République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 21 septembre 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 9e session - 39e séance
IU 109
La présidente. Monsieur le secrétaire, voulez-vous nous lire le courrier que nous avons reçu à ce sujet.
Annexe lettre C 326
page 2
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je réponds comme suit au sept questions posées par Mme Deuber-Pauli.
1) La première question concerne le site archéologique :
Le projet du port touche le site archéologique lacustre de Corsier la Gabiule sur la partie sud. C'est une vaste station possédant des vestiges appartenant à toutes les périodes d'occupation préhistoriques des rives du Léman : le néolithique moyen, le néolithique récent, le bronze ancien et le bronze final. Cette station se situe à 80 mètres de la rive, sous la forme de deux ténevières - surfaces caillouteuses - assez denses, étendues sur une surface de 5 300 m2. Dans la partie touchée par les travaux, les pilotis ne sont pas conservés. Toutefois la conservation de la couche archéologique reste excellente, notamment en ce qui concerne l'organisation des différents villages qui se sont succédé dans la baie pendant plus de trois millénaires, ce qui devrait vous rassurer.
Des mesures de préservation du site sont d'ores et déjà prévues en accord avec l'archéologue cantonal M. Bonnet. Il faudra étudier systématiquement la zone par des fouilles sous-lacustres comprenant un relevé topographique et la récolte du matériel et du mobilier archéologique. La durée de ces travaux est estimée à quatre mois de travail avec une équipe de dix personnes. Le coût de l'opération - environ 800 000 F - est intégré au financement du projet d'aménagement et sera supporté par les promoteurs quels qu'ils soient.
2) Deuxième question : M. Joye est-il réellement déterminé à violer les lois en vigueur concernant la protection des monuments et sites, et du lac en particulier ?
Je vous rappelle que la loi sur la protection des rives du lac date du 4 décembre 1992. Elle vise à protéger le périmètre des rives du lac qui comprend la partie terrestre riveraine et la partie aquatique délimitée par la zone littorale effective.
En ce qui concerne la partie terrestre, selon l'article 3, nous sommes soumis à des restrictions pour les terrains situés en cinquième zone dans le périmètre de protection : la construction est limitée à 20% de la surface des terrains. Or, les terrains, propriétés de l'Etat, sont situés en quatrième zone B protégée où cette restriction n'existe pas.
De plus, l'article 26 de la loi sur les eaux prévoit la possibilité au département d'accorder des autorisations de construire pour des constructions ou installations d'intérêt général, dont l'emplacement est imposé par leur destination ou en relation avec les eaux, de même que la reconstruction, l'agrandissement ou la transformation des bâtiments existants, ceci après consultation de la commune et de la commission des monuments et des sites.
En ce qui concerne la partie lacustre, la limite de la zone littorale est à 300 mètres de la rive et les aménagements portuaires sont compris dans cette zone. L'article 6 mentionne qu'aucune construction ne peut être édifiée sur les parties immergées des parcelles riveraines du lac. En l'occurrence, la limite des parcelles correspond à la rive effective qui délimite le domaine public. Il n'y a donc pas de partie de parcelles immergées.
On peut partir de l'idée qu'à cet emplacement les constructions seront édifiées à l'échelle et en harmonie avec celles projetées sur la rive et selon les mêmes normes.
3) La troisième question sera courte. Elle porte sur la modification du régime des zones.
Même si une partie importante est prévue sur le plan d'eau, il n'y a pas besoin de modifier le régime des zones comme je viens de vous l'expliquer.
4) La quatrième question concerne les nuisances pour les riverains.
Les aménagements, dont la requête définitive est déposée, sont soumis à l'étude d'impact sur l'environnement. Cette étude est engagée par les requérants, à leurs frais, par le bureau genevois ECOTEC.
Le dossier déposé comprend un rapport d'enquête préliminaire avec le cahier des charges pour l'établissement du rapport d'impact définitif. Au stade de l'enquête préliminaire, les impacts sur l'environnement terrestre apparaissent comme de peu d'importance, contrairement à ce que les gens pensent, et ceux sur l'environnement aquatique peuvent être fortement réduits par des mesures appropriées. Par exemple, il faudra prendre en compte les domaines suivants : environnement, justification du projet, intégration paysagère.
5) Qui sont les promoteurs ? Qui se cachent derrière ABC Monaco, dont on dit qu'elle dispose de 800 000 F et où trouver les 70 millions restants ? Qui est derrière cette société ?
