appuyée ? Oui ! Monsieur le secrétaire, vous avez la parole.
(Lettre lue - Annexe : lettre du Rassemblement du 12.9.95)
page 2
M. Christian Ferrazino (AdG). Nous n'allons pas laisser passer cette loi sans rappeler un certain nombre de faits, notamment à l'attention du président du département des travaux publics. La loi actuelle, dont la modification est demandée, a été massivement approuvée par le peuple genevois, le 26 juin 1983. Elle a ensuite été modifiée, en votations populaires, celle de 1985 sur les congés-ventes et celle de 1993 sur les logements vides notamment.
Voilà une loi que la population a souhaitée, en se rendant aux urnes à plusieurs reprises, et que l'on voudrait, aujourd'hui, totalement démolir. Il faut se rappeler aussi que cette loi a été nécessaire pour mettre un terme aux nombreuses démolitions qui sévissaient à Genève. Il s'agissait également de lutter contre les changements d'affectation qui se multipliaient. Vous vous souviendrez que des milliers et des milliers d'appartements ont été transformés en bureaux, notamment au centre-ville. Ce fut pour lutter contre de tels abus que le peuple genevois a décidé d'adopter cette loi.
Qui peut regretter, aujourd'hui, que cette loi ait permis de stopper la diminution de la population en ville, laquelle se dépeuplait au profit des banques et autres activités du tertiaire ? Qui peut regretter que cette loi ait permis de préserver l'habitat bon marché et le maintien des personnes âgées et de condition modeste, dans leur cadre de vie ? Il est indéniable que cette loi a eu et a toujours un rôle social. Par conséquent, l'intérêt général commande qu'on la maintienne dans sa totalité.
Pourtant, depuis son adoption, les milieux immobiliers ne cessent de s'acharner à vouloir la réviser. Aujourd'hui, on constate que ces milieux ont rencontré un écho, puisque leur message a été reçu cinq sur cinq par le Conseil d'Etat, dans la mesure où son projet est véritablement la destruction en règle de la loi sur les démolitions.
Il est vrai qu'au département des travaux publics on ne fait pas dans la dentelle ! Le magistrat démolisseur dont nous parlions tout à l'heure, M. Joye, suit un chemin tout "tracksé". Après avoir voulu démolir les immeubles de Chêne-Bougeries, après avoir démoli la villa Blanc et avant de tenter de démolir le port de Corsier, M. Joye nous propose de ruiner la législation de protection de l'habitat. Vous me direz qu'il y a là une certaine cohérence ! Nous comprenons pourquoi les propriétaires et les régies applaudissent des deux mains aujourd'hui, puisqu'avec une telle loi ils pourront librement hausser les loyers lorsque les travaux n'induiront pas une augmentation de plus de 15%. C'est une belle incitation pour majorer les loyers, sous prétexte de rénovations qui, très souvent, n'aboutiront pas à de telles conséquences, au niveau des coûts.
Par ailleurs, on nous dit que le département ne s'occupera pas des locataires qui paient déjà des loyers trop élevés. Autrement dit, le loyer étant, au départ, prohibitif, on laissera le processus se poursuivre... et on verra bien ! En d'autres termes, cette LDTR ne toucherait qu'une petite catégorie de logements, c'est-à-dire ni les bon marché, ni les trop chers, mais ceux qui se situent dans la moyenne. Nous ne connaissons pas beaucoup d'appartements loués au juste prix et cette loi ne s'appliquera quasiment à aucun cas !
Dès lors, on comprend pourquoi ce texte, qui ne fait qu'accorder toutes sortes d'avantages aux milieux immobiliers, a reçu de ces derniers l'accueil à bras ouverts que vous connaissez.
La rénovation, sans conteste, doit être encouragée. Je le dis parce que l'on nous fait croire que ce projet de loi serait motivé par le fait que le secteur du bâtiment se porte mal. Tout le monde le déplore, mais nous ne pouvons, pour le guérir, prescrire un remède pire que le mal, c'est-à-dire faire passer à la caisse les locataires pour payer les augmentations de loyer qui découleront du projet de loi.
