République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7177-A
6. Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de MM. Christian Ferrazino, Christian Grobet et Jean Spielmann sur la taxe «transports et environnement». (H 1 12) ( -) PL7177
 Mémorial 1994 : Projet, 5261. Renvoi en commission, 5274.
Rapport de majorité de M. Nicolas Brunschwig (L), commission fiscale
Rapport de minorité de M. Jean Spielmann (AG), commission fiscale

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

La commission fiscale a étudié lors des séances du 13 décembre 1994 et du 10 janvier 1995 le projet de loi 7177 déposé par MM. Christian Ferrazino, Christian Grobet et Jean Spielmann portant sur la taxe «transports et environnement». Notre commission a travaillé sous la présidence de M. Daniel Ducommun et fut assistée par M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat, président du département des finances (DF), M. Daniel Brauen, administrateur général de l'administration fiscale (DFC), M. Pietro Sansonetti, directeur des affaires fiscales de l'administration fiscale (DFC), et M. Florin Könz du service juridique de l'administration fiscale (DFC).

1. Présentation du projet de loi par les auteurs

Les auteurs du projet de loi expliquent la politique des transports qu'ils souhaitent et rappellent que le Grand Conseil a voté une motion déposée par M. Bosson prévoyant le prélèvement d'une taxe transports sur l'ensemble de la masse salariale. Cependant, au vu de la situation économique actuelle, les auteurs estiment qu'il ne serait pas judicieux d'envisager une nouvelle taxe de ce genre. Par contre, ils ne trouvent pas normal que des personnes puissent profiter des infrastructures genevoises sans pour autant participer à leur coût. C'est pourquoi les auteurs proposent de taxer toute personne physique ayant un emploi ou déployant une activité lucrative indépendante dans le canton et n'étant pas imposée fiscalement à Genève. Ce projet de loi a pour objectif de favoriser le développement des transports publics, le développement économique au centre-ville ainsi que la qualité de la vie en général. Enfin, selon les auteurs, ce projet de loi semble compatible avec le droit supérieur dans la mesure où il s'agit d'une taxe et non pas d'un impôt.

2. Analyse juridique du département des finances

En procédant à l'examen du projet de loi sous l'angle de la technique fiscale, le département des finances s'est tout d'abord interrogé sur la nature juridique de la contribution appelée taxe «transports et environnement» que le projet de loi 7177 vise à instaurer. Cette qualification comme impôt ou comme taxe proprement dite revêt une importance capitale pour juger de la compatibilité de la loi proposée avec l'ordre juridique suisse, notamment les articles 3 (primauté du droit fédéral - et donc des traités internationaux conclus par la Suisse - sur le droit cantonal) et 46, alinéa 2 (interdiction de la double imposition intercantonale) de la constitution fédérale.

2.1 Impôt ou taxe ?

La distinction communément admise en droit suisse, tant par la doctrine (Grisel, Traité de droit administratif, Knapp, Précis de droit administratif, Fleiner, Grundzüge des allgemeinen und schweizerischen Verwaltungsrechts, Höhn, Steuerrecht, E. Blumenstein, System des Steuerrechts, Schweizeriches Steuerrecht, Rivier, Droit fiscal suisse, Ryser, Dix leçons introductivesau droit fiscal) que par la jurisprudence du Tribunal fédéral (notammentATF 90 I 77, 92 I 361, 95 I 504 et 99 Ia 594) peut se résumer ainsi:

L'impôt est la contribution versée par un particulier à une collectivité publique pour participer aux dépenses résultant des tâches générales dévolues à cette dernière en vue de la réalisation du bien commun. Il est perçu sans conditions, non pas comme contrepartie d'une prestation de l'Etat ou d'un avantage particulier, mais en fonction d'une certaine situation économique réalisée en la personne de l'assujetti.

En revanche, l'émolument ou la taxe se présente comme le prix de droit public imposé unilatéralement au citoyen pour un certain recours à l'administration publique ou à un service public. La quotité d'une taxe doit être directement en rapport avec l'avantage retiré par le redevable. Si et dans la mesure où son montant excède le coût de la prestation étatique, la taxe devient un impôt (souligné réd. ATF 99 Ia 598).

Appelé à se prononcer sur la nature d'une taxe instaurée par le canton des Grisons destinée à financer la construction et l'entretien du réseau routier et perçue notamment des propriétaires de maison de vacances non domiciliés dans le canton, le Tribunal fédéral s'est exprimé, en 1964 déjà, comme suit:

La taxe d'Etat présente toutes les caractéristiques de l'impôt; elle est perçue sans conditions, c'est-à-dire non pas comme contrepartie d'une prestation fournie par l'Etat ou d'un avantage particulier, mais uniquement en fonction d'une situation économique réalisée en la personne de l'assujetti; et elle représente une contribution aux tâches générales incombant à l'Etat dans l'intérêt de la collectivité (...). L'établissement et l'entretien d'un réseau de routes cantonales adapté aux exigences du trafic ressortissent aux tâches incombant à l'Etat dans l'intérêt de l'ensemble de la population et de l'économie d'un canton (...). Le fait que la taxe d'Etat doit servir exclusivement au financement et à l'amortissement du compte routier ne confère pas à cette taxe le caractère d'une charge de préférence; même les contributions dont l'emploi est ainsi fixé impérativement entrent en effet dans la catégorie des impôts (impôts dits de dotation) lorsqu'elles présentent les autres caractéristiques (souligné réd. - ATF 90 I 77).

Enfin notre Haute Cour a considéré, en 1966, qu'il n'est pas douteux que la taxe de 2% prélevée sur le traitement du fonctionnaire qui réside hors du canton est perçue principalement sinon exclusivement en compensation des impôts qui échappent à la ville. Qui plus est, il a été précisé que l'argument selon lequel la contribution serait l'équivalent des avantages matériels et idéaux du domicile à l'extérieur n'est pas concluant. Et le Tribunal fédéral de conclure: Supposé qu'elle ne soit pas un impôt sur le revenu professionnel, elle est en tout cas une contribution remplaçant cet impôt principal et qu'il est justifié de soumettre à l'interdiction de la double imposition (souligné réd. - ATF 92 I 361).

Au vu de ce qui précède, l'on ne saurait suivre les auteurs du projet de loi lorsqu'ils affirment que la contribution qu'ils préconisent est une taxe au motif qu'une taxe peut être progressive puisque la taxe de séjour l'est. On rappellera que cette dernière - qui fait partie des taxes d'encouragement au tourisme - prévoit non pas une progressivité dans les taux mais des taux différenciés en fonction du standing de l'établissement concerné, ce qui est tout différent. Un tel raisonnement n'est dès lors qu'un syllogisme impropre puisque le lien logique entre les prémisses fait défaut.

La taxe «transports et environnement» est bel et bien un impôt au sens où on l'entend en droit fiscal suisse.

2.2 Compatibilité avec l'ordre juridique suisse

Il est rappelé au préalable que la taxe «transports et environnement» frapperait les revenus bruts de tous les salariés et ceux des indépendants travaillant dans le canton mais qui n'y acquittent pas d'impôts sur ces revenus.

Seraient dès lors assujettis:

a) les salariés domiciliés hors du canton (à l'exception des frontaliers et des autres personnes domiciliées hors de Suisse assujettis à l'impôt à la source);

b) les diplomates et les fonctionnaires internationaux domiciliés dans le canton exonérés d'impôts en vertu de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires ou d'accords de siège conclus par la Confédération.

Seraient en revanche exemptés:

c) les personnes domiciliés dans le canton et qui ne sont pas au bénéfice d'une exonération fiscale en tant que diplomates ou fonctionnaires internationaux;

d) les frontaliers et les autres personnes domiciliées hors de Suisse travaillant dans le canton, qui y sont assujettis à l'impôt à la source;

e) les indépendants ou les associés d'une société de personnes domiciliés dans un autre canton mais qui déploient leur activité à travers un établissement stable situé à Genève (où ils sont imposables en vertu des règles de répartition intercantonale des éléments imposables);

f) les autres personnes domiciliées hors de Suisse.

Il en découle clairement que le projet de loi 7177, s'il devait être adopté, serait inopérant à l'égard des deux catégories de personnes qu'il vise en raison, pour les salariés domiciliés dans un autre canton, du fait que les règles de répartition intercantonale dégagées par le Tribunal fédéral en application de l'article 46, alinéa 2 Cst. féd. attribuent la compétence d'imposer le revenu de l'activité lucrative dépendante au canton du domicile du salarié.

