République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1007
19. a) Proposition de motion de Mmes Micheline Calmy-Rey, Elisabeth Reusse-Decrey et Liliane Charrière Urben concernant les hautes écoles spécialisées. ( )M1007
M 1011
b) Proposition de motion de Mme et MM. Erica Deuber-Pauli, Jacques Boesch, Gilles Godinat et Pierre Vanek concernant les hautes écoles spécialisées. ( )M1011

(M 1007)

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 que l'introduction des hautes écoles spécialisées (HES) en Suisse constitue une réforme fondamentale de notre enseignement supérieur avec des conséquences importantes sur notre système de formation et le marché de l'emploi;

 qu'il est vital que les solutions choisies tiennent compte de tous les aspects et intérêts en jeu à Genève et suscitent une large adhésion afin d'assurer leur succès;

 que d'ores et déjà toute une série de décisions essentielles portant sur l'introduction des HES ont été prises dans le cadre de la Conférence des conseillers d'Etat et ministre de Suisse romande responsables de ce dossier, en particulier l'implantation future d'une seule formule intercantonale pour la Suisse romande;

 qu'il importe de sortir de la polémique où le débat s'est enlisé à Genève et d'élaborer avec les principaux intéressés des pistes pour avancer et pour formuler des réponses intelligentes à des problèmes réels,

invite le Conseil d'Etat

 à mettre en place un groupe de pilotage regroupant tous les milieux concernés (étudiants, enseignants, partenaires, économiques et sociaux, partis politiques, etc.) afin de développer la concertation sur ce dossier. Une concertation active sera également menée en relation avec les questions d'organisation et liées au personnel (modification des cahiers des charges et des profils des enseignants, engagement d'assistants, modification des structures de gestion par exemple);

 à envisager dès le départ l'application de la réforme à l'ensemble des formations concernées (y compris paramédicales et sociales), et pas seulement aux filières dépendant directement de l'OFIAMT;

 à accorder une attention toute particulière au développement d'activités de recherche appliquée dans toutes les filières HES genevoises, l'Etat veillant à en garder le contrôle et à subventionner éventuellement le démarrage;

 à lier des intégrations de filières genevoises dans une ou plusieurs HES supracantonales aux conditions suivantes:

a) garanties pour tout ce qui touche à la démocratisation des études telle qu'elle figure dans la loi sur l'instruction publique (accessibilité, renforcement des mesures d'appui, prise en compte des parcours individuels);

b) offre complète de filières HES jusqu'au diplôme à Genève à l'exception de filières vriament pointues avec les effectifs minimaux pour lesquelles des regroupements peuvent être envisagés;

c) maintien de la filière scolaire du type EIG. Des filières semblables dans d'autres domaines devraient être étudiées;

d) instauration d'un contrôle politique et démocratique d'éventuelles structures supracantonales, par exemple sous forme d'une commission législative commune des Grands Conseils concernés;

 à étudier et discuter dans le cadre d'une concertation élargie les options suivantes:

 solution multipolaire: une ou plusieurs HES romandes avec des pôles d'implatation;

 solution hétérogène: une HES de l'arc lémanique (Genève, Côte vaudoise, Valais) et une HES du nord (Nord vaudois, Fribourg, Neuchâtel, Jura et Jura bernois);

 solution homogène: constituer 2 ou 3 HES, une HES technique (ETS), une HES de gestion et commerce (ESCEA) et/ou une HES des arts appliqués et des beaux-arts, et/ou une HES sociale et paramédicale;

 solution cantonale: une HES regroupant les différentes filières concernées;

 à développer la concertation transfrontalière pour l'enseignement supérieur en s'attachant à prendre tous les contacts utiles pour aplanir les obstacles formels, négocier des accords ponctuels entre établissements de type HES dans le domaine des échanges d'étudiants et d'enseignants ainsi que pour des spécialisations.

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'enseignement supérieur a une importance cruciale pour un canton comme Genève. Sur un marché de l'emploi en pleine mutation, les besoins en qualifications de haut niveau augmentent sans cesse, et nous devons disposer d'institutions d'enseignement supérieur de qualité, couvrant l'ensemble des domaines et des filières considérées comme essentielles pour la vie économique, sociale et culturelle du canton. De plus, dans une société où le fait de disposer d'une formation de qualité est très souvent une condition préalable à toute intégration dans la société, l'objectif doit être de former le plus grand nombre possible et pas seulement une élite socialement favorisée. Les collectivités publiques doivent ainsi veiller à la «redistribution des savoirs», de même qu'elles doivent veiller à la redistribution des richesses, dans l'intérêt de notre vie démocratique et de la cohésion sociale.

L'introduction des HES en Suisse constitue une réforme fondamentale de notre enseignement supérieur, ayant des conséquences importantes sur le système de formation et sur le marché de l'emploi. Cette réforme entraîne une revalorisation de l'enseignement professionnel supérieur et son euro-compatibilité, tout en permettant en même temps de maintenir les avantages du système dual de formation suisse. Elle pousse les établissements concernés à se remettre en question et à améliorer l'offre et la qualité de leur enseignement (qui dispose d'un niveau qui est déjà bon à présent). Les HES représentent par ailleurs un apport précieux sur le plan régional grâce à leur implantation supposée décentralisée et à leurs activités de recherche appliquée et de services. Les petites et moyennes entreprises (PME) axées sur les technologies de pointe et l'innovation pourraient plus particulièrement profiter des HES technico-commerciales, pendant que les services publics profiteraient de HES dans les professions sociales et paramédicales, sans oublier les HES artistiques et d'éventuelles HES pour les professions de l'enseignement.

Il faut insister sur le fait que l'introduction des filières des HES doit être considérée sous l'angle de ses apports à l'ensemble de la société, et pas seulement à l'économie. Limiter les enjeux et les objectifs de cette réforme à la question de la revitalisation de l'économie suisse, comme le fait le Conseil fédéral, est trop réducteur.