Mesdames et Messieurs les députés, puis-je vous demander de m'écouter encore un petit peu. Je n'ai plus que deux réponses à vous communiquer et après je vous "fiche" la paix, mais ce serait beaucoup plus agréable si on pouvait s'exprimer tranquillement. (Rires.)
La présidente. Mais oui ! Vous avez raison, Monsieur le conseiller d'Etat !
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Les promoteurs requérants sont le groupe ABC Monaco et Lisman-Inter Holding.
ABC Monaco agit à ses risques et périls, en tant que bureau de mise en oeuvre de programmes de construction qui, au préalable, après avoir apprécié l'éventuelle faisabilité d'avant-projets, en recherche le financement auprès d'autres sociétés.
La société hollandaise Lisman-Inter Holding a un chiffre d'affaires annuel de 150 millions de florins. Elle prend un siège à Genève avec inscription au registre du commerce et domicile bancaire. Elle assumera le financement de l'ensemble des aménagements estimés à 70 millions dans la mesure et les limites de la loi Friedrich. Cette société a fourni un dossier de références qui démontre sa compétence dans de nombreuses réalisations immobilières et portuaires, raison pour laquelle un accord de principe a été donné pour présenter un projet, sous réserve qu'il satisfasse à toutes les conditions requises par la législation en vigueur, notamment celle relative aux étrangers, et que des mandataires, le cas échéant, des entreprises genevoises, participent aux études, aux constructions et au financement.
L'auteur du projet, M. Robert Das, un dessinateur projeteur américain, est connu pour la qualité de ses projets.
Dans la synthèse du point de presse résumant les déclarations faites par M. Guy-Olivier Segond à l'issue de la séance du Conseil d'Etat du 6 mars, il a été relevé... (Brouhaha.)
La présidente. Mesdames et Messieurs, voilà six fois que le chef du département des travaux publics et de l'énergie ou moi-même vous rappelons à l'ordre. Un peu de silence, s'il vous plaît !
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. ...il a été relevé que le Conseil d'Etat a pris connaissance du projet d'une société étrangère concernant Corsier-Port. Il est dit que l'idée est séduisante, qu'elle offrirait cinq cents places d'amarrage, un hôtel et des équipements collectifs. Le risque financier est à la charge du ou des promoteurs. Le Conseil d'Etat a autorisé le DTPE à entrer en matière pour examiner la faisabilité du projet. Plusieurs éléments sont à prendre en compte : site lacustre, lieu de reproduction des poissons, avis des communes.
Les références bancaires fournies au département démontrent la capacité du groupe Lisman-Inter Holding à réaliser des constructions de ce genre. Il est évident que des garanties seront exigées avant de donner les autorisations de construire ou d'accorder une concession sur le domaine public.
Je pense parfaitement ridicule de demander à un groupe quel qu'il soit, même étranger, de déposer en banque l'équivalent du coût des travaux parce qu'il est rarissime qu'on le demande à des groupes suisses.
En vue de préparer ces éléments, un dossier financier comportant plusieurs variantes sera fourni au département à mi-octobre. Il devra notamment satisfaire aux conditions de la lex Friedrich, ce qui sera très difficile au vu de la législation actuelle. Du reste, ce créneau n'a pratiquement jamais été abordé par cette loi, mais d'autres solutions sont à l'étude pour trouver des capitaux suisses qui permettraient d'être en conformité avec elle.
6) Sixième question sur la nécessité, en termes d'intérêt public, de cette installation.
Il est manifeste que la clause du besoin est réalisée dans le cas particulier. Chacun sait qu'à l'heure actuelle il y a plus de cinq cents demandes de places d'amarrage qui ne sont pas satisfaites.
Pour Corsier-Port, les promoteurs ont prévu de rentabiliser leurs installations en quarante ans. Selon eux, leur étude de marché comprend également la saison d'hiver, de faible affluence. Une société hôtelière, qui gère plus de soixante établissements en Hollande et dans le monde, serait partenaire pour l'exploitation.
7) Septième et dernière question, celle du WWF : «Qu'en est-il de la protection de l'environnement et de la faune en particulier ?»
Les mesures seront définies dans l'étude d'impact et seront imposées au requérant. Selon le rapport préliminaire, comme je vous l'ai dit, les impacts seront acceptables et compensés, raison pour laquelle le DTPE est entré en matière.
Il faut signaler que, pour répondre à la lex Friedrich, une société Marina Port Genève, comprenant deux administrateurs habitant le canton, est en voie de constitution et il n'est pas impossible que les deux tiers du capital de la société soient suisses.
Je vous remercie de votre attention ! (Rires.)
Cette interpellation urgente est close.