Quant aux diplomates et fonctionnaires internationaux, tant la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires, qui lie la Suisse, que les accords de siège conclus par la Confédération avec les organisations internationales présentes en Suisse exonèrent les diplomates et les fonctionnaires de ces organisations qui n'ont pas la nationalité suisse de tout impôt.

En conclusion, il n'est guère possible de considérer que le projet de loi 7177 ait une viabilité quelconque en l'état actuel de la législation fédérale et de la jurisprudence qui en découle du Tribunal fédéral. Elle représenterait dès lors un corps étranger dans la systématique du droit genevois, qu'il est du devoir du législateur cantonal de maintenir dans les limites du droit fédéral.

3. Discussion générale

Le débat de préconsultation du Grand Conseil avait montré que l'ensemble des groupes parlementaires n'était pas insensible à certains points figurant d'une manière ou d'une autre dans ce projet de loi. Nous pensons en particulier à la problématique des personnes travaillant à Genève mais vivant dans le canton de Vaud et payant leurs impôts exclusivement au profit de celui-ci.

M. Vodoz explique à la commission que depuis de nombreuses années le gouvernement genevois a tenté de nouer des contacts avec le canton de Vaud afin de rechercher des solutions à ce problème. Mais, le canton de Vaud, se basant sur la législation fédérale existante, n'avait jamais accepté de rentrer en matière sur ce sujet. Les problèmes actuels que rencontrent les collectivités publiques incitent cependant les cantons de Genève et de Vaud à rechercher des collaborations plus étroites. Actuellement, chaque canton a formé une délégation et ce groupe, avec l'aide de l'université, étudie les flux d'échange entre la région lémanique et Genève. Cette méthode devrait permettre de dépasser la pure problématique fiscale et d'instaurer une vraie collaboration plus globale qui permettrait de valoriser les atouts communs.

De plus, concernant la problématique des transports, M. Vodoz nous indique que le canton de Vaud a confirmé sa volonté d'étudier un financement commun des infrastructures. Cela permettrait une amélioration de l'aéroport, de la ligne ferroviaire entre Genève et Lausanne et de la surcharge de l'autoroute.

En ce qui concerne les fonctionnaires internationaux, M. Vodoz rappelle à quel point le débat est difficile avec la Confédération pour que celle-ci reconnaisse le coût pour notre canton qui provient des services fournis à ces fonctionnaires sans contrepartie fiscale. La Confédération admet le rôle important que joue Genève au niveau international, mais estime qu'il y a de nombreux apports pour le canton, de la présence de ces fonctionnaires, compensant ce déficit.

Enfin, la difficulté et la fébrilité qui entourent la conclusion des accords de siège avec l'OMC montrent, une fois de plus, que les Etats tiennent aux différentes immunités et, en particulier, aux exonérations fiscales.

Sur la base des différentes explications données, il apparaît clairement à la majorité de la commission qu'il serait totalement inopportun de rentrer en matière pour l'étude de ce projet de loi. En effet, l'analyse juridique montre à l'évidence que ce projet n'est pas compatible avec le droit fédéral. De plus, même si nous faisions abstraction des problèmes juridiques majeurs mentionnés, il existerait des raisons plus fondamentales telles que les pourparlers en cours avec le canton de Vaud et le désir de favoriser l'implantation d'organisations internationales dans notre canton qui nous empêcheraient de prendre en considération un tel projet.

La minorité de la commission estime, quant à elle, que même si la solution proposée par les auteurs est sans doute perfectible, il s'agit tout au moins de rentrer en matière afin d'étudier ce projet de loi et, le cas échéant, de l'amender.

4. Vote et conclusion

Suite aux différentes explications, analyses et déclarations, il est procédé au vote d'entrée en matière sur ce projet de loi 7177.

La majorité de la commission par 11 voix (5 LIB - 2 RAD - 2 DC - 2 SOC) contre 3 voix (ADG) et 1 abstention (E) vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi qui n'apporte pas de bonnes solutions à la fois pour des raisons fondamentales et juridiques.

RAPPORT DE MINORITÉ DE L'ALLIANCE DE GAUCHE

Le projet de loi proposant une taxe «transports et environnement» répond aux besoins financiers nécessaires à la réalisation des objectifs fixés dans la loi sur les transports et notamment pour ce qui concerne la couverture des charges financières des gros projets d'investissements réalisés et à construire. Un tel financement est nécessaire pour permettre leur développement dans les délais prévus par la loi, loi approuvée par plus de 80% des électeurs genevois qui se sont prononcés pour l'extension du réseau de transports et les nouvelles lignes de tram.

Les propositions comprises dans notre projet de loi concrétisent l'idée du prélèvement d'une taxe transports formulée par le Conseil d'Etat dans l'exposé des motifs de son projet de loi sur le développement des transports de 1992. Le Conseil d'Etat proposait alors la perception d'une somme modique prélevée sur la masse salariale, une perception qui aurait eu l'avantage de faire participer aux frais d'infrastructure de transports, non seulement les habitants de Genève, mais aussi les frontaliers tant vaudois que français, qui auraient bénéficié en contrepartie d'une très nette amélioration de l'offre de transports et des conditions de vie.

Une politique dynamique de développement des transports publics répond à un réel besoin et fait partie des exigences indispensables à l'amélioration des conditions de vie en milieu urbain. Au moment où une part croissante de notre population est aux prises avec des difficultés économiques de plus en plus graves et où le chômage atteint des proportions dramatiques, il devient de plus en plus urgent d'entreprendre les réalisations prévues. En plus de l'impact positif qu'aurait une politique de transports dynamique sur l'emploi et la relance économique, de tels équipements permettraient aussi de doter Genève de conditions cadre favorables à son développement économique et social.

Les dispositions de notre projet de loi prévoient la perception d'une modeste taxe transports et environnement sur les personnes qui bénéficient des prestations de transport sans en assumer l'ensemble des charges financières, qui reposent pour une part importante sur les contribuables du canton. Une telle taxe peut donc légitimement être prélevée sur les personnes qui travaillent à Genève sans que leurs revenus soient soumis à l'impôt. Le taux d'imposition de cette taxe est progressif et varie en fonction de l'importance des revenus pour tenir compte de la capacité contributivede chacun. Le produit de cette taxe pourrait atteindre plusieurs dizaines de millions de francs par année et contribuer de manière non négligeable à la recherche de solutions permettant de répondre aux besoins financiers de la politique des transports et réduire d'autant les difficultés financières de notre collectivité

Les études de réalisation du plan directeur des transports ont démontré qu'il faudra trouver des ressources financières nouvelles pour assurer le financement des infrastructures de transports. En 1993, la commission des transports consciente de cette réalité avait voté une motion concernant l'introduction d'une «taxe transports». Ce projet de motion présenté par le groupe radical avait été accepté par une très forte majorité et contresigné par les représentants des élus des partis radical, PDC, socialiste et PDT, puis approuvé par le Grand Conseil qui a ensuite renvoyé cette motion au Conseil d'Etat, le chargeant de présenter un projet de loi dans ce sens au parlement. Seuls les libéraux et le PEG étaient opposés sur le principe du prélèvement d'une taxe transports.

Le projet de loi que nous avons déposé reprend cette idée en limitant le prélèvement de la taxe transports aux personnes qui exercent une activité lucrative dans le canton et qui n'y paient pas d'impôts, soit parce qu'ils sont domiciliés hors du canton, en France ou dans un autre canton, soit parce qu'ils sont au bénéfice de privilèges fiscaux en raison de leur statut de fonctionnaires internationaux.

Alors que le Grand Conseil avait admis d'examiner ce projet de loi en commission, la commission fiscale a décidé de refuser d'entrer en matière sur ce projet de loi par 11 voix (5 lib., 2 rad., 2 DC, 2 soc.) contre 3 (ADG) et une abstention (E). C'est ainsi, sans avoir répondu de manière argumentée aux questions posées par ce projet de loi, sur sa base légale et son opportunité, que ce projet a été rejeté en une seule séance et pratiquement sans débat.

Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi proposant d'instaurer une taxe transports et environnement n'a pas été examiné avec le soin que le sujet mérite. Les nombreuses questions soulevées par cette proposition méritent un examen attentif et des réponses sérieuses, tant en ce qui concerne la base légale d'une telle taxe que son mode de prélèvement. Ces questions ne doivent pas rester sans réponse et c'est dans ce but que les élus de l'Alliance de gauche vous proposent, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer ce projet à la commission des transports pour débattre de l'opportunité de l'introduction d'une taxe transports, puis à la commission fiscale pour qu'elle débatte réellement des modalités de perception d'une telle taxe.

ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition de MM. Christian Ferrazino, Christian Grobet et Jean Spielmann

Dépôt: 1er novembre 1994

PL 7177

PROJET DE LOI

sur la taxe «transports et environnement»

(H 1 12)

Article 1

Principe

Dans le but de financer des mesures contribuant, grâce plus particulièrement au développement des transports publics, à une diminution des nuisances subies par la population du fait du trafic automobile, de manière à respecter les normes fédérales en matière de protection de l'air et de la protection contre le bruit, il est perçu une taxe dite «transports et environnement» dont le produit est intégralement affecté au financement de l'infrastructure des transports publics genevois et de la construction de parkings d'échange, par la Fondation des parkings, à l'entrée de l'agglomération urbaine.

Art. 2

Assujettissement

Est assujettie à la taxe «transports et environnement» toute personne physique ayant un emploi ou déployant une activité lucrative indépendante dans le canton.

Art. 3

Exonération

Les personnes imposées fiscalement à Genève sont exonérées du paiement de la taxe «transports et environnement».

Art. 4

Revenus soumis à la taxe

Le montant de la taxe est calculé en fonction du revenu brut provenant de l'activité de la personne assujettie.

Art. 5

Taux d'imposition

Le taux d'imposition de la taxe est de:

a) 1% pour les revenus bruts situés entre 30 000 F et 60 000 F par année;

b) 1,5% pour les revenus bruts entre 60 001 F et 90 000 F par année;

c) 2% pour les revenus bruts entre 90 001 F et 120 000 F par année;

d) 2,5% pour les revenus bruts entre 120 001 F et 150 000 F par année;

e) 3% pour les revenus bruts entre 150 001 F et 175 000 F par année;

f) 3,5% pour les revenus bruts entre 175 001 F et 200 000 F par année;

g) 4% pour les revenus annuels bruts supérieurs à 200 000 F.

Art. 6

Mode de perception

1La taxe due par un salarié est perçue à la source par retenue directe du débiteur du revenu de l'activité lucrative dépendante.

2La taxe due par une personne déployant une activité lucrative indépendante est perçue mensuellement sur la base du revenu brut réalisé pendant l'année qui précède celle au cours de laquelle la taxe est exigible ou, à défaut, sur le revenu de l'année en cours.

Art. 7

Déductions

1La moitié du prix d'achat de la carte libre parcours annuelle des Transports publics genevois est déductible de la taxe, sur présentation de cette carte, pour les personnes résidant hors du canton et se rendant à Genève grâce aux transports collectifs.

La moitié du prix d'achat de la carte libre parcours annuelle des Transports publics genevois combinée avec une carte annuelle d'un parking d'échange est déductible de la taxe, pour les personnes résidant hors du canton, qui se rendent à Genève avec une voiture utilisant un parking d'échange.

2La taxe est diminuée au pro rata de toute rétrocession fiscale à l'Etat applicable au débiteur de la taxe résidant hors du canton, qui serait accordée par son canton ou sa commune de domicile.

Premier débat

M. Nicolas Brunschwig (L), rapporteur de majorité. Je voudrais, tout d'abord, réfuter la remarque qui figure dans le rapport de minorité de M. Jean Spielmann et qui laisse entendre que la commission n'a pas étudié soigneusement ce projet, notamment l'opportunité de l'introduction d'une telle taxe. Permettez-moi de dire, non pas à M. Spielmann, absent ce soir, mais à son remplaçant et à vous tous, que la commission a étudié attentivement la légalité et la compatibilité de cette loi avec l'ordre juridique supérieur, soit le droit fédéral. A cet égard, il n'y a aucun doute, si ce n'est dans l'esprit de M. Spielmann : cette taxe n'en est pas une, c'est un impôt !

D'ailleurs, le rapport de minorité est assez révélateur à cet égard, vu qu'il dit, en haut de la page 8 : «Le taux d'imposition de cette taxe est progressif et varie en fonction de l'importance des revenus pour tenir compte de la capacité contributive de chacun». C'est la définition exacte de l'impôt et la contre-définition de la taxe, comme vous l'aurez lu dans le rapport de majorité. Ce n'est, bien sûr, pas moi qui l'exprime. Les références en sont données par des jurisprudences et des traités émanant de personnes hautement compétentes.

Il ne faut pas se tromper : cette taxe, de par son aspect juridique, n'est pas compatible avec le droit fédéral. Comme vous le savez, la taxation sur le revenu est limitée... (M. Jean Spielmann pénètre dans la salle.) ...au canton de domicile du contribuable. Dès lors, nous nous trouvons dans un débat de politique fiction, un exercice sans doute intéressant intellectuellement parlant, mais finalement assez stérile.

Outre le débat de fond que nous aborderons si certains le désirent, ce sont là les raisons principales qui, sur le plan juridique, démentent la teneur du rapport de minorité : il est impossible d'envisager une telle taxe dans notre législation.

M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur de minorité. Plutôt que de disserter de politique fiction, il conviendrait de ramener le débat à la taxe transports qui a déjà fait l'objet de plusieurs discussions dans ce Grand Conseil et d'une motion déposée, à l'époque, par le parti radical, plus particulièrement par M. Bosson. Celui-ci, lors des débats en commission sur le développement de la politique des transports, parlait de la nouvelle loi sur les transports, de l'extension du réseau et de la volonté, majoritaire dans ce parlement et dans la population, de doter la République de moyens de déplacement qui permettraient, par incitation, le transfert modal du véhicule privé vers le transport collectif. Aujourd'hui, chacun convient que c'est une solution raisonnable et intelligente pour régler les problèmes de circulation au centre-ville.

Une motion avait donc été déposée, il y a quelques années, en vue de l'introduction d'une telle taxe transports, et ce à partir de l'analyse suivante : la nécessité, pour Genève, d'investir dans le domaine des transports publics étant réelle, il était judicieux, pour en assurer le financement, d'examiner d'abord ce qui se passait dans l'environnement immédiat, c'est-à-dire dans la région frontalière et d'autres lieux de la communauté européenne où de telles taxes sont appliquées.

C'est ainsi que cette motion a été votée à une grande majorité de la commission des transports. Elle a été signée pratiquement par tous les groupes, à l'exception du parti libéral qui y était farouchement opposé, puis votée par le Grand Conseil. Il est vrai que les représentants des "Verts", eux aussi, n'avaient pas voté cette motion, considérant qu'elle ne remplissait pas tous les critères qu'ils avançaient pour financer la politique des transports.

Des arguments développés à l'époque, il ressortait qu'une telle taxe avait pour mérite principal de financer, en partie, la politique des transports, mais aussi celui de faire participer financièrement ceux qui utilisent les infrastructures de ce canton sans être soumis à la fiscalité. On connaît bien le débat sur les travailleurs frontaliers, les rétrocessions fiscales entre le canton de Vaud et le canton de Genève. Cette taxe, qui n'est pas un impôt - je conteste formellement la définition qu'en donne M. Brunschwig dans son rapport : le projet n'a pas été sérieusement analysé et la commission n'a pas répondu aux questions qui lui ont été posées - est parfaitement constitutionnelle et répond à la loi. Elle constitue la contrepartie d'une prestation et peut parfaitement être prélevée. Il existe d'autres exemples dans la législature fédérale qui permettent de l'affirmer.

Cette taxe doit et peut, aujourd'hui, s'inscrire dans la politique des transports. Elle permettra aux usagers des infrastructures de participer à leur financement.

Par ailleurs, l'évolution de la conjoncture et de la situation économique, depuis le dépôt et le vote de la motion par la majorité du Grand Conseil, méritent que nous examinions l'impact que pourrait avoir cette taxe. Il est clair que son application, avec les modalités qui prévoyaient, à l'époque, un pourcentage à prélever sur l'ensemble de la masse salariale, poserait, aujourd'hui, une série de problèmes. Maintenant, il s'agit plutôt d'assurer la relance que d'opérer de nouveaux prélèvements fiscaux sur la masse salariale.

Nous avions déjà développé cet argument au moment du dépôt de la motion. Des modifications avaient été apportées dans ce sens à ses invites, notamment par le biais des propositions de M. Ziegler.

Le problème que nous soulevons est important par rapport au financement de la politique des transports et au prélèvement de la taxe. Or, la commission n'a donné aucune réponse ! Ses arguments sont ceux que le parti libéral avait avancés pour s'opposer, la première fois, au prélèvement d'une taxe. Aujourd'hui, on est quasiment confronté à un refus d'entrer en matière sur un problème qui mériterait la plus grande des attentions.

Ce sont les motifs pour lesquels je vous demande de renvoyer ce projet de loi à la commission des transports et à la commission fiscale, car il soulève des questions qui, au-delà des polémiques partisanes, méritent d'être sérieusement examinées.