La réforme des HES consiste essentiellement à définir par le biais d'une loi fédérale un label «HES», non obligatoire, dont l'octroi dépend d'un certain nombre de critères. Ce label, qui a pour objectif une revalorisation de l'enseignement professionnel supérieur et son eurocompatibilité, serait accordé par une commission fédérale d'experts sur la base des projets présentés, et concerne les établissements du type ETS pour les ingénieurs, ESCEA pour les filières commerciales et administratives, ESAA/ESAD/ ESAV pour les arts appliqués et les beaux-arts, etc. Il s'agit de filières de formation qui suivent un apprentissage et une maturité professionnelle, ou tout autre type de formation professionnelle qui suit directement la scolarité obligatoire. Même si personne ne conteste la qualité de la formation dispensée actuellement par ces établissements, des modifications importantes sont nécessaires pour se transformer en HES. La part de formation théorique et de culture générale doit augmenter, la place de la recherche appliquée et des services devient importante, les enseignants doivent être de formation académique (sauf exceptions), etc. Par ailleurs, les HES doivent disposer d'une masse critique suffisante, ce qui oblige les établissements actuels à se regrouper d'une manière ou d'une autre pour présenter ensemble des projets de transformation en HES, le nombre total de ces dernières ne devant pas excéder 10. Mais ces regroupements ne signifient pas l'élimination des sites actuels d'établissements. Ces derniers subsisteraient (sauf de rares exceptions), tout en faisant partie d'une structure commune, dans le cadre de laquelle des synergies seraient possibles et nécessaires, par exemple pour des équipements coûteux.

Actuellement, les Chambres fédérales terminent le débat sur cette loi, qui devrait entrer en vigueur début 1996. L'ordonnance d'application est déjà en gestation, et il est à prévoir que les projets de HES doivent être déposés d'ici l'automne 1996. Certains aspects essentiels ne sont pas encore clairs, comme par exemple le champ d'application de la nouvelle loi à court terme: Est-ce que seulement les filières dites OFIAMT (ETS, ESCEA et beaux-arts) sont concernées ou toutes les filières ? Et quels sont les critères exacts à remplir pour l'obtention du label ?

A Genève, le débat est d'ores et déjà devenu polémique entre enseignants de l'EIG et DIP. Les autres établissements concernés ainsi que les acteurs socio-économiques et culturels ont été exclus du débat jusqu'à présent, ne donnant aucune chance à une réforme approfondie sur les enjeux et les multiples aspects de cette réforme.

Notre objectif, en déposant cette motion, est d'ouvrir le débat public et avant tout de mettre les principaux intéressés, c'est-à-dire les élèves, au centre des préoccupations, et de définir nos positions de manière à répondre le mieux possible à leurs besoins. Il faut donc absolument sortir du dilemne HES genevoise contre HES romande qui empoisonne le débat depuis quelques mois et d'abord poser les problèmes de fond avant de se pencher sur la question de la localisation.

Dans le cas de Genève, cette réforme concerne de près l'Ecole d'ingénieurs, ainsi que les Ecoles supérieures d'art, l'Institut des études sociales, l'Ecole supérieure d'informatique de gestion, le Centre horticole de Lullier, éventuellement les Cours commerciaux et quelques autres établissements. Par rapport, à l'introduction de filières HES à Genève, nous insistons plus particulièrement sur les cinq axes suivants:

1. Démocratisation des études

Il faut analyser l'impact de la réforme par rapport à la démocratisation des études, conçue comme l'égalité des chances pour l'accès à une formation de qualité correspondant aux aptitudes et aux désirs de chacun, indépendamment de toute considération liée à l'origine sociale ou à la situation matérielle. La démocratisation des études constitue un principe fondamental de la politique de l'enseignement à Genève et donc une priorité absolue. Genève a une politique plus généreuse et plus originale que bien d'autres cantons en la matière, héritage d'André Chavanne, et cet acquis doit être non seulement maintenu, mais constamment réactualisé et adapté aux nouveaux défis. L'introduction des filières HES peut d'ailleur offrir une excellente occasion de faire le point à ce sujet à Genève et de combler les lacunes de la démocratisation des études, par exemple dans le domaine de l'apprentissage, dans les formations universitaires, ou face à des parcours individuels particuliers.

2. Politique de concertation

Toute réflexion sur les filières HES à Genève doit tenir compte de tous les établissements susmentionnés et se faire en concertation avec tous les acteurs concernés. Il nous paraît vital que les solutions choisies tiennent compte de tous les aspects et intérêts en jeu à Genève et suscitent une large adhésion afin d'assurer leur succès, cela au profit des principaux intéressés, c'est-à-dire les étudiants eux-mêmes. Aucune réforme ambitieuse ne peut aboutir sans un climat de confiance entre tous les partenaires. Mais même dans le cadre d'une concertation, certains principes nous paraissent intangibles et donc non négociables, en particulier sur le fait que les filières HES relèvent d'établissement de droit public et que leur personnel soit sous le régime de la fonction publique. Un groupe de pilotage regroupant tous les milieux concernés (enseignants, étudiants, milieux économiques et sociaux, partis politiques, etc.) devrait être mis en place afin de développer la concertation sur ce dossier en coordination avec les autorités.

D'autre part, il serait opportun que les mutations qu'entraînera cette réforme pour les établissements concernés à Genève soient identifiées à temps et discutées avec les acteurs concernés; il s'agit notamment de la modification des cahiers de charges et des profils des enseignants, l'engagement d'assistants, la modification des structures de gestion, etc.

De toute manière, les filières HES doivent être organisées sous forme d'établissements de droit public, et le personnel concerné doit être soumis au régime de la fonction publique.

3. Organisation de l'enseignement supérieur à Genève

Offre de formation de type HES à Genève

Genève a besoin d'une offre en filière HES qui soit aussi complète que possible et dispose d'un très haut niveau de qualité. On constate ainsi qu'à Genève nous disposons de filières d'enseignement professionnel supérieur dans presque tous les domaines, sauf une filière de type ESCEA (professions commerciales et administratives), alors que l'économie genevoise est fortement axée sur le secteur des services.

L'offre actuelle doit être au moins maintenue, voire augmentée, dans les domaines des professions commerciales (le cas échéant en l'articulant autour de la nouvelle filière HEC de l'université), les filières d'excellence actuelles valorisées, et les points faibles éventuellement existants faire l'objet d'une attention particulière.