En effet, nous considérons que ce n'est pas aux locataires de faire les frais de cette politique, en acquittant des loyers exorbitants. Monsieur le président, les locataires sauront, le moment venu, répondre à la juste hauteur de cette attaque.
M. David Hiler (Ve). Nous sommes choqués par ce que l'on tente de nous présenter comme une politique de concertation. Lorsque nous avons parlé des habitations mixtes, je me suis attaqué à M. Haegi en lui disant : «Apprenez à organiser des négociations !» Il m'a répondu : «Tout de même, j'ai consulté !» Et j'admets que M. Haegi avait consulté à propos des habitations mixtes.
Tel n'est pas le cas de M. Joye. Lorsqu'il dit avoir consulté les syndicats du bâtiment, sa démarche - je me le suis fait confirmer, hier soir, par lesdits syndicats - n'avait absolument rien à voir avec la concertation, ni même avec la consultation. Nous ne lui demandons pas de négocier, mais de prendre, pour le moins, connaissance d'un certain nombre d'opinions, eu égard à ce sujet des plus sensibles. La LDTR a été votée par le peuple et l'on ne saurait briser si facilement ce qu'il a plébiscité tant de fois. De plus, M. Joye a choisi un moyen qui me paraît singulier.
Suite à des mouvements populaires, à des initiatives, à des occupations, à des courriers de lecteurs, la LDTR a symbolisé la volonté des Genevois de préserver leur ville, d'empêcher l'expulsion de ses habitants les plus modestes vers la périphérie, d'éviter que la cité ne se transforme intégralement en un centre de bureaux, ce qui était d'ailleurs prévu à une époque du développement de Genève. Il a fallu une pression populaire pour changer de cap. Celui-ci a été redressé et c'est ce que symbolise cette LDTR.
Il va de soi que chaque loi a des effets pervers. Je ne connais aucune loi qui n'en ait pas. On mesure ces effets pervers en les comparant aux effets bénéfiques. Ces derniers, dans le cas de la LDTR - et le département des travaux le reconnaît dans une brochure récente - l'emportent de loin sur les effets pervers.
On aurait pu recourir à une autre manière de procéder, mais alors il aurait fallu partir d'une loi d'incitation basée, pour ce qui est des travaux, sur la négociation entre locataires et propriétaires. C'est une possibilité théorique que je n'exclus pas.
En fait, on nous propose tout simplement d'affaiblir la LDTR, de la débiter en petits morceaux. Il aurait valu la peine d'examiner les effets pervers de la nouvelle loi. Il en est d'autres que ceux mentionnés par M. Ferrazino. Une fragmentation des travaux est prévisible, cela pour rester dans l'enveloppe de 15%, et surtout cette notion de quartier. Au moment même où, Monsieur Haegi, nous acceptons - certes, du bout des lèvres - des habitations mixtes, au nom du principe de la mixité, vous venez avec une LDTR applicable aux habitants de certains quartiers, les pauvres, eux, n'ayant qu'à s'en aller. C'est, pour le moins, incohérent !
Sur la base que nous en donne le Conseil d'Etat, on ne peut, en définitive, trouver quoi que ce soit de bon dans ce projet. Soit le Conseil d'Etat est capable d'établir une loi d'incitation basée sur la concertation, soit nous en restons au régime actuel, qui est celui d'une interdiction strictement maintenue.
Ne vous méprenez pas : chaque fois que vous créerez des niches, vous susciterez des manquements à la LDTR et un nombre ahurissant de recours sur l'interprétation de votre loi qui, d'ores et déjà, fait sourire de nombreux juristes quant aux nombreuses possibilités de contester ses termes extrêmement vagues et sans grande signification en matière de droit.
Nous estimons, pour le principe, qu'il faudra étudier cela en commission, tout en sachant déjà que, si le Conseil d'Etat ne retrouve pas ses esprits, autrement dit si ce projet n'est pas retiré au profit d'une négociation bien organisée entre les syndicats du bâtiment, les travailleurs du bâtiment, l'Asloca et la CGI, en leur donnant mandat de trouver une solution satisfaisante, une votation populaire en viendra à bout, comme M. Ferrazino l'a dit avant moi.