En effet, nous devrons revenir sur le financement de la politique des transports, et cela beaucoup plus rapidement que d'aucuns le pensent, du fait que des milliers de citoyens viennent dans ce canton sans acquitter leur participation aux infrastructures qu'ils utilisent, infrastructures payées par les contribuables. C'est vraiment un problème que nous devons résoudre.

Si vous refusez d'entrer en matière et de discuter de ce projet, je vous donne peu de temps pour y revenir. Il serait donc plus intelligent de l'examiner dès maintenant. Je réitère donc ma demande de renvoi aux commissions précitées.

La présidente. Monsieur le rapporteur, nous discuterons du renvoi en commission. M. Nissim s'étant inscrit, nous lui donnons la parole, ainsi qu'à M. Ferrazino.

M. Chaïm Nissim (Ve). Je voudrais lire le discours que ma collègue Sylvia a préparé :

«Si les Verts se sont abstenus sur ce projet de loi, c'est parce qu'effectivement la solution proposée pour augmenter les recettes des TPG n'était pas satisfaisante. L'instauration de cette taxe ne touchait que les internationaux et les Vaudois, et présentait des incompatibilités juridiques importantes, comme l'explique bien le rapport de majorité, ce qui, d'ailleurs, n'a pas été nié par la minorité. Mais, si le pouvoir politique ne déposait des projets qu'en fonction des lois existantes, il pourrait tout de suite arrêter son travail. Les lois sont vivantes et se modifient au gré des débats de société. Si la forme de ce projet de loi était effectivement maladroite, le sujet de fond n'était pas inintéressant, ce qui d'ailleurs avait été admis par les députés de l'Entente. Par conséquent, ce projet méritait une plus ample réflexion, afin que soit trouvée une meilleure solution à la participation financière des TPG par une partie de la population qui en profite, mais qui ne contribue pas, ou très peu, à son financement.

Le refus des partis de l'Entente d'entrer en matière a bloqué le débat. D'où l'abstention des Verts qui, négatifs sur la forme, partageaient l'idée sur le fond et auraient souhaité poursuivre la réflexion. Il est certain que l'une des voies les plus adéquates pour inciter les gens à emprunter les transports publics et à renoncer à leur véhicule serait de diminuer l'impôt auto ou de restituer un certain montant aux gens qui présenteraient un abonnement aux TPG. C'est ce qui s'appelle de l'incitation positive».

M. Christian Ferrazino (AdG). Je voudrais également revenir sur ce que dit Mme Leuenberger, par l'intermédiaire de M. Nissim.

Me référant au Mémorial que j'ai en main, je constate que lors de la préconsultation, tous les partis confondus s'accordaient à reconnaître la réalité du problème, même si certains pensaient que les solutions proposées n'étaient pas les meilleures.

Ainsi, M. Balestra : «Nous accepterons le renvoi en commission de ce projet. Pourquoi ? Parce qu'il pose un vrai problème». Après lui, M. Michel Ducret de déclarer : «Il est donc difficile de ne pas accueillir ce projet de loi pour un examen approfondi en commission». Il fallait donc «relever ses manches, travailler et trouver des solutions peut-être plus adéquates» ! A son tour, M. Fontanet ajoutait : «Notre groupe ne s'opposera pas au renvoi de votre projet en commission, car il faut que nous trouvions un certain nombre de solutions à ce sujet. Cela sera inévitable, compte tenu des difficultés de l'heure».

Tout le monde reconnaît donc ces difficultés de l'heure, ces difficultés budgétaires. Tout le monde reconnaît la nécessité de résoudre le problème fiscal posé. Et s'il y avait une rétrocession fiscale du canton de Vaud, nous n'aurions, bien sûr, jamais déposé ce projet de loi.

Que vous puissiez dire que la solution proposée n'est pas forcément la bonne, peut-être ! Nous étions prêts à en discuter, et je suis venu en commission précisément pour présenter ce projet de loi. Et malgré les bonnes intentions que je viens de rappeler ici et qui ont fait que ce projet de loi a été renvoyé en commission, aucune discussion n'a pu avoir lieu, puisque la majorité a refusé d'entrer en matière. Ce qui fait que les doutes émis par M. Brunschwig et repris dans son rapport quant à la définition de l'objet - impôt ou taxe - sont toujours restés à l'état d'interrogation. M. Spielmann était absent quand vous vous étonniez, à la lecture de son rapport, de constater qu'il parlait d'un taux d'imposition progressif, et que par là même, il s'agissait d'un impôt et non d'une taxe.

Or, si vous aviez lu le projet de loi, vous auriez également constaté que ce sont ces termes mêmes qui y figurent ! A l'article 5, «le taux d'imposition de la taxe est de :» est suivi d'un taux progressif !

Nous étions prêts à discuter de la progressivité et du montant de ce taux. Nous étions ouverts à toute solution de dialogue, mais je dois dire que l'ensemble des députés de cette commission ne voulait tout simplement pas entrer en matière.

Vous dites dans votre rapport, Monsieur Brunschwig, que même si par impossible on retenait la notion de taxe et non celle d'impôt, le projet ne serait pas très heureux, compte tenu des pourparlers en cours avec le canton de Vaud.

Il ne faut pas se moquer du monde ! Si nous sommes prêts à trouver des solutions à ce problème réel et nié par personne, ne vous réfugiez pas derrière ces pourparlers qui durent depuis des années et des années, pour ne rien faire.

Aussi, je vous pose une question, Monsieur Vodoz : avez-vous, aujourd'hui, une solution concrète avec le gouvernement vaudois pour résoudre, une fois pour toutes, après des années de négociations, ce problème de la rétrocession fiscale ?

Je dirais encore un dernier mot sur les fonctionnaires internationaux, parce que l'on a aussi balayé ce problème d'un revers de manche, en prétextant des accords de siège qui, au regard de notre droit suisse, empêchaient l'encaissement d'une taxe de ce genre. Je rappellerais simplement que, dans le canton de Vaud, certaines communes ont instauré une taxe déchets demandée à tout habitant, y compris les internationaux...

La présidente. Monsieur Ferrazino, je suis désolée de vous interrompre. On ne s'entend plus. Quand les conversations auront cessé, nous reprendrons le débat.

M. Christian Ferrazino. Madame la présidente, je vous remercie d'avoir ramené un peu de calme. Pour terminer sur cette question, je disais que les raisons invoquées, sous couvert d'arguments juridiques, ne sont pas convaincantes, puisque d'autres cantons et notamment des communes vaudoises perçoivent des taxes pour les déchets, y compris auprès des fonctionnaires internationaux. Tout le monde y est donc astreint.

Dans le cas qui nous occupe, il est donc également possible d'astreindre les fonctionnaires internationaux à l'acquittement d'une taxe quand ils participent aux nuisances dans notre canton, comme tout un chacun.

Je dois dire que la population, en général, comprend mal que les fonctionnaires internationaux soient précisément exemptés de taxes que tout un chacun paie. M. Spielmann l'a rappelé dans son rapport de minorité : les contribuables les acquittent très largement par le biais du subventionnement accordé en matière de transports publics.

C'est se moquer du parlement d'avoir accepté de renvoyer ce projet de loi en commission sous couvert que le problème posé était réel et qu'il fallait le résoudre, et que, dès que nous l'avons abordé en commission, l'ensemble de ses membres ait décidé de ne pas entrer en matière. Raison pour laquelle nous demandons le renvoi du projet en commission.

La présidente. Le renvoi en commission a été demandé par le rapporteur de minorité. Il figure, par ailleurs, dans les conclusions du rapport de minorité, le débat devrait porter sur le renvoi en commission.

M. Nicolas Brunschwig (L), rapporteur de majorité. Il s'agit, pour moi, de rappeler quelques propos tenus lors du débat de préconsultation. Effectivement, si les différents partis avaient trouvé le projet suffisamment intéressant pour le renvoyer en commission, c'était, en particulier, pour faire le point sur la problématique canton de Genève/canton de Vaud et sur les problèmes inhérents au grand nombre de frontaliers vaudois qui travaillent à Genève et paient leurs impôts, en fonction de la législation suisse, dans leur canton de domicile. Cette législation ne changera pas de sitôt !

Quoi qu'en dise la minorité, nous avons eu des explications du Conseil d'Etat en faisant un rappel historique de ce problème et des différents groupes mis actuellement en action pour essayer de trouver des solutions plus globales que le simple problème fiscal en tant que tel.