Notre souci est aussi que Genève considère dès le départ l'application de la réforme à l'ensemble des formations concernées, y compris celles à forte majorité d''étudiantes, et pas seulement les filières dites OFIAMT, et que les ressources de base nécessaires soient accordées par l'Etat, le budget actuel devant être augmenté en conséquence.

Objectifs stratégiques du canton pour l'enseignement supérieur

Il est indispensable d'arriver à une approche globale de l'enseignement supérieur dans le canton de Genève. Cela implique une synergie entre université et filières HES, en réglant le problème des passerelles, ainsi qu'une promotion active de la formation continue et du perfectionnement, compléments incontournables des formations de base.

Parcours individuels particuliers

Afin de tenir compte de l'existence de plus en plus fréquente de parcours individuels de formation très différenciés, pourquoi ne pas offrir la possibilité de suivre une formation HES à temps partiel, parallèlement à un emploi (sur le modèle des Ecoles d'ingénieurs du soir et des Cours industriels), et développer les possibilités de formation pour personnes envisageant de se recycler après une expérience professionnelle ?

Les filières HES pourraient être aussi accessibles aux gens souhaitant suivre une formation en cours d'emploi, ainsi qu'aux personnes souhaitant se recycler, avec un système d'admission sur dossier et des passerelles spécifiques pourraient être prévues pour les personnes déjà titulaires d'un diplôme ETS par exemple, afin qu'elles puissent accéder facilement à un titre correspondant HES.

Revalorisation de l'apprentissage et maintien de la filière «scolaire»

Il devient très urgent de faire le point sur la situation de l'apprentissage, surtout dans sa forme duale, et de prendre en compte le recul constant du nombre de places d'apprentissage offertes par les entreprises. De plus, des mesures doivent être prises afin de favoriser activement l'obtention de maturités professionnelles, censées ouvrir la voie aux filières HES, si l'on veut assurer à celles-ci les effectifs souhaités. Par ailleurs, la filière dite «scolaire» de l'EIG constitue une originalité très positive du système scolaire genevois et permet de préparer des jeunes sortis de la scolarité obligatoire à obtenir une formation professionnelle supérieure de qualité. Elle devrait être maintenue et des filières semblables dans d'autres domaines devraient être envisagées.

Activités de recherche appliquée et de service dans les futures HES

Le développement d'activités de recherche appliquée et de services (formation continue, transfert technologique) est l'un des principaux volets de l'introduction des HES et doit obtenir l'attention qu'il mérite, car il s'agit d'un atout précieux pour Genève et ses PME.

4. Mise en réseau des futures filières HES

Coopération régionale et transfrontalière

Nous insistons sur la nécessité de développer une perspective régionale et transfrontalière pour l'enseignement supérieur avec la région Rhône-Alpes, car la région constitue le bassin naturel de Genève. Même si les structures et les compétences sont très différentes dans ce domaine, il faut chercher à développer à court terme des collaborations ponctuelles entre établissements de type HES (échange d'étudiants et d'enseignants, activités communes dans la recherche appliquée et les services, accords de reconnaissance de titre et de diplômes) et à plus long terme une collaboration plus systématique dans ce domaine.

Suisse romande

La création de HES doit se faire de manière coordonnée à l'échelle de la Suisse romande, en agissant de manière différenciée selon les filières et les spécialisations. L'amélioration qualitative de l'offre d'enseignement supérieur passe nécessairement par l'éclatement du cadre cantonal strict, mais il faut également tenir compte de l'impact très positif de la présence de filières HES pour l'économie locale et régionale.

De toute manière, le fait de regrouper des établissements de plusieurs cantons n'amènera aucune économie budgétaire, vu les investissements qui doivent de toute manière être effectués dans les ressources humaines et matérielles de ces établissements. L'objectif qui est de développer la coordination et les synergies à l'échelle romande nous paraît éminemment louable, mais peut aussi se faire entre plusieurs HES, de même que la collaboration devra se développer avec toutes les HES en Suisse.

A notre avis, toute intégration de filières genevoises dans une ou plusieurs HES supracantonae(s) n'est acceptable qu'aux conditions suivantes:

 La démocratisation des études (conçue comme l'égalité des chances) doit être garantie par le biais de bourses d'études suffisantes en nombre et montant et par la mise à disposition de logements bon marché pour les étudiants devant se déplacer, ainsi que par la prise en compte de parcours individuels particuliers.

 Genève doit disposer sur place d'une offre complète pour toutes les filières de type HES jusqu'au diplôme, à l'exception de filières vraiment pointues, avec des effectifs minimaux, où des regroupements sont envisageables à l'échelle régionale.

 La filière scolaire doit être de toute manière maintenue, voire étendue et revalorisée.

 La répartition éventuelle des tâches et des filières au niveau romand doit se faire de manière concertée avec tous les acteurs concernés, de même que toutes les questions liées à la gestion et aux structures de l'établissement, au statut du personnel, à l'accès aux études, etc.

 Un contrôle politique et démocratique d'éventuelle structures supracantonales doit être instauré, par exemple par le biais d'une commission commune des législatifs cantonaux concernés, qui serait associée à la définition du mandat et du budget de ces structures, aux aménagements ultérieurs des filières, ainsi que la nomination de ses responsables; c'est à cette commission que ces structures devraient rendre des comptes.

5. Implantation et organisaiton des futures HES

Vu son poids relatif par rapport à la Suisse, la Suisse romande peut envisager de mettre en place 2 HES (éventuellement 3) sur les 10 pré-vues, de même que le Tessin en créera une. Créer une seule HES en Suisse romande avec 4 000 étudiants ne fait pas beaucoup de sens, vu la dispersion géographique de ses sites et l'impossibilité de gérer efficacement 20 sites différents dans une entité géographique qui n'a aucune existence réelle ou formelle. Une telle HES risque de constituer en fait une simple fédération d'écoles, juste pour créer l'illusion de la collaboration romande.