M. Bénédict Fontanet. Je demande à M. Ferrazino ce qu'il compte proposer pour rénover les immeubles parce que, chaque fois que l'on parlait LDTR, il répondait automatiquement qu'il fallait favoriser la rénovation. En revanche, quand l'occasion se présente de le faire concrètement, il s'y refuse.
Il faut rendre grâce au Conseil d'Etat d'avoir su ouvrir le débat sur la LDTR qui, pour certains, est un monument sacralisé auquel on ne saurait toucher, sous peine de commettre un crime de lèse-majesté, de "lèse-Grobet" devrais-je dire, mais Claude Blanc m'a coupé l'herbe sous les pieds !
On a le sentiment que quoi que l'on fasse et que l'on dise, c'est impossible, c'est jouer le jeu de ces horribles promoteurs-spéculateurs qui s'en sont mis et continuent à s'en mettre plein les poches.
La LDTR a été une excellente législation au moment où elle a été votée. Entre parenthèses, elle ne date pas de 1985, ses premières dispositions remontant à 1962. Elle a permis de maintenir de l'habitat et des loyers modérés au centre-ville, pour que les gens, notamment les personnes âgées, puissent continuer à y demeurer.
Cette loi, extrêmement restrictive au moment où elle a été conçue et votée par le peuple, développe des effets pervers dans une période plus difficile, effets pervers que tout un chacun peut constater : elle constitue un frein à la rénovation d'immeubles, de par la complexité des modes de calcul pris en compte, notamment dans le cas de la fixation des loyers après travaux. Cette même complexité décourage l'investissement, en ce sens que nombre d'investisseurs institutionnels, notamment suisses alémaniques, et de caisses de pension rechignent à investir dans notre canton, parce que cette législation est trop compliquée à appliquer et qu'elle ne garantit pas un rendement suffisant.
Quand une législation est inadaptée à l'évolution de la situation, il faut avoir le courage de la remettre en cause et se demander si on ne peut pas l'améliorer en la modifiant.
Cette LDTR qui, indubitablement, doit être renvoyée en commission, est un bon projet, une bonne base de discussion. Elle nous force à regarder un peu plus loin que le bout de notre nez, parce qu'elle implique la relance et le maintien d'un certain nombre d'emplois dans ce canton.
M. Laurent Moutinot (S). Le Conseil d'Etat fixe comme buts, à sa proposition de modification de la LDTR, la défense de l'emploi, d'une part, et la nécessité de rénover le parc immobilier, d'autre part.
Ces deux buts sont parfaitement louables et ils rencontrent la pleine adhésion du parti socialiste. Mais le moyen proposé est inadéquat. Pourquoi ? Parce que la LDTR, lorsqu'elle était appliquée avec la rigueur que vous lui reprochez par M. Christian Grobet, n'a pas empêché, à la fin des années 80, que le volume des travaux de construction et de rénovation ait culminé à des sommets jamais atteints à cette époque. La LDTR, appliquée de manière laxiste par l'actuel chef du département, a pour résultat que des travaux ne sont pas effectués.
Par conséquent, ce n'est pas la LDTR qui détermine le volume des travaux. Ce sont, probablement, le loyer de l'argent, l'absence d'enthousiasme à entreprendre et d'autres facteurs de cette nature, mais en tout cas pas la protection des locataires et de l'habitat, telle que voulue par la LDTR.
S'agissant des mesures positives, Monsieur Fontanet, notre Grand Conseil a voté à l'unanimité, sauf erreur de ma part, la motion 916 qui introduisait un bonus à l'investissement dans la rénovation. Ce dernier devait faire l'objet de l'inscription d'une rubrique dans le budget d'investissement. Il n'en a rien été, et je le regrette.
Le moyen est inadéquat, les effets pervers sont évidents et ils ont été relevés, avec pertinence, par MM. Ferrazino et Hiler. Démanteler la protection des locataires ne peut conduire qu'à d'inutiles tensions sociales et, pour un certain nombre de familles, à l'aggravation des difficultés à boucler leur budget.