Vous savez très bien qu'au niveau du problème fiscal nous n'avons aucune solution, quoi que vous en disiez. Il n'y a pas de solution, parce que nous ne parviendrons pas, parlement du canton de Genève, à faire changer le système fédéral existant au niveau de la fiscalité en tant que telle.

Le problème des internationaux est également important. Je pense que vous êtes tous conscients des difficultés éprouvées par les négociateurs suisses et genevois dans le cadre des discussions pour l'implantation de l'OMC à Genève. Dès lors, il est impensable pour Genève, qui a pour objectif de favoriser l'implantation d'organisations internationales, de taxer ses hôtes qui comptent, non seulement sur le plan économique, mais sur les plans social et culturel. Dès lors, vous savez pertinemment qu'il est impossible d'envisager cette solution. Je doute fortement des taxes poubelle et des explications de M. Ferrazino. En revanche, je suis sûr que le Conseil d'Etat pourra nous fournir des compléments d'information.

Il apparaît donc que le groupe de l'Alliance de gauche - parce qu'il avait une idée loin d'être inintéressante - a proposé un projet de loi. Toutefois, cette option n'était vraiment pas indiquée, son objet étant mal réglé aux niveaux technique et juridique. Il aurait donc fallu déposer une motion pour que nous puissions encore réfléchir sur un tel sujet, mais ne pas nous proposer un projet de loi aussi mauvais que celui-ci.

M. Bénédict Fontanet. J'aime me faire citer par M. Ferrazino, et je lui suggère de se pénétrer plus souvent, à l'avenir, des excellentes déclarations émanant de nos bancs. Mais je sais bien qu'il s'agit que d'un voeu pieux !

Je n'ai pas participé aux travaux de la commission, mais j'ai lu avec intérêt le rapport de majorité de M. Brunschwig. Monsieur Ferrazino, je vous sais trop fin juriste pour que vous nous recommandiez de faire fi des principes qui sont malheureusement ce qu'ils sont, en matière de droit fiscal suisse, à savoir l'imposition au lieu de domicile, s'agissant des travailleurs dits dépendants ou salariés, et la distinction entre taxe et impôt.

On ne saurait comparer ce cas avec la taxe poubelle. La taxe que vous proposez est beaucoup plus importante, elle se calcule en pourcentage du revenu et pose toute une série de problèmes techniques non résolus par votre projet de loi déposé par votre groupe.

Je persiste à penser, puisque vous avez eu la bonté de me citer, que le problème posé mérite d'être résolu, mais je persiste aussi à croire que vos solutions sont mauvaises et ne peuvent être retenues, eu égard aux principes juridiques régissant cette matière.

Comme l'a dit M. Brunschwig, il y a d'autres pistes, par exemple celle de la motion. En effet, j'imagine mal que les membres de la commission fiscale, à laquelle je n'ai pas l'honneur d'appartenir, puissent rédiger un projet de loi à quinze, ensemble et à l'unisson. Ce n'est pas une manière sérieuse de travailler. Revenez soit avec un projet plus raisonnable eu égard aux principes exposés et conformes à notre ordre juridique, notamment à la législation fédérale, soit avec une motion sur ce problème de financement de prestations de la part des usagers qui en profitent sans être domiciliés dans notre canton.

C'est un problème réel, mais votre projet de loi ne le résoudra pas. D'autre part, compte tenu des rapports déposés, c'est faire un mauvais procès à la commission de prétendre qu'elle n'a pas travaillé et que ses membres ont manqué de réflexion.

M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur Fontanet, nous ne pouvons intenter un mauvais procès à la commission en disant qu'elle n'a pas réfléchi ou étudié, puisqu'elle n'est même pas entrée en matière ! On ne peut donc nous reprocher ici de ne pas vouloir discuter d'un problème qui n'a pas été abordé.

Refuser d'entrer en matière lors d'une seule séance en commission, ce n'est pas faire preuve d'ouverture sur un problème dont chacun reconnaît l'importance.

On prétend que le problème est résolu juridiquement. Cependant, personne, ici, n'a argumenté sérieusement sur la solution d'une taxe d'usage comme celle prélevée dans d'autres cantons pour une prestation offerte. Il ne s'agit pas, en l'occurrence, d'un impôt. On peut donc parfaitement, sur le plan juridique, trouver la voie permettant la solution de ce problème.

Paradoxalement, le groupe écologiste n'a voté ni la motion, ni la proposition actuelle, prétextant que le financement des transports publics n'était pas seul concerné, mais que le transfert modal en milieu urbain et les difficultés de circulation des nombreux frontaliers vaudois et français l'étaient également. Je dis que ces problèmes pourraient être résolus par un transfert de charges. Si une taxe transports était acquittée, elle pourrait être compensée par un abonnement et l'offre d'une prestation en échange. Elle permettrait de favoriser le transfert modal de la voiture individuelle vers le transport collectif, ce qui améliorerait la qualité de l'environnement auquel je croyais les écologistes attachés. Voilà des problèmes qui nous semblaient dignes d'être résolus !

Aujourd'hui, on préconise la voie de la motion que l'on dit plus raisonnable et idoine pour régler le cas. Je rappelle à ce parlement qu'une motion a déjà été déposée, qu'elle a été examinée en commission des transports et qu'elle a fait l'objet d'un rapport de majorité. Ce Grand Conseil l'a votée, quasiment dans son ensemble, voilà bientôt deux ans, pour l'adresser au Conseil d'Etat. N'ayant pas reçu de réponse, nous avons opté pour un projet de loi, afin d'ouvrir une nouvelle piste.

C'est la raison pour laquelle je réitère ma demande d'examen en commission, car il serait intéressant de recevoir des rapports mieux étayés, et sur le plan juridique, et sur le plan des opportunités, que celui de M. Brunschwig et les quelques informations fournies en commission.

Nous n'avons pas reçu de réponse au sujet des taxes prélevées par d'autres cantons, que ce soit en contrepartie de l'élimination des déchets, ou de l'usage du domaine public, sans que les lieux d'origine et de domicile des personnes concernées entrent en ligne de compte.

D'autre part, je rappelle à M. Brunschwig que son propre groupe a proposé des modifications de la législation fiscale, au niveau fédéral, pour la suppression de l'impôt fédéral direct sans, bien sûr, mentionner la contrepartie à trouver pour couvrir les dépenses des collectivités publiques. C'est une question de fond, et si le peuple devait suivre les propositions du parti libéral, il faudrait bien trouver d'autres formes de prélèvement.

Mais présentement, je constate que l'on ne tient pas à argumenter et qu'il existe véritablement une volonté de ne pas entrer en matière et de trouver tous les prétextes dilatoires pour ne pas examiner des questions dont nous devrons nécessairement débattre. Je vous donne donc rendez-vous d'ici un an !

Une fois de plus, nous aurons été des précurseurs. Vous y viendrez et vous verrez que ce projet de loi entrera en vigueur dans ce canton. Il n'y a pas d'autre solution que celle de faire payer les prestations à ceux qui en profitent. A défaut, il sera impossible de les financer.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Lors du débat en préconsultation sur ce projet de loi, nous avions émis quelques doutes quant à son aspect juridique. Il nous semblait qu'il engendrait, dans les faits, une double imposition. Aujourd'hui, il apparaît que les experts confirment cette inquiétude. Il faut donc en prendre acte et, théoriquement, le débat devrait s'arrêter là. Toutefois, comme les problèmes soulevés sont bien réels, il semble judicieux de ne pas tourner simplement la page.

Concernant la question de la rétrocession fiscale du canton de Vaud. Ce chapitre est loin d'être clos et nous espérons entendre une fois notre Conseil d'Etat nous annoncer avoir trouvé une solution avec nos voisins vaudois, car nous ne pensons pas que le projet de loi résoudra le problème.

Ensuite, concernant le financement des transports publics et de la construction de parkings d'échange. Nous l'avons dit et redit dans cette enceinte : ces deux types d'aménagement sont prioritaires en tant qu'unique alternative valable pour inciter la population à un transfert modal. Il en va de la qualité de la vie à Genève et du respect des normes OPair. Il faudra impérativement dégager des moyens pour y parvenir.

Votée par ce Grand Conseil, il y a environ trois ans, la motion interpartis dont il a été fait mention dans ce débat demandait au Conseil d'Etat d'étudier la possibilité d'instaurer un versement transports, à l'image de ce qui se fait dans certains pays voisins. Ce principe consistait à prélever, à Genève, un pourcentage de 0,25% sur la masse salariale. Même si une telle taxe est à manier prudemment dans le contexte économique que nous connaissons aujourd'hui, elle constitue une piste intéressante. Et nous attendons maintenant du Conseil d'Etat qu'il réponde à ladite motion et qu'il revienne, devant ce Grand Conseil, avec des propositions.