C'est pourquoi nous demandons que les options suivantes soient de toute manière étudiées et discutées dans le cadre d'une concertation élargie:

 solution multipolaire: une ou plusieurs HES romande avec 2 ou 3 pôles d'implantation, dont un pôle localisé à Genève;

 solution hétérogène: une HES de l'arc lémanique (Genève, Côte vaudoise, Valais) et une HES du Nord de la Suisse romande (Nord vaudois, Fribourg, Neuchâtel, Jura, Jura bernois);

 solution homogène: constituer 2 ou 3 HES, une HES technique (ETS), une HES gestion et commerce (ESCEA) et/ou une HES des arts appliqués et des beaux-arts et/ou une HES sociale et paramédicale;

 solution cantonale: une HES regroupant les différentes filières concernées.

Quelle que soit la solution institutionnelle choisie, nous considérons que l'implantation à Genève d'un pôle HES qualitativement et quantitativement important est absolument primordiale.

Genève a le potentiel nécessaire pour un pôle HES d'une certaine envergure (existence d'établissements de qualité et de volume relativement important dans la plupart des filières concernées par la réforme, présence du CERN et d'entreprises industrielles de pointe dans certains domaines) ainsi qu'une série d'acquis liés à la démocratisation des études qu'il s'agit de sauvegarder et de développer dans le cadre de cette réforme.

Ce pôle répondrait aussi bien aux besoins des différents secteurs de l'économie genevoise (y compris à l'échelle régionale, par exemple dans le Val d'Arve) qu'aux besoins sociaux et culturels de la population. Le secteur industriel est en crise et la formation d'un pôle de compétence technologique ne peut que contribuer à l'en sortir, pendant que le secteur tertiaire pourrait profiter d'un renforcement des formations correspondantes de type ESCEA.

Au bénéfice de ces explications, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les député-e-s, de bien vouloir réserver un bon accueil à cette motion.

(M 1011)

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- le projet de loi fédérale portant sur les hautes écoles spécialisées (LHES), actuellement soumis aux parlementaires fédéraux;

- le rôle important que joueront les hautes écoles spécialisées (HES), lequel modifiera en profondeur le dispositif de formation professionnelle aussi bien sur le plan national que cantonal;

- la nécessité vitale pour notre canton de disposer d'un éventail complet d'établissements de formation de haut niveau, dont une HES;

- la présence dans notre canton d'établissements de formation de haut niveau - école d'ingénieurs, centre horticole, écoles d'art, etc. - répondant aux critères fédéraux pour la création d'une haute école spécialisée à Genève;

- le rôle précurseur qu'a joué le «Technicum» genevois - la voie scolaire représente un atout particulièrement bien adapté à l'environnement socio-économique genevois - devenu l'actuelle école d'ingénieurs de Genève (ci-après EIG), qui est la plus grande école d'ingénieurs en Suisse romande et la deuxième sur le plan national, et dont la qualité de l'enseignement et les diplômes sont reconnus tant par les autorités fédérales que par les milieux académiques et économiques;

- les très importants investissements consentis par l'Etat pour la reconstruction de l'EIG et l'acquisition d'un équipement moderne dont il serait absurde de ne pas tirer profit pour créer une HES à Genève;

- la possibilité offerte par la création d'une HES à Genève, comprenant l'ensemble des filières existantes, qui constitue la meilleure réponse aux exigences de la démocratisation des études voulue par la population genevoise qui ne comprendrait pas que notre canton laisse échapper l'occasion et perde le bénéfice des subventions fédérales pour les HES. Une telle HES serait aussi un levier pour la revalorisation de l'ensemble de la formation professionnelle et pour l'accès au statut HES d'autres filières de formation;

- le fait qu'une HES à Genève représenterait avec l'université, les centres de recherche et d'autres lieux de formation sur le territoire genevois un environnement très propice au développement socio-économique du canton et à son rayonnement régional et international;

- le projet concret d'une HES genevoise élaboré par une commission paritaire de l'EIG (voir annexe);

- la grande erreur que constituerait la création d'une seule HES en Suisse romande, au détriment des intérêts locaux, notamment ceux des élèves, alors que plusieurs écoles de ce type sont envisagées en Suisse alémanique;

- le fait que cette option d'une HES romande est défendue par le Conseil d'Etat, alors que notre Grand Conseil n'a pas été appelé à se prononcer à ce sujet,

invite le Conseil d'Etat

- à défendre la création de plusieurs HES en Suisse romande, dont une à Genève englobant notamment l'école d'ingénieurs, en préservant sa voie scolaire, le centre horticole et les écoles d'art;

- à élaborer le dossier de candidature d'une HES à Genève.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La réforme de la formation professionnelle telle qu'elle se dessine à travers le projet de loi sur les HES représente une évolution fondamentale du système de formation professionnelle. Il importe par conséquent que cette évolution apporte des réponses positives à la nécessité de développer qualitativement et quantitativement la filière professionnelle et de doter le canton de Genève d'un dispositif de formation de haut niveau, aussi complet que possible.

Un tel dispositif est indispensable au développement économique et social et au renforcement de la position de notre canton sur les plans régional et cantonal.

La démocratisation et la gratuité des études garantissent l'égalité devant la formation et le développement des formidables potentialités de notre jeunesse.

La possibilité de créer une HES à Genève constitue une grande chance pour notre canton. La population genevoise ne comprendrait pas que cette chance ne soit pas saisie, que Genève soit marginalisée à l'intérieur de la Suisse romande et que cette dernière se contente d'une seule HES alors qu'une dizaine sont prévues par le Conseil fédéral.

La création de plusieurs HES en Suisse romande, dont une à Genève, est dans l'intérêt national, dans l'intérêt de la Suisse romande et dans l'intérêt de Genève, de sa population et de son économie. L'ouverture de notre pays vers l'Europe, vers la région Rhône-Alpes notamment, s'en trouverait élargie et consolidée.

Au bénéfice de ces explications, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un accueil favorable à cette motion.

ANNEXE

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Débat

La présidente. La lecture  de trois lettres nous ayant été demandée, je vous demande, Monsieur le secrétaire, de bien vouloir les lire.

Annexe lettres C 300 Ageeit

+ C 301 Gropue d'étudiants...

C 302 Union des syndicats...

Mme Micheline Calmy-Rey (S). Mesdames et Messieurs les députés, l'introduction des hautes écoles spécialisées en Suisse constitue une réforme fondamentale de notre enseignement supérieur, avec des conséquences importantes sur le système de formation et sur le marché de l'emploi. Cette réforme réalisera la mise à égalité des deux pôles de notre formation dualiste, théorique et universitaire, pratique et professionnelle.