A supposer même que le moyen proposé permette d'atteindre le but visé, il faudrait encore se demander si l'effort, en la matière, doit reposer sur les seuls locataires ou s'il ne doit pas être pris en charge par l'ensemble de la collectivité. En réalité, il s'agit d'une question de religion. Vous avez, Mesdames et Messieurs de l'Entente, diabolisé la LDTR. Diabolisée, il vous faut évidemment l'exorciser. Et l'exorciser, c'est l'éliminer !
Vous n'avez aucun argument rationnel. Je regrette que vous n'ayez pas suivi les excellents projets de lois de M. Unger pour l'évaluation législative, afin de vous poser la question des avantages et des inconvénients du système actuel et du système que vous proposez.
Enfin, je vous invite à relire le Mémorial du 17 octobre 1962. Vous y trouverez, en ce qui concerne le parti radical, un soutien joyeux à la LDTR de l'époque; en ce qui concerne le parti démocrate-chrétien, un soutien résolu. J'avoue que les libéraux étaient plus modérés, mais ceux qui veulent retrouver cette réflexion historique, nous rejoindront dans une condamnation catégorique du projet de loi du Conseil d'Etat.
M. René Koechlin (L). Il faut bien reconnaître que la LDTR s'avère être principalement, pour ne pas dire essentiellement, une loi de protection des locataires d'immeubles d'habitation contre les hausses abusives de loyer après transformation ou rénovation des bâtiments. Cette loi vise également à limiter la démolition des édifices de cette catégorie.
Or, à l'expérience, d'une durée de douze ans maintenant, on s'aperçoit que cette prescription comporte, entre autres effets pervers parmi tous ceux déjà cités, le vieillissement irréversible du parc immobilier jusqu'à une dégradation confinant à la ruine. Les exemples, hélas, sont de plus en plus nombreux et augmentent de semaine en semaine. Je le constate sans cesse de par ma profession. Le caractère contraignant de cette loi, n'en déplaise aux députés des bancs d'en face, dissuade les propriétaires, tant institutionnels que privés, d'entreprendre les travaux minimaux nécessaires à la sauvegarde de leurs bâtiments, et cela, évidemment, M. Ferrazino et ses amis l'ignorent superbement.
Parmi la soixantaine de normes cantonales et fédérales en vigueur à Genève, la LDTR est la plus coercitive. Elle appartient à cet arsenal qui, peu à peu, incite les investisseurs d'autres cantons à déserter la place immobilière genevoise. Et de cela, évidemment, les défenseurs à tout crin de cette loi n'en tiennent pas compte.
Il n'est pas excessif, mais réaliste, de réaffirmer la crainte que nous avons déjà exprimée à diverses reprises dans cette enceinte et ailleurs, à savoir que la LDTR engendre les taudis de demain.
Le problème économique soulevé par cette loi est à la fois double et contradictoire, car, si elle protège les locataires contre les hausses de loyer - ce qui plaît évidemment au Rassemblement et nous plaît aussi, dans une certaine mesure, car nous ne sommes pas les partisans à tout crin des hausses de loyer, je puis vous le garantir - elle prive les travailleurs du bâtiment de maintes occasions d'emploi, en réduisant à la portion congrue les travaux de transformation et de rénovation, quoi qu'en dise M. Ferrazino. Ce ne sont pas moins de trois cents millions de francs qui, selon les estimations des milieux professionnels, échappent, chaque année, à ce secteur de l'économie, à cause de l'inertie provoquée par la LDTR. Cela représente quelque trois mille emplois; ce qui n'est pas négligeable, dans la période de crise que nous traversons. Ainsi, l'aggravation du chômage n'est pas la moindre des perversités que comportent nos lois, et notamment celle-ci.