Si, ce soir, nous rejetons ce projet de loi sous la forme proposée, nous affirmons, en revanche, que ce débat ne saurait être clos et nous attendons, pour le reprendre, la réponse du Conseil d'Etat.

M. Christian Grobet (AdG). Il est paradoxal que ceux qui, en d'autres circonstances, préconisent le recours aux taxes en lieu et place de l'impôt sur le revenu, combattent, ce soir, le principe d'une taxe telle celle proposée par ce projet de loi.

Il est vrai que ce projet présente un élément nouveau par rapport aux taxes que vous préconisez d'habitude sur les bancs de la droite, à savoir un prélèvement progressif, en fonction du revenu des personnes astreintes. Nous savons que vous êtes attachés à une taxe identique pour tout le monde, donc injuste sur le plan fiscal.

Aussi ne nous étonnons-nous pas que vous combattiez, aujourd'hui, une taxe progressive, alors même que son principe, comme Mme Reusse-Decrey l'a dit, a été admis par ce Grand Conseil dans le cadre de la motion votée, il y a un peu plus de deux ans, pour la taxe transports. Mais il est vrai que, dans ce Conseil, l'on n'est pas à une contradiction près ! Ceux qui, à l'époque, étaient pour une taxe transports calculée en fonction des revenus, la refusent aujourd'hui !

Nous voulons surtout contester la prétendue inconstitutionnalité d'une telle taxe. Nos opinions, bien sûr, peuvent diverger. Mme Reusse-Decrey parle d'experts que je ne connais pas, mais il est vrai, Madame, qu'en matière fiscale les experts, en général, appartiennent aux milieux des bancs d'en face, et que l'on ne cite pas souvent les autres. Nous savons où se situent les fiscalistes.

Mais en Suisse, le principe de la taxe existe. Il a été admis par le Tribunal fédéral. Dans le canton de Vaud, beaucoup de communes prélèvent, non pas une taxe déchets, mais une taxe voirie relativement importante, dont la constitutionnalité est absolument indiscutable.

Quant aux fonctionnaires internationaux, dont vous doutez, Monsieur Brunschwig, de la possibilité de les assujettir, j'ai lu récemment dans la presse un rapport présenté par la Confédération, plus précisément par la mission de Suisse auprès des organisations internationales : à la demande des communes vaudoises, la Confédération a admis que les fonctionnaires internationaux et les représentants des missions diplomatiques peuvent être assujettis à des taxes. M. Vodoz est certainement au courant. Ce rapport a été délivré à la demande d'un certain nombre de communes vaudoises.

Vous affirmez ce soir votre propre vérité, à savoir qu'il serait impossible d'assujettir à des taxes les fonctionnaires internationaux. C'est faux ! Vous affirmez qu'une taxe transports ne pourrait être décrétée, nous le contestons !

Demeure la question de savoir si une taxe peut être progressive ou pas. Cette question peut, effectivement, se poser. Nous pensons que le problème peut être résolu dans le sens que nous proposons. Par conséquent, vous ne pouvez pas affirmer, sans autre, que c'est impossible.

En réalité, vous refusez ce projet de loi pour des raisons purement politiques. De notre côté, nous avons dit que ce projet n'aurait pas été présenté s'il y avait eu rétrocession fiscale de la part du canton de Vaud, mais, puisqu'elle n'existe pas, il est parfaitement possible de prévoir d'autres mesures fiscales pour amener ceux qui bénéficient de l'infrastructure genevoise à contribuer aux frais qu'elle entraîne. C'est indiscutable.

Par voie de conséquence, nous ne pouvons que regretter que l'on ne veuille pas, ce soir, entrer en matière sur ce projet qui propose des solutions certainement recevables juridiquement. Il s'agit d'une opposition politique et je constate que c'est une politique des caisses vides ou plutôt des abattements fiscaux, comme ceux que vous avez consentis aux propriétaires, sur leur spéculation immobilière. C'est votre politique, ce n'est pas la nôtre !

M. Roger Beer (R). Comme cela a déjà été dit, le groupe radical a accueilli avec intérêt cette proposition qui démontrait que ses auteurs, issus des rangs de la gauche, se préoccupaient, pour une fois, de la difficile situation financière de l'Etat de Genève.

Vous vous rendez compte que l'argent manque et vous proposez des solutions. Malheureusement, ces solutions, comme démontré dans le rapport de notre collègue Brunschwig, ne sont pas réalistes. Pourtant, j'étais enclin à trouver de l'intérêt et de l'originalité à cette proposition, à la fois subtile et maligne, consistant à demander une contribution à des gens qui, n'ayant pas le droit de voter à Genève, ne pouvaient ni s'exprimer, ni participer aux décisions relatives à notre République.

Incontestablement, l'idée est bonne. Mais de l'idée à la réalisation, il est des règles de droit, que d'aucuns, ici, connaissent mieux que moi, et vous savez pertinemment que ce n'est pas dans le contexte du Grand Conseil, voire celui du Conseil d'Etat, que le problème pourra se régler.

Nous comprenons votre déception, votre façon de dire que ce n'est pas juridique, mais politique, etc. Toutefois, nous nous en tenons au rapport de M. Brunschwig fort bien documenté et qui justifie les raisons qui nous font dire que votre solution n'est pas applicable. Par conséquent, le groupe radical ne vous suivra pas et refuse d'entrer en matière.

M. Andreas Saurer (Ve). Je reviens très brièvement sur l'intervention de M. Spielmann.

Nous n'avons pas attendu M. Spielmann pour nous préoccuper des recettes fiscales et, plus particulièrement, des recettes des TPG, et savoir comment financer les parkings d'échange. Tout autant et depuis aussi longtemps que vous, nous nous préoccupons du développement des transports publics et de l'extension du réseau des TPG.

Votre projet de loi soulève un réel problème. Vous proposez l'introduction d'une taxe qui, il faut l'admettre, constitue une augmentation de la charge fiscale des gens qui travaillent à Genève sans y habiter, des gens qui s'acquittent des impôts soit en France, soit dans le canton de Vaud. Le problème qui se pose n'est pas celui d'augmenter leur charge fiscale, mais de savoir comment obtenir une meilleure rétrocession de ce qu'ils paient sur le lieu de leur domicile. Le problème est donc global et votre proposition d'astreindre à cette taxe uniquement ces personnes entraînera un effet secondaire que vous ne souhaitez certainement pas : des rejets antifrançais, antivaudois et anti-internationaux.

Cela dit, nous reconnaissons que votre projet de loi traite d'un problème réel. Nous regrettons que des discussions n'aient pas eu lieu en commission, raison pour laquelle nous soutenons votre proposition de renvoi en commission.

M. Michel Halpérin (L). Je ne serai pas long, parce que je voudrais simplement m'étonner ici de ce que M. Grobet fasse, avec tant de talent, semblant de ne pas comprendre le droit, lui qui est quand même un spécialiste reconnu, y compris en matière fiscale.

Je veux bien croire, Monsieur le député, que le commun de nos compatriotes puisse faire une confusion entre la taxe et l'impôt et ne pas comprendre, par exemple, que la TVA, bien qu'elle s'appelle taxe à la valeur ajoutée, soit en réalité un impôt. Mais vous, vous savez faire cette différence et vous savez pertinemment que la taxe n'existe qu'à partir du moment où elle représente le prix exact, sinon le prix proportionnel, d'une prestation de l'Etat.

Vous ne pouvez donc pas sérieusement faire semblant de croire ici, devant vos collègues du Grand Conseil, que l'impôt proposé est véritablement une taxe. Vous vous présentez comme plus incompétent que vous n'êtes, mais nous ne serons pas dupes (Applaudissements.)

M. Michel Ducret (R). Il y a une quinzaine d'année une association que j'ai l'honneur de présider aujourd'hui, la CITRAP, avait propagé une idée similaire dans différents milieux, lesquels s'étendaient des syndicats au Conseil d'Etat. A l'époque, nous nous étions déjà heurtés au même écueil.

Ce projet de loi pose le bon diagnostic d'un vrai problème, mais la solution préconisée n'est guère applicable en l'état. Pour autant qu'elle s'inscrive dans le cadre juridique fédéral, une telle taxe ne serait possible que dans une réciprocité pouvant lever l'hypothèque de la concurrence économique entre cantons, qui ferait que les conditions ne soient pas les mêmes à Lausanne et à Genève.

Cette motion pose aussi, indirectement, le problème d'une meilleure prise en compte des villes et de leurs problèmes économiques par la Confédération. Par "des villes", j'entends que les problèmes des transports en Suisse sont gérés, à l'exception de Genève, par les municipalités, et non par le canton.