Nous sommes favorables à cette réforme, d'une part, parce que nous espérons qu'elle entraînera une amélioration de la qualité de l'offre et, d'autre part, parce qu'elle permettra de sortir d'une vision purement "cantonaliste" de la formation professionnelle.

Dans le cas de Genève, cette réforme concerne de très près l'école d'ingénieurs, les écoles supérieures d'art, l'institut d'études sociales, l'école supérieure d'informatique de gestion, le centre horticole de Lullier, les Cours commerciaux et les écoles paramédicales. Il est donc vital que les solutions choisies tiennent compte de tous les aspects et intérêts en jeu à Genève et suscitent une large adhésion, afin d'assurer leur succès.

Aujourd'hui, la loi sur les HES est examinée par les Chambres fédérales avec une adoption prévue cet automne. Mais, d'ores et déjà, toute une série de décisions essentielles portant sur l'introduction des hautes écoles spécialisées ont été prises dans le cadre de la Conférence des chefs des départements de l'instruction publique et de l'économie publique, en particulier, concernant l'implantation future d'une seule formule intercantonale en Suisse romande, alors qu'aucune concertation ni consultation n'ont eu lieu. Le Grand Conseil n'a jamais été saisi de ce dossier, aucune information ne nous a été donnée.

Mesdames et Messieurs les députés, il importe, au minimum, que les forces politiques représentées dans ce Grand Conseil se préparent à un débat sur les hautes écoles spécialisées. En effet, une fois la loi adoptée au niveau fédéral, un concordat intercantonal nous sera soumis pour approbation par le parlement cantonal. Il est important que nous puissions influencer, entre-temps, les décisions.

De plus, si la Confédération a clairement accordé la priorité aux domaines qu'elle régit en vertu de la loi sur la formation professionnelle, il n'est pas interdit aux cantons d'élargir l'objectif à la conception de HES, hors du domaine réglementé par l'OFIAMT. Le canton de Berne, dans sa loi sur les hautes écoles spécialisées, actuellement mise en consultation, inclut d'emblée, dans les discussions, la planification de HES cantonales offrant des formations relevant exclusivement de la législation cantonale préparant aux professions du secteur social et de la santé et des hautes écoles d'art.

Dans tous les cas de figure, le législateur cantonal devra édicter, à la lumière du droit fédéral, des dispositions d'exécution sur les HES, mais aussi créer les bases de HES relevant de la seule compétence du canton.

Considérant ces faits, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons jugé utile de saisir ce Grand Conseil de cette question, par l'intermédiaire de la présente motion. Un certain nombre de préoccupations ont guidé notre démarche et, à vrai dire, notre motion met l'accent sur des questions de fond pour trancher ou non de l'adhésion à d'éventuelles structures intercantonales.

Les conditions d'adhésion sont les suivantes, dans notre esprit :

1) La démocratisation des études. Elle constitue un principe fondamental de la politique de l'enseignement à Genève; c'est l'héritage de Chavanne, et son maintien est prioritaire pour nous. Les hautes écoles spécialisées ne doivent pas devenir le choix d'une élite sociale, et nous insistons sur l'accessibilité des hautes écoles spécialisées, sur la gratuité des études et le renforcement des mesures d'appui.

2) L'offre de formation complète en matière de filières HES à Genève. Genève reste le canton le plus touché par le chômage. Or, la formation est un élément essentiel de réponse à la crise, en particulier de réponse à la crise structurelle que connaît notre canton. Les HES seront les partenaires idéales des petites et moyennes entreprises pour la réalisation de travaux de recherche appliquée et de développement. Elles permettront des concentrations de fonds et de savoir-faire améliorant le transfert des connaissances et des technologies entre milieux économiques et scientifiques.

Dans cette optique, évidemment, les hautes écoles spécialisées sont un élément de relance économique. Pour Genève, l'implantation d'une filière technique complète est importante. Le secteur secondaire genevois est en difficulté et tout un savoir-faire en passe de se perdre.

Genève est aussi un canton où 80% des gens actifs le sont dans le secteur tertiaire et devrait également se battre pour une filière commerciale. Enfin, nous avons des atouts uniques dans les domaines des formations de la santé, sociales, paramédicales et des écoles d'art.

En réalité, Mesdames et Messieurs les députés, Genève doit disposer d'une offre complète de filières HES jusqu'au diplôme, à l'exception des cas où les effectifs sont très faibles et les formations très pointues, où des regroupements sont envisageables au niveau supracantonal.

3) Le contrôle démocratique et politique. Il n'est pas anodin de réclamer une évolution des institutions démocratiques, notamment parlementaires, à un niveau supracantonal.

Je n'allongerai pas sur ce sujet, puisque la discussion a eu lieu tout à l'heure, mais je pense que la question d'éventuelles structures supracantonales en matière de hautes écoles spécialisées met en évidence la nécessité du débat que nous allons avoir en commission des droits politiques sur le projet de loi qui vient d'y être renvoyé.

Enfin, dernière remarque, Mesdames et Messieurs les députés, avant de conclure, nous avons cherché avant tout, en déposant cette motion, des réponses intelligentes à des problèmes réels et complexes et non pas simplement à régler des comptes politiques, en disant tout simplement non sans rien proposer.

Nous avons cherché des pistes pour avancer. Nous avons cherché, en particulier, à sortir du dilemme d'une HES romande ou rien du tout, ou d'une HES cantonale ou rien du tout. Il faut dire qu'un flou "royal" entoure la concrétisation des projets que, pour l'instant, on s'apprête à voter seulement sur des principes et que la question des regroupements ne sera abordée que bien plus tard, à partir de fin 1995. Donc, à ce stade du débat, nous ne voyons pas pourquoi il faut opter pour une seule HES romande ! Pourquoi pas deux ? Pourquoi pas trois ? Pourquoi rejeter catégoriquement une HES cantonale ? C'est en tout cas pas notre option !

L'option choisie dans cette motion est celle de débattre dans le cadre d'une concertation élargie d'une HES cantonale et d'une ou plusieurs HES romandes.

Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer cette motion à la commission de l'université. Nous sommes également favorables au renvoi de la deuxième motion qui est venue s'ajouter sur la question des HES, à la commission de l'université. Elle part des préoccupations que je viens d'évoquer, et nous l'adoptons.

M. Bernard Lescaze (R). Les deux motions qui nous sont soumises, à des titres variés et variables, ont toutes les deux le mérite de soulever devant ce Grand Conseil, comme l'a dit la préopinante, un problème extrêmement crucial en ce moment : celui des futures HES.

En effet, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes à la croisée des chemins, et il est bon que ce Grand Conseil se trouve saisi des projets, des options, des possibilités, qui s'offrent désormais aux différents départements de l'instruction publique.

De ce point de vue, il nous paraît, en effet, tout à fait nécessaire que nous soyons tout d'abord informés, car je pense que dans ce dossier - on le voit d'après les manifestations qui s'expriment dans la rue ou les articles de journaux - il y a un très grand et très grave déficit d'information. Pour cette seule raison déjà, ces deux motions méritent d'être étudiées, ce qui ne veut pas dire, bien entendu, qu'elles méritent d'être adoptées.

Il s'agit, ensuite, dans une seconde étape, de consulter et de faire une plus grande part à la concertation, ne serait-ce que pour dissiper les inquiétudes parfois bien légitimes de certains milieux directement concertés.

Il s'agit, enfin, que les députés de ce Grand Conseil qui s'intéressent à l'éducation puissent suggérer, donner des impulsions, des orientations, voire peut-être - cela ne dépend pas entièrement de nous - choisir des options.

En effet, nous devons prendre en considération l'échelon fédéral, ne serait-ce qu'en raison des subventions qui ne seront pas distribuées selon la méthode de l'arrosage. Par ailleurs, nous devons trouver des accords avec d'autres partenaires romands, et c'est pourquoi ma préférence irait vers la motion la plus ouverte - non celle qui impose la solution d'une HES genevoise - mais, plutôt, la motion socialiste qui offre plusieurs pistes. En effet, je ne pense pas que nous puissions choisir telle ou telle option dans l'immédiat.

C'est bien dans cet esprit que le parti radical accepte le renvoi de ces deux motions à la commission de l'université, avec la volonté d'écouter les partenaires à Genève dans le but d'une réelle concertation, mais sans la garantie d'avoir une HES purement genevoise.

Je regrette d'ailleurs que la motion de l'Alliance de gauche ne mentionne pas les écoles sociales et paramédicales - ce qui m'aurait paru particulièrement bienvenu - comme le fait la motion socialiste. Bien entendu, nous sommes tous encore dans le flou, et Mme Calmy-Rey a raison de le souligner, mais ce flou existe également à l'échelon fédéral, voire dans d'autres cantons. Il ne faut pas en faire grief aux uns ou aux autres. Nous sommes au début d'un long processus qui paraît important pour la formation.

Vous avez très justement souligné qu'il s'agit d'éducation supérieure, et c'est pour cela qu'il nous paraît normal que ces deux motions soient renvoyées en commission de l'université, même si les HES ne sont pas tout à fait des universités et ne le seront jamais.

Mme Nelly Guichard (PDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, l'introduction des hautes écoles spécialisées offrira donc une formation de haut niveau pour les enseignements professionnels, permettant en cela de les rendre eurocompatibles.

La Suisse, en général, et Genève en particulier, dispose aujourd'hui d'un dispositif de formation de grande qualité et dont le haut niveau universitaire est reconnu à l'étranger.

Par contre, certains diplômes, dont les diplômes ETS délivrés par l'école d'ingénieurs, ne jouissent d'aucune reconnaissance malgré leurs qualités. Vu le contexte économique difficile et la nécessité de favoriser une plus grande mobilité, il convient de combler cette lacune. Ajoutons à cela que la mobilité est aussi un plus sur le plan professionnel, plus dont bénéficient les employés tout comme les entreprises.

Or, les besoins en qualifications de haut niveau sont en constante augmentation. Nous devons donc disposer d'institutions d'enseignement supérieur de qualité pour l'ensemble des domaines et des filières reconnues comme essentielles pour la vie économique, sociale et aussi culturelle de notre société.

Comme mentionné dans l'exposé des motifs de la motion 1007, dont je tiens à relever la qualité, cette réforme fondamentale de notre enseignement supérieur aura des conséquences importantes sur le système de formation et le marché de l'emploi. Ce sera une excellente opportunité pour revaloriser la formation duale et donner une suite logique à la maturité professionnelle qui, pour le moment, débouche sur pas grand-chose.

La loi fédérale, portant sur les HES, devrait entrer en vigueur début 1996, et les projets devraient être déposés en automne 1996. Cela implique aussi que, sans bâcler le travail, il faut faire diligence. Il ne faudra pas simplement bloquer le système par des manoeuvres dilatoires, par des consultations "mammouth". Il est en effet impératif de trouver une formule de consultation des parties intéressées, qui laisse à chacun la possibilité de s'exprimer, mais ne freine pas l'efficacité.

Nous sommes soucieux de nous mettre en réseau avec les cantons romands, pour ne pas, frileusement, faire notre HES à nous tout seuls. La coopération régionale est devenue aujourd'hui incontournable, mais il convient de trouver un modèle, un fonctionnement de HES qui permette de rester en phase avec le tissu économique genevois, riche et diversifié. En effet, parmi nos nombreuses PME, il y a un potentiel d'entreprises industrielles de pointe, qui ont un rôle intéressant et important à jouer en matière de recherche, d'où la nécessité de mise en réseau des filières HES pour ne pas perdre ces atouts.

Les différentes possibilités de fonctionnement des hautes écoles spécialisées, énumérées et explicitées en pages 9 et 10 de la motion, devront être examinées afin qu'un consensus puisse être dégagé sur le projet présenté, de manière que les entités concernées se sentent parties prenantes.