Une récente étude du Centre saint-gallois de recherches conjoncturelles - je cite aussi mes sources, Monsieur Moutinot - montre que le marché de la rénovation, à lui seul, représente actuellement la seule perspective positive dans l'économie de la construction. Or, cette espérance ne se réalisera pas si les barrières à la rénovation ne sont pas levées rapidement. Les partenaires sociaux devront encore plancher sur le sujet, nous en convenons, mais en attendant, nous osons espérer que les syndicats soutiendront ce projet qui devrait contribuer à donner un souffle nouveau à l'emploi dans notre canton.
La présidente. Monsieur Koechlin, votre temps de parole est écoulé !
M. René Koechlin. J'en termine, Madame la présidente. En résumé, je dirai que la solution proposée aujourd'hui par le Conseil d'Etat constitue un premier pas modeste dans la direction que nous devons suivre si possible, tous ensemble. Merci au gouvernement de l'avoir franchi. Nous examinerons son projet en commission.
M. Michel Ducret (R). Sur le fond, le groupe radical estime que le Conseil d'Etat a raison de présenter ce projet. Le bâtiment éprouve de réelles difficultés qui ne sont pas près de s'estomper. Et quand le bâtiment va, c'est bien connu, c'est le bien-être, sinon la richesse, de tous qui s'améliore.
Ceux qui, tout à l'heure, critiquaient le projet de la traversée de la rade, arguant qu'il ne fournirait pas assez de travail aux entreprises genevoises, sont, par extraordinaire, également opposés à un projet de loi qui veut favoriser les rénovations. Ceux qui disent non d'ores et déjà n'ont aucun intérêt à la prospérité économique de notre canton. Bien au contraire, ils cultivent leur propre prospérité sur la déconfiture de notre collectivité.
Le groupe radical accueille favorablement ce projet qui se veut l'amélioration et non la suppression de la LDTR, dont certains effets positifs peuvent être salués. Je citerai, notamment, l'augmentation des habitants en Ville de Genève, actuellement un cas unique en Suisse. Pour atteindre ce but, il faudrait que l'examen du projet en commission tienne compte du PUS - plan d'utilisation du sol - municipal, donc de la LEXT qui le fonde et qui fait partiellement double emploi avec la LDTR.
Néanmoins, le groupe radical met un bémol, en ce sens que devront être attentivement observées les conséquences de la loi pour les locataires les plus défavorisés, mais à l'exclusion des autres, je vous prie ! La menace de référendum, brandie par certains, ne pourrait conduire qu'à des excès. Et pour ce qui est de l'appel au peuple, mieux vaudrait parler d'une loi née en plein boom immobilier, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Ce projet représente, pour le Conseil d'Etat, une démarche extrêmement importante en faveur de la relance de l'économie et du maintien de la substance immobilière. De plus, elle ménage les intérêts essentiels des diverses parties concernées.
L'exposé des motifs retrace la genèse de ce projet et je rappelle qu'entre août 1994 et février 1995 une réflexion a été conduite par un groupe de travail réunissant les milieux immobiliers et ceux représentant les locataires. Même si les conclusions des uns et des autres n'étaient, à l'évidence, pas identiques, personne n'a contesté la nécessité d'une révision de la loi actuelle, qui s'avère difficile et rigide à l'application.
Il convient de souligner qu'entre 1983, 1985 et 1989, dates charnières de la mise en oeuvre de la LDTR, et aujourd'hui, les circonstances économiques, le marché immobilier, se sont fondamentalement modifiés. A une ère de surchauffe et de spéculation a succédé une période de déflation et de déprime du marché. Rappeler ce qui précède constitue la prémisse nécessaire au cadrage du contexte dans lequel s'inscrit l'examen de ce texte.
Le Conseil d'Etat n'entend, en aucun cas, faire disparaître la LDTR, ni la dénaturer. Il souligne que les effets de la LDTR ont été extrêmement positifs pour le parc immobilier. Et c'est pourquoi je rends hommage aux conseillers d'Etat précédents qui l'ont protégée et mise en application... (Interruption de M. Christian Grobet.) Il n'y avait pas que vous, Monsieur Grobet !