En conséquence, notre groupe a invité le Grand Conseil à suivre la majorité de la commission. Par contre, il me semblerait judicieux d'inviter le Conseil d'Etat, à la lumière des propositions faites, des explications reçues, à explorer les différentes pistes susceptibles d'aboutir à une solution. Elles devraient être suivies par le Conseil d'Etat dans son action vis-à-vis de l'Etat fédéral et dans son dialogue avec notre voisin, l'Etat de Vaud.

M. Christian Ferrazino (AdG). Je réponds aux trois dernières interventions, car je ne puis laisser couler de telles larmes de crocodile dans ce parlement sans réagir. "On voudrait tous innover, il faudrait faire quelque chose, le problème est un vrai problème, mais la solution n'est pas la bonne". Monsieur Halpérin, vous parliez d'incompétence. Moi, je parle d'hypocrisie ! Je constate que certains en sont spécialistes, et vous en faites partie en essayant de faire croire, au moyen d'arguties juridiques, que la taxe est fixe par définition et que tout ce qui est progressif est un impôt.

Je vous rappelle, pour votre gouverne, que la taxe de séjour, elle, n'est pas fixe et qu'elle peut varier. Et il y en a une autre, Monsieur Brunschwig, que vous ne citez pas dans votre rapport, et qui est la taxe tourisme. Elle aussi varie et n'est pas fixe.

Alors, cessez de verser des larmes de crocodile, dites simplement que vous n'êtes pas prêts à trouver une solution, puisque même M. Saurer dit qu'on ne peut s'exposer à une réaction antifrançaise. C'est bien la preuve que personne n'a lu le projet de loi, car, si M. Saurer l'avait fait, il aurait constaté que les Français ne sont pas assujettis. Ces derniers travaillent à Genève, sont taxés à Genève et sachez, Monsieur Saurer, que nous rétrocédons 4% de la masse salariale, soit 80 millions, à la France.

Voilà le montant rétrocédé par Genève à la France ! Et ce que nous proposons est de faire en sorte que le canton de Vaud agisse de même envers nous, que nous envers la France.

Le contre-exemple que vous avez donné devrait illustrer la nécessité du projet de loi que nous avons présenté. Je vous remercie de l'avoir fait, bien que dans le mauvais sens ! Il faut en tirer la conclusion, à savoir que nous devons agir de la même manière, et c'est la solution que nous avons proposée ! Aucun de vous n'en a proposé d'autre et vous ne faites que verser des larmes de crocodile, sans fournir aucune solution. Voilà bien l'hypocrisie qui est de mise ce soir !

M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur de minorité. Le débat démontre que la non-volonté d'entrer en matière et le refus de discuter de ce projet auront évité à certains d'exprimer des énormités dans ce parlement. En affirmant que nous voulons taxer les Français qui ne paient pas d'impôts à Genève prouve, à l'évidence, que non seulement l'on n'a pas lu le projet de loi, mais que l'on ne connaît ni le dossier, ni la manière dont nous avons travaillé.

Comme dit précédemment, notre proposition innove dans le mode de perception, lequel, sur le fond, est possible, puisque d'autres cantons prélèvent déjà des taxes en échange de prestations et qu'il est parfaitement possible de les doubler d'une réciprocité que d'aucuns réclamaient dans le cadre du projet de loi que nous ne pouvons pas modifier ici.

L'examen de nos propositions, en commission, aurait permis d'éviter que l'ignorance continue à régner et que votre volonté politique s'acharne à régler des comptes plutôt qu'à s'appliquer à l'examen de problèmes concrets.

Je réitère ici ma demande de renvoi en commission, ce qui vous donnera l'occasion d'argumenter avec plus de pertinence lors du prochain débat, puisque, comme je l'ai déjà dit, je vous fixe rendez-vous d'ici peu sur les deux objets.

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Sur un tel sujet, le débat, bien sûr, n'est pas clos. Il pose le problème des rapports intercantonaux et ceux de nature financière, notamment fiscale, en ce qui concerne les diplomates exonérés à teneur des Conventions de Vienne.

Il nous faut continuer. C'est un travail difficile, de longue haleine et complexe, parce que touchant aux rapports entre les cantons.

Le projet de loi présenté est une mesure qui vise, effectivement, à imposer les pendulaires vaudois et les fonctionnaires internationaux au bénéfice d'immunités.

En commission, vous nous avez demandé ce qui était légitime, et nous vous avons donné notre opinion. Cette idée est contraire à votre point de vue, aux règles de double imposition intercantonale dégagées par le Tribunal fédéral, faisant l'objet de jurisprudences et ayant rang, dans ce domaine, de principes constitutionnels. D'autre part, elle se heurte au droit international suisse, partie intégrante du droit fédéral en ce qui concerne les fonctionnaires internationaux.

Concernant l'argumentation sur les taxes, notamment de nature communale et plus particulièrement vaudoise, un problème se pose par rapport aux taxes déchets et à l'assujettissement des diplomates dans le canton de Vaud.

Le problème se pose par rapport à l'imposition au lieu de domicile. Indépendamment de la problématique juridique taxe ou impôt - nous considérons, à teneur de la doctrine de la jurisprudence, qu'il s'agit d'un impôt - les taxes communales vaudoises sont prélevées au lieu de domicile des fonctionnaires internationaux, et non à leur lieu de travail.

Et c'est un double problème que celui, posé très objectivement, de taxer ou d'imposer sur le lieu de travail et non sur le lieu de domicile ceux qui, hormis les fonctionnaires internationaux, habitent à l'extérieur du canton. Cet aspect-là est extrêmement délicat et l'analyse qui en a été faite par les juristes de l'administration fiscale a confirmé, au niveau de la commission, que le projet, tel qu'il était prévu, n'était pas réalisable.

Où en sommes-nous avec les fonctionnaires internationaux et où en sommes-nous avec les Vaudois ?

Pour ce qui est des premiers, un groupe de stratégie a examiné l'ensemble des problèmes existant entre la Confédération et le canton de Genève d'une part, et les diplomates d'autre part. Les Vaudois, sous certains aspects, seront consultés pour examiner la problématique des rapports, gérés notamment par le droit international. Ce travail sera fait par la division des affaires étrangères et le Département fédéral des finances à Berne.

Nous attendons une prise de position tout à fait claire de l'autorité fédérale sur l'application des Conventions de Vienne par rapport à des taxes - je ne parle pas d'impôt - de type poubelle ou scolaire, dans les communes de domicile des fonctionnaires internationaux, pour savoir si elle sont compatibles avec les Conventions de Vienne et les règles protégeant les diplomates en raison de leur immunité. Je vous communiquerai cette prise de position en temps utile.

Nous avons demandé un rapport sur d'autres points, car des divergences existent entre les différents Etats, sur le plan international, concernant l'application des Conventions de Vienne. Certains Etats considèrent que ces conventions doivent être interprétées restrictivement - c'est le cas de la Suisse - et d'autres Etats, plus largement.

Dans le cadre du groupe de travail entre Berne, la Confédération et le canton de Genève, nous avons souhaité disposer d'une analyse complète de ce qui se passe dans les grandes capitales "internationales", telles que Vienne, New York, Paris, Madrid, pour qu'enfin le droit international public en matière d'immunité puisse être quelque peu harmonisé.

Nous nous sommes rendu compte de cette nécessité, lors de la difficile négociation avec l'OMC, les diplomates invoquant ce qui se passe à Vienne, ce qui est proposé à Bonn ou à New York, en regard d'une interprétation beaucoup plus restrictive sur le plan helvétique.

Il en va de même pour l'assujettissement des diplomates à nos juridictions, notamment à celles des Prud'hommes, où là encore des divergences existent.

Berne et la division juridique des affaires étrangères sont en train de préparer ces documents qui nous permettront d'y voir plus clair et de revenir, le cas échéant, sur certaines propositions. Sachez, par exemple, que des diplomates recourent actuellement contre la taxe sur l'eau dans le canton de Vaud, à leur lieu de domicile. A cet égard, nous attendons également certaines décisions.

J'ai régulièrement proposé aux Vaudois d'appliquer le système que nous avons avec la France ou celui qu'eux-mêmes ont avec la France, système calqué sur le système de droit international, c'est-à-dire une rétrocession, que ce soit par les Français ou que ce soit par Genève, dans les deux cas. Je trouvais tout à fait ridicule que nous ne parvenions pas, entre cantons frontaliers, sur la base d'une région qui forme quasiment un tout économique, à avoir des rapports de rétrocession. Afin de faciliter les choses, sans modifier nos lois cantonales respectives eu égard aux difficultés juridiques et politiques, j'ai proposé de mettre ensemble les produits de l'imposition au lieu de domicile des pendulaires vaudois et au lieu de travail des indépendants domiciliés dans le canton de Vaud, mais travaillant à Genève, puis de répartir le tout sur le plan politique.