Le renvoi de cette motion à la commission de l'université permettra de clarifier les enjeux et les multiples aspects de cette réforme, d'aller au-delà d'une lutte stérile : HES genevoise contre HES romande, et de savoir quelles sont exactement les écoles concernées par cette réforme. En effet, s'il paraît très clair que les hautes écoles spécialisées sont destinées à doter les professions techniques, voire artistiques d'une formation tertiaire, la situation n'est pas clairement définie au sujet des formations de type ESCEA, professions commerciales et administratives, ainsi que des professions de la santé.

Quant à la motion 1011 qui nous est soumise ce soir, nous proposons également son renvoi à la commission de l'université.

Mme Janine Hagmann (L). Mesdames et Messieurs les députés, je parlerai d'abord de la motion 1007.

Cette motion très dense amène quelques commentaires. A sa lecture, j'ai eu un peu l'impression, Mesdames les motionnaires, que vous réinventiez la roue ! A vous trois, vous proposez la restructuration de projets qui ont déjà été étudiés - je vous le rappelle - par les chefs de département des six cantons romands, ainsi que par leur "staff" depuis plus de deux ans.

Je reconnais, cependant, que votre exposé des motifs est vraiment très complet. Mme Brunschwig Graf a travaillé en concertation avec les cinq autres cantons de Suisse romande pour la mise en place d'une HES de Suisse occidentale. D'ailleurs, comme vous le savez, il s'agit d'une ordonnance fédérale, la Confédération restant maître de ce projet.

La solution d'une HES hétérogène unique de Suisse occidentale, solution qui laisse la plus grande homogénéité possible à la Romandie, HES qui regroupera environ trois mille six cents étudiants et seize à dix-huit écoles supérieures, a été décidée d'une façon consensuelle. La participation genevoise aux travaux romands a été très active. Quant à la concertation sur le plan genevois, elle a été effective : les directions et les enseignants des écoles concernées, les partenaires socio-économiques ont été régulièrement informés de l'avancement des travaux; même la commission de l'enseignement a déjà eu l'occasion d'en prendre connaissance.

Les structures d'information et de concertation déjà mises en place paraissent importantes, et il est peu évident qu'un groupe de pilotage, représentant des milieux très diversifiés, puisse jouer un rôle efficace. Ce groupe serait-il vraiment adéquat ?

Un des principaux objectifs de cette réforme, sur laquelle l'ensemble des milieux éducatifs, économiques et politiques était d'accord, est d'élever le niveau de la culture générale dans la filière professionnelle. Il va de soi que la coordination entre écoles doit être intensifiée. Comme tous les changements proposés, la création de ces HES se heurte à des réticences qui proviennent d'abord d'une peur du changement. Chacun s'accroche à ce qu'il tient, et il est difficile de changer les mentalités. Nous vivons à une époque où les distances n'ont plus du tout la même importance, mais je pense que ce n'est pas le moment de débattre de cette motion, je le répète, qui est vraiment très complète.

Ses invites méritent d'être étudiées, c'est pourquoi le groupe libéral vous propose son renvoi en commission. Nous avions d'abord pensé à la commission de l'enseignement, mais nous pensons maintenant nous rallier aux autres groupes qui demandent le renvoi de cette motion à la commission de l'université.

Le groupe libéral est aussi d'accord de faire un paquet avec la motion 1011 qui, à mon avis, est moins complète que la motion précédente; son exposé des motifs n'est pas très explicite et, visiblement, elle ne fait que suivre les consignes des syndicats.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Je remercie tout d'abord les partis qui acceptent de renvoyer les deux motions à la commission de l'université, puisque la nôtre est arrivée la dernière. J'aimerais expliquer, au nom de l'Alliance de gauche, les raisons du dépôt de cette motion.

M. Claude Blanc. Pour ne pas être en reste ! (Rires.)

Mme Erica Deuber-Pauli. Non, Monsieur Blanc, il y a une considération plus radicale à cela !

J'aimerais revenir un instant sur le poids que représente l'ensemble des écoles susceptibles d'être regroupées sous l'étiquette HES à Genève. Ces écoles ont, pour certaines, cent ans et plus. La communauté genevoise a été une communauté pionnière dans la mise en place d'écoles professionnelles, à la fin du XIXème et au début du XXème siècle. Celles-ci n'ont cessé d'être considérées comme l'un des grands piliers de l'économie, qui, à cette époque, était encore une économie essentiellement industrielle, puis de l'économie tertiaire, puis, plus récemment, de tous les secteurs de services impliquant, notamment, le social et la santé, sans parler, bien entendu, de la culture.

Nous pouvons nous féliciter, aujourd'hui, non seulement en Suisse mais dans la Communauté européenne, d'avoir des écoles professionnelles de très bon niveau. J'aimerais que cela soit considéré comme un héritage, un patrimoine qu'il ne faut pas brader. Nous avons eu le sentiment, en lisant la motion socialiste - à laquelle, bien sûr, nous adhérons et que nous soutenons - que l'affirmation de cet héritage n'était pas suffisamment marquée et que l'intérêt économique, social et culturel du maintien d'une HES dans la communauté genevoise devrait être souligné beaucoup plus radicalement. Vous le savez bien, Messieurs les radicaux, vous avez vous-mêmes défendu la création de ces écoles en son temps !

Par ailleurs, l'Union des syndicats du canton de Genève prend ce soir, également, résolument position. Pour nous, l'essentiel n'est pas qu'une HES soit absolument cantonale, mais nous pensons que l'importance de la communauté genevoise mérite que ces écoles professionnelles fassent l'objet d'une étude de création d'HES à Genève et non pas ailleurs, tout simplement parce que cette communauté est l'un des grands pôles économique, social et culturel de notre pays et que ce pôle appartient, au surplus, à une région transfrontalière, qui, elle aussi, est en plein développement et qui profite, depuis plusieurs années, de ces écoles professionnelles.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cette seconde motion, que nous vous remercions de bien vouloir examiner en ayant à l'esprit ce que je viens de dire, s'agissant de l'importance de notre héritage culturel face à l'avenir.