Dans les priorités sociales qu'il défend, le Conseil d'Etat a inscrit en bonne place la préservation de l'habitat bon marché, comme en témoignent les efforts de mon collègue Claude Haegi en faveur des HBM.
Ce n'est pas notre faute si la plupart des communes n'en veulent tout simplement pas, qu'il s'agisse de communes bourgeoises ou d'autres comme, par exemple, Vernier ou Onex. Elles disent avoir déjà donné pour les HBM et éprouver le besoin de rééquilibrer leur substance fiscale.
Nous proposons des modifications qui constituent, non pas une révolution, mais une adaptation législative destinée à faire retrouver à la loi actuelle une lisibilité et une souplesse indispensables à son application.
Le Conseil d'Etat, dans le cadre du travail en commission, est prêt à débattre, avec les milieux concernés, de chaque modification dans le but de trouver une solution rationnelle à ce combat gauche-droite.
Vous connaissez la situation dramatique de la branche de la construction : dix mille emplois supprimés sur vingt mille, en l'espace de quatre ans ! Des milliers de travailleurs sont au chômage, les faillites ne se comptent plus, les carnets de commandes sont vides et l'avenir est morose. Voilà la triste réalité de ce secteur, qui représente 17% du produit intérieur brut.
Réunis le 27 juillet 1995 à l'instigation de mon collègue, M. Jean-Philippe Maitre, les partenaires sociaux ont procédé à un tour d'horizon et dégagé quelques pistes susceptibles de favoriser une relance économique, dont celle consistant à modifier la LDTR. Le moyen préconisé ne constitue par un remède miracle, mais permet de favoriser des investissements se chiffrant, certainement, à plusieurs dizaines de millions - les milieux patronaux parlent même de 100 millions ! - ce qui, en cette période, n'est pas négligeable et peut-être même vital pour que certaines entreprises puissent poursuivre leurs activités.
Modifier la LDTR représente un signal et un appel, dont l'impact, certainement, sera durement discuté, mais j'aimerais que nous arrivions à trouver une solution ensemble. Notre attitude, face aux bâtiments existants, a subi un changement fondamental depuis quelques années. La notion de valeur ne s'applique plus aux monuments historiques exclusivement, mais elle englobe des bâtiments de construction assez récente, dont l'impact, sur l'observateur ou l'utilisateur, s'explique parfois difficilement. Les bâtiments sont faits pour durer et 1% du montant de la valeur du bâtiment devrait annuellement être investi dans les réparations. Si vous attendez dix ou vingt ans, le pourcentage cité sera multiplié d'autant, parce que les retards, en l'occurrence, sont difficiles à rattraper. Il s'agit donc d'assurer à temps la remise en valeur du parc des bâtiments présentant un intérêt collectif, sur les plans économique, architectural et social. Le principe de maintien des activités d'origine - pour lesquelles ces bâtiments anciens ont été construits - présidera à la réhabilitation.
La LDTR a un rôle à jouer dans la mesure où, idéalement, elle devrait inciter les propriétaires immobiliers à entretenir régulièrement et correctement leurs bâtiments. Je voudrais encourager les rénovations légères plutôt que les lourdes, et c'est ce que je fais tant auprès des architectes que des promoteurs. Le double effet de cette incitation est de lutter contre le vieillissement du parc immobilier, tout en contenant les hausses de loyer, issues des travaux, ce qui, dans les deux cas, recoupe les intérêts essentiels des locataires.
Il faut trouver des solutions pour le maintien des immeubles, tout en acceptant les quelques inconvénients en découlant pour les propriétaires et les locataires. A cet égard, notre projet est équilibré : les locataires demeurent au bénéfice d'un droit privé conçu pour les défendre. Les immeubles, eux, ne bénéficient d'aucune protection de ce genre.
Sans surestimer ou mésestimer le degré des modifications proposées, je vous signale, pour terminer, que sur deux mille quatre cent dix autorisations délivrées en 1994 par le département, demandes définitives ou demandes par procédure accélérée, deux cent soixante-deux étaient soumises à la LDTR, soit un pourcentage inférieur à 11%.
Ce projet est renvoyé à la commission du logement.