J'ai fait chou blanc, si vous me passez cette expression, devant les autorités vaudoises, et des articles de presse ont commenté l'irritation provoquée par ma proposition.

A la suite de cela, et compte tenu des problèmes posés, un groupe de travail, sur notre insistance, s'est constitué entre quatre départements, ceux de l'économie publique et ceux des finances des deux cantons, afin de d'essayer de progresser dans deux directions. D'abord, dans l'analyse des flux financiers entre les cantons. Les Vaudois s'opposent farouchement à une rétrocession sous quelque forme que ce soit en disant que Genève reçoit bien davantage par le biais de ces flux que par celui d'une rétrocession. Par conséquent, une étude, pilotée par l'université, est en cours.

Le deuxième élément est - comme je vous l'ai dit il y a quelques mois - que les Vaudois sont d'accord sur le principe de trouver une quote-part de financement des infrastructures intéressant les deux régions. Bien entendu, ils ont pensé à l'aéroport, nous avons pensé à la partie que nous devons financer de la troisième ligne CFF et, le cas échéant, certaines infrastructures, notamment en matière de transports publics «TPG» qui aboutissent dans le canton de Vaud. Dans ce contexte, nous sommes en train d'examiner, avec le gouvernement vaudois, la possibilité d'obtenir de celui-ci des financements pour des projets concrets d'amélioration des infrastructures. Ce sera un premier pas.

Il est vrai que la situation financière dans laquelle les deux cantons se débattent - une situation sérieusement aggravée dans le canton de Vaud - renforce les résistances d'un certain côté par rapport à des rétrocessions, mais postule, et c'est ma conviction, qu'à terme nous serons obligés de nous entendre.

Le dernier problème est que les Vaudois n'ont évidemment pas qu'une frontière avec le canton de Genève. Ils en ont avec les cantons du Valais, de Neuchâtel, de Fribourg et même de Berne. Des régions autres que la région lémanique s'intéressent à nos travaux, et les Vaudois sont écartelés par rapport à des demandes éventuelles, même si elles ne sont pas de même importance, du Valais et surtout de la région de la Broye.

Si, pour nous, les problèmes, idéalement parlant, sont plus simples à concevoir, sous réserve des solutions juridiques, les Vaudois, eux, craignent qu'un accord avec Genève les obligent à passer, à terme, des accords du même type avec le canton de Fribourg, par exemple, voire avec d'autres cantons.

Ce problème est similaire à celui que j'ai rencontré par rapport à l'imposition de nos fonctionnaires respectifs. Je vous rappelle que j'avais énoncé l'idée qu'on pourrait commencer, par exception, à imposer ces derniers à leur lieu de travail et non pas à leur lieu de domicile. Certes, des jurisprudences prohibent cette manière de faire, mais nous aurions pu trouver un accord et une solution de nature politique qui n'auraient pas mis en cause nos lois fiscales respectives. Le nombre important de fonctionnaires genevois, domiciliés dans le canton de Vaud, par rapport à celui des Vaudois domiciliés à Genève, ou dans les cantons de Fribourg, de Neuchâtel ou du Valais, a rendu extrêmement difficile la concrétisation de cette idée émise dans le cadre d'un éventuel concordat intercantonal.

C'est, en résumé, les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Au niveau du gouvernement, il est vrai que nous n'avons pas encore pu répondre à la motion à laquelle il a été fait allusion, faute d'avoir trouvé des solutions avec nos partenaires.

Sans m'aventurer trop, je pense que le premier pas devrait se faire en direction de la proposition vaudoise de financement de nos infrastructures collectives. Nous sommes en train de travailler sur les critères correspondants et espérons que, le printemps prochain, nous pourrons revenir avec des informations plus importantes. A ce moment, nous disposerons du rapport de la Confédération concernant les fonctionnaires internationaux et les diplomates, et, sans doute, de l'étude de l'université des flux financiers et, par conséquent, des propositions de financement.

Je vous rappelle que, dans cette perspective, nous avions demandé que soient représentées les autorités vaudoises et les autorités françaises au conseil d'administration de l'aéroport, parce qu'à terme il faudra travailler régionalement, y compris avec la France, pour financer nos infrastructures, notamment celles des transports, mais également celles des déchets ou de tout autre service indispensable à notre vie collective.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport en commission est rejetée.

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.

7. Proposition de motion de Mme et MM. Fabienne Bugnon, Luc Gilly et Dominique Hausser visant à annuler l'autorisation d'un défilé militaire à Genève. ( )

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- la demande du colonel Duchosal de faire défiler des troupes militaires dans les rues de Genève;

- l'autorisation accordée par le Conseil d'Etat au colonel Duchosal;

- l'opposition à l'armée manifestée par la population genevoise (voir résultats des initiatives «Pour une Suisse sans armée et une politique globale de paix», «Pour une Suisse sans F/A-18», «40 places d'armes, ça suffit !» et les différentes votations sur les exportations d'armes et le service civil);

- que Genève est une ville de Paix, qui abrite de nombreuses organisations internationales, dont l'ONU qui fête cette année son cinquantième anniversaire;

- que c'est à Genève que de nombreux conflits mondiaux sont discutés, voire résolus;

- qu'une grande partie du monde est en proie à des conflits armés,

invite le Conseil d'Etat

- à retirer l'autorisation de défiler qu'il a accordée au colonel Duchosal;

- à réaffirmer, de cette manière, le rôle de médiateur pacifique de la Genève internationale.

EXPOSÉ DES MOTIFS

En autorisant le colonel Duchosal à faire défiler ses troupes militaires armées dans les rues de Genève, le conseiller d'Etat Gérard Ramseyer provoque les pacifistes et les antimilitaristes, fort nombreux à Genève.

Le plus étonnant réside dans le fait que cette autorisation a été ratifiée par l'ensemble du Conseil d'Etat, en juin 1995.

Nous pensons qu'il a agi de manière irréfléchie, en ne mesurant pas pleinement les conséquences d'une telle décision.

Au moment où de plus en plus de conflits armés éclatent dans le monde - et l'Europe n'est pas épargnée - un défilé militaire dans un pays qui se dit neutre et dans une ville qui abrite l'ONU est une dangereuse provocation. Cette organisation fête justement cette année son cinquantième anniversaire et toutes les manifestations (discours, cérémonies, expositions, arbre de la paix, concerts...) marquant l'événement sont axées sur la paix.

Il ne nous appartient pas de juger, dans le cadre de cette motion, l'efficacité ou l'utilité de l'armée suisse. Cela fait l'objet d'un autre débat.

Le conseiller d'Etat Gérard Ramseyer, pour justifier sa décision, énumère le nombre de défilés qu'il a autorisés.

Comparaison n'est pas raison !

La plupart des manifestations de rues sont là pour dénoncer des injustices ici et ailleurs. La manifestation représente le moyen le plus populaire de faire entendre et connaître un certain nombre de revendications, émanant le plus souvent de minorités.

Le défilé militaire, lui, s'apparente à de la propagande, ce qui n'a manifestement rien à voir. Comment peut-on comparer une manifestation, où les gens viennent librement, à un défilé d'où le citoyen-soldat ne peut se soustraire sous peine de représailles.

Enfin, nous estimons également qu'au moment où une majorité des autorités fédérales vient d'invalider l'initiative «pour moins de dépenses militaires et plus de politique de Paix», privant ainsi les citoyens de s'exprimer sur les moyens affectés aux dépenses militaires, l'idée même d'exhiber la concrétisation de ces dépenses est totalement déplacée.

Rappelons à cet égard la position de notre Grand Conseil de désapprouver l'invalidation de cette initiative.

Pour toutes ces raisons, nous demandons au Conseil d'Etat d'éviter cette provocation qui amènera forcément des affrontements inutiles, en retirant l'autorisation de défiler qu'il a accordée au colonel J.-F. Duchosal, quelle que soit la date choisie.

Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à notre motion.

Débat

La présidente. Nous avons reçu une lettre concernant cet objet. Je prie notre secrétaire de bien vouloir en donner lecture.

+ lettre : Résolution GSSA

La présidente. (S'adressant à des députés qui contestent.) M. le président du Conseil d'Etat avait levé la main en premier ! Je pense qu'il a une déclaration à faire. (Remarques.)