Enfin, les écoles ne sont pas seulement des lieux que l'on peut mettre en réseau et où une clientèle d'élèves vient se former. Ces réseaux sont d'autant plus performants que les forces sont regroupées et que les élèves reçoivent la meilleure formation possible. Une école c'est un tissu social avec des élèves, mais aussi des enseignants. Le rôle conféré à ces enseignants par l'école dans l'ensemble de la société, dans l'économie, dans le social, dans le culturel, est essentiel. S'il n'y avait pas autant d'enseignants professionnels à Genève, issus pour la plupart de la profession, il n'y aurait pas non plus ce haut degré de professionnalisme et on s'enferrerait peut-être davantage dans la routine. C'est un avantage exceptionnel d'avoir des écoles, parce que les enseignants irriguent les élèves de leur expérience, lesquels, en raison de leur obligation d'être mobiles, irriguent à leur tour la société.

Je n'aimerais pas terminer cette intervention sans dire que les accords, pris au sommet par les chefs de département de l'instruction publique de Romandie, avec, comme l'a dit Mme Hagmann, une sorte de concertation qui se résume à de l'information, ne suffisent pas. Si ces accords obéissent à des logiques budgétaires, politiciennes qui s'imposent à notre esprit, ils constituent, de toute manière, des avancées extrêmement bureaucratiques par rapport à la situation réelle que nous vivons. Ce sont des communautés cantonales à l'égard desquelles les frontières cantonales opposent des quantités énormes d'obstacles et on voudrait que ces obstacles soient levés dans le domaine de la formation et que l'on en vienne immédiatement à parler de concordats intercantonaux ! Ces décisions ne seraient pas conformes à la réalité du contexte vécu par les citoyens de ce canton.

Enfin, et en guise de conclusion, j'aimerais vous mettre en garde. Nous venons d'assister à la mise en réseau de l'école d'architecture de l'université de Genève, prénommée désormais «Institut d'architecture» et nous assistons aussi, depuis quelques jours et même quelques semaines, aux premiers signes de dysfonctionnement, suite aux accords passés avec l'EPFL. Nous aurons l'occasion de revenir sur ces dysfonctionnements extrêmement alarmants et qui ne laissent pas augurer grand bien de la suite de la coopération qui va s'imposer. Si nous voulons que la place de Genève reste performante à l'égard des réseaux, il faut qu'elle s'affirme et que ceux qui ont fait l'école professionnelle dans tous ces secteurs, enseignants et élèves, mais aussi les professionnels de l'économie et du social, se mobilisent pour affirmer un pôle extrêmement fort dans ce qui constitue encore, jusqu'à nouvel avis, une des grandes villes de notre pays.

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Au terme de ce débat, je ne reprendrai pas les nombreuses choses qui ont déjà été dites.

Je vous donnerai donc la position du groupe des "Verts" sur ces deux motions. Nous sommes d'accord pour le renvoi des ces deux motions à la commission de l'université, laquelle devrait, à cette occasion, être rebaptisée, parce qu'elle devra, à l'avenir, examiner des projets qui ne concernent pas strictement l'université.

Nous voudrions faire les remarques suivantes quant au contenu des deux motions :

- Nous sommes tout à fait d'accord avec les revendications en faveur d'une plus grande concertation. Je pense, pour ma part, qu'il n'y a pas de concertation avec le politique et que, par conséquent, la concertation doit rentrer en jeu dans toutes ces structures supracantonales, comme nous l'avons déjà exprimé tout à l'heure à propos d'une autre motion. Elle doit même être amplifiée.

- Le contrôle démocratique ou politique sur les structures supracantonales doit être envisagé. A bien des points de vue, nous sommes à un tournant, comme les préopinants l'ont exposé, en particulier sur la restructuration qui élabore des collaborations intercantonales. Ces dernières, à mon avis, sont les bienvenues dans l'instruction publique et dans la santé publique, mais il faut négocier les modes de fonctionnement de contrôle démocratique, puisque ces structures étaient moins nombreuses auparavant. Il est donc totalement justifié, dans une motion, d'envisager un mode de contrôle démocratique qui reste à inventer.

- Nous adhérons totalement à la volonté de poursuivre la démocratisation des études quelle que soit l'implantation des filières pour les ressortissants de ce canton. Nous y seront très attentifs.

Dans une concertation, on est invité à déterminer combien de HES et quelles HES on désire. Nous ne voudrions pas nous montrer démagogiques sur ce point et ne pas affirmer d'emblée qu'une HES genevoise est justifiée a priori. Le projet HES et le projet de collaboration intercantonale quels qu'ils soient nous intéressent. Le projet HES doit être un projet d'ouverture, et il ne faudrait quand même pas toujours confondre les filières avec les HES, car les filières peuvent exister dans une structure intercantonale et, donc, les filières genevoises aussi.

Pour terminer, je voudrais juste demander à M. Lescaze ce qu'il a voulu dire par, je le cite : «Les HES ne sont pas tout à fait des universités et ne le seront jamais». C'est vrai, mais la réciproque est vraie aussi : les universités ne seront pas des HES et ne le seront jamais ! Je suis d'accord avec l'affirmation de M. Lescaze seulement si on tient compte de ma deuxième affirmation, sinon pas !

M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Comme tous les intervenants l'ont relevé, le projet des HES est un projet national qui apportera de profondes modifications au système de formation. En raison même de sa complexité, c'est un projet qui doit être traité à trois niveaux :

- tout d'abord, au niveau cantonal, parce qu'il s'agit, effectivement, de préserver la qualité du système de formation et les principes de la démocratisation des études.

- au niveau régional, parce qu'il faut apprendre à travailler en réseau et à vérifier la complémentarité et la coordination des activités, des enseignements, des recherches.

- au niveau fédéral, enfin, parce qu'il s'agit d'un projet national qui fait l'objet d'une législation fédérale.

C'est un projet important et complexe : il est utile que le Conseil d'Etat puisse vous donner une information exacte et complète sur l'état du dossier et sur les solutions envisagées. Ma collègue, Mme Martine Brunschwig Graf, aurait préféré le renvoi à la commission de l'enseignement qui a déjà eu l'occasion de se pencher sur cette question, mais je constate que les différents groupes sont d'accord pour le renvoyer à la commission de l'université.

Le Conseil d'Etat vous conseille donc le renvoi en commission et s'incline devant le choix du Grand Conseil pour le renvoyer à la commission de l'université.

M ise aux voix, la proposition de renvoyer ces propositions de motions à la commission de l'université est adoptée.